Oiseau Bleu avait écouté l'incroyable récit sans faire de commentaire, mais quand elle capta l'attention de la femme, elle lui demanda à voix basse :
- Et leurs enfants ? Comment sont-ils ?
- Ah, épouse de mon neveu, j'allais en venir à cela. Et cela va vous surprendre et vous scandaliser, dit-elle de l'air de celle qui est prête à faire une révélation exceptionnelle. Ces gens-là détestent leurs enfants ! Si vous les voyiez ! Ils les tapent sur la figure et sur leur pauvre petit derrière jusqu'à ce qu'ils pleurent ! Toute la journée les femmes des soldats crient après leurs enfants. Et elles les disputent. Je n'avais jamais vu d'enfants si mal traités. Il n'y a que les folles qui s'en prennent à leurs enfants !
Oiseau Bleu resta perplexe un moment.
- C'est vrai? Mais pourquoi ?
- Ce doit être leur manière de leur apprendre à bien se conduire, quand les enfants ne sont pas sages. En les battant et en criant, les femmes espèrent leur leur faire peur et les remettre dans le droit chemin, je sais que cela paraît bizarre ...
- Franchement, pour moi, cela ne peut qu'aggraver les choses. S'ils ont peur, cela doit les empêcher de réfléchir. Remarquez, ils ont peut-être l'habitude, ces pauvres petits.
La vie ne se termine jamais. (...) Parfois elle ralentit, pour reprendre de plus belle.
"Les présents que vous apporterez iront au meurtrier, ce sont les symboles de notre sincérité et de notre but. Comme il nous a blessés, il doit devenir quelque chose pour nous (un parent) à la place de celui que nous avons perdu. Le défunt était ton frère ? Alors, cet homme sera ton frère. Ton oncle ? Ton cousin ? Pour moi, le défunt était mon neveu, son meurtrier sera mon neveu. A partir de maintenant, il deviendra l'un des nôtres. Nous le considérerons comme si notre cher défunt nous avait été rendu."
-Voyez, mes enfants, dit un jour le viel homme, c'est pour ça que j'ai prié. Pour que le cœur de la tribu soit disposé favorablement envers nous, pour qu'un cercle de sympathie se resserre autour de nous. Ma prière est exaucée, et j'en suis reconnaissant.
Très vite, cette cérémonie devint l'affaire de toute la tribu, car tous, un jour ou l'autre, avaient été touchés par la gentillesse de Gloku et voulaient la lui rendre. Souvent, ils ne se contentaient pas d'apporter un seul cadeau, mais en apportaient plusieurs, à des moments différents de la période de deuil. A en juger par la pile qui s'amoncelait, la redistribution des biens allait être grandiose.
A la surface de l'eau poussaient des nénuphars qui l'attiraient irrésistiblement. Comme ils étaient beaux ! Comme ils vous forçaient à écarquiller les yeux pour pénétrer leur forme et leur esprit. Son regard passait de l'un à l'autre; soudain, il lui fut impossible de les dissocier du visage de son enfant. Une nouvelle sensation l'envahissait, l'étouffait presque. "Ma fille ! s'écria-t-elle, comme tu es belle ! murmura-t-elle dans des sanglots de joie.
Les garçons faisaient tourner des branches de cèdre sur la glace, comme des toupies. Les plus petits aimaient représenter le vieux mythe du hibou. Ils se déguisaient et portaient des masques pour incarner l'esprit du hibou et allaient de tipi en tipi tout en dansant. Le public leur demandait de prédire le temps, car ils étaient supposés venir du Nord, le pays de l'hiver. On leur donnait des gâteaux de maïs et de la viande sèche avec des fruits sauvages et autres friandises.
Les enfants qui s'étaient installés dans une position plus confortable finirent par s'endormir, la tête sur les genoux de leur mère. Elle les regardait tendrement en leur épongeant le front, car la journée était très chaude.
- Qu'est ce qu'une femme peut demander de plus que d'avoir les bras pleins d'enfants ?
Les enfants qui s'étaient installés dans une position plus confortable finirent par s'endormir, la tête sur les genoux de leur mère. Elle les regardait tendrement en leur épongeant le front, car la journée était très chaude.
- Qu'est ce qu'une femme peut demander de plus que d'avoir les bras pleins d'enfants ?
Chaque jour, le soleil se levait un peu plus tôt et ses rayons se faisaient de plus en plus chauds et brillants. Le matin, lorsqu'il apparaissait, les vieux sortaient pour le saluer et l'invoquer. En peu de temps toute la neige serait fondue.