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Critiques de Gaëlle Nohant (1109)
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Le bureau d'éclaircissement des destins

Irène travaille aux Archives Arolsen, anciennement International Tracing Service, le centre de documentation, d'information et de recherche sur la Shoah et la persécution nazie, basées à Bad Arolsen ( en Hesse, Allemagne ) depuis 1948. Elle est à la fois archiviste et enquêtrice. Elle se voit confier la mission de restituer des objets retrouvés dans des camps nazis à leurs propriétaires survivants ou leurs descendants  : un pierrot en tissu, un mouchoir brodé, un médaillon.



Forcément, le thème de la Shoah peut susciter quelques craintes tant on peut avoir l'impression qu'il a été labouré voire essoré par la littérature contemporaine. Le choix de recourir à des personnages et histoires fictifs peut également interroger de prime abord, la force du réel et le poids des témoignages apparaissant comme générateur d'une intensité que le romanesque aurait du mal à restituer. Très rapidement, les premiers chapitres ont totalement emporté mes quelques inquiétudes préalables tant le souffle extraordinairement prenant du roman m'a embarquée.



Moi qui croyait - très immodestement- avoir un peu fait le tour de la Shoah, j'ai découvert l'ampleur de ces incroyables Archives Arolsen ( trente millions de documents ) qui reçoivent encore un millier de demandes par mois provenant des quatre coins du monde, notamment de jeunes générations en quête d'informations sur leurs aïeuls dont les effroyables destins ont pu être tus. Ou encore la révolte des Kaninchen de Ravensbrück ( jeunes femmes servant de cobayes médicaux ) cachées dans le camp par d'autres déportés à la résistance obstinée.



Irène doit donc retrouver l'identité des déportés qui possédaient les objets à restituer, puis suivre la piste de leurs descendants, en espérant qu'il y est quelqu'un au bout de l'enquête, quelqu'un pour qui la restitution ait un sens, comme un policier à l'envers pour « renouer les fils que la guerre a brisés » et éclairer « à la torche des fragments d'obscurité. » La composition du roman est remarquablement propulsive, jamais elle ne se contente d'empiler les enquêtes, chaque histoire faisant écho à la précédente avec parfois des connexions inattendues. Le scénario apporte de la lumière sur chacune des vies fracassées au coeur du récit, tisse des liens entre le passé et le présent avec intelligence et fluidité, sans jamais sombrer dans la surécriture artificielle.



Malgré le caractère fictif des personnages, on a l'impression qu'ils ont existé. Ils sont là, vivants, réels, ils ont de la chair, du corps et du coeur. A commencer par notre guide dans ce voyage dans le passé, Irène, dont le travail est la colonne vertébrale, au point qu'elle éprouve des difficultés à s'extraire de ses enquêtes. On sent la fièvre qui s'empare d'elle lorsqu'elle s'approche de la vérité, on sent son découragement lorsque les pistes refroidissent, sa suffocation à découvrir son propre passé, inattendu.



Et puis, il y a ces destins éclaircis. Inoubliables Lazar avec son parcours de Treblinka à Thessalonique, Wita à Ravensbrück qui se demande si elle a encore un visage après des mois de ravage physique, Eva la mentor d'Irène, Sabina, Karol ... Ce roman vibre d'une rare intensité émotionnelle qui étreint le lecteur quasi en continu. Si mes larmes ont souvent coulé, ce n'est jamais sous l'injonction d'un sujet dramatique ni parce que Gaëlle Nohant joue avec un grossier tire-larme sulfatant vulgairement du pathos à tout-va . Si elles ont coulé, c'est parce que tout est juste, tant dans l'écriture, sobre et ciselée, que dans le propos, pudique et énergique.



Certaines scènes sont exceptionnelles - comme celle de l'EHPAD – car elle construise une réflexion puissante et limpide sur la mémoire et la transmission. En restituant ces objets sans autre valeur que sentimentale- le Pierrot, le mouchoir, le médaillon - Irène délivre les fantômes qui y étaient emprisonnés. « Ne pas laisser leur mort éclipser leur vie », comme une cérémonie en mémoire des disparus à laquelle elle convie des descendants qui n'avaient rien demandé, qui vont être percutés par le tragique du passé et voir leur présent bouleversé à jamais. «  Quelquefois, en cherchant les morts, on trouve des vivants »



Impossible de se détacher des personnages une fois ce magnifique roman refermé. Gaëlle Nohant a trouvé l'équilibre parfait entre le romanesque et l'historique, sublimant ce dernier dans jamais le dénaturer ou l'atténuer. Enorme coup de coeur.







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Le bureau d'éclaircissement des destins

Un roman tout à fait bouleversant, éprouvant et déroutant. L'auteure s'est basée sur des faits divers pour tisser son histoire. Nous faisons connaissance d'Irène, divorcée et mère d'un garçon, Cette dernière travaille à l'ITS, l'Internationnal,Trading Service, elle doit restituer, des objets ayant appartenus à des déportés de la Seconde Guerre Mondial. Nous sommes dans la découverte d'une investigation qui nous nous montre un autre pan de l'histoire passée,, un autre regard sur la déportation. Son point de départ, se résume par la découverte d'un Pierrot de tissu terni, un médaillon, et un mouchoir brodé. Un point de départ qui s'avère assez complexe, en sachant que nous sommes en 2016. Elle prend sa mission à coeur et se donne corps et âmes pour élucider, et retrouver les propriétaires, principalement au sein de leurs familles respectives. Je dois avouer mon ignorance , ne connaissant pas l'ITT, L'auteure , grâce à des recherches elle nous offre un livre extrêmement documenté, Elle sait de quoi elle parle, elle use des mots d'une facilité surprenante, nous baignant au sein de son récit. Pour ma part j'ai eu l'occasion de visiter le mémorial de Yad Vashem, qui est consacré aux atrocités de la guerre, j'ai vu l'inimaginable, l'impensable, impossible de d 'écrire ces horreurs. L'auteure, à travers sa plume sensible, visuelle , nous touche au plus profond de notre coeur, il est impossible de sortir indemne d'un tel récit Elle a réussi à m'émouvoir, à me toucher, Un roman qui se lit comme un documentaire historique, Irène arrive t'-elle à mener à bien sa mission? Un roman époustouflant, que je vous recommande de lire.
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Le bureau d'éclaircissement des destins

Comment ne pas être ému aux larmes en lisant un tel livre ?

Certes je sais que comme disait Flaubert : " Je suis doué d'une sensibilité absurde, ce qui érafle les autres me déchire."

Mais comme Gaëlle Nohant, et pour des raisons qui me sont propres, à peu près au même âge qu'elle " la Seconde Guerre mondiale et la déportation ont fait effraction dans ma vie à travers des livres et des films, et ne m'ont plus quitté..."

Son roman refermé, je suis allé aussitôt sur Youtube écouter la voix de Claude Lanzmann et plus particulièrement cette vidéo de 2015 de 45 minutes, intitulée - Pourquoi Shoah - dans laquelle la personne qui l'interviewe lui pose d'entrée cette question, comme un écho au roman de Gaëlle Nohant : " Monsieur Lanzmann, dans votre film il n'y a ni archives, ni histoires individuelles, pourquoi ?"

Ce à quoi Lanzmann répond : " Il n'y a pas d'archives parce qu'il n'y en a pas...ça tient à la nature même de ce qu'a été la Shoah, à savoir que la destruction des traces du crime a été concomitante au crime lui-même..."

Et puis je suis allé faire un tour du côté de Treblinka. J'ai réécouté le témoignage d'Abraham Bomba ( "the barber" ), et retour en Pologne pour écouter celui toujours très interpellant de Jan Karski ( se référer au " Rapport Karski " ), et là j'ai eu la confirmation de l'excellence du travail romanesque de Gaëlle Nohant, un travail romanesque fondé sur la recherche historique.



J'ai tant lu sur la WW2, les camps de concentration et ceux d'extermination, sans avoir tout lu..., que je me réjouis de voir que de belles personnes dotées d'une plume d'exception continuent d'entretenir ou de raviver la flamme de la mémoire à travers des oeuvres de création contemporaines originales.

- Le bureau d'éclaircissement des destins - ( le titre en est une première illustration tant il s'apparente à celui d'une série télé comme - Le Bureau des légendes - ) a pour cousinage avec - La carte postale - d'Anne Berest, l'enquête à rebours, l'investigation généalogique.

La différence réside dans le "micro" et le "macro", le privé et l'institution.

Anne enquête pour son compte et celui de sa maman ; elle est impliquée à titre personnel.

Irène, l'archiviste enquêtrice travaille, elle, pour l'ITS ( International Tracing Service ), un institut " d'archives " situé à Arolsen en Allemagne, un centre créé à la fin de la guerre pour, à travers des "objets trouvés" ayant appartenu à des déportés, retracer l'itinéraire de ces déportés, mettre un nom sur l'objet, mieux encore un visage, et faire en sorte que ce nom et ce visage puissent retrouver le chemin qui les ramènent aux leurs.

J'ignorais l'existence du centre d'Arolsen ; avoir appris cette existence grâce à un roman "d'aujourd'hui" sur un thème que je continue à fouiller depuis plus de 50 ans est la preuve que parmi les romans écrits récemment sur la Seconde Guerre mondiale et sur la déportation, il y a encore beaucoup à attendre et à espérer.



Irène est une expatriée française qui vit et travaille en Allemagne depuis 25 ans.

Divorcée d'un Allemand et mère d'un jeune homme de 20 ans, Hanno, elle est entrée à l'ITS " par hasard ", en répondant à une petite annonce.

Le hasard s'est transformé en passion pour cette activité d'archiviste enquêtrice à laquelle l'a formée une vétérane de l'institut, devenue son mentor et son amie, Eva...une rescapée polonaise des camps de la mort... décédée d'un cancer il y a quelques années.

Eva qui lui avait expliqué que :

"- Le sort de dizaines de millions de personnes s’est joué ici. Celles qui ont fui, celles qui ont été prises ou se sont cachées, celles qui ont résisté, celles qu’on a assassinées ou sauvées in extremis... Et puis il y a l’après-guerre. Des millions de personnes déplacées. De nouvelles frontières, des traités d’occupation, des quotas d’immigration, l’échiquier de la guerre froide... Tu devras apprendre tout ça, devenir savante. Plus tu maîtriseras le contexte, plus tu réfléchiras vite. Le temps que tu gagnes, c’est la vie de ceux qui attendent une réponse. Et cette vie est un fil fragile." 

Irène est devenue ce qu'Eva avait compris qu'elle deviendrait : une parcelle de cette mémoire qui retisse des fils invisibles, quelquefois improbables.

Mais son travail va prendre une autre dimension lorsqu'il va lui être confié la mission de retrouver qui sont les propriétaires d'un vieux Pierrot usé sur le ventre duquel est inscrit un mystérieux numéro matricule, un pendentif rouillé à l'intérieur duquel est plié dessiné le portrait d'un enfant, des lettres de Thessalonique, un mouchoir brodé de prénoms.

L'enquête à remonter le temps peut commencer.

Irène va remuer ciel et terre pour faire revivre ces objets, qu'ils se décident à révéler leurs secrets et à lui parler.

" Irène repère le sceau de la barbarie, de la mort sur ces vestiges. Perçoit derrière ces riens le bruit des bottes, entend les aboiements des chiens dressés à tuer ".



Le projet de Gaëlle Nohant était particulièrement ambitieux, tellement dense, tellement sensible, complexe et visité qu'en attendre une totale maîtrise, une incontestable infaillibilité, eut relevé de la méconnaissance de la tâche qui l'attendait et qu'elle a accomplie de manière impressionnante.



Parvenir, sans concessions, sans facilités, à maintenir une telle tension tout au long de son roman, un tel niveau d'émotions en retissant les innombrables fils d'une toile dans laquelle s'enchevêtrent 80 ans d'Histoire, autant de destins qui se déclinent de l'Allemagne à la Pologne, en passant par la France, l'Angleterre, la Suisse, l'URSS, les États-Unis, la Grèce, l'Italie, l'Argentine...

Réussir à conjuguer des vies à des temps aussi divers que le présent, l'imparfait, le passé simple, le passé composé, le conditionnel, le futur sans que jamais ni l'espace ni la temporalité ne désincarnent, n'éloignent, pire ne décrédibilisent l'authenticité et la proximité des êtres auxquels ce livre donne souffle et chair, c'est le pari impossible que Gaëlle Nohant a rendu possible.



Il y aurait tant à dire à propos de ce roman qu'il vaut mieux le lire que de s'attarder sur mes quelques lignes.

Le lisant, à votre grand étonnement, vous allez continuer à apprendre.

Je croyais avoir beaucoup lu sur Ravensbrück ; ce n'était pas assez.

Sur Treblinka, Auschwitz, Sobibor, Dachau, Chelmno, Belzec...pareil

Sur le Ghetto de Varsovie, sur les lebensborn, sur la dénazification, sur la Guerre Froide ; c'était incomplet...

Tenez, avez-vous entendu parler du Camp de Mittwerda ?

Savez-vous ce qu'est le djudyo ?



Oui ou non, ce roman est un immanquable.

Lorsque je vous aurai dit que Laurent Joly a conseillé Gaëlle Nohant, vous conviendrez que la barre a été placée très haut...



Il y a des moments d'une exceptionnelle intensité dans cette oeuvre magnifique.

Le chemin de vie ou chemin de croix de Lazar en fait partie.

Celui de la berceuse polonaise chantée par Agata, vieille dame polonaise qui retrouve dans un Ehpad allemand son frère Karl souffrant d'Alzheimer, enlevé 75 ans plus tôt par les nazis dans le cadre du Lebensborn, est l'acmé à laquelle mes larmes n'ont pas résisté.

Il ne me reste plus qu'à ajouter que le tout est très bien écrit.



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La femme révélée

Difficile de partager mon ressenti sur ce dernier livre de Gaëlle Nohant tant il m’a semblé ardu et centré sur des évènements que je connais à la base très mal (les émeutes à Chicago).



Eliza Donneley est une femme en fuite. Le ton est donné dés les premières pages. Parachutée à Paris, elle abandonne son mari et son fils Tim pour la belle capitale française. Que fuit cette femme? Quels démons l’ont-ils poussé à se défaire de son fils qu’elle aime pourtant envers et contre tout ?

On le découvre au fil du roman dans les souvenirs qui se réveillent à elle. À Paris, Eliza devient Violet. Elle dort dans un hôtel de passe, se lie d’amitié avec une prostituée, son Rolleiflex toujours sur elle, se trouve un travail auprès de jeunes enfants et rencontre même l’amour.



Ce roman met en exergue un travail de documentation d’orfèvre lié aux ségrégations des années cinquante en Amérique. Racisme, abus de pouvoir, ghettos, Gaëlle Nohant confronte les deux visages de la vie et de sa société. Beauté parisienne, ruelles chantantes, le paysage français est peint ici comme une magnifique fresque. Alors que de l’autre côté, les démons rôdent, des guerres et révolutions font rage, Chicago lève les poings pour la liberté démocrate, pour le même droit pour tous, pour l’égalité des hommes peu importe leur couleur de peau.



J’ai trouvé ce roman incroyablement bien écrit. Alors que le sujet de la femme en fuite passe au second plan au profit des difficultés afro-américaines, avec une mine d’informations politiques dont je suis peu friande, ce roman a tout de même eu le mérite de me tenir en haleine. Simplement parce que la plume de l’auteure est remarquable. Les descriptions de Paris ou de Chicago ou des saisons sont dignes d’un Zola inspiré.



Mon bémol se porte sur une héroïne qui ne m’a pas semblé attachante, des émotions en latence, une fuite à laquelle j’ai accordé peu de crédit. Un léger souci temporel m’a également fait prendre un peu de distance. J’ai eu l’impression de lire les quelques jours d’une femme alors que cette histoire se passe sur plusieurs dizaines d’année. C’est ici l’écriture qui m’a touchée de plein fouet. Un roman vraiment bien écrit et bien rendu malgré ses petites imperfections tout à fait subjectives et personnelles.



Chicago, « une ville où la chaleur du cœur et une avidité glaçante battent d’un même rythme, comme le sang et le souffle ».



On sent combien l’auteure affectionne cette ville, ça respire l’amour et la rage dans ses lignes. Et ça me suffit à applaudir Gaëlle Nohant.



#Lafemmerévélée #NetGalleyFrance

#Grasset
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Le bureau d'éclaircissement des destins

ITS pour International Tracing Service, un acronyme qui désigne l’organisation en charge d’aider les descendants des victimes nazies à retrouver les traces d’un disparu, reconstituer son parcours à l’aide des archives conservées précieusement dans le centre allemand de Bad Arolsen. C’est là que travaille Irène depuis plus de trente ans. Arrivée un peu par hasard dans ce centre, son travail hors du commun a fini par prendre toute la place dans sa vie, d’autant que maintenant son fils vole de ses propres ailes. Elle va s’investir corps et âme dans la nouvelle mission qui lui est confiée, restituer des objets collectés au fil des ans dans les camps aux descendants de leurs propriétaires.

Grâce à la belle plume de Gaëlle Nohant nous partons à la recherche de l’histoire d’une poupée de chiffon ; un pierrot, qui nous mène d’un personnage à l’autre, dans une toile d’araignée soigneusement tissée.

Cette approche des drames dans la période nazie est un angle de vue très original, l’auteure a réalisé de nombreuses recherches, et on l’imagine sans peine comme Irène avoir compulsé de multiples documents pour rédiger cette fiction, qui nous replonge dans la vie dans les camps, les crimes nazis, l’histoire dramatique d’enfants arrachés à leurs familles pour être adoptés par des familles allemandes, …

Cependant, malgré toutes ces qualités, j’avoue avoir décroché par moments de l’histoire, un peu perdue parmi la multitude de personnages, les trop nombreuses ramifications. J’ai trouvé regrettable cette complexité qui m’a mise à distance des émotions et finalement empêche de vraiment donner chair aux personnages. J’aurais aimé une enquête également un peu plus crédible, car à de multiples reprises le hasard fait trop bien les choses et de nombreux voiles se lèvent sur des faits qui remontent à soixante-dix ans. La fin ne m’a pas convaincue non plus, en s’avérant un peu trop facile et feel-good à mon gout.

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La femme révélée

Eliza Donneley a tout quitté, pays mari fortuné et enfant pour se réfugier à Paris, où la jeune Américaine, en peine crise existentielle, l'oeil rivé à son Rolleiflex, découvre une ville qui se remet de la guerre. Ainsi au détour de lieux improbables, fréquentés par force après le vol de ses bijoux, elle photographie des inconnus. Certains deviennent des proches, et vont l'aider à se reconstruire et à entamer le long retour vers son fils aimé et son pays. C'est donc en femme libre qu'elle renoue avec son passé et sa ville de Chicago toujours en proie, vingt plus tard, à la violence de la ségrégation des afro-américains.



Une lecture que je termine un peu agacée. Non que La femme révélée soit un roman sans intérêt et mal écrit, au contraire son sujet est intéressant et sa lecture fluide. Mais elle aurait été plus agréable si Gaëlle Nohant, parmi des développements pertinents, ne nous avait gratifiés d'une flopée de phrases creuses et autres banalités sur l'amour et le racisme. Enfin, ce n'est que mon avis...



Challenge MULTI-DÉFIS 2020
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Légende d'un dormeur éveillé

Malgré l'attrait de lever le voile de mon ignorance concernant le poète chanté par Ferrat, reprenant les textes d'Aragon



« Je pense à toi Desnos, qui partit de Compiègne,

comme un soir en rêvant , tu nous en fis récit,

accomplir jusqu'au bout ta propre prophétie,

là-bas où le destin de notre siècle saigne »



malgré l'intérêt pour la plume magistrale de Gaëlle Nohant, j'avoue avoir eu des craintes pendant les 100 premières pages. C'est encore une fois mon inculture qui en est responsable, car il est difficile de s'accrocher à un récit quand ni les noms, ni les lieux ne sont évocateurs. Bien sûr j'ai entendu parler d'André Breton, mais bien d'autres célébrités croisées dans ces pages, et qui arpentent des rues inconnues étaient pour moi juste des noms plaqués au sein des phrases.



Heureusement la persévérance paie, et lorsque l'Histoire est venue hanter l'histoire, c'est avec un grand bonheur que j'ai pu combler mes lacunes et peut-être un peu mieux comprendre qui fût Robert Desnos. Et de revivre en mots cette période troublée qui va du Front populaire, à la libération des camps de la mort (avec un peu d'effroi aussi, si on ose établir un parallèle avec l'actualité de ce début de 21è siècle). Il est étonnant de constater à quel point les proches de Robert Desnos, sont aussi entrés dans la légende (Jean-Louis Barreau, Antonin Artaud, Prévert…)



C'est superbement écrit, très documenté, et l'on perçoit l'implication profonde de l'auteur pour restituer la biographie du poète en un hommage vibrant.

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La part des flammes

L'histoire se passe en 1897, lors du violent incendie du Bazar de la Charité oú le Tout Paris se presse rue Jean Goujon pour assister à la plus mondaine des ventes.Les victimes sont nombreuses, surtout des femmes, les séquelles chez les survivantes sont dramatiques et définitives dans la mesure oú l'on ne savait pas soigner les graves brûlures .....Les descriptions sont minutieuses , réalistes, détaillées ,tellement que l'on a l'impression d'y étre! Au milieu de ce drame, l'auteure nous narre l'histoire de trois femmes différentes en quête de rédemption, dont le destin sera scellé lors de cet incendie.....la duchesse d'Alençon, charismatique, Violaine de Raezal, veuve ravissante à la réputation sulfureuse et Constance d'Estingel, qui a rompu brutalement ses fiançailles....L'auteure a réalisé un remarquable travail de recherche, le quotidien de cette époque y est décrit avec une très grande précision, un thème original qui aurait pu s'appeler : "La part des femmes" dans une société corsetée oú l'importance du nom, de la descendance, du mariage, de la filiation et du pouvoir est déterminante .L'hypocrisie, les faux semblants, les rumeurs malveillantes, les fidélités, l'importance et la puissance de la religion sont dépeints avec justesse et profondeur. Faute de travailler, ces femmes, ces épouses souvent délaissées comme la duchesse d'Alençon contribuent à leur maniére à donner sans compter et sans peur de leur temps en jouant de leurs influences pour que le peuple ne soit pas laissé pour compte...les épidémies sévissent comme la tuberculose, notamment....A la fois roman d'histoire( enlèvement, duel, internement, dévotion), cet ouvrage pétri d'émotions rend compte d'une époque, donne des leçons de vie, de courage, de force, valorise la condition féminine, dénonce la lâcheté .La description des femmes de l'aristocratie est fine, oú elles jouent un rôle social essentiel afin de compenser les contraintes de leur caste édictées par des hommes qui continuent à vivre hors de leur temps......La décadence de l'aristocratie est au cœur de cette Rèpublique qui cherche encore ses marques....

"La part des flammes ", à la plume affirmée, au style magnifique rend compte d'une histoire follement romanesque qui allie en son cœur, pour le grand bonheur du lecteur gravité, réflexion et émotion dans le Paris du XIX° siécle !

Un bel ouvrage ! Merci à ma libraire!
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Le bureau d'éclaircissement des destins

Irène, une Française divorcée établie en Allemagne avec son fils, travaille pour les Archives Arolsen, un centre de documentation et de recherche réellement créé au lendemain de la seconde guerre mondiale, longtemps appelé ITS - International Tracing Service -, et dont les missions sont, toujours aujourd'hui, l’éclaircissement du destin des victimes de la persécution nazie ; la recherche de proches ou d’informations à leur transmettre ; enfin la sauvegarde, à travers de millions de documents stockés sur des dizaines de kilomètres linéaires, de la mémoire de ceux que le nazisme a tenté d’effacer.





Elle qui n’était venue dans ce centre que par hasard, avec l’intention première de s’en tenir prudemment à la poussière des archives sans jamais se confronter directement aux familles et à leurs requêtes, se passionne bientôt pour son minutieux et peu ordinaire travail d’enquêtrice, au point de finir par s’y absorber corps et âme. Mais voici qu’au-delà de ses travaux documentaires, on la charge de restituer à d’éventuels descendants ou lointains parents, les objets personnels des disparus qui, recueillis dans les camps de concentration, hantent, depuis près de quatre-vingt ans, les rayonnages du centre.





Un mouchoir brodé de multiples prénoms, un pendentif renfermant un portrait d’enfant, une poupée de tissu sale et usé portant elle aussi un matricule : autant d’occasions, peut-être, d'exhumer du néant l’identité, l’intimité et la dignité des victimes, tout en apportant des bribes de réponse aux interrogations des jeunes générations sur leurs proches. « Même si on ne répare personne », pense Irène avec émotion, « si l’on peut rendre à quelqu’un un peu de ce qui lui a été volé, sans bien savoir ce qu’on lui rend, rien n’est tout à fait perdu. »





Alors, tandis qu’à l’aide de vieux documents, lettres ou photographies retrouvés, mais aussi de témoignages recueillis à travers l’Europe, elle retisse peu à peu, comme dans une enquête policière, les fils brisés de ces destins dont ces objets sont les témoins inanimés et silencieux, surgissent avec l’intensité de la vie, de ses espoirs et de ses douleurs, les visages de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants, tragiquement confrontés à la machinerie d’extermination nazie avec tout ce qu’elle représente d’atrocités, de souffrances et d’humiliations.





Malgré la barbarie très explicitement évoquée dans ses actes les plus abominables, Gaëlle Nohant réussit l’exploit d’un récit aussi terrible que lumineux, l’humanité des victimes survivant comme une flamme inextinguible jusqu’au plus profond des camps, du désespoir et de l’ignominie, grâce à mille gestes de résistance et de solidarité, mille manifestations de dignité et de volonté de témoigner par-delà la mort, qui, relayés jusqu’à nous par la chaîne de transmission de la mémoire, ont montré et continuent de montrer que, non, au grand jamais, le nazisme n’est pas parvenu à effacer pour de bon qui que ce soit de cette terre.





Au lendemain de la seconde guerre mondiale, rien n’était pourtant acquis d’avance, comme rien aujourd’hui ne semble définitivement gagné. Avant de pouvoir mener à bien ses missions, l’ITS s’est trouvé durablement noyauté de l’intérieur par les mêmes anciens nazis qui trustèrent longtemps le pouvoir et les administrations allemandes, tandis que dans le contexte de la guerre froide, le nouveau jeu des alliances déplaçait le centre de l’attention vers de nouveaux ennemis. Il aura fallu attendre Angela Merkel pour lever les derniers obstacles juridiques entravant la libre exploitation des archives, un droit d’autant plus essentiel quand on pense aux résurgences actuelles de l’antisémitisme, aux exactions de groupuscules néo-nazis et à la vague populiste qui monte un peu partout.





Un livre remarquable, aussi finement documenté qu’intelligemment construit et sensiblement écrit, qui nous en apprend encore sur la Shoah et sur les incessantes difficultés du devoir de mémoire. Coup de coeur.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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La femme révélée

Paris, dans les années 50, alors que saint Germain des Prés bouillonne d’une énergie créatrice réjouissante.



Pour Violet, qui vient d’arriver en Europe pour fuir une menace dont on découvrira peu à peu la nature, les premières impressions sont loin de l’enchantement. Logée dans un hôtel de passe, vite délestée des bijoux qui devait lui assurer quelques revenus, le rêve n’est pas au rendez-vous. Mais elle possède heureusement un objet précieux, un rolleiflex derrière lequel elle se cache en capturant des portraits souvent volés.



Les rencontres ne tarderont pas à la sortir de l’isolement, mais à qui peut-on se fier…?



C’est une histoire romantique à souhait, séduisante autant par le décor de ce Paris qui n’existe plus depuis belle lurette (même Saint Germain a vendu son âme aux boutiques de chaine internationales), que par le charme de l’écriture qui rend les personnages attractifs.



En miroir, Chicago apparaît comme le lieu de tous les dangers, champ de bataille où s’affrontent les pacifistes qui protestent contre la guerre du Vietnam, les hippies fleuris et drogués, et les forces de l’ordre chargés de décourager manu militari ces trublions. Derrière tout ça, l’appât du gain et le racisme, qui atteint les populations d’afro-américains qui pensaient sauver leur peau en fuyant le Sud. C’est un portait sans concession d’une ville violente et corrompue.





Récit très intéressant et par sa documentation, et très agréable en raison de la sympathie que suscite l’héroïne du roman.





Très bon moment de lecture.
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La part des flammes

Une belle alliance du romanesque et de l’historique, avec un soupçon de sociologique!

Servie par une plume élégante et classique qui donne l’illusion d’un écrit d’époque, d’autant que la minutie des descriptions confère un réalisme du meilleur effet à ce récit.



L’histoire s’articule autour d’un fait divers dramatique de la fin du dix-neuvième siècle, l’incendie du bazar de la Charité, provoqué par l’explosion d’un appareil de projection cinématographique , qui était à l’époque alimenté avec de l’éther, hautement inflammable.

Les décès sont nombreux, les séquelles chez les survivants sont dramatiques, à une époque où la médecine ne pouvait par grand-chose pour les brûlés.



Après la sidération, la solidarité se met en place, pour un temps, et puis ainsi est faite la nature humaine, des profiteurs tirent parti de la situation. C’est ainsi qu’un jeune et beau journaliste, prometteur et provocateur par ses écrits caustiques, est accusé d’avoir piétiné les victimes agonisantes. C’est aussi le protagoniste d’une intrigue complexe, la jeune femme fait partie des blessées, et sa fragilité mentale en fait la proie de thérapeutes abusifs.



On se plait à suivre ces histoires de couples qui se font et se défont, au sein de la classe aisée de la société. L’auteur nous laisse aussi entrevoir le quotidien sordide des plus démunis. On a ainsi une belle fresque sociale documentée, très agréable à parcourir. L’on peut aussi croiser quelques célébrités de l’époque (Bichat entre autres) ce qui permet de bien ancrer le récit.









Très belle découverte.


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Légende d'un dormeur éveillé

Il parait " qu'en vieillissant les hommes pleurent". Comme je suis une vraie éponge, je m'imprègne, j'absorbe tout ce que je vois, entends et bien sur lis, et à la fin mes glandes lacrymales s'ouvrent.

Comment rester insensible à l'écriture de Gaëlle Nohant et à la " Légende d'un dormeur éveillé" qu'était Robert Desnos.

La vie du poète comme si vous y étiez, et quelle vie.

Tout commence en 1927, premier acte de résistance et de désobéissance face à un André Breton plutôt autoritaire, et son exclusion du mouvement surréaliste.

Comment décrire le Paris des années folles de Desnos ? le monde artistique semble s'être donné rendez-vous à Paris pour oublier la boucherie que fût 14-18. Prévert, Aragon, Eluard, Fujita, Hemingway….

La vie bohème de Montparnasse où l'alcool et le jazz coulent à flots. On dort peu, on se refait un monde plus poétique.

En 1936 l'assassinat de Garcia Lorca par la milice franquiste va réveiller Robert et ses ami(e)s à la dure réalité de l'époque, rien n'est jamais gagné surtout pas la liberté.

" Légende d'un dormeur éveillé" m'a permit de découvrir un autre univers, car on apprend beaucoup avec ce roman.

Il est difficile de parler de Robert Desnos sans évoquer Youki, madame Fujita. Celle qui fût sa muse, sa sirène, sa femme fatale.

" J'ai rêvé tellement fort de toi

J'ai tellement marché, tellement parlé,

Tellement aimé ton ombre,

Qu'il ne me reste plus rien de toi"..

Vous l'aurez compris ce livre de Gaëlle Nohant " Légende d'un dormeur éveillé" est une merveille de douceur.

" Une fourmi de dix-huit mètres

Avec un chapeau sur la tête,

ça n'existe pas, ça n'existe pas

Une fourmi trainant un char

plein de pingouins et de canards,

ça n'existe pas, ça n'existe

une fourmi parlant Français, Latin et Javanais

ça n'existe pas, ça n'existe pas

Eh ! pourquoi pas".



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Légende d'un dormeur éveillé

« Légende d’un dormeur éveillé » : qu’il est beau ce titre ! Je l’avais retenu à la fois pour la contradiction entre ces deux termes – dormeur et éveillé - et son côté esthétique. Mon intérêt s’était ensuite porté sur Desnos dont j’ignorais la biographie. Après avoir rédigé mon billet sur le Bureau d’Eclaircissement des Destins de Gaëlle Nohant, @Sabine59 m’a incitée à me diriger vers ce très beau récit sur Desnos et je l’en remercie sincèrement.



J’ai tout de suite senti, dès les premières pages, l’attraction que l’auteure ressentait pour Desnos. Je ne crois pas m’avancer en présageant qu’elle a écrit là son plus beau livre. Elle s’est laissée guidée par l’attachement qu’elle a ressenti très jeune pour ce poète. De surcroit, son écriture est en parfaite symbiose avec le récit, elle lui sied comme un gant de velours. Elle a choisi la forme romanesque pour permettre au plus grand nombre d’entrer dans la vie de Desnos et c’est une réussite. Ce livre est traversé par un souffle épique dans un style étourdissant, au lyrisme enchanteur.



Je ne peux qu’apprécier le texte, ignorant l’histoire en détail du poète, je ne peux porter un jugement critique sur le fond mais j’ai été fascinée par la beauté et la sensibilité qui émane de la forme : « qu’importe le flacon pourvu qu’on est l’ivresse ».



Si l’auteure s’est autorisée la forme romanesque, elle ne s’est pas écartée des sentiers tracés par Anne Egger et sa biographie sur les surréalistes ni de la somme de ses sources d’inspiration qui sont impressionnantes. Portée par sa passion pour le poète, elle a travaillé son récit après avoir étudié longuement les écrits, les documentaires. Elle a eu l’ingénieuse idée de semer de jolis extraits de poèmes qui viennent agrémenter à bon escient, les chapitres. Elle dépose des petits cailloux que l’on prend plaisir à savourer, comme pour laisser une trace indélébile dans nos mémoires de lecteur.



Alors je me suis laissée téléporter par ce récit étourdissant, dans les années vingt, dans ce Paris du 4ème arrondissement que je connais bien, où j’ai suivi Desnos et Alejo Carpentier, ou bien à la Coupole ou La Rotonde. J’ai partagé la table et le vin des surréalistes, totalement envoûtée par les dialogues enflammés. Je me suis fait un film portée par l’écriture visuelle de l’auteure, une véritable plongée dans ce monde de la nuit où j’ai pu croire entendre la voix éraillée des chanteuses de jazz. J’ai accompagné Desnos et Crevel dans leurs tourments amoureux, terminé la nuit dans la clarté lunaire d’une boîte à Montparnasse, ressenti leurs souffrances comme celle de Crevel, que de détresse en lui ! Quant à Robert, l’auteure nous invite à sonder le mystère de son univers, poète, conteur, journaliste curieux de tout, généreux, amoureux fou de la dispendieuse Youki aux sautes d’humeur éprouvants, se désespérant d’amour pour Yvonne Georges ce qui lui faisait écrire « Je ne serai jamais bien aimé ». Question : mais le voudrait-il, que ferait-il d’une existence lisse ? Excommunié par le sectaire André Breton, Robert qui n’autorise personne à lui dicter sa conduite, l’affronte avec férocité. Ils sont impitoyables l’un envers l’autre. « La nuit surréaliste s’éloigne dans une poussière d’étoiles mortes et d’amis disparus ».



Je reconnais que je commençais à m’essouffler, lassée des querelles entre surréalistes lorsque le récit a pris une nouvelle tournure. Les années trente voient le jour et avec elle, apparaît un climat de tensions délétères dont l’origine s’appuie sur la crise de vingt neuf, annonçant les évènements et les manifestations du Front Populaire, l’antisémitisme, engendrant ainsi de vifs affrontements dans les rues de Paris.



Des discussions passionnées enflamment le 45, rue Blomet, réunissant indépendamment des uns et des autres, et les dissidents « surréalistes » et les amies et amis fauchés comme les blés, toujours sur le fil ténu des sentiers les plus malaisés de cette vie de Bohème. On y croise Aragon, Prévert, Man Ray, Henri Jeanson, Eluard, Soupault, Cocteau, Théodore Fraenkel, André Masson et tant d’autres. Entre les sommeils hypnotiques, les dialogues féroces, les restes de nuits vécues dans la brume des opiacées, il règne une effervescence intellectuelle qui donne naissance à des talents dont nous avons hérités des écrits aujourd’hui. C’est un récit époustouflant qui nous emporte dans ce 20ème siècle si tourmenté, si éruptif, si brûlant et glacial à la fois, si monstrueux. La menace totalitaire est partout. Des amis disparaissent, les périls s’accumulent, Desnos abandonne ses positions pacifistes pour entrer en résistance. Il s’expose de plus en plus jusqu’à son arrestation par la Gestapo.



Je suis admirative du travail accompli par Gaëlle Nohant, elle aurait pu trébucher tant la narration demande une construction minutieuse, ne tolérant aucun écart dans la chronologie et l’exactitude historique. C’est un pavé de cinq cent trente pages qui relate le courage d’un homme, un passionné, qui affrontera le nazisme et qui y laissera la vie !



Ce serait un sacrilège de ne pas évoquer la dernière partie du livre où l’auteure laisse Youki (Lucie Badoud) s’exprimer à travers les pages de son journal. S’il n’y avait qu’une partie de ce récit à lire, à mes yeux, c’eut été celle-ci. C’est très beau, sensible, émouvant, poignant. L’auteure a su, sans conteste, se substituer à cette femme qui tente d’obtenir, par tous les moyens des nouvelles de son compagnon, Robert, cette Reine de la nuit qui fut un temps, estimait qu’aucune personne n’était en droit de prétendre à l’exclusivité d’un amour, elle qui regrette aujourd’hui, ses attitudes d’hier.



« J’ai rêvé tellement fort de toi, J’ai tellement marché, tellement parlé, Tellement aimé ton ombre, Qu’il ne me reste plus rien de toi. Il me reste d’être l’ombre parmi les ombres, D’être cent fois plus ombre que l’ombre, D’être l’ombre qui viendra et reviendra dans ta vie ensoleillée ».





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Le bureau d'éclaircissement des destins

Le centre de documentation, d'information et de recherche sur la persécution national-socialiste est situé à Bad Arolsen en Allemagne. Il sauvegarde la mémoire des victimes du nazisme, il recherche des parents proches. Il possède plus de 30 millions de documents et un fichier de 17,5 millions de noms. Il conserve dans ses archives les effets de 3200 détenus, des papiers d'identité, des photos, des lettres, quelques bijoux fantaisie, des étuis à cigarettes, des porte-plume. "Tous ces objets qui viennent des camps, des reliques échappées de l'enfer, il est temps de les rendre à qui de droit. Ce sont des objets sans valeur marchande dont la modestie trahit celle de leurs propriétaires. "

Au Bureau central de recherches, Irène, une Française, « raccommode des fils tranchés par la guerre, éclaire à la torche des fragments d'obscurité. Elle doit retrouver à qui appartiennent ces objets et suivre la piste de leurs descendants, un parent, un ami. Quelqu'un pour qui ça aura du sens. Trois mille objets à restituer et une seule vie pour le faire. »

Un petit pierrot blanc dont le tissu terni s'effiloche, un médaillon de la vierge à l'enfant, un mouchoir brodé des prénoms des détenues, le visage dessiné d'un enfant dessiné au crayon sur un bout de papier. À partir de ces petits riens, Irène part à la recherche de Karol, Wita, Lazar, Eva, Allegra, Léon. C'est avec ces personnages que Gaëlle Nohant nous fait revivre le ghetto de Varsovie, les camps d'Auschwitz, Treblinka, Ravensbrück. Elle nous emmène « de l'autre côté des barbelés, se fraie un passage à travers l'horreur et la solitude. » Irène se rend sur leurs traces en Pologne " ce pays couturé encore à vif " où les femmes manifestent aujourd'hui pour qu'aucune d'entre elles ne soit forcée à être mère.

Avec beaucoup de pudeur et de sensibilité, Gaëlle Nohant évoque le sort de deux cent mille enfants, âgés de deux à douze ans, raflés dans les territoires occupés, dans les écoles, les orphelinats parfois en pleine rue pour être adoptés par des familles nazies. La douleur des jeunes femmes dont le corps sert à des expériences horribles. Les cheminots qui ramassent sur le ballast les messages écrits sur des bouts de papier par ceux qui s'entassent dans les wagons à destination de la mort. Les archives clandestines du ghetto de Varsovie, enterrées avant la liquidation du ghetto pour pouvoir témoigner après la guerre. Dix boîtes métalliques contenant des milliers de documents découvertes dans les ruines de Varsovie. Les personnages de ce livre sont fictifs mais ils sont tellement vrais, tellement vivants.



Il y a des romans dont j'hésite à faire la chronique tant j'ai peur que mes mots ne soient pas à la hauteur de la qualité du récit. Peur de ne pas pouvoir retransmettre toutes les émotions ressenties à sa lecture. le nouveau roman de Gaëlle Nohant est d'une telle richesse. La manière dont l'auteure traite ce sujet difficile et douloureux est remarquable. Les derniers chapitres sont tout simplement sublimes. Merci infiniment, Madame, de m'avoir offert pour ma dernière lecture de l'année un si beau moment.

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Légende d'un dormeur éveillé

Superbe, scintillant, libre ! Un roman magnifique pour ma première lecture de 2018 !



Gaëlle Nohant m'a comblé dans la découverte de cet homme que je ne connaissais pas. Uniquement par le nom de l'auteur de la poésie "La fourmi" que j'ai apprise à l'école primaire et qui est toujours ancrée dans ma tête largement 30 ans plus tard.



Gaëlle Nohant est née la même année que moi (1973) c'est sans doute par ce biais de cette poésie animalière que Robert Desnos est rentré dans sa vie.



Si l'entrée dans ce livre fût un peu difficile à la base je me suis très vite laissée guider par l'auteure et Robert Desnos dans le Paris des années 30.



On en croise des célébrités, c'est un véritable foisonnement culturel. On se promène dans le Paris d'avant guerre dans le Paris de la nuit, dans le Paris des ateliers d'artistes des bars et autres cabarets .



Il y a un brassage joyeux et parfois mondain la nuit dans Paris.



Robert Desnos participe de ce mélange joyeux et se construit en poésie.



Gaëlle Nohant est tombée amoureuse de ce poète, j'en suis persuadée !



L'auteur nous permet vraiment de découvrir cet homme dans cette période foisonnante et troublée nous plongeant ainsi au coeur de l'histoire dans un milieu particulier.



La seconde guerre mondiale va mettre à mal toutes les belles libertés prônées par les artistes de tout horizons.



Au nom de la liberté et fort de ses intimes convictions d'égalité entre les hommes Robert Desnos s'engagera dans la Résistance. Il en paiera le prix fort et sera déporté, il mourra le 8 juin 1945 à Terezin.



La quatrième partie de ce livre est un véritable condensé émotionnel. Gaëlle Nohant prends dans cette partie la parole de Youki la principale muse et amour de Robert Desnos. Comme si l'horreur vécue par le poète ne pouvait pas engendrer de mots et pourtant le poète lui trouvera refuge dans la poésie.



Gaëlle Nohant dit : "Écrire ce roman tenait du numéro de funambule, il fallait demeurer sur le fil ténu de la fiction tout en demeurant la plus fidèle possible à la vérité de l'histoire et des vies de tous les protagonistes. Inventer entre les clous, remplir les blancs, rejoindre la vérité par le biais de la fiction, ou en tout cas une vérité possible. Ce Robert Desnos est le mien, il ne saurait se substituer au vrai ni en épuiser le richesse, mais je veux croire qu'il lui ressemble."



et bien moi je dis Bravo, je trouve votre numéro de funambule absolument réussi.

Il m'a permis de rencontrer un homme bon et un poète généreux et libre qui a toute mon admiration.



Avec respect pour cette homme vous avez su lui redonner la parole, le refaire vivre auprès de vos lecteurs. Un portrait magnifique et scintillant !



" Légende d'un dormeur éveillé " est un livre qui restera en moi longtemps.

J'ai fait là une très belle rencontre avec cet homme,

ce poète doué pour vivre et pour aimer

que vous m'avez fait aimer à mon tour.

Un homme éperdu de liberté, d'amour et d'amitié.

Un poète qui fait danser les mots pour couvrir les maux !

Un homme bon et généreux.



Merci Gaëlle Nohant, oui sincèrement merci pour cette belle rencontre.




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Le bureau d'éclaircissement des destins

« La nature efface ce qui reste d’elles. Je n’ai retrouvé que le ponton où Siemens chargeait les bateaux sur la Havel et quelques pierres du block où ma fille a été assassinée ».



Irène, personnage de fiction, expatriée française, s’est établie en Allemagne par amour pour Wilheim, à Bad Arolsen. Elle est, aujourd’hui, divorcée et mère d’un jeune homme, Hanno.



Elle travaille à l’International Tracing Service en qualité d’archiviste – enquêtrice. Ce centre de documentation, d’informations et de recherche, collecte toutes les preuves, écrites ou matérielles, sur les persécutions du national-socialisme, le travail forcé et la Shoah. L’ITS est devenu récemment « Les Archives Arolsen » et se situe dans le Hessois, à Bad Arolsen.



A la libération des camps par les forces alliées, ces dernières ont effectué un énorme travail de collecte, nécessitant une véritable course contre la montre, afin d’empêcher la destruction des preuves accablantes de la barbarie nazie. Elles ont pris d’assaut les archives des camps, fouillé les hôpitaux, réuni les listes, les cartes individuelles ou les registres cachés par les déportés afin de rassembler tous ces éléments à charge qui représentent aujourd’hui la plus grande collection d’archives au monde sur les victimes et les survivants au régime nazi. A ces documents, par la suite, sont venus s’ajouter les éléments sur le travail forcé que certaines entreprises ont accepté de divulguer.



Les objets personnels des personnes persécutées sont conservés dans ce centre et depuis 2016, la campagne « StolenMemory », tente de retrouver les familles auxquelles ces objets reviennent. C’est dans le cadre de cette démarche qu’Irène, se voit chargée, avec son équipe, de restituer ces objets. Ces effets n’ont, pour la plupart, aucune valeur marchande. Ils dégagent de leur matérialité, par delà l’invisible, une charge affective puissante qui relie le présent au passé, convoque les fantômes, matérialise le ou la disparue dans une filiation, redonne un sens à ces objets qui porte l’âme d’un être détruit dans des conditions qui sont insupportables à imaginer pour toute personne douée de raison.



C’est à la suite de l’écriture du « Dormeur éveillé » que Gaëlle Nohant a appris l’existence de ce centre (moi aussi d’ailleurs). Elle a eu l’idée d’écrire cette fiction qui relate plusieurs enquêtes d’Irène et de son équipe. Afin d’être au plus près de la réalité, elle a elle-même suivie une enquêtrice dans ses pérégrinations. Minutieuse, elle a mené les enquêtes le temps de la gestation du roman, elle a abordé ces destins brisés, s’est déplacée sur les lieux de l’abomination, elle a cherché à être au plus près du système de destruction des individus pour mieux se représenter le calvaire de tous les persécutés.

Et c’est tout l’intérêt de ce roman jusqu’au dénouement de chaque enquête. Suivre les investigations, participer aux différents modes de prospection, assister aux échanges entre les différents protagonistes des nationalités concernées, remonter à la source, au plus près de l’instant où tout à basculer, où l’horreur est entrée dans la vie de ces disparus. Tous ces destins brisés, tous ces instants où Irène prend contact avec les familles, donnent lieu à des moments d’une grande intensité émotionnelle – y compris pour le lecteur - tout en conservant à la lecture son côté passionnant et addictif : ce qui en fait une qualité essentielle pour les personnes imperméables à l’Histoire.



Gaëlle Nohant a souhaité écrire un roman contemporain pour les jeunes générations. Son style est fluide et repose sur des recherches et des qualités historiques indéniables. Elle balaie le large spectre des camps de concentration, du travail forcé, tout en restant dans un livre qui s’adresse à un large public.



Je n’avais jamais lu Gaëlle Nohant, j’avais retenu « Le dormeur éveillé » qui évoque Desnos. Ce livre m’a été offert et m’a donné l’occasion d’apprécier cette fiction tout en observant deux maladresses : il est regrettable que dans un tel livre d’hommage qui se veut passeur de mémoire, Gaëlle Nohant n’ait pu s’empêcher d’éviter les clichés, cela crée une discordance dans une transmission historique de qualité – par exemple : elle divorce à la découverte du passé trouble de son beau-père Allemand - son ami Antoine est homosexuel et bien sur, ses parents le rejettent – Il est aussi dommage de se servir de ses personnages pour faire passer ses opinions politiques. Ceci étant, c’est un livre qui enseigne !



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Le bureau d'éclaircissement des destins

Dans ce service né après guerre, le but était de tenter de restituer aux survivants de la Shoah ou à leurs descendants, objets, lettres ou autres renseignements susceptibles de faire la lumière sur leur destin tragique. Autant dire que l’on est loin de la légèreté que pourrait évoquer le titre aux accents de romance ou de bien-être.



Le personnage principal, Irène s’attelle à cette tâche avec obstination. Un petit pantin de chiffon focalise toute son attention. Il a été marqué d’un matricule que des recherches attentives renvoient à un détenu prénommé Lazar.

Irène se concerne également sur une femme, décédée avec l’enfant qu’elle avait pris sous son aile pendant sa détention.



L’énergie requise est immense, pour venir à bout de ces enquêtes qui aboutissent à autant d’impasses que de minuscules espoirs lorsque les pistes semblent se dessiner, laissant une large part à l’intuition de la jeune femme. De quoi s’y perdre …mais y perdre aussi le lecteur. J’ai eu par moment beaucoup de difficultés à faire la synthèse des histoires, confondant les deux itinéraires, mélangeant les générations…



Le roman présente l’intérêt de mettre en valeur cette oeuvre de restitution, maigre compensation des peines éprouvées amis avec l’intérêt essentiel de combler les lacunes dans la transmission des histoires familiales.





Construit comme toujours avec Gaëlle Nohant, sur une somme importante de documentation historique, le roman a un véritable intérêt pédagogique, avec ce petit bémol d’une intrigue très complexe qui requiert une attention soutenu et éventuellement de quoi prendre quelques notes en cours de lecture.





416 pages Grasset 4 janvier 2023

#Lebureaudéclaircissementdesdestins #NetGalleyFrance


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La femme révélée

Eliza a perdu son père, très jeune ; père qu’elle a idéalisé au point d’en faire une icône (c’en était probable une, soit dit en passant) il lui a appris la tolérance, n’hésitant pas à l’emmener dans les quartiers réservés aux Noirs. Tout cela au grand dam de sa mère.



Elle parvient à entamer des études grâce à une bourse, mais tombe sur amoureux transis, Adam, qui ne lui plaît guère : elle finit par céder : c’est un beau mariage selon sa mère. Adieu, les études, le rôle d’épouse n’en nécessite pas ! peu après le mariage, Adam part sur le front elle vit dans une belle maison, se retrouve vite enceinte et surtout sous la coupe de la mère d’Adam, Abigail, la sorcière de service qui veille jalousement sur son précieux rejeton.



Au retour de la guerre, Adam a changé, picole beaucoup, fait des affaires mystérieuses, pour ne pas dire mafieuses, multiplie les aventures extra-conjugales. Eliza se défoule avec son appareil photo, prenant des clichés, chaque fois qu’elle le peut.



Un jour, un homme noir tire sur Adam, l’accusant d’avoir mis le feu volontairement à l’appartement dans lequel sa femme et ses quatre enfants sont morts brûlés vifs. C’est un Noir, il est forcément coupable mais Eliza commence à douter d’Adam.



Elle prend la fuite, avec des faux papiers, sous un nouveau nom Violet Lee, direction Paris, n’emportant que quelques bijoux et son précieux Rolleiflex… elle se retrouve par hasard dans un hôtel de passe où elle fait la connaissance de Rosa. On va suivre sa vie à Paris au début des années cinquante.



Elle réussit à trouver du travail, continue à se promener avec son Rolleiflex, comme bouclier, et rencontre d’autres femmes dont les vies sont un peu plus libres que ce qu’elle a connu à Chicago, mais à quel prix. Elle rencontre, un photographe, un pianiste de jazz qui a fui les USA aussi, ainsi qu’un bel américain Sam, beaucoup moins clean qu’elle le croit.



Mais l’exil est dur, elle pense à son fils qu’elle a laissé là-bas (il est plus facile de fuir son pays seul, qu’avec un enfant (les migrants en savent quelque chose) et en plus elle se sait surveillée.



Un jour, elle décide qu’il est temps de rentrer à Chicago… mais ne divulgâchons pas…



Eliza-Violet est née le jours des émeutes de Chicago en 1919. « Moi, je suis née au cœur d’une nuit d’émeutes. J’ai été baptisée par cette violence, elle est entrée dans mes tissus et dans mon sang, je l’ai aspirée avec mon premier cri. J’ai voulu lui échapper mais elle ne m’a jamais quittée. »



La ville qu’elle va retrouver en 1968 ne vaut guère mieux (un maire qui envoie les flics surarmés sur des manifestants pacifiques qui refusent d’aller combattre au Vietnam et sont forcément des « rouges ») Martin Luther King a été assassiné, les espoirs des plus pauvres, partis en fumée, il ne restait que Robert Kennedy pour prendre le relais, on sait le sort qui lui a été réservé.



Ce sont toujours les mêmes qui trinquent, tandis qu’une minorité s’en met plein les poches : les entrées en guerre des USA ne sont jamais altruistes : que ce soit le débarquement en Normandie, le Vietnam et celles qui ont suivi…



Au début, on peut être heurtée par le fait que la jeune femme parte seule, mais, comme Gaëlle Nohant alterne les récits dans cette première partie, on ne peut qu’être d’accord avec elle : elle n’avait aucune chance de garder son fils quelle que soit son choix.



« La vérité est que j’ai choisi de me sauver avant Tim, parce que l’emmener avec moi était trop risqué. Cela va à l’encontre de tout ce qu’on nous apprend, que les mères sont faites pour se sacrifier, que c’est leur destin depuis le fond des âges. »



Le titre « la femme révélée » est intéressant : Eliza-Violet se révèle plus forte qu’elle ne pense l’être. Mais il fait allusion aussi à la photographie (les révélateurs à l’époque où l’on développait ses photographies en chambre noire).



J’ai beaucoup aimé cette histoire, le destin de cette femme qui se croit fragile parce qu’on l’a élevée avec cette idée, et qui résiste, s’accroche dans une ville qu’elle ne connaît pas : Paris est la ville de la liberté ! c’est l’idée qu’on lui a vendue, certes, mais on ne lui a pas précisé à quel prix…



Gaëlle Nohant a une très belle écriture, elle nous fait partager le destin de ces femmes auxquelles on ne peut que s’attacher qu’il s’agisse de Rosa, la prostituée sous le joug d’un mac » jaloux ! ou Brigitte qui fréquente les clubs de jazz ou encore de la femme qui s’occupe du foyer « Les Feuillantines » qui accueille les jeunes femmes, avec sa concierge dragon qui ferme la porte sitôt « la permission de minuit » dépassée, tans pis si les jeunes femmes sont obligées de passer la nuit dehors…



Les personnages masculins sont bien étudiés psychologiquement, ce n’est pas un livre uniquement de femmes, avec une tendresse particulière pour Horatio, le musicien noir, presque aveugle qui se déchaîne sur son piano.



Dernière remarque : sur le plan historique, c’est une très bonne idée de mettre en parallèle les deux époques, car finalement rien en semble changer dans les mentalités : on est toujours le Noir de quelqu’un.



Tout le monde aura compris, j’aurais pu encore parler de roman pendant des heures, mais cela deviendrait lassant. J’ai eu beaucoup de mal, une fois de plus, à limiter les extraits, tant ce livre renferme de phrases ou de descriptions fortes, en particulier le chapitre 22…



C’est le premier roman de l’auteure que je lis et je l’ai vraiment aimé. Il serait temps que je sorte « La légende du dormeur éveillé » qui sommeille dans ma PAL depuis sa sortie.



Un immense merci à NetGalley et aux éditions Grasset qui m’ont permis de lire ce beau roman et de faire enfin la connaissance de la plume de son auteure.



#Lafemmerévélée #NetGalleyFrance
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Le bureau d'éclaircissement des destins

Connaissez-vous le centre d’Arolsen, ce centre de documentation et de recherche sur la Shoah et les persécutions nazies, situé en Allemagne ?

Les personnes qui y travaillent tentent de restituer des objets aux descendants de ceux qui sont passés par les camps et d’apporter des réponses aux familles quant au destin de leurs proches.

Ce centre reçoit encore près de 1000 demandes par mois, même 70 ans après la guerre, et est riche de plus de 30 millions de documents, rangés sur 26 kilomètres de rayonnages, sur cette période extrêmement douloureuse.

L’auteure nous fait découvrir cet endroit par le biais d’Irène, une française qui a émigré en Allemagne par amour et qui se dévoue corps et âme à ce travail qui mêle les compétences d’archiviste et d'enquêteur.

J’ai dévoré ce roman qui est véritablement passionnant, tout autant que bouleversant.

A partir d’un médaillon et d’un Pierrot en tissu, nous allons remonter le temps et découvrir les vies brisées de plusieurs personnes, à la fois à cause des atrocités qu’elles ont subies mais aussi à cause de la chape de secrets et de silence qui entoure cette période.

Cette enquête, qui a des allures de poupées russes, nous fait découvrir les parcours de dizaines de personnes, dont les destins sont liés.

Un roman captivant dont on ne ressort pas indemnes.

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Le bureau d'éclaircissement des destins

Un titre bien intrigant : que se cache-t-il derrière ces mots ?



Il s'agit d'un bureau d'investigation et de recherches sur les persécutions nazies. il réunit un fond documentaire impressionnant, mais aussi des objets venant des camps :

« Ce sont des objets sans valeur marchande. les biens monnayables étaient dérobés sans retour. Ce sont les restes méprisés par les assassins, dont la modestie trahit celle de leurs propriétaires. »



Irène, employée du centre depuis 1990, est chargée depuis quelques années d'enquêter sur ces objets, pour tenter de les restituer à la famille de leur propriétaire. On va suivre en parallèle dans ce ce roman très documenté plusieurs de ces enquêtes

A ce propos, je vous conseille de noter quelques mots sur chacune d'entre elles, les noms, les circonstances : il y a beaucoup de personnages et cela facilite la compréhension. On peut sinon être facilement perdu, surtout que les prénoms ne nous sont pas familiers. C'est mon petit bémol sur ce roman.



Les camps, les persécutions nazies, les sévices infligés, les conditions de vie inhumaines, tout cela on l'a lu déjà et relu, et pourtant aucun livre sur ce sujet n'est de trop. Et j'ai encore appris ou réappris certaines choses dans ce roman. Notamment l'épisode de la révolte de Treblinka ou celle des Kaninchen (petits lapins) de Ravensbrück, jeunes filles mutilées lors d'expériences médicales, ou encore ces enlèvements d'enfants « aryens » dans les pays occupés pour les faire adopter dans des familles de bons allemands.



J'ai été emporté par un torrent d'émotions, en lisant ces destins qui bien sur sont romancés, mais qui m'ont semblé sonner si juste. Certaines scènes m'ont mis les larmes aux yeux, notamment à la fin du roman, dans le jardin d'une maison de retraite. On se passionne à coté d'Irène pour ces investigations, et les échanges et les rencontres avec les familles sont décrits avec beaucoup de pudeur et de sensibilité.



Un beau roman historique, très bien documenté, sur une période de l'histoire, que personne ne doit oublier.

Merci à netGalley et aux éditions Grasset pour ce partage #Lebureaudéclaircissementdesdestins #NetGalleyFrance
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