L'interview sensible par Eva Bester et Marie Richeux, animé par Laurence le Saux
Journée proposée par Télérama et le Festival « Longueur d'ondes »
C'est l'histoire d'Adolphe Marlaud, pitoyable employé de pompes funèbres qui se dit que, s'il ne vit pas trop fort, ça fera sans doute moins mal.
Si vous lisez ceci, vous êtes en vie.
le pain perdu donne l'impression d'avoir un foyer.
CONSTAT SPLEENÉTIQUE
Empiriquement, j'ai remarqué plusieurs choses :
1. Le spleen comporte une grande part de narcissisme et les conditions les plus propices à son apparition et à son développement sont la solitude, la concentration sur soi et l'oisiveté.
2. L'art est consolateur, certes de façon éphémère, mais ne faisons pas les fines bouches ; chaque moment d'accalmie sur le barbecue brûlant de la vie est un miracle. L'art permet également de se distancier de soi, ce qui rejoint la première remarque.
3. Lorsqu'on partage avec quelqu'un sa passion pour une oeuvre d'art, une émulation s'opère et la chape de plomb qui nous entoure s'amoindrit. Deux interlocuteurs qui bavardent d'un sujet qui ne leur est pas personnel s'extraient d'eux-mêmes.
Si vous mélangez les trois remarques, vous obtenez la panacée et accessoirement l'époustouflante émission dont est tiré ce livre.
"La forêt, c'est assez effrayant, c'est quand même là qu'on est régulièrement abandonné par ses parents et que les chiens du monde entier s'exilent."
[Eva Bester]
Il m'est arrivé d'avoir des Noëls harmonieux ; je ne sais simplement plus s'ils ont eu lieu avant ou après ma naissance.
Dans ce monde de silhouettes, les objets ont une vie propre. Les flacons renferment des sortilèges, le surnaturel tourne alentour. En transfigurant la réalité, Spiliaert outrepasse la dimension du monde matériel
L’une des premières questions que je pose à mes invités dans l’émission est la suivante : « Quel rapport entretenez-vous avec la mélancolie ? » Je vais tâcher d’y répondre à mon tour avec sincérité.
J’entretiens avec la mélancolie des rapports quotidiens et profonds. Nous sommes de vieux amants qui, malgré la lassitude, m’arrivent pas à se séparer. J’ai tenté de la fuir, parfois de me vautrer dedans : il m’est arrivé de m’y complaire.
Le mal se manifeste chez moi par une hypersensibilité et une angoisse presque constantes, un pessimisme dodu, des rêveries horrifiques et un bon paquet de névroses divertissantes. Bref, j’ai pris toutes les options.
«La vie oscille, comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l'ennui.»
Arthur Schopenhauer
Je vous parle comme à des camarades de débâcle parce que je suis sûre que chacun d'entre vous, à un moment ou à un autre, a sévèrement dégusté. Que votre spleen ait été déclenché par une cause extérieure ou que vous soyez d'humeur cafardeuse sans explications cartésiennes, vous allez, je l'espère, trouver refuge dans ce livre.
Il est remarquable que chez beaucoup d'entre nous la première réaction au spleen soit de s'enfoncer dedans, de s'y laisser aller. À ce moment, tendre le bras vers un livre ou lancer un film peuvent devenir les gestes les plus difficiles à accomplir.
Je voudrais que ces pages soient consolatoires, et que vous puissiez y picorer à l'envi en cas de ciel bas. Si elles vous donnent le goût de découvrir quelque chose, d'écouter une chanson, de lire, de danser, de réfléchir, ou vous divertissent simplement, leur mission sera accomplie.
Si l'auteur est une grande mélancolique, il importe peu que vous le soyez aussi ; le but est ici de trouver des sujets de réjouissance pour toutes les compositions humorales. Vous n'avez pas non plus besoin de connaître l'émission pour piocher dedans ; même si le livre s'en inspire, il est autonome. Peut-être qu'un jour où vous serez triste vous vous plongerez dans sa lecture en même temps qu'une autre âme en peine, faisant de cet ouvrage une sorte de boudoir où l'on pourrait tous se retrouver quand ça va mal. On ne parlerait pas beaucoup, mais ce serait joyeux.
Si le monde est une grande masse obscure qui engloutit les êtres, Spilliaert donne à voir la beauté de ses abysses. Ses teintes mates et froides révèlent la lumière nocturne ; la nuit de l’âme n’est pas sans grâce. (p. 33)