Citations de Gaël Faye (1254)
Je n'habite nulle part. Habiter signifie se fondre charnellement dans la topographie d'un lieu, l'anfractuosité de l'environnement. Ici, rien de tout ça. Je ne fais que passer.
Je n'avais pas de réponse à donner à ma petite sœur. Je n'avais pas d'explications sur la mort des uns et la haine des autres. La guerre, c'était peut-être ça, ne rien comprendre.
La souffrance est un joker dans le jeu de la discussion, elle couche tous les autres arguments sur son passage. En un sens, elle est injuste.
On ne doit pas douter de ka beauté des choses, même sous un ciel tortionnaire.
Le bonheur ne se voit que dans le rétroviseur.
Quand le drame est bien trop grand il se transforme en statistiques
Et Lady Di a plus de poids qu'un million de morts en Afrique
Le génocide est une marée noire, ceux qui ne s'y sont pas noyés sont mazoutés à vie.
Bien sûr, un livre peut te changer ! Et même changer ta vie. Comme un coup de foudre. Et on ne peut pas savoir quand la rencontre aura lieu. Il faut se méfier des livres, ce sont des génies endormis.
Je ne suis ni Hutu ni tutsi, ai-je répondu. Ce ne sont pas mes histoires. Vous êtes mes amis parce que je vous aime et pas parce que vous êtes de telle ou telle ethnie. Ça, je n’en ai rien à faire !
Je voyais l'image paisible de Papa et Ana allongés sur le lit, devant la télévision. L'image de leur innocence, de toutes les innocences de ce monde qui se débattaient à marcher au bord des gouffres. Et j'avais pitié pour elles, pour moi, pour la pureté gâchée par la peur dévorante qui transforme tout en méchanceté, en haine, en mort, en lave.
- Vous avez lu tous ces livres ? j'ai demandé.
- Oui. Certains plusieurs fois, même. Ce sont les grands amours de ma vie. Ils me font rire, pleurer, douter, réfléchir. Ils me permettent de m'échapper. Ils m'ont changée, ont fait de moi une autre personne.
- Un livre peut nous changer ?
- Bien sûr, un livre peut te changer ! Et même changer ta vie. Comme un coup de foudre. Et on ne peut pas savoir quand la rencontre aura lieu. Il faut se méfier des livres, ce sont des génies endormis.
[...] si on se vengeait chaque fois, la guerre serait sans fin, mais j'étais perturbé par ce qu'il venait de révéler sur sa mère. Je me disais que son chagrin était plus fort que sa raison. La souffrance est un joker dans le jeu de la discussion, elle couche tous les autres arguments sur son passage. En un sens, elle est injuste.
Je voyais l'image paisible de Papa et Ana allongés sur le lit, devant la télévision. L'image de leur innocence, de toutes les innocences de ce monde qui se débattaient à marcher au bord des gouffres. Et j'avais pitié pour elles, pour moi, pour la pureté gâchée par la peur dévorante qui transforme tout en méchanceté, en haine, en mort. En lave. Tout était flou autour de moi, les vociférations s'amplifiaient. L'homme dans le taxi était un cheval presque mort. S'il n'existe aucun sanctuaire sur terre, y en a-t-il un ailleurs ?
Bien sûr, un livre peut te changer! Et même changer ta vie. Comme un coup de foudre. Et on ne peut pas savoir quand la rencontre aura lieu. Il faut se méfier des livres, ce sont des génies endormis.
Mais le Rwanda du lait et du miel avait disparu. C'était désormais un charnier à ciel ouvert.
Un spectre lugubre s'invitait à intervalle régulier pour rappeler aux hommes que la paix n'est qu'un court intervalle entre deux guerres. Cette lave venimeuse, ce flot épais de sang était de nouveau prêt à remonter à la surface.
Nous ne le savions pas encore, mais l'heure du brasier venait de sonner, la nuit allait lâcher sa horde de hyènes et de lycaons.
J'avais fait un caprice pour être à la fenêtre parce qu'il pleuvait et que j'aimais assister aux courses de gouttes d'eau le long de la vitre et souffler dessus pour dessiner dans la buée. Ça faisait passer le temps durant les longs trajets à l'intérieur du pays.
Au temps du bonheur, si l'on me demandait «Comment ça va? » je répondais toujours « Ça va!». Du tac au tac. Le bonheur, ça t'évite de réfléchir. C'est par la suite que je me suis mis à considérer la question. À soupeser le pour et le contre. À esquiver, à opiner vaguement du chef. D'ailleurs, tout le pays s'y était mis. Les gens ne répondaient plus que par « Ça va un peu». Parce que la vie ne pouvait plus aller complètement bien après tout ce qui nous était arrivé.
Ma vie est ici. En France.
Je n'habite plus nulle part. Habiter signifie se fondre charnellement dans la topographie d'un lieu, l'anfractuosité de l'environnement. Ici, rien de tout ça. Je ne fais que passer.
Je loge. Je crèche. Je squatte.
Parfois, je pensais à Laure, je voulais lui écrire, et je renonçais. Je ne savais pas quoi lui dire, tout paraissait si confus. J'attendais que les choses s'améliorent un peu, alors je pourrais tout lui raconter dans une longue lettre pour la faire sourire comme avant. Mais pour l'instant, le pays était un zombie quí marchait langue nue sur des cailloux pointus. On apprívoisait l'idée de mourir à tout instant. La mort n'était plus une chose lointaine et abstraite. Elle avait le visage banal du quotidien. Vivre avec cette lucidité terminait de saccager la part d'enfance en soi.