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Critiques de Edmond de Goncourt (56)
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Armande

L’histoire est parfois ironique. Tout le monde connait le nom de Goncourt, mais personne n’en a jamais lu une ligne. Pas mal de gens n’ont probablement même pas idée que le prix a été nommé d’après un écrivain, et encore plus qu’il s’agit en fait de deux écrivains frères. Moi non plus je n’en avais jamais ouvert un seul avant que ma sœur, qui se chagrine devant mon inculture crasse, ne décide de combler ce manque parmi beaucoup d’autres. Merci ma grande.



Le livre est très court, ce qui facilite la découverte. La trame en est on ne peut plus simple : la jeune Armande c’est décidée à quitter Bordeaux et famille pour se lancer dans le théâtre. Le théâtre est le grenier d’une auberge, la troupe minuscule, le jeu déplorable et aucun acteur n’arrive à sortir trois répliques d’affilé sans recourir au souffleur… Mais cela rompt si bien la monotonie du petit chef-lieu où elle se produit, et Armande est si jeune, si fraiche et si charmante !



Peu d’évènements donc, et même souvent simplement esquissés en quelques phrases détournées. Ce sont les descriptions qui font la valeur du texte, et nous font découvrir la richesse du style des deux frères. Plaisantes, élégantes et spirituelles, pleines de légèreté, c’est un véritable bouquet d’épices de toutes les contrées. Au portrait soigné de la jeune fille élégante dans ses plus beaux atours, suit celui – non moins travaillé – d’un brave cochon endormi en plein milieu de son chemin. On a envie de crier « qu’elle est jolie ! » puis « oh la brave bête ! » (et quand on est cynique « oh les bonnes côtelettes ! »).



Petite découverte d’un nom qui recouvre bien plus qu’un concours, et que je compte bien poursuivre.
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Germinie Lacerteux

Je me demande bien pourquoi, alors qu'on fait (à juste titre) grand cas de Zola, ce roman des Frères Goncourt est tombé pratiquement dans l'oubli. Germinie Lacerteux est un modèle de roman social inaugurant le roman naturaliste. Trop réaliste peut-être, impitoyable sur la bêtise, l'égoïsme et la cruauté des êtres entre eux, il ne fait pas de cadeau aux classes populaires ni à la société en général.

L'histoire est simple : une jeune fille de la campagne, après bien des difficultés, devient bonne à Paris chez une vieille demoiselle un peu aigrie mais bonne et tombe amoureuse d'un aigrefin qui la mènera à sa ruine.

Les Goncourt, s'inspirant des portraits au vitriol de Balzac, ont tout réinventé :

-La façon de typer les personnages et d'amorcer le drame en présentant dès le départ les éléments qui, mis bout à bout le produiront.

-La manière d'utiliser les descriptions pour faire des tableaux extrêmement visuels et précis, plaçant ainsi le(s) décor(s) du drame, dans un espèce de poème en prose réaliste et cru.

-L'analyse rigoureuse et impitoyable de la psychologie des personnages dans le contexte d'une classe sociale étudiée en profondeur et en minutie.

-L'utilisation d'une écriture précise au vocabulaire riche et minutieux qui va à l'essentiel et n'utilise les détails que pour mieux appuyer son propos, faisant naître la vie d'éléments souvent sordides.

-La montée d'abord lente puis crescendo vers le drame et ensuite le decrescendo brutal qui, décrivant avec minutie la déchéance de l'héroïne aboutira à sa mort.

Zola nous apparaîtrait quelquefois moins brutal dans sa façon de procéder qu'Edmond et Jules de Goncourt, qui, à travers ce court roman, démontent impitoyablement les mécanismes d'une société qui broie les plus faibles. On comprend que la princesse Mathilde a pu écrire que "Germinie l'avait fait vomir". Ce n'est pas elle qui fréquentait les bas-fonds de la société du second Empire aux apparences joyeuses et frivoles, oui, mais pour qui ?

Ce livre me semble à redécouvrir autant pour le témoigage d'une époque que pour une meilleure compréhension de l'oeuvre de Zola. Si Balzac a tout inventé de l'analyse de l'âme humaine, ses successeurs l'ont dépassé en pragmatisme, en férocité et en analyse sociologique. Même si le trait est un peu forcé et que l'ensemble sente un peu trop la démonstration, cette vision d'une société matérialiste où l'amour sincère et naïf est récupéré par les malhonnêtes et les profiteurs fait froid dans le dos et sonne souvent très juste. Balzac ouvrait la porte à une possible rédemption ; ici l'enfer nous est ouvert.
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La fille Élisa

En brocante, je suis tombé sur un Goncourt. Pas le prix, l'écrivain. Je voulais voir son écriture.

"La fille Élisa", c'est la descente aux enfers de Gervaise, contre-héroïne de "L'Assommoir" de Zola.

Mais autant Zola est brillant, malgré la pénibilité de la lecture car on souffre pour Gervaise, autant c'est moins captivant ici.

Pourquoi ?

Parce que, si je me souviens bien, la déchéance de Gervaise est due à des causes extérieures.

Alors qu'Élisa la rebelle se tire constamment une balle dans le pied.

Et je ne pense pas qu'on puisse comparer le style de Zola et celui de Goncourt.

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Fin XIXè siècle, porte de la Chapelle, Paris.

Elisa est la fille unique d'une sage-femme qui a du mal à joindre les deux bouts.

Elle emploie sa fille comme femme de ménage pour les quatre chambres qu'elle met à disposition de ses pensionnaires provisoires.

Une prostituée menant la belle vie se trouve être pensionnaire.

Élisa a trouvé son "métier", mais, à part une embellie au milieu du livre, comme pour Gervaise, c'est un assommoir de contraintes que cette fille au cerveau révolté refuse en permanence, errant de "maison" en "maison".

.

La deuxième partie, alors qu'elle est condamnée dans la prison pour femmes, est plus fluide à lire, mais cette déchéance perpétuelle dégoûte le lecteur :

si Edmond de Goncourt, avec "La Fille Élisa", a cherché à dégoûter les filles de ce "métier", il y a réussi.... encore faut-il qu'il soit lu, et que les pauvres filles qui viennent, de gré ou de force, à être prostituées aient la capacité et le goût de lire ce livre.
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Germinie Lacerteux

C’est le troisième roman écrit à quatre mains par Edmond et Jules de Goncourt, publié en 1865. Il eut une genèse singulière : à la mort de leur bonne, Rose Malingre, à qui ils faisaient confiance, les frères apprennent que Rose vivait une double vie. La servante sage et dévouée cachait une toute autre femme : elle buvait, se ruinait pour le fils de la crémière, a vécu une vie sexuelle débridée, a eu des enfants cachés, elle volaient férocement ses maîtres etc. Très vexés d’avoir été abusés à ce point, ils décident d’écrire un roman à partir de la vie de Rose. Un roman où le personnage principal sera une femme du peuple, un roman qui ne va rien embellir ni dissimuler. Les deux écrivains vont se documenter, frayer dans des endroits de perdition, fréquenter des bals populaires, discuter avec des témoins.



Le roman va donc dérouler la vie de Germinie Lacerteux, de sa naissance jusqu’à sa mort. Née dans la pauvreté, elle perd sa mère, le frère que la protégeait. Violée dans sa première place, elle finit comme bonne à Paris. Elle a la chance, après divers déboires, de travailler pour Mlle de Varandeuil, qui malgré sa noble naissance a elle-même connu une vie difficile, en particulier à cause de la Révolution, mais aussi à cause de son tyran de père. Profondément généreuse, elle fait des conditions décentes, enfin pour l’époque, à sa servante, à qui elle est attachée. Mais Germinie va suivre une pente fatale. Elle perd la tête pour un jeune homme, le fils de la crémière (comme Rose), a une fille de lui, qu’elle arrive à cacher à sa maîtresse, mais la petite meurt. Le jeune homme l’abandonne, et elle finit par tomber dans l’alcoolisme, tout en courant après les hommes. Sa mort va aussi ressembler à celle de son modèle, avec le scandale des révélations après le décès.



Même si ce livre a fait scandale, et qu’il a été condamné par la plupart des critiques et même par des amis des Goncourt, il a eu aussi ses admirateurs. Flaubert écrit que « la grande question du réalisme n’a jamais été si carrément posée ». Victor Hugo dit de leur roman : « Il a cette grande beauté, la vérité ». Mais c’est un tout jeune auteur qui va le mieux apprécier cet ouvrage, Emile Zola.



Les deux frères, en particulier Edmond, ont presque considéré que Zola les a pillé, et se sont demandé pourquoi il est plus célèbre qu’eux. A la lecture de Germinie Lacerteux, l’influence est évidente. Je conseille d’ailleurs à tous les amateurs de Zola de découvrir ce roman, ils y trouveront leur compte. Mais bien évidemment, Zola va y ajouter autre chose, notamment une construction romanesque plus efficace, le roman des Goncourt étant plutôt constitué de scènes superposées, très efficaces chacune dans leur genre, mais sans véritable progression dramatique, ni évolution cohérente du personnage. Même si les scènes de genre dans les différents lieux sont très bien rendus, il n’y a pas d’analyse sociologique globale d’un environnement, comme Zola saura le faire, dessinant toute une série de personnages convaincants, alors qu’à part Germinie, et pendant un moment Mlle de Varandeuil, tous les autres personnages sont un peu des comparses, voire des silhouettes chez les Goncourt.



Mais c’est à mon avis un très bon roman, qui décrit une réalité sordide de manière précise et vraie, sans reculer. Pas par goût de l’abject ou de la saleté (les poux que Germinie récolte dans son voyage vers Paris ont beaucoup choqué dans la bonne société) mais pour rendre compte. Ces deux frères qui manifestaient un tel dégoût du peuple dans leur Journal, ont peint leur personnage avec une forme d’empathie, comme ils montrent aussi à l’arrière fond la condition cruelle des femmes. Sans apitoiement ni sentimentalisme, mais en mettant devant les yeux des réalités crues, que l’on préfère ne pas voir. Comme ces abominables chambres de bonnes, pas chauffées, étouffantes en été, minuscules. Aucun romantisme, aucune rédemption, une sorte d’anti-romanesque aussi, avec ces différentes scènes qui se suivent, sans enchaînement narratif à tout prix. Ce qui d’une certaine manière donne un côté très actuel au roman, capter la vie du personnage dans ses instants forts, dans le moment qui passe.
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Germinie Lacerteux

Pour une première fois que j'ai eu cette épineuse curiosité d'ouvrir enfin une oeuvre du duo Goncourt,, je me reproche à présent d'avoir tardé à lire

Germinie Lacerteux-, autant dire, c'est une magnifique découverte! Quel destin, que celui de Germinie Lacerteux! Pour ne pas dire la double vie de

Germinie Lacerteux! Orpheline, expédiée comme un coli en ville pour se trouver une place, Germininie sera confrontée à une vie qui n'aura qu'à perturber à chaque fois son équilibre émotionnel. ...
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Germinie Lacerteux

Etonnante autant qu'émouvante découverte du tragique destin de Germinie Lacerteux, magnifié par plume des frères Goncourt, et qui fait comme un pont entre la Comédie humaine et les Rougon Macquart.

Publié en 1865 à presque équidistance des deux oeuvres, le roman emprunte à Balzac la peinture de moeurs à travers un destin singulier (en particulier dans le chapitre dédié à la maîtresse de Germinie, Mademoiselle de Varandeuil, parfait de bout en bout) et préfigure les grands romans sociaux de Zola. L'écriture elle-même m'a rappelée l'un et l'autre.



Le dossier qui accompagne l'édition que j'ai eu en main apporte un éclairage passionnant à cette oeuvre, rappelant que le personnage de cette petite bonne à la double vie fut inspiré aux frères Goncourt par la leur, Rose, dont ils ne découvrirent qu'à sa mort que derrière la figure de probité et d'humilité servile se cachait un tempérament de feu, des amours borgnes et douloureux, des dettes et un alcoolisme dévastateur et honteux.

Ainsi naquit le personnage de Germinie, gamine des campagnes envoyée à Paris, apprenant la vie par petites bribes au fil de ses placements auprès de tous les types de "Madame" que présentait la bourgeoisie, pour atterrir enfin au service d'une vieille noble déchue, elle-même bien amochée par la vie et qui la prend sous son aile.

Mais de cet ancrage sécurisé, Germinie va déchoir irrémédiablement pour les motifs qui ont fait chuter Rose, donnant lieu à des scènes absolument bouleversantes de femme bafouée, manipulée mais continuant d'aimer à la folie, tentant de racheter l'amour perdu jusqu'à la perdition, et d'oublier ses souffrances jusqu'à l'abjection.



Le dossier s'achève sur le papier louangeur qu'en fit un certain Emile Zola, et sur les lettres de félicitations aux auteurs de rien moins que Messieurs Flaubert et Hugo; c'est dire si ce court roman peu connu, conspué pour indécence gratuite à sa sortie, mérite de retrouver sa place entre ses aïeux et descendants.

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Journal des Goncourt, tome 3

La lecture du tome III du Journal d'Edmond de Goncourt, de 1887 à sa mort en 1896, offre moins de plaisirs littéraires que les précédents. On y trouve moins de pages ciselées comme des émaux, moins de cruautés amusantes et peut-être même moins d'acuité de lecture et de jugement. L'homme vieillit, s'aigrit, le cercle de sa vie se referme sur des mondanités et des copinages littéraires plus ou moins sincères, jalousies, médisances, calomnies, dîners et rencontres rarement intéressants. Metteurs en scène, acteurs, actrices, directeurs de théâtre défilent, avec de puissants journalistes aujourd'hui bien oubliés. Cela trafique, marchande, négocie, et ce monde du théâtre joue un rôle décisif dans la carrière du romancier : comme Zola et tous les autres, Goncourt sait bien que ses livres imprimés n'auront de lecteurs que s'ils sont adaptés au théâtre. Ce volume est donc un document étonnant sur ce milieu à la fin du XIX°s. Le journaliste acquiert une influence déterminante, il fait et défait les succès, les échecs de la scène, la recette et les bénéfices de la salle. Un univers disparu de vieilles haines et rancunes recuites se trouve ici : l'écrivain prophète, le grand esprit dominant de 1830 est devenu l'esclave de journalistes illettrés, corrompus et malveillants. L'asservissement contemporain de la littérature à la presse commence ici, un peu plus d'un siècle avant nous. L'époque étant ce qu'elle est, M. de Goncourt est en plus d'un antisémitisme féroce, il se lie avec le Drumont de "La France juive" et du parti antisémite et suit de loin l'Affaire Dreyfus. Enfin, heureusement, il demeure l'esthète découvreur de l'art japonais qui savait charmer au tome II, mais les estampes et les objets cèdent la place à des considérations sur le marché des antiquités japonaises et sur les variations des prix. L'ère Meiji correspond en effet à un grand ménage par le vide des trésors du Japon ancien, qui affluent en Europe et en Amérique : un vrai marché se développe, et Goncourt côtoie Guimet, l'orientaliste fondateur du musée du même nom, une des merveilles d'aujourd'hui. C'est en somme un volume de journal : de l'ennui, des redites, des anecdotes, de bons endroits.



Un avantage suffira seul à faire acheter ce volume : l'index final des noms, de tous les noms figurant dans les trois tomes du Journal.
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Madame Gervaisais

4ème de couverture du Folio Gallimard

Rome, la Ville sainte avec ses innombrables églises ténébreuses et étincelantes comme des grottes illuminées, la Ville solaire avec la vie grouillante de son peuple, l'enchantement de ses jardins, de ses fresques, de ses ruines, tout cela revit dans Madame Gervaisais, le dernier roman écrit par les frères Goncourt avant la mort du plus jeune, Jules, en 1870. Admirable témoignage sur la capitale du Baroque, ce roman est aussi un portrait de femme, dans la lignée des héroïnes douloureuses de la peinture, du roman et du théâtre fin-de-siècle. En organisant la rencontre entre la féminité ecclésiastique de Rome et la féminité parisienne de Mme Gervaisais, les Goncourt ont découvert la formule que Barrès rendra célèbre : Du sang, de la volupté et de la mort.
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La fille Élisa

Avec "Elisa", Edmond de Goncourt s'avère le champion des phrases tarabiscotées, indigestes et parfois même carrément incompréhensibles. Etonnant de la part d'un censeur et juge suprême des écrivains de son temps.



Quant à l'histoire d'Elisa, jeune prostituée devenue criminelle, elle nous émeut fortement et la démarche de l'auteur dénonçant les hypocrisies d'un système est une noble intention.

J'avais souvent en tête le film "Apollonia, souvenirs d'une maison close", film esthétiquement magnifique et moralement troublant qui mettait en scène de façon efficace mais sans voyeurisme la vie des prostituées d'une maison close mondaine, au 19e siècle.

En consultant le Net, j'apprends qu'un film inspiré du roman a été réalisé en 1957 par le cinéaste Roger Richebé.
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Germinie Lacerteux

Après Zola et Balzac, je cherchais des auteurs classiques à lire. Quoi de mieux que les frères Goncourt avec Germinie Lacerteux.

La double vie d'une bonne racontée dans ses détails les plus sordides. Un récit souvent pesant et très triste, mais tellement bien écrit que je ne regrette pas de l'avoir lu.
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Manette Salomon

Dur d'être artiste-peintre au milieu du XIXème siècle...(!)



Ecrit dans un français d'une richesse remarquable - contrastant fortement avec nos productions actuelles, à croire que notre langue s'est profondément appauvrie - les descriptions abondent de détails - en particulier dans la technique picturale - et nous dévoilent nombre de facettes du monde des artistes-peintres, monde difficile à bien des égards.

En arrière-plan et en opposition, le personnage de Manette Salomon est décrite en des termes misogynes et antisémites (à remettre dans le contexte de cette moitié du XIXème) et est tenue responsable de substituer l'art véritable en commerce à profit.

Lecture difficile mais prenante, à découvrir entre Balzac, Zola ou Huysmans.
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Madame Gervaisais

Ecrit par les frères Goncourt, je m'attendais à ce que ce roman soit un texte naturaliste, voire social. Or, il pourrait avoir été écrit au début du XIX ème siècle, par un auteur romantique. En effet, de nombreuses pages sont consacrées à la description de Rome, de ses ruines, de ses églises et de ses oeuvres d'art. Cela permet des réflexions sur l'écoulement du temps, la fragilité des civilisations, la puissance de Rome et sa chute, la grandeur du christianisme, la beauté des arts antiques et baroques. On peut retrouver de telles idées chez Mme de Staël, George Sand, Alexandre Dumas... Je pense ainsi au portrait du Colisée au clair de lune, classique semble-t-il du « Grand tour » des jeunes gens du grand monde aux XVIII ème et XIX ème siècles, présente dans le Comte de Monte-Cristo comme ici. Autre thématique qui est fréquente chez les écrivains romantiques, la toute-puissance de la Compagnie de Jésus : les Jésuites sont présentés comme un ordre secret qui a pour objectif de diriger le monde avec ses espions présents partout ; c'est ce que l'on trouve chez plusieurs feuilletonistes du XIX ème siècle comme Dumas, Sue...

C'est ensuite le portrait d'une femme, d'une veuve qui se replie sur son amour maternel. Là encore, ce n'est pas très original. Ce qui l'est d'avantage, c'est que le portrait de Mme Gervaisais est un portrait tout intellectuel et moral – à peine son âge ou sa couleur de cheveux sont-ils évoqués. Et c'est le portrait d'une philosophe, qui a cultivé sa raison, son esprit critique, et même son esprit voltairien - dans le sens d'athéisme. Elle est exceptionnelle pour son temps, trop intelligente et cultivée, une femme à part, ce qui déplaît à son mari jaloux. C'est un esprit fort, inhabituel chez une femme du XIX ème siècle.

Cependant, celle-ci se convertit et devient une dévote fanatique devenue complètement dépendante de son confesseur. En termes actuels, on dirait qu'elle sombre dans une dépression, ce qui en fait une proie pour un manipulateur, un pervers narcissique qui l'entraîne dans sa secte. Il est assez effrayant d'assister à son effondrement, surtout celui de sa conscience et de son intelligence, jusqu'à son amour maternel qui est annihilé.

De belles descriptions, mais bien trop longues avec des successions de listes - listes des églises, listes des dignitaires ecclésiastiques, listes des statues..., un rythme très - très - lent avec un temps dominant qui est l'imparfait, et des situations parfois caricaturales. A ne pas lire comme un roman naturaliste, mais comme un roman romantique anachronique.
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Renée Mauperin

Quand on lit un roman des frères Goncourt, toujours la même interrogation qui ressurgit : alors, c'est mieux que Zola ou moins bien ? Je ne vais pas rentrer dans le débat, mais il est vrai qu'on a l'impression d'être en terrain connu, « l'histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire » pour reprendre le sous-titre des Rougon-Macquart – même si l'action se passe plutôt sous la Monarchie de Juillet. Ici, la famille présentée est celle des Mauperin, une famille de la grande bourgeoisie parisienne, entre son hôtel parisien, sa maison de campagne, son jour de réception, ses promenades au Bois ou ses sorties à l'Opéra. La modernisation du pays de la seconde moitié du XIX ème siècle est visible par l'origine de la fortune familiale, une sucrerie. Les ouvriers ne sont cependant présents que dans l'arrière-plan, aucun d'eux n'accède au statut de personnage.

Ce roman n'est donc pas un roman social, ni même sociologique. Le milieu fréquenté n'est qu'un cadre aux actions des personnages, pas un objet d'analyse en soi.

Au sein même de la famille et de ses relations, seuls quelques individus seulement sont caractérisés, leur psychologie développée. Le prêtre mondain, la mère de famille dévote mais pécheresse, et le jeune homme ambitieux et calculateur, ne sont pas des caractères véritablement originaux. Il y a des longueurs dans les descriptions d'un salon, les bavardages mondains, l'allusion aux courtisanes est déjà lue ailleurs...

C'est donc surtout le personnage de Renée qui est intéressant, notamment dans sa relation avec son père ; intéressante et émouvante. Ce type d'amour est, me semble-t-il, relativement peu présent dans la littérature du XIX ème siècle, moins en tout cas que les relations mère-fils, ou mère-fille. M. Mauperin est un officier de l'Empire, l'image même du soldat, de l'homme viril pourrait-on dire. Or, il joue avec sa fille quand elle est petite, s'occupe de sa tenue de bal, lui sert de garde-malade... De son côté, Renée aime tellement son père qu'elle ne veut pas le quitter, refusant les prétendants car aucun ne pourra être à sa hauteur. On pourrait presque voir un renversement des genres dans la famille, avec une fille sportive – les premières phrases nous la décrivent en train de nager et de discuter de façon libre avec un jeune homme dans une rivière, ce n'est pas le modèle de la jeune ingénue, qui dit ce qu'elle pense, refuse le mariage ; le père, lui, pourrait avoir des qualités associées traditionnellement au féminin.

Cependant, je dois avouer que le dernier tiers du livre m'a surprise, je m'attendais au retour à quelque chose de plus convenu, plus classique, un retour à la norme. J'ai donc trouvé la fin assez dure, mais en même temps très émouvante car pleine d'amour.

Ne comparons donc pas les Goncourt et Zola, lisons juste un bon roman quand on le trouve.
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Soeur Philomène

Comme j’adore les Goncourt et leur époque à nulle autre pareille, encore nimbée de cette plume aristocratique et artiste qui disparaîtra assez rapidement dans les décennies à venir, j’ai complété ma collection avec cet opus très réaliste et en même temps émouvant.

Je ne raconterai pas la trame, mais conseille la lecture aux lecteurs adorant cette fin siècle à la fois mélancolique et mouvementée. Avec un progrès de plus en plus bienfaisant et terrible à la fois, des cœurs épris et tourmentés tout autant, et tout autant modernes que ceux d’aujourd’hui.
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Germinie Lacerteux

Germinie Lacerteux défini en une phrase, ce serait l’anti Assommoir.

En effet, là où Zola semble se délecter de la déchéance de Gervaise, les frères Goncourt, quant à eux, proposent un portrait de fille du peuple – malheureuse –nettement plus nuancé, fin et empathique ; ce qui ne laisse pas d’étonner lorsque l’on sait, par ailleurs, avec quelle piquante cruauté ils brossaient les portraits de leurs contemporains, dans leur fameux Journal.

Sans doute, l’inspiration du personnage de Germinie n’est-elle pas étrangère à l’humanité que recèle leur roman. Car derrière Germinie se dessine en filigrane leur servante Rose qui, elle aussi, avait une double vie, ainsi que les auteurs le rapportent dans leur Journal : « Elle entretenait des hommes, le fils de la crémière, auquel elle a meublé une chambre, un autre auquel elle portait notre vin, des poulets, de la victuaille… Une vie secrète d’orgies nocturnes, de découchages, de fureurs utérines […] Une passion, des passions à la fois de toute la tête, de tout le cœur, de tous les sens, et où se mêlaient les maladies de la misérable fille, la phtisie qui apporte de la fureur à la jouissance, l’hystérie, un commencement de folie. […] Et à l’égard de ces hommes, c’était une ardeur si extravagante, si maladive, si démente, qu’elle — l’honnêteté en personne autrefois — nous volait, nous prenait des pièces de vingt francs sur des rouleaux de cent francs, pour que les amoureux qu’elle payait ne la quittassent pas.

Or, après ces malhonnêtes actions involontaires, ces petits crimes arrachés à sa droite nature, elle s’enfonçait en de tels reproches, en de tels remords, en de telles tristesses, en de tels noirs de l’âme, que dans cet enfer, où elle roulait de fautes en fautes, désespérée et inassouvie, elle s’était mise à boire pour échapper à elle-même, se sauver du présent. »

Mais on n’écrit pas une grande œuvre avec juste du vrai, et les innombrables romans-témoignage, qui nous infligent aujourd’hui leur indigence littéraire, sont là pour le démontrer. Ce qui fait la grandeur – tragique – de Germinie Lacerteux c’est non seulement son style mais encore sa force évocatrice, comme dans ce passage significatif entre tous : « Les jours succédaient aux jours pour Germinie, pareils, également désolés et sombres. Elle avait fini par ne plus rien attendre du hasard et ne plus rien demander à l’imprévu. Sa vie lui semblait enfermée à jamais dans son désespoir : elle devait continuer à être toujours la même chose implacable, la même route de malheur, toute plate et toute droite, le même chemin d’ombre, avec la mort au bout. »

Sur le fond, on pardonne tout à Germinie et l’on accable sans retenue les instruments de son malheur, tout en remerciant la Providence de lui avoir accordé une femme qui, elle aussi, a eu son compte de souffrances : mademoiselle de Varandeuil, sa maîtresse, qui, sa colère passée après découvert l’autre vie de sa domestique, comprendra que le malheur de Germinie était cause de ses agissements insensés et désespérés.

Car pour mademoiselle de Varandeuil, Germinie, « ce n’est pas une bonne, ce n’est pas une domestique pour moi, cette fille-là : c’est comme la famille que je n’ai pas eue !... » Aveu déchirant qu’il eût été bon de faire plus tôt à l’intéressée en mal d’amour au point de se jeter dans les excès les plus dévastateurs, dans les bras de créatures malintentionnées qui écumeront toujours le monde à la recherche d’âmes sincères à pervertir et détruire.

Tout cela est raconté avec une acuité psychologique qui me fait dire – ainsi qu’à d’autres ! – que Freud n’est pas tombé du Ciel. D’autres avant lui avaient pensé les souffrances psychiques…



De Germinie Lacerteux je ressors avec une indéfinissable tristesse et j’en remercie ses auteurs car, ainsi qu’ils l’ont écrit dans leur préface : « Le public aime encore les lectures anodines et consolantes, les aventures qui finissent bien, les imaginations qui ne dérangent ni sa digestion ni sa sérénité : ce livre, avec sa triste et violente distraction, est fait pour contrarier ses habitudes et nuire à son hygiène. »

C’est la définition même de la littérature, je crois…



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Deux sous de vérité

Morceaux choisis du Journal des Frères Goncourt.

Avant même de commencer la lecture, deux aspects du livre m’avaient mis l’eau à la bouche : l’objet lui-même, belle couverture, belle qualité de papier ; la promesse de lire des maximes et autres perles de ce Journal jusqu’alors inconnu me réjouissait.

Je n’ai pas été déçue. Tour à tour cyniques, égrillards ou littéraires, ces bons mots sont un vrai plaisir de la langue et surprennent tant la légèreté du ton est à mille lieux du sérieux qu’inspire le Prix littéraire mis en place par les frères Goncourt.

Un autre attrait de ce livre est que son format permet de l’emporter partout avec soi et son contenu n’étant pas narratif, il apporte un peu de légèreté pour quelques minutes disponibles.

Enfin, les illustrations du fameux Boll ajoutent au sel particulier de cet ouvrage.

Un beau cadeau à faire ou à se faire

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Journal des Goncourt, tome 1

On se moquera de moi si je dis que ce livre est fait de pages ... Pourtant, c'est bien le cas : la seule unité de ce journal est le passage du temps, et chaque "page" semble un texte à faire, une vignette, une miniature, un récit, un instantané de la vie des frères Goncourt. Bien sûr, c'est la loi du genre, mais dans le cas de ces auteurs, cette loi du genre devient une manière d'écrire et de percevoir le monde en images, en mots et en scènes disparates, toujours variés, toujours écrits avec le plus extrême soin, même dans l'ordure. En somme, le Journal des Goncourt est une plongée dépaysante dans le Paris du Second Empire, livre voyageur à recommander à tous les amoureux de la belle langue et du style un peu rococo, livre kaléidoscopique.
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Germinie Lacerteux

LE VIOL DE GERMINIE





Dans l'établissement il ne resta que Germinie et Joseph, le vieux garçon. Joseph était occupé dans une petite pièce noire à ranger du linge sale. Il dit à Germinie de venir l'aider. Elle entra, cria, tomba, pleura, supplia, lutta, appela désespérément…

La maison vide resta sourde.



Voyez avec quelle sobriété et quelle économie de moyens les deux frères évoquent le viol de Germinie. Tout est suggéré et laissé à l'imagination de lecteur. Certains (es) de nos écrivains (es) modernes qui se complaisent à nous décrire crûment et avec force détails -plus ou moins croustillants - de telles scènes auraient bien fait de s'en inspirer. Encore eût-il fallu qu'ils connaissent cette oeuvre, ce dont on peut douter !

le roman des Goncourt est l'analyse « scientifique » du cas de Germinie . Sans cesser de se dévouer à sa patronne, elle connaît l'ivresse, le vol, le viol, la débauche, la dépravation, la maladie, la mort et enfin la fosse commune. Mais « ce n'est pas l'histoire qui fait un bon roman, c'est le style » disait D Ormesson. Et comme vous pouvez le constater dans l'extrait présenté, chez les Goncourt, le style n'est pas un vain mot. Et tout est à l'avenant. Un vrai régal.

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Germinie Lacerteux

Les frères Goncourt !

Chaque année, on prononce leur nom, mais qui à lu leur oeuvre ?

Vous peut-être , Bravo !

Personnellement j'avoue avoir attendu des années avant de soupçonner l'existence de "Germinie Lacerteux", et encore moins de "Soeur Philomène".

Pour vous présenter l'ouvrage, je vous soumets un extrait de la préface de la première édition, écrite par les Goncourt eux-même.



"Le public aime les romans faux : ce roman est un roman vrai.

Il aime les livres qui font semblant d'aller dans le monde : ce livre vient de la rue.

Il aime les petites oeuvres polissonnes, les mémoires de filles, les confessions d'alcôves, les saletés érotiques, le scandale qui se retrousse dans une image aux devantures des libraires ; ce qu'il va lire est sévère et pur. Qu'il ne s'attende point à la photographie décolletée du plaisir : l'étude qui suit est la clinique de l'amour.

Le public aime encore les lectures anodines et consolantes, les aventures qui finissent bien, les imaginations qui ne dérangent ni sa digestion ni sa sérénité : ce livre est fait pour contrarier ses habitudes et nuire à son hygiène."



Vous voilà prévenus !



Heureusement, au-delà de leurs écrits (Le journal y-compris) ils ont crée une dotation annuelle à partir de leur héritage permettant d'entretenir un comité qui récompense chaque année des oeuvres de création originales.



A vous de juger !

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Germinie Lacerteux

« Le premier roman sur le peuple, qui ne mente pas et qui ait l'odeur du peuple ». Il faut croire que Zola, à travers cette phrase, fut quelque peu dépassé par les évènements... En effet, les Goncourt nous font déjà visiter cet élan d'alcoolisme, de prostitution dans une atmosphère malsaine, impure qui règne dans la basse couche sociale parisienne. Germinie future Gervaise ? Ce qui semble clair, c'est que Les Goncourt seront précurseurs du naturalisme et Zola de la sociologie...

Roman à lire!
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