Citations de Guillaume Vissac (35)
CELUI OU CELLE QUI… EST À BOUT
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hurle tellement fort que mon visage fissure : on a tiré le signal d’alarme en pleine marche & on dirait que c’est moi (080)
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on arpente les voies pour mieux voir, mieux vivre, mieux violenter les voix qui tapent à l’intérieur (081) des images comestibles
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quand la nuit tombe (082), quand les trains fusent, mes tripes se tournent : je suis malade de vouloir l’être (083)
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je paye plus mes factures, on m’a coupé les ponts (084) : si j’arrête mon abonnement SNCF le train va-t-il piler (085) devant ma tête offerte ?
080 L’autre est un jeu. – CELUI OU CELLE QUI DIT « REGARDE » SANS POUR AUTANT GUIDER
081 Si on scannait directement les crânes de ceux qui n’en peuvent plus, pourrait-on déjà voir, prisonniers sous les courbes, les schémas illustrés de leur pathologie ? – CELUI OU CELLE QUI THÉORISE
082 Tenez-bon : la nuit nous emporte. On suit ses canots, on s’enfonce loin dans ses artères. On est sur la bonne voie. – CELUI OU CELLE QUI S’ACCROCHE À LA NUIT
083 Mais l’a-t-on seulement déjà été ? – CELLE QUI USE DE L’IMPARFAIT
084 Voilà précisément pourquoi il faut, plus aujourd’hui encore qu’hier, « sauter à pieds joints dans la modernité ». – CELUI QUI TRAVAILLE PLUS POUR GAGNER PLUS
085 Les règles du jeu sont claires. Pas de ticket, pas de suicide. – CEUX QUI CONDUISENT
CELUI OU CELLE QUI… COMMENCE A COMPRENDRE
reflet contre la vitre : mon visage devenu trou noir de câbles, d’os & de rails : c’est une prémonition (053) ?
(053) Pour te lire l’avenir dans la main j’aurai besoin, eh bien, de tes mains (053 bis). – CELUI OU CELLE QUI FAIT DES PROJETS POUR L’AVENIR
(053 bis) La ligne de vie a giclé par là-bas. – CEUX QUI RAMASSENT LES MORCEAUX
Accidents de personne, incidents voyageur, accidents graves de voyageur… Je n’ai pas compté le nombre de fois où j’ai rencontré ces locutions, que ce soit dans un message vocal diffusé par un haut parleur ou écrit sur les pixels d’un écran, durant mes interminables allers-retours de la banlieue vers Paris et vice et versa, ces dernières années. Ça aurait été glauque. Mais c’est arrivé suffisamment souvent pour que j’éprouve le besoin d’écrire sur le sujet, et d’écrire au plus près de ces heures étranges, en transit, c’est-à-dire dans une rame. Sur un quai. Entre deux correspondances. Le plus souvent au pouce, sur l’écran d’un téléphone. Des notes. Pendant un an et demi, ça va s’accumuler dans la mémoire flash de l’appareil. Ça, c’était quoi ? Je n’en savais rien, mais ça prenait de l’ampleur.
Regarde : c’est un musée des morts qu’on aurait déterré. (→ CELUI OU CELLE QUI DIT « REGARDE » SANS POUR AUTANT GUIDER)
J'actionne les mandibules comme on tabasse quelqu’un dans le ventre et les côtes, je pense : jusqu’à ce que la machine s’arrête. J’essaie de pas penser à la bouffe que je laisse engluée dans ma gorge, bientôt mon ventre.
Tant que mes yeux restent fixés sur lui, je pense, le type aux cheveux bleus, je pense, le cauchemar de mes rêves de gosse, ma main, main droite, j’en suis sûr, elle se tiendra douce et blanche dans le silence de mes poignets tordus. Je peux sentir les pointillés sucrés contre ma peau juste sous mon coude, côté droit. Je peux sentir ma sueur collée sous mes aisselles et sous mes bras. Le poids de mon t-shirt gris qui me rappelle qu’un jour il était blanc.
Ma main, main droite, sans la peau fait des nœuds dans ma gorge et je perds du temps à la cracher par terre, phalange après phalange, et quand elle pue dans les graviers, sanguinolente, entre mes Van’s, j’y file un coup pour la claquer bien loin et qu’elle s’en aille plus vite que moi et surtout, je pense, surtout, je pense, loin, super loin de moi.
Les portes s’ouvrent. Se ferment. Mon corps entre autres tirés à l’intérieur. Je m’enfonce dans la largeur. Je laisse la vitre en face des portes fondre sur moi, tant pis pour la chaleur plastique qu’il faudra bien subir. Je m’appuie trempé sur elle. Le long signal de fermeture bascule dans les graves, les portes battent, les tractions sous le châssis
Niko Bellic croisé dans le hall, je lui ai tenu la porte et il m’a suivi. Plusieurs minutes après son visage contre le mien : ce silence dans la verticale de l’immeuble. Ces sons stridents échappés. Je me dis : le calme avant la tempête. Je me dis : c’est l’odeur des jours avant la bombe. La déflagration vient du dessus, des étages supérieurs, et s’abat vers le sol. Le plafond perce et me recouvre, je reste figé-blanchi sous les gravas. Mais le bruit reprend son cours, le tympan se débouche ; ce n’est qu’une impression qui n’arrivera jamais.
Je te regarde.
Je te regarde peindre.
Je te regarde peindre le mur.
Je te regarde peindre le mur du coin bureau.
Je te regarde peindre le mur du coin bureau ou plutôt non.
Je te regarde peindre le mur du coin bureau ou plutôt non je regarde ton ombre.
Je te regarde peindre le mur du coin bureau ou plutôt non je regarde ton ombre qui s'étend.
Je te regarde peindre le mur du coin bureau ou plutôt non je regarde ton ombre qui s'étend pour peindre
Je ne dirai plus de cet endroit que c'est chez moi.
Je ne dirai plus rien de cet endroit,
ni des précédents,
ni des autres.