Le moment du choix était venu. C'est après tout dans l'action que se révèle le véritable courage. Mais comment savoir ce qu'il serait bon de faire ? Quelle voie était la sienne ? Comment choisit-on où aller quand son propre destin n'a pas été écrit pour soi ?
Il est des instants où tout se précipite, où la vie prend la coloration d'une photographie surexposée. Une lumière plus vive, plus tenace lui donne une intensité incomparable, et ce qui jusque-là avait été extérieur, incertain, devient intimement évident. L'Hérétique devait faire demi-tour ; Ioulia devait s'échapper de son appartement. Et Feda, Lucia et Tonio devaient prendre part à une véritable action, arrêter de tergiverser et d'aller manifester pour conquérir de nouveaux espaces de lutte. Ne pas se contenter de l'amour qu'ils se portaient les uns aux autres.
Le temps pressait. Ils étaient en danger. Ce sentiment contre lequel elle luttait, ce vent qui la heurtait, cette douleur dans l'estomac, voilà ce que cela signifiait. Ioulia ne pouvait pas laisser Sacha prendre une fois de plus le contrôle de son existence, pas après ce restaurant chinois. Et pas avec cette lueur qu'elle avait perçue dans ses yeux. Ils se tournèrent d'un même élan vers Dario. Lui seul avait les contacts, il pourrait les aider. La vie d'Iskander était toujours en jeu, Ero le lui avait bien fait comprendre. Ispao n'avait pas d'autre choix. Ol devait faire en sorte que le rituel amène les Calbanais à accepter l'idée que cette homme ne constituait pas une menace.
Elle cautérisa la lame de son scalpel à la flamme de la bougie et expira longuement, pour calmer son pouls et assurer la précision de son geste.
Son regard parcourut l’étagère. De la sauge pour assainir. Toujours brûler de la sauge avant une telle opération.