Géraldine Jeffroy tisse avec subtilité vérité artistique et imagination romanesque. Des destinées se croisent et des passions s'exacerbent. Château de l'Islette, juillet 1892. Camille Claudel y installe son atelier estival. Comme Rodin tarde à la rejoindre, elle confie son désarroi à
Claude Debussy et travaille sans relâche.
À retrouver sur la librairie en ligne de la Griffe Noire :
-
Un été à l'Islette, de
Géraldine Jeffroy chez Arléa.
https://lagriffenoire.com/un-ete-a-l-islette-2.html
- Abonnez-vous à notre actualité littéraire pour recevoir chaque semaine les conseils lecture des libraires de la Griffe Noire !
https://lagriffenoire.com
Belles lectures !
+ Lire la suite
C’est à ce moment-là que je pris réellement conscience de ma solitude. J’avais eu à l’IsIette l’illusion d’avoir une famille, ou du moins une place non négligeable. p. 117
Je travaille à un groupe de valseurs que j'aimerais exécuter en marbre. Encouragée par plusieurs artistes et par Rodin, j'ai donc sollicité en février la direction des Beaux-Arts pour une commande de l'Etat. Imaginez un peu la suite : l'inspecteur mandaté pour voir mon plâtre a jugé mes danseurs trop nus et trop rapprochés ! Il me conseille de les habiller. Ne souriez pas monsieur Debussy, car l'affaire est très sérieuse.
J'ai décidé de ne pas discuter cette affaire-là car je n'en ai pas les moyens. Je sais bien que ces messieurs me "tolèrent", je sais combien l'idée d'une femme artiste les dérange. Je me suis donc résigné à faire ma Valse ! Oh ! Et elle tournera davantage et mieux encore ! Elle leur donnera le tournis, un deux trois... Elle leur fera entrevoir bien plus de voluptés sans que ces messieurs des Beaux-Arts n'aient à en rougir ! Ils sortiront du cyclone peut-être satisfaits mais non indemnes...
Le 19 juin 1892
42,rue de Londres,Paris
Chère Camille,
(..)Vous m'écrivez que vous êtes seule...C'est heureux ! Vous n'en travaillerez que mieux.Réjouissez - vous et profitez.Nous sommes, vous et moi,des bagnards isolés mais nous aimons nos chaînes et notre solitude.
Voyez,ce que j'apprécie moi,c'est d'être en boîte entre quatre murs, dans un silence absolu. Alors je peux composer. Quand je travaille,tous les autres deviennent importuns.
De grâce, Camille,soyez raisonnable et laissez votre barbu où il est.(*Rodin,)
Loin du bûcheron les arbres poussent jusqu'à toucher le ciel.
Votre dévoué
Cl.A. Debussy
(p.22)
Elle avait retrouvé un visage apaisé, serein. L'énergie de sa colère s'était déportée sur sa terre,sur cette idée qu'elle construisait.Je compris ce jour là que la sculpture n'était pas seulement l'art qu'elle s'était choisi ou du moins que ce choix n'était pas contingent. La sculpture était son exutoire,la sublimation d'une sourde mais néanmoins terrible agressivité.(p.78)
Nous tournions et retournions autour des danseurs car l’œuvre imposait de la contempler sous tous les angles ; par une mystérieuse attraction, elle nous contraignait à la regarder en trois temps, nous emportant irrésistiblement dans son tournoiement.
Avant-hier, je me rends donc à l'Austin bar où j'espérais trouver Satie mais, pour ma déveine, j'y ai rencontré Verlaine.
(Debussy à Camille Claudel)
Château de L'Islette,le 12 août (1892)
Mon cher Debussy,
(...) Ne vous réjouissez pas,mon ami,car il me semble que cet homme (*Rodin) m'ecartera définitivement de tous les autres.Seuls papa et Paul garderont ma confiance car ils sont mes indéfectibles soutiens. N'en déplaise à ma mère ! Comment satisfaire une telle femme ? Une femme pour qui l'existence d'artiste n'est en rien conforme aux attentes d'un mode de vie bourgeois.Passe encore pour Paul qui s'est assuré un prestigieux métier et a eu la chance de naître garçon, mais pour moi...Elle me nomma Camille,du prénom d'un frère qui vécut deux semaines.Cela n'aura pas suffi pour me sauver à ses yeux.
A bientôt mon ami
Camille
( p.80)
En 1892, trois grands artistes tournent la page du romantisme.
Je ne puis travailler qu'avec un modèle. La vie des formes humaines m'alimente et me réconforte.
Je trouvais dans mes lectures tout l'épanouissement nécessaire à mon bien-être et je ne pensais pas qu'un homme puisse me donner plus de satisfactions que celles que me procuraient les livres et la musique à laquelle j'avais pris, très tôt, énormément de goût.