Grégoire Gauchet

La vie de couple c'est comme un convoi avec des wagons et une locomotive qui tire le tout. Parfois vous avez envie de sauter du train en route, parfois de prendre une correspondance, parfois de descendre à la prochaine gare, parfois vous vous dites qu'il y a eu une erreur d'aiguillage, et que vous vous enfermeriez bien dans le compartiment avec cet autre passager dont vous avez croisé le regard et vous vous consolez en contemplant le paysage défiler à la fenêtre.

Si le Christ à pardonné à la femme adultère, c'est parce qu'elle n'était pas la sienne.

L'ancien maire a pulvérisé la Marianne. Il aurait préféré qu'il se défoule sur le portrait de l'agité du jogging qu'il a été contraint de crucifier sur le mur, à la demande insistante du préfet Legradec.

Il en va des grandes catastrophes comme des petits désastres. Elles explosent, elles surprennent et fascinent. Puis la stupeur consommée, l'émotion dégustée, le drame digéré, elles se posent et se fondent dans le paysage. On dit souvent que plus rien ne sera jamais comme avant mais c'est faux, la minute de silence respectée la vie continue exactement comme avant.

_C'est miction impossible... [...]
Abandonnant toute retenue, il fait coulisser la vitre de la télécabine et se soulage dans le vide. [...]
_Cas de force majeur, grogne-t-il.
_Il pleut, il pleut bergère, sifflote l'inconnu, l'air de rien.

ceux qui prétendent sauver le monde sont les mêmes qui pillent la planète.

Gilles monta sur le pont respirer l'air du large. Mais en fait d'iode, il avalait des litres de fumée que le vent rabattait des cheminées. Indifférent à la houle, le navire avançait sans faiblir, tranchant la mer de son étrave avec une assurance de boucher. Des goélands criaillaient au-dessus. Dans le sillage bouillonnant d'écume, la Côte Sauvage n'était déjà plus qu'un filigrane sur le crépuscule d'un ciel de tempête. Il pensa un instant au destin qui l'attendait.

C'est vrai... On aperçoit les silhouettes toutes bleues des vilains schtroumfs, derrière des véhicules de la même couleur. Les gendarmes sont les seuls militaires à continuer de se camoufler de la sorte depuis les massacres de la guerre de 1914-18.

Il a confié cette mission à un lointain cousin du alsacien du chanoine Kir : le chanoine kirsch.

La blonde on l'accepte comme une gentille crétine de service, bonne pour se distraire de sa légitime si vous êtes un homme, et à essuyer les vacheries des collègues si vous êtes une femme.

On en est à ce moment de l'office où cette vieille grenouille de bénitier de Dora Betsch joue les grandes orgues sur son harmonium Yamaha, en s'accompagnant d'une voix aigre, apte à convaincre les morts qu'il serait fou de vouloir ressusciter.

Une belle bringue tiède, pleine d'une mollesse plaisante, qui n'a pas l'air d'avoir inventé l'eau chaude et n'aime pas l'eau trop froide.

Vous connaissez la loi de la proximité maximale en journalisme qui veut qu'un chien écrasé au coin de votre rue vous intéresse plus que mille morts à l'autre bout de la planète ? Et bien en matière de plantes médicinales et de pharmacopée, c'est le contraire, plus ça vient de loin plus c'est intéressant.

Claude soupire. Il jette un coup d’œil à sa gauche. C'est un colosse à la caisse un peu creusée par l'âge, des cheveux neigeux où rêvent des souvenirs de mèches blondes, des sourcils jaunes qu'on croirait teints, un regard virant au gris. Il voyage en tenue de vacances, mal habillé d'un pantacourt et d'un tee-shirt fané. Sur la voie de gauche, une énorme Porsche Cayenne noire presque aussi volumineuse que son camping-car blanc est elle aussi vautrée dans l'embouteillage. Claude sourit narquois, c'est la lutte des classes sur l'autoroute du soleil.

-Oh moi vous savez je suis un vieux solitaire.
-Vieux ?
Je l'avais dévisagée. C'est vrai, je n'étais pas aussi vieux que je voulais bien le laisser entendre, une quinzaine d'années de plus qu'elle, mais au fond de moi et dans le regard des femmes je me sentais aussi comestible qu'une poire blette.

L'avancée fut longue et difficile. Là où les loups étaient passés légers à la queue leu leu, Alain et Gilles trébuchaient. Des cassures obligeaient à des détours incessants. Ils mirent plus d'une heure à traverser le bois de mélèzes et butèrent contre une pente escarpée entrecoupée de ravines...
- Trop risqué de passer avec toute cette neige, remarqua Alain. Si ça dégringole, on part avec.
Il reprit les jumelles et suivit des yeux la piste. Dans une demi-heure, le soir plongerait la combe dans le froid. L'endroit perdit soudainement toute beauté et devint d'une sauvagerie inquiétante. Le ciel aussi avait changé. Des nuages gris semblaient vouloir faire la loi. Ils avaient laissé filer le temps sans compter.

Il faisait toujours nuit. Gilles ne distinguait pas grand chose en dessous de lui à part les aplats blancs de la neige. Une douzaine de mètres plus bas, le couloir se ressera en une sorte de goulet, fermé par deux énormes piliers. L'érosion y avait ménagé un espace d'environ deux mètres par lequel Alain avait dû se casser la figure sans pouvoir reprendre prise sur les parois. Gilles marqua une pause et tâtonna la roche avec ses chaussures. À peine avait-il pris ses appuis qu'il se retrouva les quatre fers en l'air et tomba à la renversé vers le vide sans parvenir à se raccrocher à quoi que ce soit. Sa tête heurta violemment la roche. Il oscilllait dans le vide et raclait la paroi...
- Hé merde !!! lâcha-t-il terrifié.
La corde se tendit soudain avec un son musical. Le point d'ancrage tenait...
- Qu'est-ce qui se passe ? cria Alain. Il n'avait rien vu, mais il avait entendu la chute. Ça va ? Rien de cassé ? Gilles ! Réponds-moi bordel !

- Madame la Directrice, cette femme perdait son dentier. Il lui tombait sur le menton. Elle aurait pu le coller mieux ou le changer. Rien à faire, elle préférait ressembler à un vampire avec trente-deux dents et quatre dehors. Certains, que je ne nommerai pas, la surnommaient la "Dracula de la Vanoise". Ce n'était pas très gentil pour Dracula.

Du reste, je n'aimais pas cette Marie-L... Et pour parler avec franchise, je n'ai jamais pu l'encaisser sans savoir pourquoi au juste. Bref, les carottes étaient cuites. Un philosophe de comptoir ajouterait peut-être que c'était la fin des haricots et qu'elle ne mettra plus jamais du beurre dans les épinards.
Ainsi soit-il.

Elle appartient à un groupe de recherches et d'études sur la gérontologie, le GREG. Les membres du groupe recueillent leurs observations, rédigent des communications et se retrouvent une fois par an en week-end au Maroc sur l'invitation de représentants pharmaceutiques. Le gisement est inépuisable. Un sentiment de rébellion, par exemple, peut galvaniser les personnes âgées et leur redonner du tonus. Un gériatre a observé que les vieilles personnes font ainsi face au spectre de la mort. " Ca c'est de l'affabulation", a rétorqué un confrère qui ne croit pas aux fantômes.