Citations de Elif Shafak (1305)
Les gens peuvent parfois prendre plaisir à des choses dont ils savent pertinemment qu'elles ne servent à rien.
Vivre, c'est être à jamais insatisfait et insatiable. L'humain est incapable de se contenter de ce qu'il a.
Quiconque atteint un niveau de conscience plus élevé, disait-il, n'a pas besoin d'accorder autant d'importance au haram et halal, ce qui est interdit ou licite, qu'au cœur intime de la foi
En Angleterre, tout était sens dessus dessous. Le mot "couscous" bien que courant, y était traité avec respect. Pourtant le mot "honte", bien qu'important, était pris à la légère.
A quoi bon savoir ce qu'on ne peut changer ? C'est se laisser injecter du venin qui vous empoisonne la vie sans vous offrir la délivrance de la mort.
Ce n'est que la surface. Avec les les gens comme avec la terre, la surface représente rarement le cœur.
Je réalise que pour Maman Gâteau, la lecture est une activité comme une autre, sans grande importance avec le crochet et le canevas.
L'amour est un philtre qui rapproche ce qui est lointain et rend possible l'impossible.
Les romanciers écrivent sans réfléchir. Quant aux théoriciens, ils décortiquent leurs textes jusque dans les moindres détails et échafaudent des théories. Ensuite, ils s'imaginent que les romanciers ont eux aussi cogité, raisonné et calculé pendant qu'ils écrivaient.
Sofia était une Femme-Lune. Comme le croissant au firmament, son corps changeait jour après jour, s'arrondissait et grossissait constamment, puis s'amenuisait avant d'être à nouveau à l'image de la lune pleine.
La seule chose qu'elle sait, c'est qu'elle veut être aussi instruite que son frère, aussi chevronnée et bon poète que lui. Ensuite, on l'en retirera, sous prétexte que c'est amplement suffisant pour une fille. Pour qu'elle poursuive son éducation à la maison. Il lui suffit d'apprendre la broderie, la couture, de savoir tenir une maison, jouer un peu de l'oud et chanter de belles chansons. Elle n'a pas besoin d'en savoir plus. D'ailleurs elle aura bientôt des bébés sur les bras.
Non, parce que les normes et les conditions sociales en vigueur ne sont pas les mêmes pour les femmes que pour les hommes.
A force de la faire reluire, la maternité est devenue comme une grosse pomme rouge, tellement brillante qu'elle n'a plus rien de naturel
On appela donc les jumelles par leurs deux noms : Pembe-Kader et Jamila-Yeter, Destinée-Rose et Assez-Belle. Qui aurait pu deviner que de l'un de ces noms ferait un jour la une des journaux dans le monde entier ?
Dans le domaine de la maternité, toutes les portes sont grandes ouvertes. De jour comme de nuit, été comme hiver. On y circule comme dans un moulin. Les enfants entrent par n’importe quelle porte et se promènent à leur guise. Finis les coins secrets, finis les refuges. C’en est fini des subterfuges et de la sacro-sainte intimité. Désormais, plus de « chambre à soi » où se retirer pour écrire.
Le romancier est par nature égoïste. La maternité élimine l’égoïsme par les voies naturelles. Le romancier est tourné vers lui-même. Quant à la maternité, elle est on ne peut plus tournée vers l’extérieur. Le romancier se construit une petite pièce privée dans son cerveau et, pour que personne ne puisse y pénétrer, il en ferme un à un tous les verrous. Il y range ses secrets, ses désirs. Loin des regards.
Le discours dominant en Turquie n'associe jamais la dépression aux mères. Sans aller jusqu'à la dépression, le doute même ne saurait les effleurer. A force de la faire reluire, la maternité est devenue comme une grosse pomme rouge, tellement brillante qu'elle n'a plus rien de naturel. On lui chante des dithyrambes de loin. Mais on se garde bien d'y croquer. De peur qu'il n'en sorte un vers, peut-être ?
« Les (chats) nobles se remarquaient invariablement par leurs manières distantes, leur dépendance, leur calme, et leur tendance à passer des heures à se lécher avant et après tout contact humain ; et les roturiers par leur curiosité, leur vigueur, et leur goût pour certaines denrées rares, tel le chocolat ».
« Rose disposait de trois autres moues inspirées par Mère Nature dont elle usait lors de ses échanges avec la gent masculine : son air de chien loyal, lorsqu’elle voulait afficher un dévouement total ; son air de félin espiègle, lorsqu’elle voulait séduire, et son air de coyote pugnace, lorsqu’elle se entait attaquée. »
« Banu avait développé des talents de voyante qui lui permettaient aujourd’hui de recevoir des clientes à la maison et de tirer un petit profit de cette activité. On pouvait se faire un nom à une vitesse fulgurante dans ce domaine à Istanbul. Si la chance était de votre côté et que vos prédictions se révèlent justes au moins une fois, le succès était garanti : ave l’aide du vent et des mouettes, la cliente impressionnée répandait si vite la nouvelle qu’une semaine plus tard, vous trouviez une longue file d’attente devant votre porte. »
« Ses vingt quatre années d’enseignement l’avaient rendue maîtresse dans l’art d’apporter des réponses, mais elle était incapable de poser une question.»