Emma Straub

Alice se revit à Central Park, allongée dans l'herbe en été, adolescente, la chaleur du soleil réchauffant ses paupières closes, à l'époque où elle et ses amies s'étendaient ensemble sur de vieilles couvertures chiffonnées, espérant que JFK Jr. leur enverrait sans faire exprès son frisbee en pleine poire.

Attendre l'arrivée d'un bébé adopté, c'est comme vivre dans l'attente d'une crise cardiaque : il faut capituler et accepter de faire d'autres projets sans savoir s'il faudra les annuler.

Les familles des autres étaient un mystère, des spécimens extraterrestres ayant leurs codes secrets et leurs histoires.

En passant devant leur porte d'embarquement, Jim vit Franny et Sylvia, plongées dans leur lecture ; elles étaient assises côte à côte sans échanger une parole, un silence qui n'est naturel qu'entre membres d'une même famille.

Chez les gens mariés depuis aussi longtemps que Franny et Jim, comment ne pas être agacé par la personne avec qui l'on vit au quotidien ?

Deux choses faisaient de Manhattan l'endroit le plus fabuleux du monde : le jour et la nuit.

"J'ai encore tant de choses à faire. Profite bien de ta ménopause." Certes, en un sens, Franny allait retrouver sa vie, mais pas la vie d'une fille de vingt ans, avec ses nuits blanches et ses cuites. Ce serait la vie d'une femme mûre. Six années encore, et elle pourrait prétendre au tarif senior quand elle irait au cinéma. Six années à regarder Jim à table avec l'envie de lui planter un pic à glace entre les yeux.

Majorque s'étageait comme une pièce montée : en bas les oliviers noueux piqués de palmiers, au milieu les montagnes gris-vert, avec les murets en calcaire bordant la route et au-dessus de leurs têtes le ciel bleu sans nuages. Malgré la chaleur, l'humidité suffocante de New York n'était plus qu'un mauvais souvenir, effacé par un soleil éclatant dont la brise promettait de tempérer les ardeurs, Majorque c'était l'été sans ses inconvénients : des températures assez élevées pour se baigner, mais pas au point que les vêtements vous collent à la peau.

Un mariage était un peu comme un navire : il fallait tenir la barre, et d'une main assurée.

Rien dans la jeunesse n'était juste : les jeunes n'avaient rien fait pour la mériter, les vieux n'avaient rien fait pour la perdre.

Elle avait l'air hagard de quelqu'un qui n'a pas dormi depuis vingt-quatre heures, et des cernes violacés sous les yeux. Mais à dix-huit ans, on a autant de ressort que si on était shooté à la cocaïne. Sylvia aurait pu passer trois jours sans sommeil, facile.

Une famille n'est jamais qu'un pari sur l'avenir, en fin de compte, chacun souhaite le meilleur pour lui-même comme pour les siens.

Elle avait l'air hagard de quelqu'un qui a n'a pas dormi depuis vingt-quatre heures, et des cernes violacés sous les yeux. Mais à dix-huit ans, on a autant de ressort que si on était shooté à la cocaïne. Sylvia aurait pu passer encore trois jours sans sommeil, facile.

Une famille n'est jamais qu'un pari sur l'avenir, en fin de compte, chacun souhaite le meilleur pour lui-même comme pour les siens. Même les malheureux parents qui font un bébé pour sauver un mariage moribond sont portés par une folle espérance. En silence, Franny, Jim, Bobby et Sylvia s'efforcèrent de partager ce moment et comme par magie, pendant quelques secondes, leur voeu fut exaucé.

La maternité est le seul job qui devient de plus en plus dur chaque année, sans jamais, jamais d'augmentation de salaire.

La vie serait tellement plus intéressante si on pouvait poser toutes les questions qui nous titillent et obtenir en retour des réponses franches.

Toute sa vie, Alice s’était demandé si elle faisait les choses de travers , si elle avait une sorte de défaut de fabrication, de malfaçon, mais après tout peut-être était-elle juste exactement comme son père : mieux seule. Peut-être, songea-t-elle en riant intérieurement, que son erreur avait été d’avoir toujours pensé qu’à un moment ou un autre, les choses rentreraient dans l’ordre et que sa vie ressemblerait à celles de tout le monde.

Quiconque a déjà vu un film ou lu un livre sur le voyage dans le temps sait qu’il y a toujours un but. Parfois, c’est de tomber amoureux de quelqu’un qui est né à un autre siècle, parfois juste de réviser sa leçon d’histoire.

Elle n'agissait pas en détective adolescente ; elle agissait en scientifique. En boulangère. Combien fallait-il ajouter de ceci, combien de cela ? Quoi qu'il se passe, elle en verrait les résultats demain matin.

- Quelle conneries ! Oui, on a tous quelque chose à se reprocher . Moi j'ai pris quatorze kilos . Lui, il a baisé une fille de vingt-trois ans . Tu ne penses pas qu'un de ces deux écarts est nettement plus grave que l'autre ?