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Critiques de Eduardo Sangarcía (48)
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Anna Thalberg

En ce tournant du XVIIe siècle, Anna Thalberg, une étrangère rousse de vingt-deux ans dont l’éclat attire un peu trop le regard des hommes pour ne pas contrarier leurs épouses, mène avec son mari Klaus l’existence paisible des paysans de Bavière, lorsque, fort opportunément dénoncée pour diverses diableries par sa voisine – depuis son arrivée au village, des nourrissons sont morts, la sécheresse sévit, on l’a même vue chevaucher une chèvre dans les airs –, elle est arrêtée et transférée dans les geôles de Wurtzbourg en attendant son procès pour sorcellerie.





Malheureusement pour elle, son sort dépend du prince-évêque catholique de Mespelbrunn, contre-réformateur bien décidé à débarrasser la région des hérétiques idées luthériennes, fût-ce par le biais de la persécution et au moyen d’une chasse aux sorcières qui, dans tout l’évêché de Wurtzbourg, va causer la mort de neuf cents personnes. Désormais entre les mains d’un examinateur déterminé à la voir finir sur le bûcher pour le bien-être de la ville et du diocèse, Anna ne comprend pas encore qu’elle a beau être innocente et ne pas cesser de le clamer malgré l’atrocité des tortures qu’on lui inflige, il n’existe plus pour elle que deux alternatives : être brûlée vive ou déjà morte, selon qu’elle persiste à nier ou qu’elle se résolve à des aveux.





Relaté avec force détails éprouvants, le supplice d’Anna, en l’occurrence fille de charpentier, n’est pas sans évoquer la passion du Christ : lui, convaincu jusqu’au bout que Dieu ne l’abandonnera pas ; elle, longtemps confiante en la force de son innocence et de la vérité. Si la jalousie et la peur ont motivé la calomnie et la délation à l’encontre de la jeune femme, sa condamnation est le fruit de convictions fanatiques, qui, au nom de la religion et du Bien, mènent au pire des hommes follement persuadés de détenir la vérité. A ce radicalisme aveugle répond l’inflexible résistance d’Anna, qui ne sauvera certes pas sa vie, mais saura, en un très ironique dénouement, prendre le Mal à son propre piège. A user de la violence et de l’arbitraire, ne s’expose-t-on pas toujours à un retour de feu ?





Animé par le ressac de longues phrases sans fin, où les paragraphes s’enchaînent comme autant de vagues signalées chacune par un retrait, le texte s’épand comme un irrépressible raz-de-marée, emportant personnages et lecteur au bout d’une folie absurde et destructrice touchant à l’insupportable. Cette cohérence parfaitement étudiée entre la forme et le fond parachève la puissance de cette dénonciation des fanatismes, extrémismes et radicalismes de tout poil, en particulier religieux et politiques, pour en faire simultanément une œuvre littéraire dont il n’est pas étonnant qu’elle ait valu à son auteur le prestigieux prix Mauricio Achar.


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Anna Thalberg

"Pour les religions monothéistes (principalement le judaïsme, le christianisme et l'islam), la sorcellerie fut souvent condamnée et considérée comme une hérésie. La notion de sorcellerie prit une certaine importance pour les chrétiens à partir des xive – xve siècles, l'apogée des chasses aux sorcières ayant eu lieu au xviie siècle. À cette époque la sorcellerie a progressivement été assimilée à une forme de culte du Diable. Des accusations de sorcellerie ont alors été fréquemment combinées à d'autres charges d'hérésie contre des groupes tels que les Cathares et les Vaudois. Certains groupes anciens ou modernes se sont parfois plus ou moins ouvertement réclamés d'un culte « sataniste » dédié au mal."



À partir de ces informations glanées sur Wikipédia, il est facile de faire des associations historiques, littéraires, "culturelles" ; Jeanne d'Arc est sans aucun doute la plus "célèbre" des sorcières françaises, celles de Salem d'outre-Atlantique, ceci dit sans faire offense à Samantha Stephens, Hermione Granger, aux soeurs Sanderson, à Sabrina Spellman, ou bien encore à l'inquiétante Maléfique...



Ceci pour tendre à montrer qu'il reste de cette notion de sorcellerie et de sorcier des résidus culturels et j'irais même jusqu'à supposer... cultuels, rituels, spirituels, voire une ou des empreintes psychogénétiques...



C'est dire si cette histoire de sorcellerie nous a durablement marqués.

C'était originellement fait pour cela.



L'Inquisition, qui veut dire enquête, est une enfant légitime de l'Église, qu'elle fait naître au XIIIe siècle.

Afin de se défaire de ses brebis galeuses, elle soumet, la plupart du temps, la (le) soupçonnée d'hérésie, de sorcellerie, à la question.

Ce n'est pas dans ce roman, dont je vais finir enfin par vous parler, que j'ai lu les scènes les plus crues sur ces horreurs mais dans celui de Jean Teulé - Je, François Villon -... ; Teulé n'avait pas son pareil pour nous montrer, presque nous faire toucher, sentir la "charogne" qu'un bourreau, un écorcheur déchiquetait, laissait macérer avant de la réduire en cendres sur le bûcher des innocents.



Quelque part entre le XVIe et le début du XVIIe siècle, dans la petite bourgade "allemande" d'Eisingen, non loin de Wurzbourg, une jeune et belle paysanne, Anna Thalberg, est brutalement arrêtée, enlevée dans sa chaumière par des hommes de main mandatés par l'Église.

On l'encagoule d'une capuche "qui sent la transpiration et la salive rances", on la jette ventre contre terre dans une charrette ; un des hommes l'écrasant de son pied pour lui interdire tout mouvement.

Anna est belle, elle a une chevelure rousse, sa peau est tachée de son, elle a des yeux de miel, des yeux comme un loup.

Son pêché ou sa faute ?

Sa beauté qui a fait naître la jalousie dans la tête et dans le coeur de certaines femmes, dont Gerda sa délatrice.

Et c'est une "étrangère" ; elle n'est pas d'ici, elle n'est dans le village que depuis deux ans.

" La rousse, l'étrangère aux yeux de miel comme ceux d'un loup, à la peau saupoudrée de taches de rousseur comme un serpent venimeux."

Les hommes l'emmènent à Wurzbourg où elle va être jetée dans l'un des cachots noirs de la tour aux sorcières... avant d'être soumise à la question par un bourreau.

Elle est donc accusée de sorcellerie.

Ses chances de survie sont nulles.

Dans le "meilleur" des cas, elle avoue et ses bourreaux auront l'indulgence de l'étrangler avant de la brûler.

Soit elle n'avoue pas et ce seront les flammes sans "rien".

Pendant trois longues semaines Anna va faire face à la question avec un courage surhumain, puisant en elle des ressources qui vont ébranler certains de ses tortionnaires.

Jamais elle ne baissera les yeux devant Melchior Vogel, le grand inquisiteur, l'incarnation du mal.

Durant ces trois semaines de Calvaire, Klaus son pauvre mari la cherchera et tentera auprès de Friedrich, le curé dans le doute de leur village, de tout faire pour la sauver.

Pendant ce temps, Anna aura de longs entretiens avec Hahn, le confesseur inquisiteur.

Pendant ce temps, alors que les ecclésiastiques s'évertueront à donner l'apparence de la vérité à leurs délires, la "sorcière" se servira de la seule baguette magique en son pouvoir : son intelligence...



Il y a plusieurs lectures de ce court et brillant roman.

- Une lecture littérale, j'entends par là une histoire de sorcellerie basée sur des faits réels.

- Une lecture historique, laquelle histoire est bien retranscrite par l'auteur ; la période faisant référence au prince-évêque Jules Echter von Mespelbrunn entre 1573 et 1617 est celle dont il est question dans cet ouvrage, et il est par conséquent assez logique de lire qu'"On estime que dans l'évêché de Wurtzbourg, 900 personnes ont été brûlées, dont 200 dans la ville."

- Une lecture politique. Par là je veux signifier que les sorcières, l'Inquisition et l'hérésie ont été un "excellent moyen" trouvé et prétexté par les puissants pour asseoir et sauvegarder leur pouvoir.

- Enfin, une lecture que je qualifierai de "philosophique" ; le sujet de la réflexion portant sur les excès imputables aux fanatiques de la "vérité", du "savoir", de la croyance, comme le montre si bien ce petit roman.



Impossible de terminer sans dire quelques mots de la belle plume ciselée d'Eduardo Sangarcia, de ses trouvailles formelles matérialisées par des phrases décalées, des chapitres dans lesquels les dialogues et les pensées des personnages se font sur deux niveaux, et où le texte, dans son intégralité, n'a pour ponctuation que quelques virgules.

Tout ça fait de la très bonne littérature et un très bon premier roman.



Lu dans le cadre d'une Masse Critique.











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Anna Thalberg

Il est de ces livres dont la forme prend une place prépondérante, à elle-seule une histoire dans l’histoire. Anna Thalberg en fait partie.



Il est de ces textes qui perturbent autant par le contenu que par le contenant ; voyage dans le passé marquant et virée étrange à travers les mots. Et leur mise en forme, leur mise en page.



150 pages, ça peut paraître peu, et pourtant sa densité et son ampleur coupent si souvent le souffle qu’il faut prendre le temps pour accepter / déguster / supporter / s’imprégner de ce livre hors norme. A tous les niveaux.



Vous n’avez jamais lu un livre comme Anna Thalberg, je peux vous l’assurer.



Premier chapitre, première expérience. A s’acclimater, à apprivoiser, à assimiler. Temps d’adaptation nécessaire pour comprendre la mécanique narrative pour le moins singulière.



Un chapitre, 10 ou 15 pages, comme une seule phrases mais en fait des sauts de paragraphes qui sont autant de changements de points de vue, des retraits supplémentaires pour les quelques phrases parlées (pas de dialogues au sens habituel du terme, rien n’est ordinaire dans ce livre). Et ce n’est pas la seule surprise stylistique.



Le principe pourrait paraître fumeux, il ne l’est pas. Périlleux, sans aucun doute, avec un auteur constamment sur le fil. Cette polyphonie permet de faire passer nombre de ressentis intimement entremêlés.



Il convient de saluer le travail de traduction de Marianne Millon, qui a dû faire preuve d’autant d’accommodation que de créativité pour transposer ce texte.



Et l’histoire dans tout ça ? Et les personnages ? Aussi puissants que leur enrobage, même si parfois celui-ci prend le pas sur les émotions.



Eduardo Sangarcía nous conte l’histoire d’Anna Thalberg, une femme de « rien », qui ne possède que son humble chaumière avec son mari. Et sa chevelure rousse. Une « étrangère », pas née dans ce village. Sa malédiction.



Dans l’Allemagne des XVIe et XVIIe siècles, la chasse aux sorcières battait son plein. Les croyances, les jalousies et les quêtes de pouvoir rendaient les hommes et les femmes fous, au point de dénoncer son prochain et l’envoyer à la torture. L’inquisition faisait le reste, à coups de supplices tous plus inventifs qu’horribles.



Des sommets d’abomination qu’Eduardo Sangarcía décrit sans complaisance mais sans rien cacher pour autant. Éprouvant au possible, mais important pour comprendre l’époque. Et qui est Anna Thalberg.



Ce bout de femme va se révéler d’une force mentale et d’une droiture insoupçonnées, rendant l’image de ce personnage immortelle dans l’imaginaire du lecteur, à défaut que sa chair ne le soit.



Cette lecture donne littéralement le vertige, par sa construction, par sa violence, par sa puissance d’évocation. Où on est tour à tour happé par le style ou par les actes. Où l’on passe d’un enrichissement intellectuel à des ressentis quasi sensoriels. Cerveau et cœur mis à l’épreuve.



Le court roman d’Eduardo Sangarcía ne laissera personne de marbre et se révèle une lecture aussi expérimentale que chargée en émotions diverses. Anna Thalberg, le livre comme le personnage, marquent. Si vous cherchez à sortir de votre zone de confort, voilà un texte tout indiqué.
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Anna Thalberg

Alors qu’elle attend Klaus dans leur modeste chaumière, que le repas cuit dans l’âtre, Anna est enlevée de force par des brutes. Ils l’emmènent et l’enferment dans la tour des sorcières, à Wurtzbourg. Gerda, une voisine jalouse, éprise de vengeance, l’accuse de vénérer Satan. Elle l’aurait même vu volant sur une chèvre au-dessus des toits. Anna crie son innocence, fait face aux tortures, soutient le regard de l’examinateur Vogel… Mais les croyances sont tenaces, et les femmes bien peu de choses au cœur de ce 16eme siècle tourmenté…



Anna Thalberg est un roman aussi poignant que révoltant. C’est avec un style très particulier, totalement envoûtant, que l’auteur nous précipite dans une petite ville allemande, aux côtés de villageois simplement monstrueux.



Eisingen aurait pu être une bourgade apaisée, au quotidien certes difficile mais sans coups d’éclat. Anna n’en est pas originaire, elle a épousé Klaus et l’a suivi. Elle a toujours senti des réticences à son égard mais elle n’y a jamais prêté attention. Peut-être aurait-elle dû se méfier…



L’écriture d’Eduardo Sangarcia est sublime. Elle alterne les personnages, leurs pensées les plus vils et leurs grandeurs d’âmes. Elle nous plonge dans l’humidité d’une cellule et dans l’intolérable d’une salle de tortures. Elle n’épargne pas le sourire mauvais et la joie de la vengeance.



Anna Thalberg est une femme qu’on a cloué au piloris, qu’on a brûlé sur un bûcher, dont on a étouffé les cris. Parce qu’elle était différente, une rousse aux yeux de miel, on a cherché à l’effacer pour ne plus la craindre… Là, un vertige nous prend… La peur de l’autre, de l’inconnu, ça nous parle, malheureusement… Et si les tortures et autres accusations ont changé, l’anéantissement, la disparition, l’élimination semblent toujours être la triste solution…
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Anna Thalberg

Voilà un roman pas comme les autres, déstabilisant, notamment dû au fait de l’absence de majuscules en début de phrase, de points finaux, de l’avarice de virgules et de tirets cadratins ou de guillemets pour signaler les dialogues.



Un alinéa pour signaler le début d’un nouveau paragraphe et un double alinéa pour les dialogues, c’est tout. Perturbant pour moi, mais je m’y suis vite habituée.



Comme je l’ai souvent dit, la taille d’un livre n’est pas importante (pour le reste, je vous laisse seul.e juge).



La preuve une fois de plus : 159 pages d’une noirceur absolue, faite de fausses accusations de sorcellerie et de tortures, de fausse justice, de médisance, de peurs, de superstitions, de pouvoir et de religion toute-puissante.



Dans l’Allemagne du XVIe siècle, une personne comme Anna Thalberg dérangeait : elle était jolie, avait les cheveux roux, les yeux couleur de miel et pire encore, elle venait d’ailleurs ! Oh, pas du bout du monde, même pas d’un autre pays, juste d’un village plus loin… Mais je n’ai pas besoin de vous faire de dessin sur la noirceur humaine et ce que certains sont prêts à faire pour se débarrasser d’une personne qui les dérange.



L’accusation de sorcellerie est LE truc génial que l’on a inventé pour éliminer celles ou ceux qui gênent. Impossible de prouver que vous n’en êtes pas une et sous la torture, tout le monde avouerait n’importe quoi.



Kafkaïen sera son procès : elle est coupable, point à la ligne. Si elle avoue, elle renforce l’accusation et si elle n’avoue pas sous la torture, alors c’est qu’elle est aidée par le Malin, le Diable, l’antéchrist… Bref, entre la peste et le choléra, le choix est maigre.



Et puis, il ne pleut plus depuis longtemps, c’est la faute d’Anna et sa mort servira de sacrifice et il pleuvra, sans aucun doute… Son avenir est déjà tout tracé. La justice ? "Mes couilles, ti", comme le dirait si bien Fabrizio le carolo (les Belges comprendront).



La force de ce roman, c’est la confrontation entre Anna et Melchior Vogel, le grand inquisiteur, le salopard qui l’a condamnée à la torture. Jamais elle ne baissera les yeux. L’autre point fort, ce seront les longs entretiens entre Anna et Hahn, le confesseur inquisiteur. Anna est une femme forte, droite dans ses bottes et elle ne lâchera rien.



Tous les genres se mélangent, dans ce court roman, intense : la politique, la religion, l’histoire et la philosophie. Il est difficile de ne prendre ce roman qu’au sens littéral, tant il a des niveaux de lecture qui s’entremêlent, harmonieusement, puisque tout est lié.



Le côté historique est bien rendu, sans devenir indigeste, et le côté politique entre en ligne de compte parce qu'avec ces procès en sorcellerie, les puissants gardent le pouvoir et tiennent tout le monde sous leur coupe. Idem pour le côté religieux, avec l’opium du peuple, on les fait marcher droit, on leur fait peur.



La philosophie intervient dans les questionnements : qu’est-ce qu’il y a après la mort ? Ainsi que dans le fait que certains croient mordicus être les détenteurs de la vérité sur Dieu, qu’il leur parle à eux, qu’ils sont élus et que c’est à eux que revient l’indicible honneur de faire marcher tout le monde droit.



Le final est superbe, prouvant que la vie ne manque jamais d’ironie, ni d’humour noir et que la roue tourne…



Un roman étrange, dérangeant, court, qui m’a sorti de ma zone de confort.


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Anna Thalberg

C'est une histoire, une vie parmi des milliers d'autres. L'histoire de la folie des hommes, de l'injustice, de la haine et de la stigmatisation. Une histoire de jalousie, de volonté de soumettre, de pouvoir absolu du fort sur celui ou celle qui ne peut se défendre. Un pouvoir au nom duquel on décrète, on torture, on condamne et on exécute ; un pouvoir que l'on qualifie de divin pour mieux justifier violence et sadisme, camoufler sa lâcheté. C'est une histoire universelle.

L'histoire d'Anna Thalberg se déploie ici avec une force sidérante, par une mise en scène bluffante, terrifiante. Au 16ème siècle, en Allemagne, la jeune femme est brutalement enlevée par des hommes qui font irruption dans sa modeste masure et la jettent dans une cellule de la prison de Wurtzburg. Accusée de sorcellerie, elle est promise à la torture puis au bûcher tandis que dehors, son mari cherche en vain de l'aide. Les voisins se détournent - certains sont à l'origine des plaintes contre Anna, l'étrangère à la chevelure rousse et aux yeux d'ambre qui serait responsable de tous les maux - et seul le père Friedrich dont la foi vient récemment d'être mise à mal entreprend de se battre pour tenter de démontrer l'innocence d'Anna. Courageusement, celle-ci fait face à ses bourreaux, bravant la toute-puissance d'un pouvoir qui utilise la terreur pour durer.

L'auteur orchestre ici un face à face terrible servi par un superbe travail sur la forme qui permet de passer d'un esprit à l'autre à l'intérieur de cette cellule où se déploie une scène mille fois jouée. A travers l'histoire d'Anna inspirée de véritables faits historiques, il nous offre un condensé de l'histoire du mal, un questionnement sur l'empire du religieux instrumentalisé par la soif de puissance. Il trouve surtout un extraordinaire écho par-delà les époques où résonnent la peur de l'autre et la stigmatisation qui conduisent aux plus abominables crimes. Cette sensation d'effroi perdure longtemps après la lecture, parce que chacun sait bien que dans le fond la chasse aux sorcières n'a jamais disparu.
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Anna Thalberg

XVIème siècle, Anna Thalberg, jeune femme vivant chichement avec son mari dans un petit village fut dénoncée par une voisine et conduite à Wurtzbourg, ville de Bavière où elle subira la question avant d 'être brûlée vive sous couvert d'accusation de sorcellerie.

Son cas se démarque par sa résistance face au bourreau mais surtout face à l'examinateur qui par idéologie sait qu'il sacrifie une innocente.

De nombreuses autres personnes accusées des mêmes faits endureront le même destin.

À noter, la pauvreté er l'aberration des motifs retenus pour condamner des Hommes de sorcellerie et la perversité des tortures physiques et psychiques employés.



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Anna Thalberg

Nous sommes en Allemagne entre les XVIe et XVIIe siècles. Nous faisons la connaissance d'Anna Thalberg, une jeune femme accusée de sorcellerie. Anna est innocente mais à l'époque des procès pour sorcellerie, il était quasiment impossible d'arrêter la machine judico-religieuse, une fois lancée.



La jeune Anna est si attachante, si digne, qu'elle nous insuffle le courage de l'accompagner dans son cachot. Nous la découvrons aux mains de fanatiques cruels et sadiques et suivons son "procès". Une mise en page originale vient en appui au texte. On y trouve, par exemple, des dialogues présentés "face à face".



Ce n'est pas une lecture de tout repos comme vous l'imaginez. Si ce livre ne m'avait pas été conseillé, je n'aurais sans doute pas osé m'y plonger, le thème m'aurait fait trop peur. Je serais passée à côté d'un très beau premier roman qui a obtenu le prestigieux prix Mauricio-Achar.
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Anna Thalberg

Le procès en sorcellerie de Wurtzbourg en Allemagne à la fin du XVIème et au début du XVIIème siècles, j'avoue que je n'en avais jamais entendu parler. Près de 900 personnes ont péri a^près avoir avoué leurs fautes sous la torture, qu'elles soient coupables ou non de sorcellerie.



Anna est jeune et belle, elle vient d'épouser Klaus mais elle n'est pas originaire du village. Alors lorsqu'on veut tuer son chien, on l'accuse de la rage, et la rumeur fera le reste.

La sècheresse qui sévit depuis deux ans ? C'est depuis qu'Anna est arrivée ; les hommes qui perdent la tête en plongeant dans son regard de braise, c'est aussi de sa faute. D'autres prétendent qu'ils l'ont vue chevaucher des chèvres au dessus des toits. Bref, qu'elle pactise avec le diable.



Kidnappée, mise au cachot, soumise à la question de l'examinateur, autant dire le grand inquisiteur, puis aux instruments de torture, elle va toujours nier. Cette obstination avec laquelle elle se défend t émoigne d'une résistance surhumaine, autant dire diabolique, c'est bien la preuve qu'elle est possédée. On sait d'emblée qu'Anna est condamnée et que les démarches de Klaus et du prêtre pour la sauver sont vaines face au pouvoir de l'inquisition.



Le style d'écriture est pour le moins déroutant : le point n'étant utilisé qu'en fin de chapitre. de même pour la mise en page avec trois niveaux de marge. Cela m'a vraiment dérangé dans la lecture, n'en comprenant pas le sens. Je dois être trop conventionnel, c'est comme face à certains tableaux d'art moderne, je reste coi. Il faut que je me soigne.



Une sorte d'OVNI littéraire pour moi.



Challenge Multi-Défis 2023.

Challenge Riquiqui 2023.

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Anna Thalberg

La sorcière serait-elle devenue figure littéraire en vogue ?

En tous cas, après avoir découvert la sorcière de Limbricht, voici la sorcière de Wurzburg, une belle jeune femme rousse nommée Anna Thalberg.

En faisant le portrait d'Anna, Sangarcia revisite un pan tragique de l’histoire germanique : les procès des sorcières de Würzburg, au cours desquels Julius Echter von Mespelbrunn, le prince évêque de la ville aurait, avec l'aide de son neveu, condamné au bûcher près de 900 personnes sur une période de 60 ans. L'auteur crée le personnage d'Anna et fait d'elle l'une des premières victimes de ces princes évêques des régions qui avaient tous pouvoirs et obéissaient à la fascination des bûchers.



Anna est une paysanne de 22 ans, venue d'un autre village pour épouser Klaus et elle est "rousse, l’étrangère aux yeux de miel comme ceux d’un loup, à la peau saupoudrée de rousseur comme un serpent venimeux." C'est d'abord par jalousie que sa voisine Gerda la dénonce pour sorcellerie parce qu'elle a vu "son mari appuyé contre la barrière, contemplant cette intruse avec des yeux brillants qu’il n’avait jamais eus pour elle". Et puis dans la confusion entre pensée magique et religion, Anna devient le bouc émissaire du village : responsable de la sécheresse, d'une vache qui ne donne plus de lait, d'un bébé malade... On accuse toujours l'étranger, le différent lorsque les choses vont mal et cette pratique continue de provoquer des tragédies.



Cette hystérie collective qui permet aux hommes de pouvoir de monter les pauvres contre les pauvres, va mener une innocente de plus vers la chambre des tortures. C'est ainsi, avec le soutien de l'Église, que les seigneurs asseyaient leur domination.

" la douleur et la peur de la douleur étaient les instruments qui avaient serré la vis aux paysans pour qu’ils ne recommencent pas à se rebeller contre l’évêché et pour nettoyer la région de toutes sortes d’indésirables

le mendiant qui s’alimentait de la sueur d’autrui

le vagabond, qui n’a pas de racines et ne donne donc jamais de fruits

le honteux, qui vit le visage tourné vers le passé

et la femme, surtout la femme, qui est ennemie, peine, mal, tentation, calamité et danger

un palais construit sur un bourbier ".



Sur cette inversion des rôles, il suffit de cette description de Melchior Vogel pour comprendre que l''Inquisiteur est celui qui est possédé par le Mal." Il lança les cheveux dans un coin, remonta sa tunique et piétina la femme sur le ventre jusqu'à lui faire vomir la soupe qu'elle venait de manger, puis il posa une botte sur son visage, lui écrasant la pommette droite tout en exhortant le bourreau à être implacable, car les concubines de Satan ne méritent aucune pitié, juste de souffrir la plus grande douleur et connaître une mort affreuse "

Ainsi se décline, au rythme des tortures les plus atroces, la condamnation du fanatisme.



Mais on aurait dit peu de choses de ce roman si on ne parlait pas de l'écriture si singulière.

Pas de points avant la fin du chapitre ni de majuscules, une typographie bien particulière avec des dialogues sur deux colonnes : la forme originale de ce récit au rythme épique pourrait évoquer l'exercice de style un peu prétentieux. Mais il n'en est rien !. On sent du souffle, de l'énergie et une intensité qui n'a rien d'artificiel mais sert parfaitement le tragique de cette histoire.
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Anna Thalberg

Roman violent qui donne envie de hurler à l'injustice et à la vilenie de certains hommes et femmes. Ce livre m'a beaucoup touchée, la force mentale et physique de Anna, l'impuissance de son mari et du curé du village, l'innocence et l'inconscience du confesseur, la méchanceté des gens du village et la violence extrême et froide DES bourreaux.



Quand on pense à tous ceux qui ont été punis pour sorcellerie, mon cœur saigne. Insoutenable, l'horreur.



Écriture particulière, pas toujours facile à ingérer mais différente et bien adaptée à cette histoire.
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Anna Thalberg

Anna Thalberg est une femme seule. Seule face à ceux qui surgissent dans l'intimité de sa chaumière, l'enchaînent, et l'entraînent sans un mot à la prison de Wurtzbourg. Seule face à la foule des villageois qui assiste à son arrestation, qui se réjouissent de son départ, qui tournent le dos à sa terreur. Seule aussi face aux hommes qui la condamnent au bûcher, la torturent, la confessent, la haïssent.



Anna Thalberg est seule, mais debout, inflexible, elle résiste à la violence des mots, des instruments de torture, et des hommes. Elle ira au bûcher oui, mais elle restera debout.



Sangarcìa envoûte autant qu'il dénonce dans ce roman court et passionnant. Il raconte cette simple femme, dont la chevelure flamboyante et les yeux de miel ont suffi à attiser la jalousie de ceux qui l'ont toujours considérée comme l'étrangère. Et lors de sa détention, aussi bien l'examinateur que le confesseur d'Anna font froid dans le dos, leur fanatisme est sans limite, leur cruauté sans borne. Le mari d'Anna et le curé du village n'auront de cesse de la défendre et de tenter l'impossible pour la sauver. Anna est accusée de sorcellerie, et c'est imparable.



L'écriture pleine de grâce de Sangarcìa parvient en un récit qu'aucun point ne parvient jamais à ralentir, à nous transporter en un souffle brûlant à Wurtzbourg, cette province qui connut, au XVIè siècle, une chasse aux sorcières extrêmement meurtrière. La mise en page raconte les voix qui se mêlent, les colonnes font dialoguer ceux dont les esprits ne pourront jamais s'accorder. Anna refuse de ne pas dire sa vérité, elle reste seule et puissante, même dans sa mort.



Un très grand texte !
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Anna Thalberg

Eisingen, en Allemagne. Anna est belle, Anna est rousse, Anna est libre. Anna est une « étrangère » de Walldürn. Anna est aimée par Klaus, son mari. Anna est désirée par les autres hommes du village …



Quand Gerda a surpris le regard de convoitise de son époux sur : « l’étrangère aux yeux de miel comme ceux d’un loup, à la peau saupoudrée de tâches de rousseur comme un serpent venimeux », elle n’a pas hésité un seul instant – dévorée par la jalousie – à parcourir à pied les sept milles jusqu’à Wurtzbourg, afin de faire son devoir en dénonçant ce suppôt de Satan …



Alors ils viendront chercher Anna, sans qu’aucun habitant ne la défende. Et son calvaire ne fera que commencer. La détresse de Klaus à son retour des champs (quand il découvrira sa disparition) n’aura d’égale que les supplices subis par sa bienaimée … Ni sa forte volonté, ni l’appui du curé du village (Friedrich) n’y pourront rien changer : la machine à broyer est en route …



Ce n’est pas tant ce violent récit de « chasse aux sorcières » qui nous bouleverse (hélas ! ce ne fut qu’une longue et atroce série d’arrestations totalement arbitraires, aux cours des XVIe et XVIIe siècles …) Mais la façon magique dont Eduardo Sangarcia le met en scène ! C’est poétique, vibrant mais aussi terriblement barbare ! C’est magnifiquement écrit et la mise en page est superbement atypique ! C’est sidérant de cruauté mais c’est également empreint d’amour et de courage …



Ça ne pouvait bien sûr que mal finir … Personne ne sortait jamais indemne de ce type d’inquisition … Personne n’oubliera – non plus – Anna Thalberg, après la lecture de ce petit bijou littéraire que nous offre ce brillant auteur mexicain !
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Anna Thalberg

Anna Thalberg est une paysanne. Pauvre, rousse, étrangère au village de son mari. Belle. C’est un crime pour une femme jalouse. Celle-ci s’en va donc la dénoncer pour sorcellerie.



D’autres témoins l’accuseront aussi d’une sécheresse, d’une fausse couche, de pensées concupiscentes.



C’est la torture qui attend Anna. La haine des hommes.



Son mari, Klaus, et le curé de son village, Friedrich, tenteront de la sauver.



Ce roman m’a laissée une impression mitigée. J’ai été séduite par le thème de cette histoire, les massacres de femmes, sous prétexte de chasse aux sorcières, qui eut lieu à Wurtzbourg, au XVI et XVIIème siècle.



L’inéluctabilité du destin de ces femmes broyées par la superstition. La force d’Anna Thalberg face aux accusations.



Mais j’ai été très, trop, décontenancée par le style. La quatrième de couverture évoque un souffle mêlant les paroles des victimes et des bourreaux. C’est un parti pris qui, pour beaucoup, sera le point fort de ce livre.



Pour ma part, ce procédé m’a clairement mis à l’écart de ce récit.
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Anna Thalberg

Pas de points ni de majuscules et des dialogues sur deux colonnes : la forme, étrange, de ce récit qui entend couler comme l'eau d'un fleuve vers son embouchure, est ce que l'on retient, inévitablement, de Anna Thalberg. Au point de phagocyter le fond, qui ne manque pourtant pas d'intensité ? Les avis divergeront, et c'est tant mieux, autour de cette histoire de sorcière rousse dans l'Allemagne du XVIe siècle, qui symbolise l'intolérance, la xénophobie et autres comportements autant détestables que communs du genre humain. De suspense, il n'y a pas dans ce court roman qui se distingue d'abord par son écriture, dans le sens où les enjeux sont établis d'entrée, de même que le châtiment final : la présumée coupable sera brûlée, en dépit de son courage et de son innocence. Le livre donne à voir l'hystérie collective et la rage persécutrice des affidés d'une religion menacée (par le protestantisme) en instillant la peur dans la population et en invoquant les puissances maléfiques pour mieux diviser et donner une explication aux malheurs du temps. Anna Thalberg est un roman impressionnant, frisant l'exercice de style et un peu trop conscient de son originalité, dans une thématique (les sorcières) qui semble revenir en force. Sur le même thème, en un lieu différent et à une époque à peine postérieure, on peut lui préférer le film espagnol, sorti l'an dernier, Les sorcières d'Akelarre, variation poétique et féministe, moins rude et asphyxiante que celle de Eduardo Sangarcía.
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Anna Thalberg

Récit glaçant de l'inquisition dans son aspect le plus cruel, ici en Allemagne. On n'échappe pas aux pires détails, l'écriture est belle, on ne peut que blêmir à ce long voyage vers la mort que vit Anna, dénoncée par haine, jugée par un inquisiteur cruel, insensible, sadique. Un livre qui ne laisse pas indifférent.
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Anna Thalberg

Procès collectif en sorcellerie, implacable mécanique où affleure la folie d’une époque. Par de jolis dispositifs narratifs et typographiques, Eduardo Sangarcía plonge le lecteur dans les prémisses des procès de Wurtzbourg, meurtres de masse au nom d’une religion hystérique, ayant fort bien compris les intérêts du temps. Dans une suite de consciences qui se heurtent, s’affrontent aussi dans des dialogues dont l’auteur restitue les sous-entendues, Anna Thalberg fait entendre la matérialité d’une époque, ses jeux de pouvoir et de domination, sa peur panique de l’hérésie, les horribles moyens dont elle extorquait des aveux, croyant ainsi trouver un bouc-émissaire dans cette héroïne qui admirablement jamais ne s’y résout.
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Anna Thalberg

« la douleur et la peur de la douleur étaient les instruments qui avaient serré la vis aux paysans pour qu'ils ne recommencent pas à se rebeller contre l'évêché et pour nettoyer la région de toutes sortes d'indésirables

le mendiant qui s'alimentait de la sueur d'autrui

le vagabond, qui n'a pas de racines et ne donne donc jamais de fruits

le honteux, qui vit le visage tourné vers le passé

et la femme, surtout la femme, qui est ennemie, peine, mal, tentation, calamité et danger

un palais construit sur un bourbier »

Eduardo Sangarcia, Anna Thalberg (La Peuplade, janvier 2023), p. 143



Une jeune femme aux cheveux roux et aux yeux de miel, Anna Thalberg, est brusquement arrachée à sa chaumière par la soldatesque d'un inquisiteur et emmenée sans ménagement dans une tour de Wurtzbourg qui lui tiendra lieu de geôle pendant une poignée de semaines, le temps de l'instruction et du procès pour ces faits de sorcellerie dont on l'accuse. On est au XVIIe siècle et, dans ce coin de Bavière où, quelques décennies auparavant, un certain Hans Böhm le Tambour, hérétique et communiste avant l'heure, berger devenu meneur d'hommes, a réussi un temps à menacer l'ordre et la paix des campagnes – le roman d'Eduardo Sangarcia, bien documenté et fidèle au contexte historique, ne manque pas de faire allusion à cette jacquerie -, la chasse aux sorcières bat son plein, menée par l'évêque de Wurtzbourg et son « examinateur », le sadique Melchior Vogel. Contrainte au pire des isolements, soumise à la plus brutale des tortures – le récit ne nous épargne pas la description des instruments de cette inquisition et de leurs odieux effets, dignes fruits des génies en cruauté de l'époque -, Anna Thalberg résiste pourtant, clamant son innocence face à l'inquisiteur, son bourreau ou son confesseur. Tandis que les habitants de son village, à commencer par la plus proche de ses voisines dont la dénonciation est à l'origine de son arrestation, montrent indifférence ou plaisir face à son sort, Klaus, son mari, et le père Friedrich, son curé, mettent toute leur énergie à essayer de la sauver, multipliant les tentatives pour la défendre auprès de l'évêque et de ses juges, transformant l'accusée en victime et la sorcière en sainte…

Du feu originel de l'ätre dans la chaumière d'Anna au feu du bûcher sur la place de Wurtzbourg, le récit semble porté par un embrasement, un souffle où se mêlent, se conjuguent ou s'opposent les voix de tous les acteurs ou témoins de la tragédie : Anna disant son incompréhension et sa souffrance, Gerda la voisine, jalouse et délatrice, son plaisir malsain après l'arrestation, les villageois leur hostilité, Klaus le mari son désespoir, Friedrich le prêtre ses doutes et sa révolte face à l'injustice, Vogel et le bourreau leur mauvaise jouissance à torturer… C'est là la grande force du texte d'Eduardo Sangarcia, cette faculté à faire résonner, comme dans une seule longue phrase, les échos contrastés du drame, prolongeant, dans tel passage, le mauvais rêve d'Anna dans un cauchemar de son mari, présentant plus loin, en parallèle sur la même page, les injonctions d'un confesseur et les protestations d'innocence d'Anna. Sous la plume d'un auteur mexicain qui a travaillé sur le thème de l'Holocauste dans la littérature latino-américaine, un premier roman révélant, dans son creuset souffré, le pire et le meilleur de l'humanité, quand elle est confrontée aux délires et à l'intolérance de pouvoirs politiques et religieux, une fiction pour mieux évoquer peut-être l'éternelle condamnation des femmes dans l'imaginaire masculin et ce qu'il impose à une société, des inquisiteurs de Wurtzbourg aux manifestants anti-avortement ou aux mollahs iraniens d'aujourd'hui, le cortège de chasses aux sorcières et de répression sociale qui traversent encore notre Histoire, avec leur fake-news et leurs vérités alternatives. Merci, mille fois merci, Eduardo Sangarcia, de nous proposer la belle Anna comme un modèle de résistance en nos temps de grisaille !

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Anna Thalberg

Parce qu'elle est belle, rousse et que ses yeux de miel attirent un peu trop les regards des hommes, Anna Thalberg est arrêtée sur ordre du tout puissant évêché alors qu'elle prépare le dîner de son mari Klaus dans leur chaumière d'Eisingen.



Sa voisine Gerda se frotte les mains en la regardant partir pour la prison de Wurtzbourg car c'est elle qui l'a dénoncée par jalousie à l'examinateur Vogel, un ogre sadique qui s'enorgueillit de ne céder à aucune supplique des hommes et des femmes qui sont accusés de sorcellerie et qu'il prend plaisir à voir brûler vifs sur place publique.



Alors qu'Anna est soumise à toutes les tortures possibles, elle tient bon dans sa foi et rejette les accusations toutes plus fantaisistes les unes que les autres que l'examinateur Vogel aura récolté contre elle. Tandis que son corps souffre et que son esprit résiste, Klaus tente l'impossible pour la sauver de cet enfer en sollicitant l'aide du père Friedrich, le curé du village.



Premier roman d'un auteur mexicain, Anna Thalberg nous plonge dans la folie meurtrière des procès des sorcières de Wurtzbourg qui virent périr par les flammes près de 900 personnes à la fin du XVIème siècle. Jouant avec la langue et la disposition du récit, il réalise un original tour de force littéraire tout en livrant un récit aussi cruel qu'émouvant qui ne devrait laisser aucun lecteur insensible.



📖 Anna Thalberg d'Eduardo Sangarcía paraîtra le 12 janvier 2023 aux éditions La Peuplade dans une traduction de Marianne Millon. 168 pages, 18€.



🔗 Service de presse de la librairie.
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Anna Thalberg

Premier roman :

Anna est belle, rousse avec des yeux de miel, mais elle n'est pas du village. Les autres femmes ne l'aiment pas, leur mari la regarde avec concupiscence. De tout temps l'étranger à fait peur, la femme aussi. Au XVIème siècle, dans une Allemagne secouée par des luttes religieuses, une pauvre villageoise est dénoncée pour sorcellerie par sa voisine jalouse. Eduardo Sangarcía s'est emparé de ce sinistre évènement pour en faire un roman des plus atypiques.

La dénonciation pour sorcellerie était un moyen bien commode pour se débarrasser d'un voisin ou d'un proche encombrant. Au nom de Dieu les inquisiteurs se sont déchaînés. La victime était toujours condamnée d'avance et la torture ne servait qu'à obtenir d'autres noms. Anna est une femme forte qui refuse d'avouer des pêchés qu'elle n'a pas commis. Son regard transperce ses accusateurs, elle ne cède pas.

Ce court texte, pour lequel Eduardo Sangarcía a fait un gros travail de recherches historiques, a une forme très originale. Les phrases ne commencent pas par une majuscule et ne se terminent pas par un point. Les paragraphes sont plus ou moins en retrait. Tous les protagonistes prennent la parole et le texte est parfois divisé en 2 colonnes : pendant que l'un parle on sait ce qui se passe dans la tête de l'autre. On y trouve même la signature du diable. Il fallait l'oser pour un premier roman ! Cette forme hors norme donne beaucoup de force au propos.

Un récit marquant, beau mais ardu, il faut bien l'avouer. Il faut le déguster en prenant son temps et quelques pauses sont nécessaires pour digérer certains passages. Par l'intermédiaire d'Anna Thalberg, Eduardo Sangarcía rend hommage à toutes les femmes qui, aux cours des siècles, ont été accusées d'être des sorcières, simplement parce qu'elles étaient différentes. A celles qui ont refusé de s'abaisser devant leurs bourreaux et sont restées dignes.
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