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Critiques de Eugène Fromentin (43)
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Dominique

Vont-ils enfin faire l'amour ?

Vont-ils enfin s'en sortir ?

Je n'aime pas trop les romans de passion ( c'est plus qu'un roman d'amour ), car j'ai souffert comme Dominique, et peut être comme Eugène, … mais j'ai été séduit par la couverture du livre !

Le scénario est bien construit, et va crescendo. Dominique, homme mûr, exploitant agricole du XIXè siècle, expose au narrateur sa passion amoureuse qu'il a eue pour Madeleine. Cette passion durera une dizaine d'années, entre ses 17 et 27 ans, environ.

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Le début est celui d'un roman d'atmosphère ( je déteste, car il n'y a pas d'action ) provincial, où il est question de vignes et de chasse. Ce qui m'agace, c'est qu'on ne sait ni où l'on est ( connaît t-on une région française avec des vignobles, la mer, et des falaises ? ), ni en quelle date, mais peu importe…

Puis vient le flash-back, la naissance de la passion non déclarée, car Dominique est timide, puis, alors que Madeleine se marie, Dominique serait prêt à tout dire, mais il y a maintenant le tabou du mariage. Elle le prend comme son meilleur ami, et c'est terrible pour lui.

Enfin, plus tard, il s'aperçoit qu'elle l'aime aussi…



Les sentiments des deux protagonistes, qui se voient à intervalles irréguliers, me semblent très bien décrits et j'apprécie douloureusement le crescendo des sentiments, avec pas mal de destruction, comme souvent dans la passion.

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Le sentiment que j'ai est celui d'une certaine oppression, avec une trame de "devoir plus fort que la passion", un peu comme La Princesse de Clèves, et une analyse psychologique fine qui rappelle Paul Bourget, ou " Le mépris" d'Alberto Moravia.

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Dominique

Dans ce roman si "classique" et pourtant si singulier, comme dans le poème (ou presque), tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et ... promesse illusoire de volupté. Mais si cette promesse n'est qu'illusoire, elle n'en est pas moins empreinte de ferveur et d'émois vertigineux. On peut aussi jouir de ce qui aurait pu avoir lieu et Eugène Fromentin, peintre, romancier et écrivain-voyageur, sait nous le faire ressentir grâce à une langue et un art de la narration tout-à-fait remarquables :



« Souvent je m'étais demandé ce qui arriverait si, pour me débarrasser du poids trop lourd qui m'écrasait, très simplement, et comme si mon amie Madeleine pouvait entendre avec indulgence l'aveu des sentiments qui s'adressaient à madame de Nièvres, je disais à Madeleine que je l'aimais. Je mettais en scène cette explication fort grave. Je la supposais seule, en état de m'écouter, et dans une situation qui supprimait tout danger. Je prenais alors la parole, et, sans préambule, sans adresse, sans faux-fuyants, sans phrases, aussi franchement que je l'aurais dite au confident le plus intime de ma jeunesse, je lui racontais l'histoire de mon affection, née d'une amitié d'enfant devenue subitement de l'amour.[...] »



Oui, il y a comme une sorte de plaisir régressif à se plonger dans la lecture de Dominique mais pourquoi diantre se priver de ce plaisir-là ?
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Dominique

N°590– Juillet 2012.

DOMINIQUE – Eugène Fromentin (1863).



Ce roman est une sorte de récit-gigogne où le narrateur raconte comment il fait la connaissance, un peu par hasard, de Dominique de Bray avec qui il sympathise. Son nouvel ami, apprenant le suicide manqué d'Olivier d'Orsel avec qui il fit ses études, remonte le temps et narre à son tour son histoire personnelle en évoquant son enfance aux « Trembles », un domaine campagne où il étudie sous la direction d'Augustin, son précepteur, pour ensuite partir pour le collège où il rencontre Olivier. Dominique ne tarde pas à rencontrer une des deux cousines de ce dernier, Madeleine et, bien sûr, en tombe amoureux. Malheureusement il s'aperçoit qu'elle est promise à un autre, M. de Nièvres. Au moment du récit, Dominique et marié, père de deux beaux enfants, à la tête de son domaine et de sa commune, bref il semble heureux, en apparence seulement.



On peut aisément classer ce texte d'Eugène Fromentin , né à La Rochelle en 1820 et mort à St Maurice (faubourg de La Rochelle) en 1876, parmi les romantiques. C'est d'ailleurs l'unique roman de cet auteur, connu davantage comme peintre, critique d'art (« Les Maître d’autrefois ») et chroniqueur de ses propres voyages (« Un été dans le Sahara »(1854) et « Une année dans le Sahel »(1857). Il est admis que « Dominique » est un texte autobiographique puisque, au cours de ses études, Eugène tomba amoureux de Jenny-Caroline Chessé, une jeune fille de 17 ans, une voisine, mais cet amour fut sans suite puisqu'elle épousa Béraud, un modeste fonctionnaire de La Rochelle. Quand elle mourut à l'âge de 28 ans, il en fut bouleversé. En réalité, ce roman prit forme dans sa tête à l'âge de 22 ans et Fromentin attendit quinze années pour y mettre le point final, pour s'en libérer peut-être ? Dans ce texte, plein de sensibilités et d'émotions, Eugène Fromentin se livre à une analyse des sentiments amoureux de Dominique autant qu'à ses états d'âme tourmentés par la désillusion et la mélancolie dues à un amour déçu. En effet, le narrateur confesse « assister à sa vie comme un spectacle donné par un autre ». En, fait, il s'y ennuie. De plus, Dominique, amoureux d'une femme qui lui échappe souffrira et devra renoncer à sa passion. Madeleine qu'il aime profondément, sans le savoir au début, puis passionnément sans être payé de retour autrement que par une sincère amitié et une estime constante voit cette jeune fille devenue Mme de Nièvres lui échapper complètement [« Madeleine était perdue pour moi et je l'aimais »]. Quand il était en sa présence, cela tenait pour lui d'une apparition, d'un moment de félicité et il ne savait pas, compte tenu de ses sentiments, s'il était « torturé ou ravi », ce qui n'était pas sans provoquer chez lui des maladresses. Il est tellement déçu qu'il en vient à se mépriser lui-même[« En me démontrant que je n'étais rien, tout ce que j'ai fait m'a donné la mesure de ceux qui sont quelque chose »]. L'auteur précise même les choses plus avant « Tout homme porte en lui plusieurs morts ».

Mais ce récit est aussi un hymne à la nature, à la chasse, à la terre qui fait ici figure, pour Dominique, de remède à ce mal d'amour dont il souffre. Le roman s'ouvre sur la présentation de Dominique en propriétaire foncier bienveillant, vigneron amoureux de sa terre, maire généreux et aimé de tous. Fromentin parsème son récit de descriptions picturales et poétiques, scènes champêtres ou paysages maritimes qui évoquent en lui le peintre influencé par Eugène Delacroix. On peut d'ailleurs aisément les mettre en perspective avec la psychologie du personnage principal. Dominique est obsédé par ce passé au point de se complaire dans l'évocation de cette vie qui semble s'être déroulée hors du temps et peut-être malgré lui et dans laquelle on sent qu'il ne s'est pas épanoui. Dominique a renoncé à tout, à une carrière littéraire prometteuse, à un rôle politique important, se cantonnant à un rôle de notable de province, à cause de cet amour contrarié. C'est un peu l'histoire d'un échec, une vie où il s'ennuie d'autant que Madeleine, sans céder en rien à cet amour impossible a parfois des attitudes équivoques. ll y a du « bovarysme » dans ce roman et Fromentin dissèque avec la précision d'un chirurgien l'âme de ce malheureux, ses pudeurs, ses hésitations, son insatisfaction, sa timidité maladive[«Je la fuyais. L'idée de lever les yeux sur elle était un trait d'audace »], son penchant pour la solitude.

Olivier en revanche se voue à l'hédonisme, mais lui aussi, dans un autre registre rate tout, jusqu'à sa mort. Pourtant, tout oppose ces deux amis puisque Julie, sa deuxième cousine, est amoureuse de lui mais il ne l'aime pas. L'amitié qui lie les deux hommes fait d'Olivier le témoin privilégié des tourments de Dominique qu'il tente d'apaiser, mais en vain. Seul Augustin, le précepteur de Dominique, semble se tirer d'affaire et vit un amour heureux.

George Sand à qui ce texte est dédié ne s'est pas trompée sur le talent de son auteur, non plus d'ailleurs que Sainte-Beuve qui salua lui aussi ce créateur polyvalent.



Eugène Fromentin est un écrivain injustement oublié à qui les Rochelais ont consacré un monument, une rue et un lycée de leur si belle ville mais qui, malheureusement n'est plus guère lu aujourd'hui [Je remarque que certaines éditions de ce roman sont illustrées de délicates aquarelles de Louis Suire ou d'eaux-fortes colorées de Henri Jourdain]. Au risque de paraître ringard et amoureux des choses surannées et dépassées à notre époque, je dis que j'ai aimé ce livre non seulement pour la pertinente analyse des sentiments, pour la peinture précise du caractère de chaque personnage, pour la description des lieux dignes du peinte qu'il était. Je note cependant que, malgré les temps qui changent, les choses qui évoluent, comme on dit, nous portons tous en nous une part de désillusions, des regrets, des remords, des illusions définitivement perdues ... Ce roman en est l'illustration, ce qui fait de lui une œuvre authentique, même si la manière d'exprimer les choses a un peu changé.



Ce qui m'a fait aimer ce roman c'est peut-être avant tout parce qu'il est bien écrit. C'est toujours un plaisir pour moi de lire un texte d'un serviteur si attentif de notre belle langue française.

©Hervé GAUTIER – Juillet 2012.http://hervegautier.e-monsite.com
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Dominique

Voilà un livre qu'à peine ai-je commencé à lire et que je considère fort intéressant parce que la critique que j'ai trouvé dans 'l'Introduction' de M. Armand Hoog est magnifique. C'est pourquoi, j'ai decidé de la publier sur Babelio.

Il y a des livres (ou des morceaux d'un livre) qui porte en eux des gouttes d'âme de l'auteur qui exprime le mieux la nuance de notre esprit, la nuance de la conscience universelle. Il y a des morceaux de papier qu'on apprend facilement par coeur parce que notre âme s'y identifie. L'âme de l'écrivain a la 'peau de papier' parce que l'acte de l'écriture commence par tremper la plume dans son âme et finit par verser son âme sur le papier.

Un livre qui commence par ces mots ne peut être qu'un livre captivant et attrayant:

'Certainement je n'ai pas à me plaindre - me disait celui dont je rapporterai les confidences dans le récit simple et trop peu romanesque qu'on lira tout à l'heure - car, Dieu merci, je ne suis plus rien, à supposer que j'aie jamais été quelque chose, et je souhaite à beaucoup d'ambitieux de finir ainsi. J'ai trouvé la certitude et le repos, ce qui vaut mieux que toutes les hypothèses. Je me suis mis d'accord avec moi-même, ce qui est bien la plus grande victoire que nous puissions remporter sur l'impossible. Enfin, d'inutile à tous, je deviens utile à quelques-uns, et j'ai tiré de ma vie, qui ne pouvait rien donner de ce qu'on espérait d'elle, le seul acte peut-être qu'on en attendît pas, un acte de modestie, de prudence et de raison. Je n'ai donc pas à me plaindre. Ma vie est faite et bien faite selon mes désirs et mes mérites.'

Dans son Introduction*, M. Armand Hoog parle d'une 'rhétorique de la blessure' dans 'Dominique' et considère Fromentin comme 'ce champion de la nuance'.

Voilà une partie de la belle critique dont je parle:

{Dans la physiologie symbolique de Fromentin les blessures ne se cicatrisent pas. Ajoutez le martyre constant du coeur, thème fidèle du Saint-Sebastien romantique. La mythologie du coeur souffrant est suffisamment riche chez Fromentin: 'coeur orageux, martyrisé de chimères', 'coeur torturé et brûlant', 'coeur qui saigne', 'coeur blessé', 'coeur qui éclate', paroles qui se plantent 'dans (le) coeur comme un coup d'epée', on trouve de ces mots presque à chaque instant dans 'Dominique'. La douleur y bride le coeur, on s'y brise le coeur pour le forcer à battre plus doucement, on invite l'autre à vous retourner le coeur...[...]

Fromentin a trouvé d'amers bonheurs à peindre, chapitre après chapitre, cette immobilité d'un temps anesthesié, chloroformé, cataleptique. Temps pétrifié bien plus que conservé.}



* 'Dominique', Eugène Fromentin, Librairie Armand Colin (Bibliothèque de Cluny), Paris, 1959;
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Une année dans le Sahel

Des bagages remplis de croquis et de notes ramenés d'Algérie, une mémoire sans pareille aux dires des contemporains et la tête tourneboulée par un pays dont il ignorait tout ont fait de l'indécis Fromentin ce qu'il est devenu : un peintre écrivain ou un écrivain peintre, c'est selon, reconnu comme l'un des chefs de file de l'orientalisme et demeurant malgré tout extraordinairement à part. Sa première découverte très courte d'environ un mois avec son ami Armand du Mesnil l'a conduit à Blidah en 1846. Durant son deuxième séjour de huit mois, l'année suivante, il pérégrine en compagnie de deux peintres entre Constantine, Biskra et les oasis environnantes. Son troisième et dernier voyage qu'il effectue tout jeune marié est le plus long (1852/1853) et scelle au retour sa réputation d'écrivain : Un Eté dans le Sahara paraît en feuilleton (novembre et décembre 1854 puis en volume en 1857). C'est le récit des trois mois passés dans le Sud saharien - à Laghouat en particulier – où Fromentin rêvait depuis longtemps s'aventurer et à l'issue desquels il dit adieu à l'Algérie. Une Année dans le Sahel est postérieur (paru en feuilleton en 1858, en volume en 1859) complète son cycle algérien en utilisant les souvenirs de ses premiers voyages. Ainsi du séjour à Mustapha d'Alger (première partie), de la description de Blidah (deuxième partie), de l'épisode de chasse au lac Haloula et de la fantasia de la troisième et dernière partie. Une subtile ellipse fait revivre mentalement l'épisode au Sahara entre la deuxième et la troisième partie.



L'Année dans le Sahel use de la même forme, un journal épistolaire, que L'Eté dans le Sahara. Forme qui prend le rythme des diligences et des lenteurs de l'acheminement des nouvelles et des hommes dans le pays algérien du milieu du XIXe siècle, alors que les Français progressent dans leur entreprise colonisatrice – aspect des choses dont l'évidence diffuse se fait aussi sentir pour qui consent à regarder l'Histoire d'un peu près et que des notes très précises éclairent dans cette édition. (Un massacre a précédé Fromentin lorsqu'il arrive à Laghouat en ruines en juin 1853. Silence oppressant d'une petite ville écrasée qu'il expose aussi plus tard dans un tableau de 1859 « Une rue à El Aghouat »). L'écrivain joue donc ici subtilement de sa plume. Il s' adresse au lecteur mais par le détour d'un ami jamais nommé, supposé resté en France mais avec qui il aurait déjà parcouru l'Algérie. Evoquant des souvenirs communs, il parle de ses rencontres, du pays qu'il traverse, de ses paysages et des hommes d'Algérie, d'art et de quelques ambitions. L'explorateur et aventureux Vandell (son exact inverse) devient son compagnon de route. Les souvenirs rétrospectifs evoqués pour son ami parlent d'aujourd'hui mais pour servir aussi un fil narratif où une femme bientôt entre en jeu. Le dispositif dégage une authentique nostalgie et un certain lyrisme. Les réflexions disséminées dans les pages finissent par interroger sur le sens réel de ce voyage tant l'approche de Fromentin qui se dit sédentaire dans l'âme est particulière. Avec Vandell et Haoûa, femme mystérieuse rencontrée à Alger, dans la première partie, ils forment un trio intéressant vraiment insolite. C'est la jeune femme qui apporte son côté énigmatique au récit. Associée symboliquement à l'une des principales figures féminines du tableau de Delacroix qu'admire l'écrivain « Femme d'Alger dans leur appartement » (1834), elle permet également à Fromentin de livrer sa vision personnelle et très intérieure de l'orientalisme. Dans un siècle dominé par nombre de géants de la peinture et de la littérature Fromentin témoigne discrètement qu'il est possible d'exister à côté des grands puisqu'il est toujours réédité et lu aujourd'hui. La fin du voyage, bien que ou parce que tragique, est vraiment de toute beauté.

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Dominique

Dominique … Non, Sœur Sourire ne s’est pas inspirée de Fromentin pour truster les charts américains avec son tube à la rime tout de même équivoque… En fait, Dominique repose sur un thème qui a permis à Flaubert, Stendhal, Balzac - et j’en oublie sûrement et d’ailleurs c’est volontaire – de produire des chefs-d’œuvre que les tempes grises savent apprécier alors que les chères têtes blondes parcourent comme si une médaille du mérite était à gagner … Oui donc, ce thème est celui de l’amour impossible dans le monde bourgeois entre un jeune homme et une jeune femme mariée. Donc on ne va pas détourner nos lectures titanesques pour ce qui pourrait ressembler à un simple écueil glacé et presque oublié de la littérature du XIXème siècle … Non, j’en conviens ! Et pourtant quel régal dans les descriptions des paysages ou des scènes de vie : on ne peut s’empêcher de penser que Fromentin a su transmettre son art de peintre du pinceau à la plume. Quel plaisir aussi de partir pour une longue promenade au rythme du passé simple et de ses accents circonflexes se baladant sur les verbes du second groupe. Que c’est bon quand la virgule et encore plus le point virgule sont usés à bon escient …. Et c’est là que j’ai découvert ma fringale pour relire les classiques du XIX siècle : souvenir d’enfance comme la tarte que Môman sortait du four à l’heure du goûter …
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Une année dans le Sahel

Présenté sous forme épistolaire, ce récit de voyage publié en 1858 par l'écrivain et peintre orientaliste, fait la part belle aux traditions et paysages de ce pays visité et décrit respectueusement par l'auteur qui se lie avec ses habitants. Il a le mérite d'apporter une tentative d'explication au pourquoi en 130 ans de présence (abstraction faite de la relation colonisateur/ colonisé) en Algérie, les français n'ont pu s'unir aux algériens: "Pour nous, vivre, c'est nous modifier; pour les Arabes, exister, c'est durer. N'y eût-il entre les deux peuples que cette différence, c'en serait assez pour les empêcher de se comprendre".
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Dominique

Je ne connaissais pas cet auteur découvert par hasard grâce à une suggestion Babelio. Il est vrai qu'Eugène Fromentin n'a écrit que cette œuvre, et qu'il est plus connu en tant que peintre. Or, cela se sent en quelque sorte, dans l'attention portée aux descriptions, surtout celles des paysages : l'auteur dépeint de façon picturale une atmosphère, celle de la campagne en automne, avec ses brumes et ses sous-bois.

L'importante de la campagne, surtout dans la première partie, fait le lien avec George Sand est son écriture : le roman lui est adressé, dédicacé même. J'ai trouvé plusieurs points communs entre leurs œuvres. En effet, ils mettent tous les deux en avant une vie de famille simple, proche de la nature, une vie rangée profitant des paysages et des plaisirs champêtres, où les frontières sociales sont abolies, ou, plutôt, grâce à la générosité et à la bienveillance des maîtres, semblent abolies. Nous sommes en plein dans l'idéal romantique venu de la Nouvelle Héloïse de Rousseau : une famille aimante, des maîtres qui se mêlent aux paysans lors de fêtes champêtres, une mer battue par les vents pour donner le sentiment du beau et du sublime - même si on ne comprend pas bien où se passe l'action d'un point de vue géographique, il y a des bois, des champs, des estuaires et des flots.

Dominique lui-même pourrait ressembler à certains personnages masculins de l'écriture de George Sand : un poète exceptionnel dont le talent n'est pas assez reconnu, un amant qui verse des torrents de larmes face aux obstacles qui se dressent entre lui et son amour. Or, cette sensiblerie romantique - je ne dis pas sensibilité, a tendance à m'exaspérer.

Oui, je n'apprécie pas forcément les romans du romantisme qui se concentrent exclusivement sur des passions tristes, sans référence au contexte politique et social. Dominique s'intéresse ainsi un moment à la politique, mais sans décrire vraiment son engagement, ses idéaux - après tout, il est jeune adulte en 1848...

Il semble que ce soit un roman du conformisme : la passion - forcément malheureuse - et l'art doivent être réservés à la jeunesse, à Paris pourrait-on dire, alors que l'adulte doit vivre une vie de famille retirée en province, ce qui permet de trouver le bonheur. On retrouve ce genre de morale pourrait-on dire chez George Sand, mais de façon bien plus subtile, son écriture est, elle-même, plus passionnée, lyrique et poétique. Ici, je me suis longtemps ennuyée, attendant de réelles "péripéties" dans l'intrigue, attendant plus de caractérisation des personnages. Ainsi, Olivier, présenté comme un homme exceptionnel au début, n'apparaît que comme un dandy vain. De même, à part dans les descriptions de paysage, l'écriture de Fromentin ne m'a pas particulièrement touchée.

Un court roman, mais qui n'est pas d'une grande originalité, s'inscrivant dans son courant littéraire mais sans en attendre le sommet selon moi.
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Dominique

Le Roman Pastoral, Eugène Fromentin,

un amour de jeunesse dans «Dominique»



A /



La pastoral est un thème littéraire datant de l’antiquité (nostalgie des citadin pour la nature et, par extension, pour un passée mythique ou l’empreinte de l’homme sur la nature était nulle) évoquant une forme d’harmonie originelle entre l’homme et la nature.

Pastorale est une nouvelle de Marcel Aymé.

En peinture : le thème pastorale est particulièrement en faveur dans la peinture française aux 17e et 18e siècles.



Le genre pastoral ce définit par trois caractéristiques communes qui définisse avec précision ce genre.

1- Les personnages sont des bergers non pas de misérables gardiens de troupeaux mais des fils et filles de personnes bien nés qui ont choisi de vivre à la campagne loin des intriques et des envies



2- Les personnages passent leur temps à parler de l’amour, soit d’une façon quelque peu abstraite évoquant la fidélité, les devoirs de l’amant..., soit en racontant leurs amours malheureux. La chasteté des rapports amoureux va de soi.



3- Les personnages disparaissent pratiquement du récit lorsqu’ils sont mariés





Les trois caractéristiques précédentes montrent que la littérature pastorale est une littérature d’évasion, par laquelle le lecteur ou la lectrice peut rêver à ce qu’aurait pu être sa vie sentimentale dans un monde sans intrigues, sans envies et sans problèmes matériels.



La littérature pastorale s’inspire de deux sources, l’un de la littérature antique dont les auteurs les plus marquants sont Théocrite ( vers -300 av. J.C. ) et Virgile, l’autre pour des relations homme/femme, avec de la littérature courtoise (dénouement de l’amant à la dame, fidélité requise, chasteté)



Il est préférable de parler de «littérature pastoral» parce que le genre comprend des noms et des pièces de théâtre.



(Le roman dont l’Astrée 1607 - d’honoré d’Urfé, le retour à la nature était en vogue au 18e siècle qui permet de noter l’influence de la littérature pastoral, il faut noter que Marie-Antoinette aimait beaucoup la lecture de l’Astrée et qu’elle fit construire alors le hameau du Trianon à Versailles en 1783. Au 20e siècle le genre tombe dans l’oubli. L’Astrée n’est pas édité une seule fois du siècle, devenant communément introuvable jusqu’en 2006 rendu disponible sur internet. En 2007, le cinéaste Eric Rohmer réalise de ce livre une adaptation filmique sous le titre «Les amours d’Astrée et de Céladon» Il redonne par là à la culture collective française la mémoire d’un pan de son histoire littéraire.



B/



Eugène Fromentin est né, en 1820. On observe un renouveau d’intérêt assez général pour

l’écrivain aux replis subtils qui à conçu «Dominique (1862-1863)» et pour l’incomparable auteurs «des maîtres d’autrefois (1862-1863)» cet ouvrage connaît un succès considérable et nombreuses rééditions et une des meilleures études de critique d’art, en particulier pour les pages sur Rembrandt et Rubens sur la peinture hollandaise et flamande (récit d’après un voyage de quelques jours en Belgique et en Hollande)



La peinture de Fromentin n’est qu’une facette de son génie qui s’est aussi manifesté dans la

littérature avec moins de profusion.



Le style de Fromentin en peinture est influencé par Eugène Delacroix. Ses œuvres se distinguent par leur composition frappante, leur dextérité et l’utilisation de couleurs brillantes. Elles traduisent la grandeur inconsciente des attitudes barbares et animales.



En 1846, à l’insu de sa famille, il visite l’Algérie avec deux amis et peut ainsi remplir ses carnets de croquis des paysages et des habitants de l’Afrique du Nord, s’inscrivant en cela dans le mouvement de l’orientalisme.



Inspiré par une idylle de son adolescence, «Dominique», publié pour la première fois dans la

revue des deux mondes et dédicacé à Georges Sand, est, parmi les roman autobiographique

de son siècle, l’un des plus remarquables.





C/



Quelques-uns des premiers manuels de Fromentin contiennent des griffonnages, petits

soubresauts artistiques d’une époque où sa formation était surtout littéraire.



Lorsqu’il eut 16 ans, Eugène eut le bonheur d’avoir un professeur exceptionnel, une des ces

figures qui souvent, traversent la jeunesse des grands artistes et intellectuels :

«Léopold Delayant» qui dirigeait aussi la bibliothèque Municipale de la Rochelle. Il eut pour son élève une affection et une estime durable. Il écrivit dans une note, conservé à la bibliothèque

Municipale de la Rochelle : «Il donna de bonne heure de justes espérances. Il ne se distinguait pas seulement par sa vive intelligence, mais par un talent plus rare dans un élève, celui d’écouter»



Ainsi, cet homme qui allait se rendre célèbre par son éloquence «On l’écouterait toute la vie»

disait Georges Sand - commença par écouter avec une exceptionnelle intensité son professeur,

ses parents, mais avant tout «la nature»...



Mais, incontestablement, les liens les plus importants de ces années de collège n’étaient pas d’ordre familial ou amical : Il s’agissait d’une aventure avec une femme mariée.



On sait aujourd’hui que c’est Jenny-Caroline-Léocadie Chessé mariée à Emile Béraud, employé des contributions indirectes et membre d’une famille de notable de la Rochelle, quatre jours seulement avant le quatorzième anniversaire de Fromentin, qui allait par la suite inspirer au jeune homme sa première passion romantique. Bien qu’on eu affirmé que cette relation resta platonique, tous les témoignages qui subsistent suggèrent fortement le contraire.



Léocadie Chessé née à l’iles Maurice quatre ans avant Fromentin, vivait avec sa mère veuve,

à Saint Maurice, c’est à dire non loin de Fromentin. Le père d’Eugène avait été témoin de son

mariage. Bien que plus proche de Charles (frère d’Eugène) par son âge, elle avait toujours été plus attachée à Eugène. Il est improbable que celui-ci ait perçu l’intensité de ses sentiments pour elle avant son mariage. Une fois mariée, elle continua à le voir en public et en privé. Les parents

d’Eugène s’inquiétaient de leur intimité. Celle-ci s’était particulièrement développée pendant une

interruption d’un an dans les études de leur fils, après qu’il eut remporté tous les prix au collège de la Rochelle. Ceci contribua à leur décision de l’envoyer à Paris faire des études de droit.

L’affection de Fromentin pour Léocadie apparaît en détail dans «Dominique» modifiée et recréée d’une façon tout à fait intéressante.



En s’engageant sur une voie si contraire aux critères établis de la société, s’épanouissant

sexuellement et émotionnellement quand précisément, il s’isolait socialement, ce jeune homme d’un naturel timide cultivait, non sans une certaine perversité, des ressources cachées qui allaient modeler les plus significatifs de ses accomplissement esthétiques et critiques. Si, en apparence, il parvenait toujours à être un fils modèle une partie importante de son être intérieur était dangereusement pris de devenir quelque chose d’autre : Un artiste



Ses sentiments romantiques pour Léocadie stimulèrent sans aucun doute son éveil artistique.

Malgré quelque dessins, les tentatives littéraires prévalaient. De l’âge de 15 ans jusqu’à 20 ans passés, il écrivit des poèmes sans effort. Beaucoup de ses poèmes étaient inspirés par Léocadie Béraud et en fait beaucoup lui furent envoyés. L’influence dominante qui s’exerçait sur

Fromentin était probablement celle de Victor Hugo. Certains, des poèmes se rapportent aux

enfants de Léocadie. L’un de ses poèmes, «Noémi», décrit le développement de l’enfant qu’elle

espérait avoir -«Teint brun, dans le regard un peu de sang créole» - et relève également la conscience qu’avait Fromentin du style anglais par l’intermédiaire de la poésie et de l’estampe.



Vous avez bien souffert, n’est-il pas vrai, madame ?

Beaucoup en peu de temps, oh ! beaucoup ! Pauvre femme,

A cette heure où j’écris votre corps est brisé,

La fièvre anime encore votre pouls épuisé,

Et votre front qui cherche une obscurité douce,

Reste encore ébranlé de l’horrible secousse,...

Votre coeur seul, ô mère, a gardé, triomphant,

Des forces pour répondre aux cris de votre enfant.

...









Parmi les meilleurs poème de ses débuts figure le sonnet «Un nuage qui passe» dans lequel les deux quatrins offrent la description d’un nuage qui vient momentanément assombrir une belle journée et qui est composée dans les tercets à la tristesse vue au milieu de la joie. Le début est

particulièrement expressif :



«Souvent, par un beau jour, quelque nue incertaine,

Sale et triste, égarée, au fond du ciel serein,

Passe sur votre tête ; et son aile qui traîne

Vous jette une grande ombre et tache le chemin





Et, sur le sol ombré, tandis qu’il tombe à peine,

Un rayon à travers le nuage d’airain.

Un chaud soleil jaunit autour de vous la plaine.

Et les villages blancs vous rient dans le lointain.







Souvent de même aussi, sur le chemin des hommes,

Il advient qu’en passant par ce monde où nous sommes,

Où tout, vous le savez, n’est qu’heur et que malheur,



Nous voyons de ces fronts sur qui le chagrin sombre

Comme un voile a jeté sa pâleur et son ombre...

Tout autour d’eux, aussi, resplendit de bonheur



Eugène Fromentin., Mars 1838





D/



Une des trouvailles les plus significatives reliant le peintre et l’écrivain chez Fromentin est un

dessin, récemment retrouvé, qui offre la seule représentation certaine que l’artiste ait réalisée du grand amour de son adolescence, «Léocadie Béraud». Après la mort tragique et prématurée en juillet 1844 de celle qu’il allait inspirer la Madeleine de «Dominique» tout témoignage de cette liaison à été détruit. Il en est resté cependant, ce dessin vaporeux dont un ami de Fromentin Félix Sainton, s’est servi pour peindre une miniature ovale de Léocadie Béraud en 1845





C’est une œuvre inexpressive.

Assise sur une chaise-Longue, la jeune femme à un air passé, ses longs cheveux noirs «relèves sur la nuque» comme ceux de Madeleine

(Dominique Chapitre VI)



En revanche, il a bien saisi les yeux bleus et rêveurs de Léocadie Béraud ainsi que son nez aquilin et sa petite bouche fine et ferme. La tête qui s’incline légèrement en avant, d’une manière vivace et alerte, ajoute à l’impression dominante d’un être à la fois sensible et volontaire.







E/



En évoquant sa bien aimée, Fromentin à adopté une technique qui confère mystère et beauté au visage de la jeune femme. Entouré, d’ombre, ses yeux rayonnent et sa petite bouche fine est à la fois qu’un croquis, ce dessin fait valoir le «Large et éclatant regard» (Dominique Chapitre XIII ) qui revient, à de nombreuses reprises, dans la représentation de l’héroîne de «Dominique» : c’est un regard tendre et en même temps sondeur de secrets. Après avoir contempler ce dessin, on comprend mieux les émotions «de douleur et de joie» éprouvées par le héros éponyme du roman, lorsqu’il considère le portrait de madeleine et fait état de ce «fantastique entretien d’un homme vivant et d’une peinture» (Dominique - Chapitre XVI )



Il n’est pas impossible que le dessin qui subsiste soit une étude préparatoire en vue d’une miniature ou d’un tableau de Fromentin, que Sainton aurait copié avant que cette œuvre ne soit détruite : Déjà ces images constituent un accompagnement iconographique au compte rendu, dans «Dominique» du portrait de Madeleine au Salon.



Tous les détail ne correspondent pas, mais, dans l’ensemble, la similitude est frappante:



Ce portrait coupé à mi-corps conçu dans un style ancien, avec un fond sombre, un costumes indécis, sans nul accessoire : deux mains splendides, une chevelure à demi perdue, la tête présentée de face, ferme de contours, gravée sur la toile avec une précision d’un émail, et modelée, je ne sais dans quelles manière sobre, large et pourtant voilée, qui donnait à la physionomie des incertitudes extraordinaires, et faisait palpiter une âme émue dans la vigoureuse incision de ce trait aussi résolu que celui d’une médaille (Dominique chapitre XVI )



Dans le roman, «Dominique» confirme l’identité du modèle en trouvant dans le livret les initiales de Madeleine de Niévres. Mais il n’avait pas besoin de ce témoignage, surtout à cause des yeux,

l’indéfinissable dessin de la bouche donnaient à cette muette effigie des mobilités qui (lui) faisaient peur. (Dominique chapitre XVI )



Le mystère qu’Eugène Fromentin à volontairement entouré le personnage de Madeleine, idéal rêvé aussi bien qu’amour impossible...



Pour découvrir cet article dans son intégralité, vous-pouvez le retrouver sur www.PhRPeinture.fr

( Recherche sur Google.fr = Accueil mon Site Web ) et trouver dans le menu général « Les Peintres - Mes divers écrits »...



Article réalisé par : Philippe Rousseau

























Article détaillé sur l'héroine du chef d'oeuvre d'eugéne fromentin le roman "Dominique" (premier grand amour de jeunesse avec Léocadie Béraud qui est morte tragiquement en juillet 1844 d'un cancer du sein.

Sainton (1815-1878) ami du peintre et son maître artistique (peintre) a éxécuté une miniature de léocadie beraud d'aprés un unique dessin d'eugéne fromentin de léocadie (voir LA VIDEO CONFERENCE du professeur Barbara Wright, critique ci-dessous)

L'article sur léocadie Beraud:

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rvart_0035-1326_1987_num_78_1_347677#



LA VIDEO CONFERENCE SUR EUGENE FROMENTIN :

http://www.bm-saintraphael.fr/podcast.html
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Dominique

"Dominique" est un livre paru en 1862. C'est une oeuvre qui prend ses racines dans l'adolescence de l'auteur: Eugène Fromentin, qui était peintre à ses débuts. C'est l'histoire de Dominique de Bray qui revient, vingt-cinq ans plus tard, sur ce qui a été le grand amour de sa vie. Il a été profondément amoureux d'une cousine de son ami, Madeleine. Elle se marie, mais l'amitié qu'elle éprouve pour le jeune homme se transforme peu à peu en passion. Elle lui demande de s'éloigner, ce qu'il fait. Dominique maîtrise ses sentiments pour mener une vie ordinaire, rompant avec la tradition des héros romantiques.

Il va se contenter de revivre, avec une nostalgie en accord avec les paysages, ses souvenirs et ses rêves.

Un beau récit, avec une psychologie très fine et des personnages finalement plus proches du XXème siècle que du XIX ème siècle.
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Dominique

Je pensais avoir découvert les principaux auteurs classiques du XIXe siècle, mais il m'en restait au moins un : Eugène Fromentin.

Je me suis lancée dans la lecture de « Dominique » un peu par hasard, et je l'ai poursuivie avec gout, puis avec intérêt, et finalement avec beaucoup de plaisir.

La langue est belle, assez classique, et l'histoire est très romantique : on se pâme, on se languit et on se meurt d'amour, on a des rêves grandioses et des passions enflammées. le tout avec retenue et subtilité.

Mais ce que j'ai particulièrement apprécié ici, au-delà des clichés, ce sont des personnages attachants, plus complexes qu'ils n'en avaient l'air au premier abord. Et, surtout, le parcours de Dominique, avec sa profonde humanité et son réalisme au-delà du désenchantement; le sens qu'il finit par donner à sa vie en fait un modèle encore très actuel.

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Dominique

Un roman sur la pudeur et l’incommunicabilité des sentiments. L’analyse psychologique des personnages, les relations entre eux et la profondeur des phrases et des mots, tout cela réuni nous plonge au cœur du romantisme de la fin du XIXè siècle. Eugène Fromentin, peintre voyageur, décrit avec beauté les paysages, les associe aux tourments intérieurs d’un homme et d’une femme épris sans pouvoir vivre leur passion. Cela donne un récit parfois désuet mais très réaliste.
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Dominique

Chef d'oeuvre post-romantique, au style éblouissant et d'une construction impeccable : Fromentin, peintre de formation, a notamment écrit des ouvrages de critique d'art (voir en particulier Les maîtres d'autrefois). Il compose pour Dominique une mise en page d'une grande rigueur, avec récit dans le récit, tel un cadre ouvragé autour d'un tableau de genre. Son sens pictural nous vaut également des descriptions magnifiques et précises, des portraits touchants, et d' inoubliables paysages de Charente. L'auteur figurait parmi les références de Chardonne, dont les romans parlent aussi, avec grâce et légèreté, de ce terroir. Dominique fut, au départ, un ouvrage de commande, dont la réalisation a en fait envoûté le romancier au point que son autobiographie s'y lit constamment en filigrane. Livre unique, livre d'une vie, Dominique est une des rares œuvres littéraires dont la sincérité rayonne à chaque ligne, et qui procure ainsi un parfait bonheur de lecture.
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Dominique

Roman d’initiation, sans conteste, mais aussi de la lente quête de la tranquillité à l’épreuve des mirages de la passion impossible. Il est ici question d’une lutte entre le désir et une certaine conscience qui fait dire à une femme vertueuse non dépourvue de cœur : « Vous me martyrisez et vous me déchirez », aveu coupable autant qu’appel à l’aide adressé à sa propre raison.

Dans la forme, Dominique est un récit à tiroirs puisque le narrateur nous conduit auprès du personnage éponyme, lequel choisit, à la suite d’un incident réveillant son passé, de s’en épancher auprès de lui. Ces confidences constituent la majeure partie de l’histoire ; une histoire aux forts relents romantiques, publiée en 1863.

Eugène Fromentin – par ailleurs peintre – a l’art de décrire tant la nature que les individus, avec une économie de mots, justes et précis, comme s’il s’agissait de remplir le mieux possible une toile, sans un coup de pinceau de trop. Ainsi, les descriptions de paysages prennent une dimension éminemment visuelle : « Des navires passaient tout empourprés des lueurs du soir. Des feux s'allumaient à fleur d'eau: soit la vive étincelle des phares, soit le fanal rougeâtre des bateaux mouillés en rade, ou le feu résineux des canots de pêche. Et le vaste mouvement des eaux, qui continuait à travers la nuit et ne se révélait dans un silence où chacun de nous pouvait recueillir un nombre incalculable de rêveries. » On se croirait dans un tableau de Turner.

Quant à la confidence proprement dite, qui tourne autour d’un amour fou et déchirant pour une certaine Madeleine – sans omettre des personnages gravitant autour de Dominique, dont le vertueux Augustin s’opposant à l’égocentrique Olivier, obsédé par sa peur de l’ennui au point d’accepter de laisser dépérir sa cousine Julie, éprise de lui –, elle raconte une histoire que certains diraient éculée, particulièrement si l’on sait que Dominique est un jeune provincial qui monte à Paris.

Mais Dominique n’est ni Julien Sorel ni Rastignac, sa seule ambition étant de lutter contre lui-même et de trouver la paix, malgré les tumultes intérieurs dont il est la proie en songeant à Madeleine, une femme qui lui échappe en se mariant avec un autre, tandis qu’elle l’aime, finalement. Mais avant d’aborder aux rivages de cette paix, il faut à Dominique éprouver cette vérité, écrite plus tard par Flaubert : « La jeunesse a l’esprit tragique et n’admet pas les nuances. »

Oscillant entre l’instinct amoureux et la raison morale de son milieu social, Dominique se tourmente pendant un certain temps, s’évadant dans la production littéraire, se composant un personnage indifférent et essentiellement intellectuel, impossible à tenir longtemps, tâchant de voir le monde parisien inconséquent et d’où l’on peut disparaître « si commodément […] qu’un homme aurait le temps de faire le tour de la terre avant qu’on se fût aperçu de son départ. » Rien n’y fait, il aime.

Puis, survient la chute, et il ne reste plus qu’à Dominique ce choix : mourir ou rentrer chez lui. Ce sera donc le retour à la terre réparatrice, le récit n’étant pas un drame jusqu’au-boutiste où tout doit disparaître dans la mort.

Enfin, ce qui frappe dans ce texte c’est l’intemporalité de l’expression des sentiments, ou de leur absence. Dominique se résume ainsi : « Trouver ce qui convient à sa nature et ne copier le bonheur de personne. Si nous nous proposions mutuellement de changer de rôle, tu ne voudrais jamais de mon personnage, et je serais encore plus embarrassé du tien. Quoi que tu en dises, tu aimes les romans, les imbroglios, les situations scabreuses ; tu as juste assez de force pour en savourer délicatement les transes. Tu te donnes à toi−même toutes les émotions extrêmes, depuis la peur d'être un malhonnête homme jusqu'au plaisir orgueilleux de te sentir quasiment un héros. Ta vie est tracée, je la vois d'ici, tu iras jusqu'au bout, tu mèneras ton aventure aussi loin qu'on peut aller sans commettre une scélératesse, tu caresseras cette idée délicieuse de te sentir à deux doigts d'une faute et de l'éviter. » Tout ceci est dit par le personnage le plus à plaindre du roman, car il n’a, finalement, incarné que la jouissance immédiate, sans souci du lendemain, lequel, immanquablement, frappe un jour où l’autre à la porte de chacun pour déverser ce qu’il a semé dans son existence.

Alors, autant choisir des « résolutions qui se [manifestent] d’ailleurs d’elles-mêmes » et s’éviter l’amertume du gâchis. Telle est peut-être l’idée majeure du roman d’Eugène Fromentin…



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Dominique

Un délice. C'est un peu comme si vous vous trouviez, pour la première fois, en présence d'un grand vin, d'un très grand cru. C'est comme si vous découvriez la langue française et vous vous dites "Mon Dieu! j'ai failli passer à côté!".

Pour prendre un bol d'air, je sors, de temps en temps, du tunnel de la littérature contemporaine et je relis, Dominique; je me réconcilie, ainsi, avec les livres...
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Un été dans le Sahara

Mon premier ouvrage de cet auteur francais, un plaisir de lecture : les carnets de voyage sont des pieges car ils peuvent se reveler fades et sans interet : rien de tel ici , j'ai vraiment voyage avec l'auteur qui a un tres beau style et noys pffre des recits rythmés : je vous incite à lire ce livre si vous ne connaissez pas encore cet auteur !
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Dominique

J'aime comment Fromentin l'écrivain signe son oeuvre littéraire comme il signerait une toile ! La justesse de sa prose, la finesse de son style nous fait carrément "voir" des images de scènes qu'il écrit dans ce roman autobiographique.



Fromentin a cette façon de mélanger les genres, d'abord on retrouve, dans l'intrigue amoureuse centrale qui lie le héros à Madeleine, qui est mariée à un autre homme, des échos des souffrances du jeune Werther, sans compter les descriptions des paysages de la nature, ensuite le récit fait par Dominique n'est pas sans rappeler les aventures des romans picaresques, et finalement cette forme du "roman à tiroirs''. En effet, le récit principal, autobiographique, basé sur les souvenirs de l'auteur, est enchâssé et présenté comme secondaire à celui du narrateur fictif qui arrive aux Trembles et fait la rencontre de M. Dominique alors qu'il est retraité et vit paisiblement dans son domaine à la campagne.



Tous ces éléments font le style absolument original de cet auteur unique et dont le livre Dominique est à mon avis majeur.
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Dominique

La destinée des écrivains est changeante : leur heure de gloire peut être posthume et pour ceux qui la connaissent de leur vivant, ils ne sont pas assurés de la postérité, certains passant de mode plus ou moins vite jusqu'à être oubliés. Eugène Fromentin est probablement de ceux-là. Même à La Rochelle, ville dont il est natif, je serais curieux de savoir ce que donnerait un micro-trottoir sur son nom. Une rue, une statue, un collège, mais quid de son oeuvre, littéraire aussi bien que picturale ?

Dominique reste sans doute son oeuvre littéraire majeure avec Un été dans le Sahara. Et elle mérite une redécouverte ! Il est impossible, pour commencer, de ne pas dire un mot du style. Quel bonheur de retrouver avec ce livre, une belle langue. Une langue française de haute tenue que nous sommes en train de totalement oublier, hélas, et dont la fréquentation redonne beaucoup de plaisir.

De plaisir et de profondeur. La lenteur et la fluidité de la phrase viennent soutenir la double narration enchâssée de l'histoire d'un amour refoulé, un amour partagé mais irréalisable que l'auteur a lui-même éprouvé dans sa vie. Fromentin à digéré le romantisme, dont il conserve l'exploration de l'intériorité sans les excès larmoyants. Dominique est une oeuvre sombre, parée de silence, dans laquelle chacun des protagonistes joue une partition précise autour du personnage central.

La poésie des sensations est essentielle dans cette oeuvre ancrée dans la nature, dans le déroulement des saisons, et qui s'inscrit dans une lignée qui part de René jusqu'à La recherche du temps perdu, en passant par L'éducation sentimentale.
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Une année dans le Sahel

Un tres beau voyage avec l'auteur qui nous fait decouvrir l'afrique en sa compagnie et son style fait merveille pour ce genre de recit: une reussite !
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Les Maîtres d'autrefois : Belgique-Hollande. ..

Ce livre est une étude (savante) sur la peinture flamande et hollandaise.
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