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Critiques de Gao Xingjian (127)
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La montagne de l'âme

La littérature est-elle affaire de marges ? Le lecteur doit-il être aussi un peu marginal pour entrer en contact avec l’oeuvre d’un auteur ?



Tu te perdras sans doute dans la montagne de l’âme, au-delà des brumes, au milieu des dialectes reculés, au dessus des gorges et sous la canopée.

Ce “tu” est particulièrement à propos, dialogue intérieur permanent et concomitant à l’action, à la parole. A la fois altérité et humus intime.



Cette fresque a fait couler presque 700 pages d’encre (de Chine…pardon), écrite au fil des années quatre-vingt, jungle luxuriante de sensations, d’émotions et d’apaisement. C’est un livre-refuge. L’ouvrir nous ramène hors d’atteinte, dans les hauteurs des montagnes de l’Empire du milieu, on ne sait plus l’heure ni le jour, nous marchons, découvrons, au bord d’un ruisseau, le souvenir d’un mythe. Je dis ramène car on a l’impression d’un lieu du commencement, étrangement familier. J’ai essayé de convoquer les souvenirs de paysages du film “Séjour dans les monts Fuchun” pour revoir les lacs, les pêcheurs, la moiteur de la peau sous la chaleur des feuillages.



Les rites, les croyances, la culture (évocation des peintres Xu Wei, Gong Xian, Zheng Banqiao, Bada Shanren) et l’histoire de la Chine méridionale se mêlent à la quête du narrateur, parti de la modernité urbaine tentaculaire vers la ruralité séculaire. A certains égards, la tentative du prix Nobel de Littérature sino-français Gao Xingjian n’est pas sans rappeler la fresque de Cervantès. Bien sûr pas dans le comique de ses personnages, mais dans la variété de ses épisodes, véritables histoires dans l’histoire.



« Ce qu’il faut donc le plus soigner parmi nos moyens de bonheur, c’est la puissance de la contemplation » Madame de Staël. Loin de la révolution culturelle tyrannique de la Chine maoïste, sans pourtant pouvoir y échapper, le narrateur contemple son passé, ses rêves et le paysage qui l’entoure. Xingjian pousse son lecteur à s’arrêter sur des évènements facultatifs, sans suspense, et à méditer lentement avec lui sur sa propre vie. Dans un immense pays que le pouvoir communiste voudrait montrer comme uni, dans une tradition où le collectif écrase le singulier, Xingjian se méfie du “nous”, et donne la parole à une Chine des individus.



“Elle veut flâner avec toi dans ta mémoire”. Les pérégrinations du narrateur sont constamment entrecoupées d’une seconde histoire, celle de l’amour, celle d’un “tu” et d’une “elle”, intimité extrême, sans contexte.



Pour Gao Xingjian, dramaturge, poète, essayiste, cinéaste et peintre également, le roman comme la vie “ne répond à aucune finalité”. Il anticipe la réception de son livre : un “tu” n’est pas un personnage ce n’est qu’un pronom personnel ! fait-il ainsi dire à un critique fictif. De fait, Xingjian, dans l’étrange composition de son oeuvre protéiforme questionne les contours du roman.



“Tu dois savoir que ce que tu recherches ici-bas est rare, ton avidité est exagérée.” Tu peux vivre ce livre comme un compagnonnage, tu n’y entres pas aisément, les soucis du quotidien peuvent encore t’habiter quelques pages… mais comme une randonnée à deux, lorsqu’elle te parle cependant que tu restes absorbé par ton propre monologue intérieur, tout à coup tu reviens à sa conversation, au présent, frais et disponible.



Reste à te laisser emporter par une lecture résolument contemplative, méditative, où tu peux t’autoriser sur quelques pages à partir toi aussi dans une méditation quelconque pour être finalement repêché calmement par Monsieur Gao. La Montagne de l’âme incarne la définition du roman que donne le narrateur “une production de sensibilités” qui “mélange les désirs”.



Qu’en pensez-vous ?
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La montagne de l'âme

♫Dans mon cerveau fragile

Des cavaliers d'argile

M'ont découvert la Chine

Et là sous un ciel jaune

J'ai aimé sur son trône

Ma première figurine

Voyageur immobile

Retenu par un fil♫

-Michel Sardou-1985-

---♪---♫---🧧🧧⭐🧧🧧---♫---♪---

Aider l'Âme du mort à trouver son chemin

Wuchang tête en bas, simple figurine

Dieux protecteurs, laogen, les vieilles racines

Croire en la science mais aussi au destin...

Autre pays, autres moeurs

Même douceurs, m'aime pas peur

"Si tu sors un soir de lune

N'allume pas la torche sur le chemin

Si tu allumes la torche sur le chemin

Triste sera la lune"

Enfin un langage pur, limpide, et gazouill- Yi

musical, insécable, plus élevé que la mélodie

Avec le serpent Qi se mord la queue

A l'aMiao, c'est tellement plus romantique

Elle sur moi, je tue il

Mêle ange subtil errances égo nombrils

Qui Soulages nos belles de lit et raclures

Estompe l'obscurité dans sa Nature

Nobel de Littérature

il manie aussi le pinceau

A l'ombre d'un Ginkgo...

Cette critique, on peut la lire,

on peut ne pas la lire,

mais puisque c'est fait ,

autant la lire 😉





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Une canne à pêche pour mon grand-père

Décidément je peine à apprécier la Littérature chinoise contemporaine. Pourtant j'aime énormément celle de ses voisins, Corée, Japon, Cambodge, Thaïlande,....

Là en plus ceux sont des nouvelles, une forme littéraire dont je raffole et l'auteur est un prix Nobel. J'ai l'impression que le communisme ou plutôt le maoïsme a tué toute l'essence de cette culture, une des plus anciennes au monde.....

Ceux sont des nouvelles écrites dans les années 80, sauf la dernière, bien avant son prix Nobel en 2000. Comme dans le plus récent livre chinois que j'ai lu " Du thé d'hiver pour Pekin" de Xinglong Liu, la prose est très simple , ici dans le sens pauvre, et les réflexions et émotions exprimées sont vraiment basiques, sans profondeur, quand aux sujets, auraient pu être intéressants si traités subtilement, avec plus de consistance et une prose plus élaborée.



Un temple où de jeunes mariés vont confronter un étranger et un enfant, et vivre une gêne qui ne m'a pas touchée, bien qu'elle devrait,



Un accident, toujours un homme , un enfant et la foule, là encore beaucoup d'éléments émouvants qui normalement me serreraient la gorge, mais me laissent indifférente,



Une crampe ? pas compris ni l'intérêt de l'histoire ni le lien avec la chute de la nouvelle,



Dans un parc, "Tu parles pour ne rien dire" dit la jeune femme à son ami d'enfance rencontré des années plus tard, une rencontre et un dialogue " pour ne rien dire",



Une canne à pêche pour mon grand-père, nostalgie déployée au travers de phrases interminables sans nuances, agrémentée d’expressions banales, "j’ai envie d’écrire un roman tel que les mouches s’y noieraient ", "une vérité aussi évidente que deux plus deux n’est pas égal à trois ", passant du coq à l’âne, également pas compris ni l’intérêt ni le sens,



Enfin, Instantanés, le summum, un homme, une femme, un cheval, du sexe, de l'eau soudain une voix " Tu veux du hasch?", des cafards.......Il paraît qu'il ne faut pas essayer de comprendre, c'est très poétique, comme dans un rêve....Déjà je n'ai rien compris et rien senti, donc poésie, rêves ou autre adoucissants , difficile que j'y détecte.......pourtant dieu sait, je suis ouverte et sensible à tout genre de Littérature.



Grosse déception d'un auteur nobélisé , heureusement que c'était court .

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La montagne de l'âme

Je reviens d’un long voyage... dans « La montagne de l’âme », j’ai accompagné Gao Xingjian dans ses pérégrinations à travers les de la Chine.



Ce n’est pas un voyage facile, on y rencontre des traditions et des légendes, souvent cruelles et sanguinaires, sans compter des démons intérieurs à affronter.



Ce n’est pas un voyage touristique, mais un dépaysement assuré, tant par les beautés de la nature que par les réflexions philosophiques, sur la vie, la société, etc.



Ce n’est pas un voyage de groupe, mais un texte à deux voix, au « je » et au « tu », passant constamment du yin au yang et renonçant toujours à s’attacher aux personnes rencontrées en chemin.



Pour apprécier ce livre, il faut une certaine patience, car c’est un long voyage, long, comme des millénaires d’histoires qui s’écoulent doucement…

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La montagne de l'âme

Une remarquable immersion dans l'univers de la Chine, de ses antiques traditions jusqu'aux bouleversements du XXe siècle. C'est un pavé (670 pages en version poche), mais qui s'est laissé lire à un bon rythme. Un peu déroutant par contre, avec la grande variété de son contenu et l'absence de transitions. Également avec les personnages qui sont durs à cerner de par le système original de narration adopté par l'auteur. De nombreuses petites histoires, légendes et tranches de vie sont imbriquées tout au long. La plupart ne sont pas très gaies ! Un voyage à travers toute la Chine, de ses coins les plus reculés jusqu'à ses milieux ruraux et urbains. Voyage aussi à travers les relations humaines tumultueuses et flanqué d'un profond questionnement existentiel. L'auteur réussi très bien à faire sentir ce que la quête d'une vérité supérieure a d'insoluble.
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Une canne à pêche pour mon grand-père

Ce Recueil de 6 nouvelles est de toute beauté d’une écriture fine, limpide et poétique

Ma préférée, « Instantanés » : C’est une nouvelle construite comme des clichés photographiques qui s’entrecroisent, et se dévoilent progressivement.

Sur un air de mélodie triste, noyé dans le ressac des vagues et sous la vive lumière du soleil, les tableaux se succèdent parfois surréalistes.

Notre regard se pose sur des scènes de la vie : un homme alangui sur la plage lit sur une chaise longue. Une femme, vision érotique, se dévêt. Une affiche entre en scène ses personnages s’animent… et toujours le bruit des vagues et la mer qui monte !

J’ai été intriguée et séduite par cette nouvelle étrange mais tout en musique comme dans un rêve qui peut se transformer aussi en cauchemar. Ai-je bien tout compris ? Je n’en suis pas sûre cependant son écriture est extrêmement séduisante.



J’ai bien aimé aussi, « Une canne à pêche pour mon grand père »

Cette nouvelle est une vague de tendresse, d’amour et de poésie. Un adulte évoque ses souvenirs d’enfance, ses jours heureux auprès de son grand-père qu’il adulait. Cette nouvelle est toute en finesse, les souvenirs s’entrechoquent dans sa mémoire et au gré des lieux, des mots, et des sons nous découvrons cette enfance sur un fond de désillusion face aux réalités d’aujourd’hui.

Ce récit dégage beaucoup d’émotion, l’écriture est belle et poétique.



Les quatre autres racontent des évènements ou accidents de la vie :



1-« Le Temple » : Un couple part en voyage de noce et échoue dans le temple délabré aperçu depuis le train « ses tuiles vernissées jaune d’or scintillaient et attiraient le regard » Avec une écriture légère et poétique il décrit l’amour, l’insouciance et la liberté pendant la lune de miel.

2-L’Accident : Dans la rue un bus et un homme à bicyclette tractant une petite carriole avec un jeune enfant … c’est la collision, le choc brutal, l’accident dans toute son horreur. Cette fraction de seconde où l’irréversible se produit est décrite de façon très réaliste

3-La Crampe : Un nageur est saisi au large par une crampe, il doit lutter, ne pas céder à la panique pour survivre…

4-Dans un parc : Deux amis d’enfance se rencontrent dans un parc et réalisent qu’ils ne partagent plus les mêmes idées et sont dans l’incapacité de se comprendre.



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La montagne de l'âme

« Toi-même, tu ne sais pas clairement pourquoi tu es venu ici. C’est par hasard que dans le train tu as entendu quelqu’un parler d’un lieu nommé Lingshan, la Montagne de l’Ame. »

Et tu as décidé d’y aller toi-aussi, tu as pris la route, ton sac sur le dos et tu es entré dans cette quête. J’allais écrire que je t’avais suivi, mais c’est faux, j’ai pris d’autres routes, d’autres chemins, et moi aussi j’ai commencé à chercher Lingshan.

Tu et je se sont alors entremêlés, toi et moi, deux entités, deux personnages bien distincts ou deux facettes d’un même homme, en marche vers cette montagne…

C’est un voyage au cœur de la Chine mais c’est aussi un voyage intérieur… un voyage fait de solitude et rempli de rencontres surprenantes… un voyage moderne, une quête actuelle riche de chants ancestraux et de traditions en passe de disparaître… un voyage de l’ascèse et terriblement sensuel…

C’est LA quête par excellence, de l’amour, de soi, des origines, de la vérité, de la sagesse, de toutes les folies…

C’est une magnifique expérience humaine, pleine de couleurs, d’odeurs, de sensations, pleine de vie, de mort, pleine de poésie… l’expérience d’un tu, d’un je, qui se mélangent au je et au tu du lecteur, faisant sienne cette quête de la Montagne de l’Ame.

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La montagne de l'âme

Besoin d'un roman apaisant, j'ai pensé à la critique de Fabinou7 que je remercie, et c'est avec Gao Xingjian que je suis partie, très loin, pour un long voyage, à la fois spirituel et intime. S'isoler, abandonner le monde des hommes pour se trouver ou se retrouver.



« Je préfère errer de-ci de-là, sans laisser de trace. Dans ce monde immense, il y a tellement de gens, tellement de destinations, je n'ai aucun lieu où m'enraciner, installer un petit nid pour vivre tranquillement, rencontrer toujours les mêmes voisins, leur dire les mêmes choses, bonjour, bonsoir, et replonger dans les minuscules imbroglios de la vie quotidienne. Avant même de commencer, je suis déjà dégoûté. Je le sais, je ne peux plus donner le bonheur. »



*

« La Montagne de l'âme » est un roman foisonnant, d'une grande richesse relatant l'histoire d'un homme qui, confronté à un environnement culturel répressif et la menace d'un emprisonnement dans un camp de rééducation par le travail, décide d'entamer un long voyage dans les montagnes et les forêts du sud de la Chine, dans les contreforts du Tibet à la recherche de la montagne de l'âme.



« Lingshan, la Montagne de l'Âme, où l'on peut voir des merveilles qui aident à oublier ses souffrances et à obtenir la délivrance. »



Mais cette montagne se dérobe sans cesse à lui.



« Toi, tu continues à gravir les montagnes. Et chaque fois que tu t'approches du sommet, exténué, tu penses que c'est la dernière fois. Arrivé au but, quand ton excitation s'est un peu calmée, tu restes insatisfait. Plus ta fatigue s'efface, plus ton insatisfaction grandit, tu contemples la chaîne de montagnes qui ondule à perte de vue et le désir d'escalader te reprend. Celles que tu as déjà gravies ne présentent plus aucun intérêt, mais tu restes persuadé que derrière elles se cachent d'autres curiosités dont tu ignores encore l'existence. Mais quand tu parviens au sommet, tu ne découvres aucune de ces merveilles, tu ne rencontres que le vent solitaire. »



*

Lors de son voyage solitaire dans ces régions isolées, loin de la modernité et de la superficialité des villes, il va puiser du réconfort dans la beauté de la nature qui sera un guide vers une spiritualité personnelle profonde. Instants de grâce et de beauté dans cette recherche de paysages authentiques, de forêts vierges, non défigurés et dénaturés par l'homme.





Au détour d'un chemin, un étang, un arbre, une fenêtre, un pont et son imagination ou ses souvenirs l'emmènent loin dans son passé, dans son esprit. Moments nostalgiques qui raniment son mal du pays, et ravivent la présence d'êtres chers disparus.



« le murmure du ruisseau qui passait sous le pont de pierre, à la porte du temple, et le murmure du vent du soir semblèrent alors, l'espace d'un instant, s'écouler de mon propre coeur. »



*

C'est aussi un voyage intérieur où l'auteur nous parle de sa solitude, des persécutions politiques et de la révolution culturelle, de sa famille, de ses souvenirs et de ses rêves d'enfance, de ses rencontres et d'une femme (ou d'une multitude de femmes), objet de ses désirs et de ses fantasmes.

Gao Xingjian tisse ainsi de multiples histoires. Collection de rencontres et de récits, chants populaires, légendes montagnardes, histoires de fantômes, traditions perdues et souvenirs personnels s'entremêlent sans aucune trame linéaire.

Ces histoires racontées sont tantôt touchantes, tantôt mystérieuses, tantôt fascinantes, tantôt inquiétantes, tantôt révoltantes.



Le personnage principal cherche quelque chose qu'il ignore, qui le dépasse, et par ses réflexions et son cheminement intérieur, il essaie de s'éveiller à une forme de spiritualité et d'atteindre un degré de compréhension de soi.



« Je me sens pris au piège. À cet instant, je ressemble à un poisson pris dans les filets de la peur, percé par un gigantesque harpon : il se débat sans pouvoir changer son destin, sauf par miracle. Mais, dans ma vie, n'ai-je pas toujours attendu un miracle ? »



*

Mon passage préféré est le chapitre 66, l'homme est tel Orphée descendant aux enfers.



« Tu as l'impression d'avancer sur l'eau, car tu foules déjà des herbes aquatiques. Tu t'enfonces au milieu de la rivière de l'Oubli ; tels les soucis de la vie quotidienne, les herbes t'enlacent. Ton désespoir t'abandonne alors totalement et tu avances à tâtons sur le bord de l'eau. Tu foules les galets que tu enserres de tes doigts de pied. C'est comme si tu marchais en rêve au milieu du fleuve noir des enfers ; une lumière bleu sombre brille là où jaillissent les gouttes d'eau. Tu es surpris, mais ta surprise cache une joie diffuse. »



*

La lecture de ce roman m'a demandé des efforts. L'écriture de l'auteur est particulièrement complexe avec l'utilisation de pronoms « je », « tu », « il », « elle », « lui ». J'avais une idée de leur signification, mais je n'en ai eu la confirmation ou je n'ai vraiment compris leur sens qu'au chapitre 52. Ces multiples personnages sont des refuges pour ses pensées solitaires.



« Tu sais que je ne fais rien de plus que me parler à moi-même pour distraire ma solitude. Tu sais que ma solitude est sans remède, personne ne peut me soulager, je ne peux avoir recours qu'à moi comme partenaire de mes discussions.

Pendant que j'écoutais attentivement mon propre « tu », je t'ai fait créer « elle », parce que tu es comme moi, tu ne peux supporter la solitude, tu dois aussi trouver quelqu'un à qui parler…

« Elle » n'est qu'une image apparue de manière imprécise par association d'idées, flottant confusément dans la mémoire, à quoi bon restituer une image qui change sans cesse ? »



*

L'auteur a reçu le prix Nobel de littérature en 2000 pour l'ensemble de son oeuvre.

« La montagne de l'âme » est un beau roman, une oeuvre riche, poétique, complexe et surprenante qui invite à la réflexion sur de nombreux thèmes comme l'écologie, le respect de la vie, le sens de la vie, la nostalgie de l'enfance, l'amitié, l'amour, l'attachement, la fuite, la souffrance du corps.

J'ai été envoûté par les descriptions de ces paysages de montagnes. Un voyage intérieur, une quête de soi, exigeante, mais au bout la sérénité. Je suis contente d'avoir suivi les pas de Gao Xingjian, même si je suis consciente de mes nombreux faux-pas.

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Quatre quatuors pour un week-end

C'est une espèce de manie chez moi, quand je n'aime pas un auteur du premier coup, j'y reviens pratiquement toujours au moins une seconde fois. Je n'avais donc pas aimé Le somnambule du même auteur, mais là... Argh. Au moins Le somnambule recelait une atmosphère particulière, glauque, qu'on ressentait bien rien qu'à la lecture.





Là non, rien. Une pièce de théâtre qui m'a semblé totalement creuse. Quatre personnages, deux couples, deux hommes et deux femmes. Un peintre, un écrivain. L'écrivain se sent vieux. Il trouve sa femme vieille malgré ses quarante ans. Ils ont invité l'autre couple, et surprise, un jeu de séduction va s'établir, pas très subtilement. C'est du déjà- vu, bien. Mais c'est même pas le sujet. Mais c'est quoi, le sujet ? Ben, on sait pas bien. Une peur de la vieillesse, des corps et des esprits qui déclinent. Un truc dans le genre. Et chacun de s'interroger sur soi-même.





C'est bourré de platitudes. Et je supporte pas le style (j'ai pas de chance, en ce moment). Le truc du mec qui parle de lui à la seconde personne du singulier m'avait agacée dans Le somnambule, mais j'y voyais une vague raison. Là, ces gens qui dialoguent, puis qui parlent tout seuls en utilisant soit le "je", soit le "tu", soit le "il" ou "elle" pour parler d'eux-mêmes, je peux pas. Ça m'a semblé artificiel au possible.





Je ne suis pas contre la chronologie étrange, les rêves, les cauchemars, les hallucinations. Mais pour dire quoi ? Ah, je me sens vieux, ah, on me prend pour une pute mais je m'en fous, ah, j'en ai marre, ah, ma vie ne ressemble à rien, ah, la vie est étrange, ah, je ne peux plus continuer comme ça, ah, je perds la mémoire, ah, je sais pas quoi faire de ma vie, ah, ah, aaaaaaaahhh !!! Et patati, et patata. Je sais pas si c'était vraiment nécessaire de parler de paysages enneigés et de corbeaux pour un tel résultat. De toute façon, quand j'en suis arrivée à la neige et aux corbeaux, c'était le quatrième "quatuor" (ça fait vachement mieux que "acte"), et j'en pouvais tellement plus que j'avais sérieusement décroché ; par conséquent s'il y avait quelque chose de bien à en retirer, il est certain que ça m'aura complètement échappé.





Alors, je vais me dire que c'est le genre théâtral qui ne convient pas du tout à Gao Xingjian, et qu'il aurait mieux valu pour moi, peut-être, lire ses nouvelles.





Je vais vous dire autre chose. Finalement, Le somnambule, c'était mieux. Finalement, je préfère lire trois pièces de Yasmina Reza à la suite plutôt que ça. Ça vous donne une idée de mon état d'esprit et de mon degré de désespérance.





Challenge Nobel

Challenge Théâtre 2020
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Le somnambule

Je viens tout juste de terminer cette pièce, et, une fois n'est pas coutume, je me me précipite pour écrire la critique. D'habitude, j'aime bien laisser un peu décanter, mais je sens qu'aujourd'hui, si je laisse traîner les choses, je n'écrirai jamais rien.





Je me frotte rarement au théâtre le plus récent, je suis toujours un peu méfiante - souvenez-vous, j'ai subi un gros traumatisme en bossant pour un festival de théâtre contemporain, justement en 1995, l'année où la pièce Le somnambule a été publiée... Et elle n'est malheureusement pas faite pour me rassurer.





Dans un train, on découvre plusieurs personnages, qui n'ont pas payé leur billet, excepté celui appelé "Un voyageur". J'imagine qu'il y a là un message - on va voir que tous ces gens représentent des marginaux de la société, même si leur absence de billet en est l'unique reflet tant qu'ils sont dans le train. Très vite, on va basculer dans ce que Gao Xingjian présente comme un cauchemar. On s'attendrait à des allers-retours entre le train et le monde du cauchemar, il n'en sera rien. Chacune des personnes du train va trouver son avatar dans le monde du cauchemar : le voyageur qui a payé son billet sera le fameux somnambule du titre, et les autres, différents marginaux : un sans-abri, un noctambule, une prostituée, un "mec" (qui semble tremper dans la criminalité, sans qu'on sache trop dans quoi exactement).





Tout se passe la nuit dans des rues éclairées par une lumière verdâtre. On ne sait pas ce que le somnambule fait là, lui-même ne le sait pas. Peu à peu, il va être entraîné dans une spirale dont il ne peut s'extirper, qui semble le mener au crime - voire à plusieurs crimes. Sauf que, je le rappelle, nous sommes dans un monde de cauchemar. Le personnage principal est en fait amené à tout un questionnement introspectif. Là-dessus, Gao Xingjian est très clair, puisqu'il a précisé dans ses indications pour la mise en scène qu'il ne fallait pas lire cette pièce comme relevant du théâtre de l'absurde, mais bien comme une pièce psychologique. Même sans ces précisions, c'est relativement clair, le somnambule ne fait pas spécialement dans la dentelle dans ses monologues, ni dans ses dialogues avec les autres personnages. Il se pose des questions sur son identité, sur sa conscience, sa moralité, ses désirs. Ça en devient même un peu gros au dernier et troisième acte, où j'ai commencé à m'ennuyer ferme.





Au-delà de l'introspection du personnage principal, il est aussi question de la société et de la marginalité, ainsi que des rapports hommes/femmes (un leitmotiv chez l'auteur, si j'en crois ce que j'ai lu sur lui). Mais à vrai dire, sur ces sujets-là, je n'ai pas vraiment saisi où Gao Xingjian voulait véritablement en venir. Est-ce qu'il n'a pas cherché à mêler trop de sujets, les uns se délitant en se frottant aux autres ?





Autre chose : le somnambule parle quasiment toujours de lui à la seconde personne du singulier, probablement pour instaurer une espèce de distanciation dont je ne vois pas trop l'intérêt. Ce qui rend ses monologues un peu pénibles. À vrai dire, je redoute fort ce genre de monologues sur scène. Gao Xingjian aimerait que les acteurs jouent naturellement, mais je dirais qu'avec un texte pareil, c'est tout de même pas gagné... Et de façon générale, je n'ai pas trouvé que la forme théâtrale était bien adaptée au sujet, en tout cas traité ainsi. Même le coté glauque du décor - très minimaliste - se fait oublier à cause du texte.



Bref, je ne suis pas convaincue par cette pièce, c'est le moins qu'on puisse dire. En 1995, David Lynch n'avait pas encore réalisé Lost Highway, Mulholland Drive et Inland Empire. Si vous êtes à l'affût d’œuvres qui vous emmènent dans les méandres de la psyché humaine, et notamment de sa noirceur, je vous dirais d'aller bien plutôt de ce côté-là, et de laisser tomber Le somnambule, qui ne me semble pas pousser très loin sa démarche. Mais je pense aussi aux frères Coen et à des tas d'autres artistes, tous médias confondus, qui se sont attaqués au même genre de sujet avec davantage de profondeur. Ah oui, tenez, il y a Le Golem de Meyrinck, aussi. Et la littérature gothique. Sans parler de Kafka, évidemment. Enfin bref, vous avez le choix !









Challenge Nobel

Challenge Théâtre 2020
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Une canne à pêche pour mon grand-père

Une canne à pêche pour mon grand-père est un recueil de Gao Xingjian, le prix Nobel 2000 exilé en France depuis 1988. Il comprend cinq nouvelles très diverses et des fragments appelés « instantanés ». Les nouvelles ont été regroupées en 1989 et les Instantanés ont été ajoutés en 1991. Ce qui m'a plu c'est la créativité formelle du recueil loin des canons du réalisme traditionnel.



1) Le temple (1989) ****

Le narrateur et sa jeune épouse savourent leurs quelques jours de lune de miel en harmonie avec la nature. Dans un temple abandonné à l'écart du sentier balisé, ils rencontrent un vieil homme et un petit garçon. Une petite nouvelle simple et belle.



2) L'accident (1985) ****

La nouvelle débute par le récit d'un accident de la circulation entre un bus et un cycliste tirant une cariole transportant un enfant. Il est suivi des différents avis des témoins puis lorsque l'agitation de la rue prend fin, d'une litanie poignante de « puisque » et de « si ».



3) La crampe (1989) ***

Alors qu'il nage loin de la plage pour séduire une jeune fille, un homme est pris d'une crampe. La nouvelle est plus traditionnelle que les autres et comprend une chute malicieuse.



4) Dans un parc (1985) **

Deux personnages discutent dans un parc. Ils se sont bien connus mais n'ont pas poursuivi leur relation pour des raisons indépendantes de leur volonté que l'on devine politiques. A côté d'eux une jeune fille attend. le texte est très théâtral.



5) Une canne à pêche pour mon grand-père (1986) *****

Le narrateur achète à son grand-père une canne à pêche perfectionnée afin de remplacer celle qu'il a cassée. Or le grand-père est mort depuis longtemps. le petit-fils revit pourtant avec émotion les parties de pêche toutes simples de son enfance dans une nature préservée devenue méconnaissable avec ce grand-père rude et tendre. le récit merveilleux est émaillé de courts dialogues jolis comme des comptines. Progressivement les bribes d'une retransmission du match RFA-Argentine le ramène à la réalité. La canne à pêche est remisée au-dessus de la chasse d'eau.



6) Instantanés (1991) ****

C'est une suite de descriptions furtives sans métaphores comme des photos instantanées avec pour seul lien la montée inexorable de la mer.



Ce petit livre me donne envie de poursuivre ma découverte de l'oeuvre singulière de Gao Xingjian

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Vingt-cinq ans après

Une nouvelle douce-amère, toute en demi-teintes : un ancien étudiant exilé à la campagne revient vingt-cinq après revoir l’étudiante dont il était amoureux à l'époque et qui l'avait défendu lors de son accusation. Tous deux ont fait leur vie, ont fondé une famille ; elle, en ville où elle exerce son métier, et lui, à la campagne où la vie est bien plus saine. Ils échangent des souvenirs de leur époque étudiante mais au moment de partir, il réalise qu'elle l’a confondu avec un autre... Ce thème des amis qui se retrouvent des années après et réalisent qu’ils n’ont plus grand chose en commun a l’air d’être récurrent dans les nouvelles de Gao Xingjian (c’est aussi le thème de «Dans un parc» et de «L’ami») : nostalgie du temps passé trop vite (Dans un parc) ou volé par le régime, fidélité des amitiés, amours contrariées. Sur ce thème qu’il traite tout en délicatesse, il me reste à lire encore «L’ami».
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Une canne à pêche pour mon grand-père

Je ne voulais pas rester sur une impression négative avec Le livre d'un homme seul et j'ai retrouvé dans ma bibliothèque ce petit recueil de nouvelles, de Gao Xingjian.



Des petits morceaux de vie touchant à la jeunesse, à l'amour naissant, au bonheur simple, aux souvenirs et aux personnes aimées disparues. Toutes empreintes de poésie, elles se lisent d'une traite et ne se terminent pas vraiment. Les histoires se tiennent comme en apesanteur et c'est sa propre imagination et son vécu qui fait le reste.



Après Une canne à pêche pour mon grand-père, la nouvelle la plus aboutie, plus profonde, suivent des instantanés. Comme son nom l'indique, ce sont des arrêts sur image décrites par l'auteur et elles m'ont fait penser à celles que Babounette nous offre chaque jour, avec ses belles descriptions de dessins pour enfant.



Sans avoir été transcendée, j'ai bien aimé ce petit moment de détente et de dépaysement.
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La montagne de l'âme

Une lecture mi-figue mi-raisin : exigeante, déstabilisante mais plaisante au demeurant !



« Libre de toute règle » (4e de couverture) pourrait être une première définition pour ce roman écrit en 1990, l’auteur ayant atteint la cinquantaine. Le texte ne fournit aucun véritable repère temporel si ce n’est que le récit se déroule après la Révolution culturelle. Il y a un narrateur que l’on retrouve dans les chapitres pairs, puis une deuxième personne (un pronom « tu » masculin) à qui s’adresse le narrateur dans les chapitres impairs, jusqu’à ce que cela s’emmêle et que l’alternance ne soit plus vraiment respectée. Dans la dernière partie le lecteur rencontre une troisième personne (un pronom « il ») et le chapitre 72 met quelque peu sur la voie.

Sans compter les nombreux personnages croisés sur le long chemin parcouru à travers la Chine, dont une femme nommée simplement par le pronom « elle », qui jouera un rôle sans doute révélateur mais qui m’a fortement agacée en cours de lecture.

Cette lecture fut donc émaillée par de nombreuses interrogations de ma part.



Avec cette écriture surprenante à la deuxième personne, le lecteur se sent davantage impliqué, plus proche comme s’il y avait une connivence entre lui et le narrateur. La curiosité du lecteur est aussitôt stimulée pour et par ce lieu qui donne son titre au roman et que le narrateur recherche ouvertement : la montagne de l’âme.

« Tout est à l’état originel là-bas. »

J’ai apprécié les descriptions fabuleuses des paysages, du brouillard, des cours d’eau, de la nature environnante : des pages admirables de poésie qui m’ont transportée par la pensée et qui me laissent des images fortes en mémoire !

On sent que l’auteur aime cette nature et ces lieux reculés qui le ramènent à son pays natal et son passé. On y décèle une certaine nostalgie qui deviendra blessure quand il évoquera la révolution culturelle, les camps de rééducation à la campagne et la censure. C’est un être en souffrance qui s’exprime et nous fait part de ses obsessions : il est mal dans cette Chine qui le renie, le repousse, l’empêche d’affirmer son art et ses idées. Il part donc en quête du passé millénaire, des légendes, des chansons et des vestiges détruits, témoins de riches traditions séculaires. Il m’a fait penser à un déraciné en recherche de repères.

Toutefois on ne lit pas uniquement l’histoire de ce narrateur mais une multitude d’histoires en tout genre (bandits, dragon, faits divers, légendes…) qu’il raconte ou qu’on lui raconte. Certains faits reviennent obsessionnellement comme les noyades, les viols, les suicides, conférant une note sombre à l’ensemble.



J'appréhendais cette lecture car j'en avais une image de livre hermétique et difficile. Cette lecture n'est pas simple mais elle reste accessible et plaisante malgré tout. Si on ne comprend pas tout, on apprécie le style, il y a un côté très concret.



Gao Xingjian nous propose une écriture « hors des sentiers battus », une lecture très singulière car parfois déroutante, à savourer cependant car emplie de petits délices au détour des pages.

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Le Livre d'un homme seul

Malgré ses qualités, petite déception que ce roman autobiographique du Nobel de littérature 2000.



C’est le parcours d’un homme en Chine, à travers les bouleversements de l’histoire, l’après-guerre, puis la « révolution culturelle », le « Grand Bond en avant », etc. Mais ce ne sont pas tant les événements, que la vie intérieure de cet homme tourmenté par ses pensées et ses désirs, car rien n’est facile alors dans ce pays. Chaque parole et chaque action peuvent être considérées comme contre-révolutionnaires. La vie familiale, l’amour et la sexualité, tout peut être contrôlé par le Parti ou par les gardes rouges. On en vient même à avoir peur de rêver, car on pourrait parler dans son sommeil…



Et on peut être dénoncé par des rivaux, trahi par ceux qu’on croit ses amis et même, par sa propre épouse. C’est pourquoi il vaut mieux rester seul, sans attaches, car la solitude laisse au moins un espace de liberté.



Devenu écrivain et sorti du pays, l’homme se raconte à une de ses maîtresses et celle-ci lui enjoint de tout dire (et écrire), de témoigner de ce qui s’est passé. Il raconte sa vie, dans le désordre, suivant les associations d’idées du moment, revenant parfois sur les mêmes épisodes, mais ajoutant aussi des réflexions sur la dignité humaine, sur la liberté et l’écriture.



J’avais beaucoup aimé « La montagne de l’âme » et mes attentes étaient donc très élevées. J’y ai trouvé de belles phrases et de belles idées, mais, désolée, j’ai eu une impression de redondance, presque de radotage…

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Le Livre d'un homme seul

A travers une polyphonie narrative, de prime abord limpide, alternant d'un chapitre à l'autre, finalement de plus en plus trouble par l'entremêlement, dans un même chapitre, d'un "tu" renvoyant au présent, plus ou moins proche, en Occident, et d'un "il", renvoyant au passé chinois des années Mao, jusqu'à sa mort, et ses conséquences, le narrateur de ce roman est en effet un homme seul, comme son titre l'indique. Il est un écrivain, homme de théâtre, avec pas ou peu d'attaches familiales, amicales, amoureuses - même si les rencontres, à ce sujet, sont longuement décrites, dans toute leur crudité, parfois violente, et assez sordide, intrinsèquement liées à ce qui fait de cet homme un homme seul -, mais il possède une pleine liberté qui nous est décrite, expliquée, commentée, donnée à voir grâce à cet entremêlement de voix, entre ce personnage, "il", qui a vécu la Chine la plus terrible, qui y a survécu, qui a choisi de la quitter, et le narrateur, "tu", qui, justement, suite à une rencontre amoureuse marquante à Hong-Kong avec Marguerite, jeune femme juive qui a ses propres démons du passé à exorciser, va écrire sur ce "il" qu'il avait mis, depuis longtemps, à distance.



Assez peu réceptive à ma lecture de La montagne de l'âme, j'ai été davantage convaincue par cette deuxième découverte de Gao Xingjian, tout simplement parce que ce roman est beaucoup plus concret, qu'il correspond beaucoup plus aussi à ce que j'apprécie lire, c'est-à-dire des romans mêlant histoire et Histoire, tout en offrant également une forme narrative originale, et une réflexion très intéressante, sur l'écriture, sur le pouvoir qu'elle a de nous raconter, ou de nous laisser raconter les choses telles que nous avons envie de le faire, afin de brouiller les frontières entre roman et autobiographie, entre fiction et réalité, entre fantasme et évènement réellement vécu.



Je ne regrette pas d'avoir finalement tenté une autre lecture de l'auteur.
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La montagne de l'âme

Une sorte de guide touristique très haut de gamme.

Gao Xingjian a parcouru la Chine du Sud à la recherche de la Montagne de l'âme, dont il a entendu parler pour la première fois par un compagnon de train. Au fin fond des villages les plus isolés, il se présente comme un journaliste collectant des témoignages sur les traditions locales : il recueille les légendes et les mythes régionaux, décrit la beauté de la Nature encore sauvage, fait des rencontres. Il visite les sites préhistoriques, les monastères, les petits marchés. Aucun autre livre ne m'a ainsi donné le sentiment d'immensité de ce pays-continent.

Mais à travers ce travail de collectage, c'est l'âme même de la Chine qu'il recherche avec nostalgie. Tout d'abord, c'est la nostalgie face à un environnement détruit. Il raconte l'abattage de forêts millénaires ; le barrage des Trois Gorges, cette centrale hydroélectrique géante qui a noyé toute une région, était alors (il écrit en 1982) à l'état de projet, que beaucoup jugeaient insensé.

Nostalgie aussi pour une culture si riche, si diverse, si ancienne... et si cruellement opprimée par la Révolution culturelle.

L'écriture, par contre, n'est en rien nostalgique, mais au contraire empreinte d'une grande modernité : Gao Xingjian intercale, entre les chapitres narratifs, des rencontres oniriques, des flux de conscience, des successions d'aphorismes. Ce roman-fleuve est aussi un voyage intérieur.



Traduction dont la relecture par Gao Xingjian lui-même a donné lieu à "un fécond travail sur la langue", d'après les traducteurs Noël et Liliane Dutrait.



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Challenge Globe-trotter (Chine)

Challenge Nobel
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Une canne à pêche pour mon grand-père

Une canne à pêche pour mon grand-père est un recueil de nouvelles sans grande prétention. Décevant, même, compte tenu qu’il a été écrit par le prix Nobel Gao Xingjian. Pas de dépaysement, que des tranches de vie assez anodines, sans beaucoup de profondeur. La première nouvelle présente un couple en voyage de noces écourté qui ressemble à une simple escapade de fin de semaine à la campagne. Ils marchent un peu, découvrent un temple en ruine. Que va-t-il s’y passer? Rien. Ils croisent le chemin d’un type et échangent de la nourriture. Ils profitent du soleil et des caresses du vent mais c’est à peu près tout. Pas d’envolée sur la beauté du monde ou sur la patine du temps sur le lieu de culte. Pourtant, plusieurs éléments étaient là pour en faire une histoire plus profonde. Les autres nouvelles sont aussi décevantes. Un accident de bus. Un type qui nage et qui, après une crampe, se laisse dériver jusqu’à la plage. Des trucs assez banals. Je me demande encore ce que j’étais supposé retirer de ces histoires. Je m’attendais, au détour de chaque page, à trouver un peu de magie, un peu de poésie. Hélas… si peu. La nouvelle éponyme semblait plus prometteuse. Peut-être parce que plus longue? Un homme, en remarquant une canne à pêche dans la devanture d’un magasin, plonge dans ses souvenirs de jeunesse, associés au passe-temps favori de l’aïeul. Puis, sans trop que je le remarque, ce récit s’était transformé en une discussion philosophique sur les « méchants ». Il me semblait y dénoter une certaine nostalgie mais je me demande si je ne faisais pas de la projection. Dommage et tant pis. La dernière nouvelle justement intitulée « Instantanés » met en scène une multitude de moments saisis sur le vif, d’une longueur d’un ou de quelques paragraphes. Là encore, le ton était inégal. Certains m'ont intéressé mais, rapidement, je les ai oubliés. Au moins, ce recueil n’est pas long, il peut constituer un moment de détente facile.
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La montagne de l'âme

L'auteur de la Montagne de l'âme se joue de nous, lecteurs, et nous lui en sommes gré.

Les chapitres se suivent et nous en perdons le fil. « Tu », « je », « elle », « il » se succèdent et nous n'avons pas le temps de monter une hypothèse, que soudain celle-ci s'effondre, ou plutôt, vient s'ajouter aux possibilités précédentes.

Vient un chapitre où le narrateur (un narrateur) vient même répondre à ta critique.

Dialogues, chansons, émanations poétiques, le narrateur (et l'auteur) semble à la recherche d'un temps perdu et en quête à la fois personnelle et ethnologique.

Il n'y a donc pas un seul récit mais toute une série de textes qui n'en forment qu'un et qui ne s'éloignent jamais vraiment de la montagne.
Lien : https://bw.heraut.eu/user/Ba..
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La montagne de l'âme

Il est de ces romans dans lesquels, peu importe le moment où l'on l'ouvre, l'on entre dedans sans vraiment se poser de questions. Et puis il est de ces autres romans dans lesquels l'on sent que là, maintenant, pour diverses raisons, nous n'arriverons pas à l'apprécier à sa juste valeur.



Et c'est exactement ce qui vient de m'arriver avec La montagne de l’Âme, terminé finalement non sans peine : pas parce que le roman n'est pas intéressant, ou creux, ou d'une pauvreté stylistique - bien qu'issu d'une traduction ici -. Il est même, au contraire, d'une grande richesse, principalement narrative, en nous contant nombre de légendes ponctuant les périples du personnage principal, qui fait le choix de se rendre jusqu'à cette "montagne de l’Âme", source de renouveau, symbole de sa renaissance, notamment spirituelle, alors qu'il se croyait condamné suite à un malencontreux erreur de diagnostic.



Réalisme et étrangeté se mêlent de fait ainsi avec merveille, de même que poésie évanescente et prosaïsme parfois violent des lieux, des légendes, pour nous livrer une image de la Chine dans tous ses paradoxes, avec un homme qui se cherche à travers elle, ce que nous montre d'ailleurs avec réussite les diverses strates, temporelles, spatiales, narratives... qui se succèdent parfois en quelques pages.



Alors, qu'est-ce qui a bien pu faire que cette lecture ait été laborieuse ? Tout simplement parce que je n'étais pas du tout dans l'état d'esprit idéal pour recueillir toute cette richesse, principalement spirituelle, et j'ai eu un peu trop l'impression de découvrir l'ensemble en mode pilote automatique, sans vraiment réussir à m'imprégner de toute sa beauté. Une autre fois, peut-être, prendrais-je le temps de réitérer l'expérience ?
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