Entretien filmé avec Michel Zink, ancien professeur de Littérature médiévale au Collège de France, dans le cadre de l'exposition qu'organisa la Bibliothèque Nationale de France, en 2012 et 2013, sur 'Le Roman de la Rose' écrit par Guillaume de Lorris et poursuivi par Jean de Meung
Mais celui qui veut se mettre en peine d'amour, il doit se conduire avec élégance. Un homme qui cherche à obtenir l'amour n'a aucune valeur sans élégance. Elégance n'est pas orgueil.
Et si la chose plaît à Dieu, sans aucun doute il voudra que le monde disparaisse : les terres alors resteront désertes et prêtes à être peuplées par les bêtes muettes, sauf s'il décidait de fabriquer un homme nouveau -s'il lui plaisait d'en refaire- ou s'il faisait ressusciter les anciens pour qu'ils reviennent habiter la terre.
Je rêvais que c'était en mai -cela se passait il y a bien cinq ans ou plus- mon songe me plaçait au moi de mai, au temps des amours, plein de joie, au temps où toute chose se réjouit, car on ne voit buisson ou haie qui au mois de mai ne se veuille parer et se couvrir de feuilles nouvelles.Les bois, qui sont secs tant que dure l'hiver, retrouvent leur verdure.La terre elle-même est toute orgueilleuse, parce que la rosée la mouille, et elle oublie l'indigence qu'elle a connue tout l'hiver.C'est alors que la terre se fait faire si fière qu'elle veut avoir une nouvelle robe et elle s'en fait faire une si gracieuse que, de couleurs, il y en a des centaines: des herbes et des fleurs, blanches et bleues, et de bien d'autres couleurs variées, voilà la robe que je décris, et qui fait que la terre a plus haute opinion d'elle-même.
tout ce qui est d'un âge avancé ne mérite pas d'être fui ou méprisé; c'est là qu'on trouve l'intelligence et l'expérience.
Malebouche, que Dieu le maudisse! (...) va et vient (...) quand cela lui convient; il doit faire le guet de nuit: le soir il monte aux créneaux et il accorde ses chalumeaux, ses trompettes et ses cors. Tantôt il entonne des lais et des airs et des mélodies nouvelles de son invention sur ses chalumeaux de Cornouailles, tantôt il dit, s'accompagnant de la flûte, que jamais il ne trouva de femme honnête: "Il n'y en a pas une seule qui ne se réjouisse quand elle entend évoquer la débauche; l'une est une putain, l'autre se farde, la troisième a des regards effrontés; celle-ci est vilaine, celle-là est sotte et l'autre parle trop." Malebouche qui n'épargne rien trouve en chacune quelque chose à reprendre.
...mais ce n'est pas une bonne chose quand deux personnes échangent des baisers, et que les baisers ne plaisent à aucun des deux !
Que réponde celui qui voudra répondre : je n'en sais pas plus sur le sujet. Laissons la question aux théologiens qui en débattent et qui ne cessent d'en discuter. Mais ceux qui n'écrivent pas avec les stylets grâce auxquels l'humanité se perpétuent, sur les belles tablettes précieuses -que Nature ne leur avait pas préparées pour qu'elles restent inemployées, mais qu'elle leur avait prêtées afin que tous y fussent écrivains, puisque nous en vivons tous et toutes; ceux qui reçoivent les deux marteaux et n'en forgent pas comme ils doivent, régulièrement, sur la bonne enclume; ceux qui, à cause de leur orgueil qui les égare, sont à ce point aveuglés par leur péché qu'ils méprisent le droit sillon du beau champ fécond et vont comme des malheureux labourer une terre stérile où leur semence va à sa perte, et qui jamais ne suivront le droit sillon mais ne cessent de mettre le charue à l'envers, confirmant leurs règles perverses en vivant dans l'exception et l'anormalité, lorsqu'ils veulent suivre l'exemple d'Orphée qui ne sait ni labourer ni écrire ni forger dans la forge correcte -qu'il soit pendu par la gorge : en inventant de telles règles, il s'est mal conduit envers Nature; ceux qui méprisent une telle maîtresse en lisant ses lettres à rebours et qui ne les veulent pas prendre par le bon bout pour en comprendre le sens véritable, mais en pervertissant l'écriture quand ils en arrivent à la lecture : que tous ces gens-là, en plus de l'excommunication qui les conduit tous à la damnation, puisque c'est à ces pratiques qu'ils veulent s'attacher, puissent perdre avant de mourir aussi bien l'aumônière que les testicules, qui leur donnent l'apparence de mâles ! Puissent-ils subir l'ablation des pendants auxquels est suspendue la bourse ! Et les marteaux qui sont fixés à l'intérieur, qu'on les leur arrache ! Qu'on leur enlève les stylets, puisqu'ils n'ont pas voulu s'en servir pour écrire sur les précieuses tablettes qui leur convenaient ! Et qu'avec les charrues et les socs, s'ils ne les utilisent pas pour labourer comme il faut, ils puissent avoir les os brisés sans qu'ils soient plus jamais réparés ! Que tous ceux qui voudront les imiter puissent vivre dans une profonde honte ! Que leur péché répugnant et horrible leur soit douloureux et pénible et qu'il les fasse partout fustiger de façon à ce que leur honte soit publique !
Mais Amour est si excessif qu'il m'a tout enlevé en une heure, alors que j'imaginais tenir la victoire. Il en va de même qu'avec Fortune qui tantôt remplit le coeur des gens de ressentiment et tantôt les caresse et les cajole: en peu de temps elle change de visage; une heure elle rit, l'autre elle est morne; elle a une roue qui tourne et, quand elle veut, elle met celui qui est au plus bas en haut, au sommet, et celui qui se trouve sur la roue, elle le remt dans la boue, en un tour. Et moi, je suis celui qui est renversé!
Je soupçonne fort, d'ailleurs, Abstinence d'être orgueilleuse et de ressembler à Faux Semblant, si humble et charitable qu'elle puisse sembler.
Faux Semblant, s'il est encore trouvé en compagnie de tels traîtres avérés, ne doit pas avoir part à mes salutations, ni lui ni son amie Abstinence.
Malebouche a l'habitude de répandre de fausses nouvelles sur les jeunes gens et les demoiselles;