Evita Greco, "Il rumore delle cose che iniziano"
Les mots qu'on échange quand on se marie lui ont toujours semblé bien ronflants. Ce n'est pas tant le "je te reçois" ni le "dans la santé et dans la maladie" qui donnent à cette promesse son côté si pompeux, c'est "t'aimer et t'honorer chaque jour de ma vie".
Honorer quelqu'un chaque jour. Qu'est-ce que ça veut dire ? Le reconnaître ? Le soutenir et le protéger ?
Depuis quelque temps, [Teresa, la grand-mère d'Ada] embrasse tout.
Les vêtements, les couvertures, les mains de sa petite-fille.
Jusqu'à l'écran du téléphone où apparaissent des photos de l'olivier.
Personne n'a le courage de lui demander pourquoi elle fait ça.
Prolonger la vie des patients, ne serait-ce que d'une semaine. Certains disent que c'est de l'acharnement, mais pas Giulia. C'est comme un jeu vidéo, pense-t-elle : à la fin du niveau, on tue un monstre, mais l'instant d'après on s'apprête déjà à affronter un monstre encore plus grand, et puis un autre encore. Giulia croit que ce n'est que comme ça qu'on vient à bout de certains monstres.
Niveau après niveau. Semaine après semaine.
Renouveler le regard des gens en leur montrant les endroits où les choses se reflètent - les fenêtres, les miroirs. Il y a aussi cela dans la liste de métiers établie par Ada.
Quand on ne parvient plus à voir un endroit comme si on ne l'avait jamais vu, pense-t-elle, il faut regarder son reflet. Elle le fait souvent. (…)
Regarder le reflet, ça marche aussi avec les jolies choses.
Il y a des bruits qui méritent qu'on s'y attarde, pense Ada : celui de l'orchestre quand les instruments s'accordent, juste avant le début d'un concert. Celui des feuilles lorsque le vent se lève. Des tasses que l'on pose sur le percolateur à la cafétéria.
Quand elles commencent, certaines choses ont une petite musique à elles. Ada s'arrête pour l'écouter.
C'est Teresa, sa grand-mère, qui lui a appris à reconnaître l'étonnement des débuts.
Tous semblaient avoir entendu exploser une bombe juste à côté d'eux, sans même l'avoir vue arriver. (…) La bombe ne les avait pas tués. Mais ils savaient qu'elle pouvait leur tomber dessus.
Et on n'efface pas facilement de son regard une menace comme celle-là, même quand on s'efforce de tout son être d'avoir l'air d'une personne sereine, qui ne veut pas déranger les autres avec ses angoisses.
Ada est devenue patiente et depuis, pour distinguer ce qui finit de ce qui commence, elle a appris à tendre l'oreille. Elle a compris que les choses, quand elles prennent fin, prennent fin en silence.
Tandis que celles qui commencent font une belle petite musique.
Hier, elle s'est dit que c'était peut-être ça, devenir adulte : quand on commence à s'inquiéter pour quelqu'un qui, un instant plus tôt, s'inquiétait pour vous. A présent, dans le silence du couloir fissuré seulement par le grésillement du néon, elle sait qu'on devient adulte le jour où il n'y a plus personne pour vous rattraper quand vous risquez de tomber.
Il n'a jamais vraiment pensé au mariage. Ni à la cérémonie ni à la réception. Il n'a pensé qu'à l'échange des alliances, il ne saurait trop dire pourquoi. C'est ce moment qui l'intéresse. Et aussi le reste du serment, cet instant dans la vie de deux personnes qui pensent vraiment pouvoir passer le reste de leurs jours ensemble.