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Citations de Giuseppe Tomasi di Lampedusa (270)


Avant d'aller se coucher, Don Fabrizio s'arrêta un moment sur le petit balcon de son cabinet de toilette. Le jardin dormait plongé dans l'ombre, au dessous ; dans l'air immobile, les arbres semblaient de plomb fondu ; du clocher qui dominait parvenait le sifflement fabuleux des hiboux. Le ciel était dégagé : les nuages qui avaient salué le soir étaient partis qui sait où, vers des pays moins coupables contre lesquels la colère divine avait décrété une condamnation plus légère. Les étoiles paraissaient troubles et leurs rayons peinaient à percer la couche de chaleur étouffante.
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Nous fûmes les Guépards, les Lions ; ceux qui nous remplaceront seront les chacals et des hyennes... Et tous, Guépards, chacals et moutons, nous continuerons à nous considérer comme le sel de la Terre.
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Ayant laissé sa voiture au palais, le Prince se dirigea à pied là où il avait décidé d'aller. Le trajet était court, mais le quartier mal famé. Des soldats en équipement complet, si bien que l'on comprenait tout de suite qu'ils s'étaient éloignés furtivement des détachements bivouaquant sur les places, sortaient avec des regard éteints des petites maisons basses dont les frêles balcons portaient un pot de basilic qui trahissait la facilité avec laquelle ils étaient entrés. Des garnements sinistres se disputaient dans les tonalités graves des Siciliens en colère. De loin, parvenait le bruit de coups de fusil qui avaient échappé à des sentinelles nerveuses. Ce quartier dépassé, la rue longea la Cala : dans le vieux port de pêche les barques à moitié pourries se balançaient, avec l'aspect désolé des chiens galeux.
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Si nous voulons tout restent tels que c'est, il faut que tout change.
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L'oncle Turi était un vieillard vigoureux et droit, cuit et recuit par le soleil et la grêle, et avec sur le visage les sillons sinistres que les ennuis tracent sur les personnes sans bonté.
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Le soleil, qui était pourtant loin d'avoir toute sa force en cette matinée du 13 mai, se révélait l'authentique souverain de la Sicile : violent et impudent, fort comme un narcotique, il annulait les volontés individuelles et maintenait tous les êtres dans une immobilité servile, bercée de rêves violents, de violences qui avaient l'arbitraire des rêves.
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A un abattement généralisé et profond, à un abattement pour ainsi dire métaphysique de son maître, l'affection d'un chien peur apporter un véritablement soulagement ; mais lorsque les raisons du tourment sont circonscrites et précises (une lettre pénible à écrire, un paiement qui arrive à échéance, une rencontre désagréable à affronter) il n'y a pas de frétillements de queue qui tiennent ; les pauvres animaux essaient, encore et encore, continuent à s'offrir à l'infini, mais rien n'y fait ; leur dévouement s'adresse à des sphères supérieures et générales de l'affection humaine et leurs propositions tombent dans le vide contre des malheurs individuels ; un chien danois à caresser ne console pas d'une couleurvre à avaler.
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Un homme de quarante-cinq ans peut se croire jeune, jusqu'au moment où il découvre qu'il a des enfants en âge d'aimer.
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Il s'aperçut qu'une grande partie du charme de Salina provenait de ses bonnes manières ; il comprit à quel point un homme bien élevé peut être d'un commerce plaisant [...].
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Il but le vin qu'on lui avait apporté mais cela sembla augmenter encore son amertume. "Vous n'êtes pas allé sur le continent depuis la fondation du Royaume? Vous avez de la chance. Ce n'est pas un beau spectacle. Jamais nous n'avons été autant divisés que depuis que nous sommes unis. Turin ne veut pas cesser d'être capitale, Milan trouve notre administration inférieure à celle de l'Autriche, Florence a peur qu'on lui enlève ses œuvres d'art, Naples pleure pour les industriels qu'elle perd et ici, ici en Sicile est en train de couvert quelque grand malheur irrationnel..... Pour le moment, grâce aussi à votre humble serviteur, on ne parle plus des chemises rouges mais on en reparlera. Quand celles-ci auront disparu il en viendra d'autres d'une couleur différente et puis encore des rouges. Et comment tout cela finira ?
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Monastère de l'Origlione

Nous entrons : tout est désert, mais on entend des cris perçants, désespérés, qui venaient d'un coin du couloir : un groupe de bonnes sœurs s'étaient réfugiées dans la chapelle et elles se tenaient là, amassées près de l'autel ; qui sait ce qu'elles craignaient de cette dizaine de jeunes hommes exaspérés. C'était drôle de les voir, laides et vieilles, dans leurs robes noires. Elles jappaient comme des chiennes. Tassoni, ce drôle de gaillard, cria "Rien à faire, mes sœurs, nous devons nous occuper d'autres choses, nous reviendrons quand vous nous ferez rencontrer les novices!" Et nous tous de rire à s'en rouler par terre.

Page 94. Depuis j'ai avancé dans ma lecture mais ce passage révoltant me hante. Il dépeint très bien ce que vivent les femmes vieilles ou jeunes en cas de guerre et cela ne change pas!
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Lui, le Prince, pendant ce temps, se levait : le heurt de son poids de géant faisait trembler le plancher et dans ses yeux très clairs se refléta, un instant, l'orgueil de la confirmation éphémère de sa domination sur les hommes et les édifices. Il posait à présent l'énorme missel rouge sur la chaise qui se trouvait devant lui pendant la récitation du Rosaire, rangeait le mouchoir sur lequel il avait posé son genou, et un peu de mauvaise humeur brouilla son regard quand il revit la petite tache de café qui depuis le matin avait eu l'impertinence de rompre l'étendue blanche de son gilet.
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Leurs contacts plus fréquents à la suite de l'accord nuptial firent naître chez Don Fabrizio une curieuse admiration pour les mérites de Sedàara. L'habitude finit par l'accoutumer aux joues mal rasées, à l'accent plébéien, aux vêtements farfelus et à l'odeur persistante de la sueur, et il eut ainsi tout loisir de se rendre compte de la rare intelligence de l'homme ; bien des problèmes qui semblaient insolubles au Prince étaient démêlés en moins de deux par don Calogero ; étant affranchi de certaines entraves que l'honnêteté, la décence et peut-être la bonne éducation imposent aux actions de beaucoup d'autres hommes, il avançait dans la forêt de la vie avec l'assurance d'un éléphant qui, déracinant les arbres et piétinant les tanières, progresse en ligne droite, sans prêter attention aux griffures des épines et aux gémissements des écrasés. Élevé, au contraire, dans des vallées amènes parcourues par des zéphyrs courtois des «S'il te plaît», «je te serais reconnaissant», «me ferais-tu la faveur», «tu as été très aimable», le Prince, maintenant, quand il parlait avec don Calogero se trouvait à découvert sur une lande balayée par des vents de sécheresse et, tout en continuant à préférer en son for intérieur les anfractuosités montagnes, il ne pouvait s'empêcher d'admirer l'impétuosité de ces courants d'air qui tiraient des chênes-lièges et des cèdres de Donnafugata des arpèges jamais entendus auparavant.
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- [...] ce climat qui nous inflige six mois de fièvre à 40 degrés : comptez, Chevalley, comptez - mai, juin, juillet, août, septembre, octobre, six fois trente jours de soleil vertical sur nos têtes, cet été long et sombre comme un hiver russe, encore plus dur à supporter... Vous ne le savez pas encore, mais on peut dire que chez nous il neige du feu, comme sur les villes maudites de la Bible.
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Salina pensa à un remède découvert depuis peu aux États-Unis, qui supprimait la souffrance pendant les opérations les plus graves, et permettait de rester serein au milieu des pires douleurs. On appelait morphine ce vulgaire substitut chimique du stoïcisme antique et de la résignation chrétienne.
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Deux jours plus tard le Père Pirrone repartit pour Palerme. Chemin faisant il remettait en ordre ses impressions qui n'étaient pas toutes agréables : cette amourette brutale dont le fruit avait mûri durant l'été de la Saint-Martin, cette malheureuse moitié des amandiers récupérée grâce à une cour préméditée, lui montrait l'aspect rustique, misérable, d'autres événements auxquels il avait récemment assisté. Les grands seigneurs étaient réservés et incompréhensibles, les paysans explicites et clairs ; mais le Démon les roulait tous dans la farine, pareillement.
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C'était Russo, le surintendant, qui avait trouvé cette chose brisée, qui l'avait retournée, avait caché le visage de son grand mouchoir rouge, avait renfoncé ses viscères avec une petite branche dans la déchirure du ventre, et avait ensuite recouvert la blessure avec les pans entiers de la capote ; en crachant sans arrêt de dégoût, pas vraiment sur la dépouille, mais assez près. Le tout avec une inquiétante habileté. «La puanteur de ces charognes ne cesse même pas quand ils sont morts» disait-il. C'était tout ce qui avait commémoré cette mort abandonnée. Ensuite, quand ses compagnons d'armes, émus, l'eurent emporté (et, oui, ils l'avaient traîné par les épaules jusqu'à la charrette si bien que l'étoupe du pantin était ressortie de nouveau) on ajouta au Rosaire du soir un De Profundis pour l'âme de l'inconnu ; et on n'en parla plus, la conscience des femmes de la maison s'étant déclarée satisfaite.
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Mourir pour quelqu'un, passe encore, c'est dans l'ordre des choses ; mais au moins, il faut être sûr qu'on saura pour qui ou pourquoi l'on est mort.
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Tous étaient tranquilles et contents. Tous, sauf Concetta. Elle avait bien sûr embrassé et serré dans ses bras Angelica, elle avait même refusé le "vous" que l'autre lui donnait et prétendu au "tu" de leur enfance, mais là, sous son corsage bleu pâle, son cœur était tenaillé ; en elle se réveillait le sang violent des Salina et sous son front lisse s'ourdissaient des rêves d'empoisonnement. Tancredi était assis entre elle et Angelica et avec la politesse pointilleuse de celui qui se sent en faute, il partageait équitablement regards, compliments et facéties entre ses deux voisines ; mais Concetta sentait, elle le sentait animalement, le courant de désir qui passait de son cousin vers l'intruse, et son petit air courroucé entre le front et le nez s'exacerbait ; elle désirait autant tuer qu'elle désirait mourir. Parce qu'elle était femme, elle se cramponnait aux détails ; elle remarquait la grâce vulgaire du petit doigt de la main droit d'Angelica levé vers le haut quand elle tenait son verre ; elle remarquait un grain de beauté rougeâtre sur la peau du cou, elle remarquait la tentative, retenue à moitié, d'enlever avec la main un petit morceau de nourriture resté entre les dents très blanches, elle remarquait encore plus vivement une certaine dureté d'esprit et elle s'accrochait à ces détails en réalité insignifiants parce qu'ils étaient réduits en fumée par le charme sensuel, confiante et désespérée comme un maçon qui tombe s'accroche à une gouttière de plomb ; elle espérait que Tancredi les remarquerait lui aussi et serait dégoûté devant ces traces évidentes de la différence d'éducation. Mais Tancredi les avait déjà remarqués et hélas ! sans aucune résultat.

Pages 9é/93
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La permission, naturellement, lui fut donnée ; et Don fabrizio qui avait vut Timeo regarder à la dérobée par dessus l'épaule des autres, lui cria : «Et vous aussi, bien entendu, don Ciccio, et venez avec Teresina.» Et s'adressant aux autres il ajouta : «Et après dîner, à neuf heures et demie, nous serons heureux de voir tous nos amis.» Donnafugata commenta longuement ces derniers mots. Le Prince, qui avait trouvé le village inchangé, fut en revanche trouvé très changé, lui qui n'aurait jamais auparavant utilisé des mots si cordiaux ; et à partir de ce moment commença, invisible, le déclin de son prestige.
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