François-Xavier Maigre lit des poèmes extraits de son recueil "
Trois foulées plus bas", paru ne 2019.
Le vent me dit
que tu portes souffle
Le vent me souffle
que tu portes vie.
A flanc de berge ou contre toi
légère est la brume
qui soigne nos silences
Nous n'avons pas fini
de nous connaitre
et de lancer nos vies
Loin devant
loin devant
Comme des galets ronds
dans l'eau verte du soir.
Retour de reportage
Hier encore,
j'écoutais cette fille de Syrie
ne sachant ni lire ni compter
mais apte à contrefaire
de ses lèvres menues
le fuselage sourd
qui éventra sa chambre
J'ai voulu suivre son père
entre les bâches et les cartons
nous avons erré autour du camp
comme deux bêtes
puis nous nous sommes assis
sans dire un mot
près de l'azur accusateur
Mes enfants je suis de retour
quelle heure peut-il être
j'abandonne besace et poussière
sur la pointe des pieds
pour ne pas vous réveiller,
et le silence de la nuit parisienne
m'est insupportable.
(Revue Arpa)
Chêne blanc,
Toi, l'être le plus lucide
qu'il m'a été donné
de connaître
Bloc de solitude
où remonte la source
Se taire
et demeurer
C'était cela, vivre.
Les lignes de ta main ( extrait)
A flanc de berge ou contre toi
légère est la brume
qui soigne nos silences
Nous n'avons pas fini
de nous connaître
et de lancer nos vies
Loin devant
loin devant
Comme des galets ronds
dans l'eau verte du soir.
Prière pour un loup
Le froid s'accroche aux persiennes
la lune inonde ma tanière
loup, j ai beau avoir vieilli
et ne plus croire en tes sortilèges
j'ai beau savoir que nos forêts
ne voient plus ton pelage argenté
briller sous les étoiles
à l'heure où faiblit l'opaline
il est doux de rêver
que tu rôdes encore
dans l'enfance de mes nuits.
Je voyage léger
nu au-dedans
dépouillé au plus intime
avec rien - et moins encore -
oh ! J'avance
cela m'est suffisant
On se cramponne
à tout ce qui scintille
à cette part d'enfance
gravée au revers des ombres
Et à tout ce que la nuit
porte de nous-mêmes.
Le vent, les klaxons
la procession des souffles rauques
Une bourrasque me harponne avec fureur
ici commence
la langue noire des solstices.
Premier soleil de juin
à cru sur nos rétines
Et l'odeur des pelouses
pour me perdre à ton bras
Au pluriel, à la chance
à nos ombres fertiles
Il est beau
d'être aveugle
lorsque c'est avec toi.