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3.67/5 (sur 6 notes)

Nationalité : Belgique
Né(e) à : Soignies , le 29/09/1987
Biographie :

Florian Houdart est un jeune écrivain vivant dans le Hainaut. Il est l’auteur de deux romans, de plusieurs dizaines de nouvelles, de poèmes et de textes divers. Il qualifie son univers littéraire de « post-surréaliste », aimant la réflexion sur le langage, les images surprenantes, la philosophie « contemplative » et les thèmes absurdes. Florian Houdart est également slammeur et chanteur du groupe punk parodique Rotten Apples.
Blog auteur : http://letempsdesalbatros.blogspot.com/



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Florian Houdart, ( Chloe des Lys ) est l'auteur du mois de l'(émission "Nos amis et les amis de nos amis" de nov 2012 et créateur à Mons du café littéraire le "Coin des étoiles".


Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Extrait 1, Directive 4.

Dans le hall d’entrée, le bruit des graviers sur les vitres évoquait le fracas d’une grêle apocalyptique. Kevin examina l’endroit sous tous ses angles sans prendre la peine de saluer la réceptionniste au visage étrange mais vite oublié. Elle semblait étudier la manière un peu brouillonne qu’il avait de se repérer.
- Arrêtez. Vous n’y arriverez pas tout seul. Ça fait cinq ans que je suis bloquée ici, du lever du jour à la tombée de la nuit, et je m’y perds encore. Notez que je ne dois pas m’en sortir si mal que ça, sinon, le Parti ne m’aurait jamais demandé d’aider les gens à localiser leurs vieux.
Elle avait une bouche en cul de poule et une voix de canard. Un vrai spécimen de ferme.
- Numéro ? beugla-t-elle.
- Je viens rendre visite à ma Tante Annie, expliqua Kévin.
- Je me fiche de son nom. Si elle est ici, c’est qu’elle n’en a plus. Passé soixante-cinq ans, vous n’êtes plus rien. D’abord, vous perdez la mémoire. Ensuite, vos jambes refusent de vous porter. C’est pas pour rien que le Parti vient vous chercher. Dans le temps, on les payait, ces momies-là. Faut dire qu’elles avaient fait la guerre et qu’on leur devait bien ça. Aujourd’hui, on n’a plus les moyens. Allez, je m’ennuie tant que je parle trop. Filez-moi donc ce numéro, que je vous guide avant que vous ne finissiez coincé entre quatre vieux. »
- J’en sais rien, fit Kévin, les bras ballant.
- La petite crasse qu’elle a dans le cou, votre tante. Vous ne la voyez pas ? C’est là qu’il est noté son numéro.
- Non.
- Bon essayons. C’est si rare qu’on me donne de l’occupation. Les ouvriers ne savent pas la chance qu’ils ont. Je m’ennuie tellement derrière mon bureau, moi. Et le pire, c’est qu’il me faut coudre toutes les semaines des faux cols mauves à pois verts pour remercier Elias Di Puri de la place qu’il m’a trouvée là. Ah, cet Elias ! Pourquoi faut-il qu’il soit à voile et à vapeur ? Quel gâchis ! Un homme avec autant de goût…
Kévin la dévisagea d’un air halluciné. Elle pouffa de rire et reprit, joviale :
- Soyons logique, pour commencer. Quand nous a-t-on livré votre Tante Annie ?
- A quelle époque elle a été internée ici, vous voulez dire ?
- Tu sais que les vrais idiots sont ceux qui font toujours semblant de ne rien avoir compris ?
- Un petit idiot, c’est tout de même plus mignon qu’une grosse conne, remarqua Kévin.
- Je ne vois pas ce que tu veux dire…
- Voyez comme vous êtes sympa quand vous vous y mettez, vous aussi.
La réceptionniste commençait vraiment à apprécier ce jeune homme. Il connaissait l’art de mêler l’éloge à l’insulte, cet art hautement politique qui l’excitait tant.
- Embrasse-moi sur la joue. Je suis en manque, explosa-t-elle, rubiconde.
- Non, vous avez tout ce qu’il vous faut. Les faux-cols d’Elias sont derrière vous.
- C’est vrai, admit-elle en rougissant. Depuis quand est-elle ici votre Tante ?
- Ca doit faire un an.
- Ah oui ? Un an ? Ce n’est guère précis ! Vous voyez les trois étagères, là, sur le côté ? Ces classeurs contiennent les fiches signalétiques de tous les vieux livrés il y a « plus ou moins un an ». Comment voulez-vous que je m’y retrouve ? Des vieux, on nous en amène tous les jours. Des incontinents, des grincheux, des sans gêne, des sans dents. Ils se ressemblent tous tout en étant différents. »
Il y avait maintenant dans sa voix une pointe d’acrimonie qui fleurait bon la ménopause. Elle se décrispa puis reprit, plus posée :
- Chambre 211, deuxième étage. La Tante Annie, c’est la morte-vivante qui se fait dessus chaque matin. Les veilleuses s’en plaignent tellement que je me demande pourquoi je n’y ai pas songé directement. Surtout que vous êtes un petit chieur, vous aussi. La parenté, ça se reconnaît à ces choses-là.
Kévin haussa les épaules, sans la remercier, et se dirigea vers les escaliers. Plus il montait, plus les chambres étaient petites et plus son mollet souffrait. L’odeur de propreté artificielle du rez-de-chaussée devenait plus poivrée. Au fil des marches, elle se colorait progressivement d’ammoniaque ; le tout étant relevé par quelques relents trop denses comme seuls peuvent en produire les corps usés et malades.


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Extrait 2, directive 6

Patrick promenait ses pensées le long des berges. Une rivière aux eaux mortes séparait Adrien des machines tranchantes. Des ponts de fumée délabrés surplombaient le cours d’eau. La brume enveloppait les Carrés comme pour les dérober à la vue des passants mais la misère soufflait dans les arbres son murmure étouffé. Et les arbres devenaient chauves. Une anémie incurable écaillait de jour en jour la parure de couleurs du paysage.
- Dis Papa, elles s’arrêtent quand les vacances ? demanda une petite voix chantante.
Patrick se retourna et se força à sourire à son fils.
- Ah, tu vas mieux toi !
Il tendit les bras et le petit garçon vint s’y blottir.
- Je ne t’avais pas demandé de rester dans ta chambre et de te reposer ?
- Je commence à m’ennuyer…
- Je vais bientôt partir au travail. Allez, viens, on rentre. Je vais te mettre de la crème et puis, tu iras jouer chez les Zidansky.
- Je n’ai pas envie. Il y a Vladimir qui me frappe toujours.
- Bonhomme, tu sais bien que ce n’est pas possible. Tu ne vas quand même pas rester seul au chalet ? Tu t’ennuierais encore plus. N’oublie pas qu’on est vendredi. Et qu’on part en car aux galeries Gaïa ce soir.
- Je n’aime pas Gaïa… Il fait tout noir. On se cogne partout et quand je regarde les lumières pour ne plus avoir peur, j’ai plein de taches devant les yeux.
- Moi non plus je n’aime pas Gaïa, admit Patrick. Mais tu sais, dans la vie, on est parfois obligé de faire certaines choses même si on n’en a pas envie. S’il n’y avait pas ce car qui nous emmène dans les galeries Gaïa le vendredi soir, eh bien le frigobox serait toujours vide et nous n’aurions plus rien à manger.
- D’accord, Papa. Mais ça aurait quand même pu être un peu plus drôle, tu ne crois pas ?
Patrick se tut. C’était un détail sans importance. Une de ces questions qui appelle un mensonge. Et il n’aimait pas mentir à son fils. Il ne se supportait plus quand ses paroles sonnaient faux. Etait-ce vraiment nécessaire tous ces mensonges ? Au fond, il ne souhaitait pas vraiment le savoir. C’était plus rassurant de s’attacher à préserver l’innocence d’Adrien.
Les chats avaient laissé l’empreinte de leurs dents sur l’avant bras du petit garçon. Une longue croûte verdâtre qui donnait l’impression effrayante de digérer le rose innocent de sa peau d’enfant.
Adrien laissa son père examiner sa blessure sans mot dire, rejouant mentalement un film qu’il avait vu avant de partir en vacances. Des gens vivaient dans de drôles de petites maisons sur roues près d’une rivière dans laquelle ils pêchaient de gros poissons. C’était comme un vaste jardin. Les enfants pouvaient y courir à leur guise, découvrir des insectes et des plantes bizarres. Le monde comme il avait toujours voulu le voir avec un décor de dessin animé, inoffensif mais sauvage. Il avait quitté les berges rien qu’en y pensant pour replonger dans les contes que lui lisait autrefois sa maman. Maman… Ce n’était plus qu’un visage pâle et effilé qui gisait dans un cadre, sous le lit de Papa. Un lit qui n’était qu’une planche de bois dans un « chalet » aussi agréable à regarder que des toilettes chimiques sur un chantier. La chaumière abandonnée de la sorcière, peinte dans un vert bouteille écoeuré. Et il y en avait d’autres, des chaumières abandonnées. Tous les « chalets » avaient cette allure-là. Pourquoi donc Papa appelait-il ça des « chalets » ? Les chalets, ce sont ces jolies maisons pleines de soleil sur les cartes postales. Ces maisons qui te disent « Maintenant, tu es en vacances » quand tu vas déposer tes bagages à l’étage.
Papa ne savait plus nommer les choses depuis que Maman était partie. Avant, Maman lui disait toujours : « Mon chéri, tu te trompes. C’est vert, ce n’est pas bleu ! », « Patrick, fais attention ! Tu as encore mélangé le linge propre avec le linge sale ! »
Papa s’était sûrement trompé d’endroit. On n’était pas en vacances, ici. Les vacances, ça devait être un peu plus loin. Fallait-il se taire ou tout lui révéler ? Il serait certainement triste s’il apprenait qu’une fois de plus, il a tout mélangé. Oui, il serait triste parce que cette fois, personne n’avait été là pour lui demander de « faire attention ».
En silence, Adrien tendit la main. Muet, Patrick la prit et le conduit chez les Zidansky. Les buissons captifs des ronces remuaient à leur passage, laissant de temps à autre entrevoir les petites oreilles pointues des démons aux yeux jaunes et à la queue ébouriffée qui s’y tapissaient sournoisement.
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Hébété, Patrick déambulait dans l'intérieur arrogant, moderne, froid et anguleux de la clinique quand les hauts parleurs s'enclenchèrent et qu'une voix mécanique s'adressa à lui :
-Monsieur Demaret, nous sommes heureux de vous voir. Comme à l'accoutumée, Patick ne se priva pas d'être franc et direct :
-Moi, je serais heureux de voir mon fils.
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Les gens ont trop pris l'habitude de se battre pour des droits qu'ils n'ont pas. Mais ils n'ont jamais assez lutté pour le maintien de ceux qu'on a voulu leur enlever. Et c'est là-dessus qu'ils nous ont eus.
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