AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Guillermo Arriaga (67)


Ici, le temps est gélatineux. Quand tu essaies de le saisir, il te file entre les doigts. Il te reste un vide, de l'air au creux des mains. Rien ne change. L'ennui et la mort flottent dans l'air. Sommes-nous morts ? Un jour, tu découvres un fil ténu en provenance de l'extérieur. Tu l'observes attentivement. Ce pourrait être un piège. Tu t'en approches. C'est un fil d'or, de platine, d'un alliage étrange. Tu le palpes du bout des doigts. Tu te dépêches, il sera bientôt tiré vers l'extérieur. Il retournera à son destin, dans le territoire limpide de la liberté. Tu t'accroches à lui comme à la corde qui te sauvera de ce halo oléagineux. Même si tu le serres, il t'échappe. Il te coupe les mains, te fait saigner. Il disparaît derrière la grande porte d'entrée. Tu regardes tes blessures. L'or, le platine, l'alliage étrange et précieux y resplendissent. Tu t’assois pour attendre son retour. Le fil ne revient pas mais il continue à te taillader à distance.
Commenter  J’apprécie          3811
Quand tu reviendras en prison, regarde autour de toi. Observe les murs, les tours, les barbelés. Tu verras qu'il n'y a pas d'issue. Mets-le toi dans le crâne, je n'ai aucun endroit où aller à part toi. Alors si tu vas me quitter, Marina, dépêche-toi ou bien reste et ne me quitte plus jamais.
Commenter  J’apprécie          362
Ne mets pas en péril ta petite vie confortable et agréable. Ne joue pas l'héroïne de feuilleton télé qui, par amour ou par envie d'aventure, ou juste par désir, abandonne l'univers clos qu'elle a construit avec un de ces amours tranquilles et solides auquel chacun et chacune aspirent. Prends une bouffée d'air et compte jusqu'à dix, jusqu'à cent, jusqu'à un million avant de revenir ici. Réfléchis, cogite. Et même si tu décides de grimper dans ta voiture pour venir, tourne ta petite tête en arrière et regarde ce que tu laisses. Je te le dis, moi qui sais ce que laisser quelque chose derrière soi veut dire. Crois-moi, il n'y a rien au-dessus de la liberté. Rien, ce qui s'appelle rien.
Marina, si tu es prête à perdre ta liberté ou ta vie, si tu veux entrer dans le feu, viens. Je t'attends, je ménagerai un espace pour toi, un espace pour nous, un espace pour le possible, un espace pour l'impossible, un espace pour les espaces. Je te montrerai la lame qui te tranchera pour que tu émerges sous ta forme la plus crue et la plus vraie, je te donnerai tout ce que j'ai, je baiserai tes mains, je serai reconnaissant de ton amour et la nuit je penserai à toi, je sourirai parce que je sais que tu reviendras et tu me verras sourire en te voyant, et je t’éteindrai, je te donnerai le meilleur de moi-même. Et si tu me le demandes, j'exploserai les murs de mes poings et je sortirai de cette prison pestilentielle pour te rejoindre. Viens. Aujourd'hui. Ici.
Commenter  J’apprécie          337
Ma prison

Cette prison où je suis enfermé n’est pas ma prison. Ces murs, ces barreaux ne sont pas ma prison. Ces cons de gardiens, ces cellules surpeuplées ne sont pas ma prison. Ces listes d’appels, cet uniforme ne sont pas ma prison.
Ces cours sombres, ces couloirs humides ne sont pas ma prison. Ces douches, cette bouffe infâme ne sont pas ma prison. Ces ateliers de menuiserie, ces toilettes bouchées par la merde ne sont pas ma prison. Ces cellules d’isolement, ces dérouillées aux décharges électriques ne sont pas ma prison. Ma prison est dehors, elle embrasse d’autres que moi, se balade avec d’autres que moi, baise avec d’autres que moi. Ma prison mange, respire, rêve sans moi. Elle, et seulement elle, est ma prison.

Jaime Obregón Salas
Écrou no 32789-6
Peine : neuf ans et huit mois de réclusion pour vol accompagné de violences.
Commenter  J’apprécie          329
L’expression « cicatrice rancunière » de Borges l’ébranla pendant des jours. En croisant les visages balafrés dans les couloirs, il pensait à Borges. Que de rancœur devait cacher chacun de ces sillons. Que de rancœur accumulée entre les murs de la prison, une usine à fabriquer de la rancœur.
Commenter  J’apprécie          311
J’éteignis la lumière mais ne put m’endormir : je redoutais la nuit, la longue nuit du bison bleu.
Commenter  J’apprécie          317
J’entrai dans la chambre et ôtai mon blouson. Je bus le Coca et laissai la bouteille vide sur la moquette. Je m’observai dans le miroir. Une fine veine palpitait sur ma tempe droite. J’avais des cernes sous les yeux. Les cheveux en bataille. Une barbe de plusieurs jours. Et en moi, l’ombre du bison bleu, de nouveau menaçante.
Commenter  J’apprécie          305
Julián regrettait son ancien éditeur, qui disait préférer le roman imparfait d’un écrivain talentueux à celui, parfait, d’un médiocre. Julián lui avait demandé de s’expliquer. « Dans l’œuvre d’un écrivain talentueux, tu peux toujours glaner une phrase, une seule, qui changera ta vie. Chez un écrivain médiocre, tu pourras au mieux trouver des phrases grammaticalement correctes. »
Commenter  J’apprécie          2914
Je me réveille parfois en sentant sur ma nuque l'haleine blessée du bison de la nuit. C'est la mort qui me frôle. C'est la tentation de me tirer une balle dans la tête et de mettre un point final à tout: c'est le feu qui me brûle de l'intérieur. C'est la mort, je le sais.
Commenter  J’apprécie          294
Héctor était considéré comme l’enfant terrible* du cinéma mexicain et s’escrimait à entretenir sa légende. Face aux médias, il était grossier, exhibitionniste, hautain. Il jugeait ses confrères avec suffisance, la plupart lui paraissaient terre à terre, sans intérêt. Ses films exhibaient des êtres monstrueux et pervers, dotés d’une voracité sexuelle insatiable. Des nains qui violaient des femmes obèses, des masturbations en gros plan, des fesses criblées de cellulite, des varices, des pénis hypertrophiés. Comme disait si bien Claudio, les films d’Héctor déversaient pus et pisse sur les spectateurs. Il était encensé par la critique et les festivals. Le Monde le qualifiait de « génie, créateur d’images coup de poing », Der Spiegel comparait son œuvre à celle « de Dante et de Jérôme Bosch, s’ils avaient fait du cinéma ».
Commenter  J’apprécie          284
C'est fou tout ce que perd un homme quand il perd une femme. Une foultitude de trucs hallucinante. Avec une femme, un mec trouve le calme, l'élan, la passion, la tranquillité, l'aventure, la stabilité, la folie, la raison, la vie et parfois l'amour, et avec l'amour, le sens, et avec le sens, les projets, et avec les projets, il retrouve encore la femme et le joyeux manège, mais elles, elles n'ont pas la fucking moindre idée de combien elles pèsent dans leur vie à eux, ni à quel point ils brûlent de plonger dans le monde chaud et doux et suave que constituent le corps et le coeur d'une meuf. Voilà pourquoi les chansons d'amour parlent de nager, plonger, s'immerger, se noyer. Les meufs comparées à des aquariums, des piscines, des mers, des rivières, comme des océans ou même des flaques.
JC avait intérêt à dire à Marina: "Ecoute, ma petite, tu me plais à mort, tu me rends fou, tu me fascines, devant toi je me sens comme un oeuf au plat qui colle au fond de la poêle."
Commenter  J’apprécie          256
L’enfer est une vérité apprise trop tard.
Commenter  J’apprécie          240
Maintenant, le bison de la nuit va rêver de toi.
Commenter  J’apprécie          243
Le bison de la nuit va rêver de toi, dit-il. Il marchera à tes côtés, tu entendras ses pas, son souffle. Tu sentiras sa sueur et il s’approchera si près de toi que tu pourras le toucher. Et quand il décidera de t’attaquer tu te réveilleras dans la prairie de la mort. Alors tu cesseras de faire le malin, pauvre con.
Commenter  J’apprécie          243
La vie s’écoule à des vitesses et à des rythmes divers et variés. Pendant de longues périodes, elle se traîne en longueur et soudain, sur un très bref laps de temps, surviennent des événements tumultueux qui la bouleversent radicalement au point de la rendre méconnaissable. Comment et pourquoi plonge-t-on dans ces fleuves chaotiques et déchaînés reste un mystère. Nous nous plaignons de la grisaille quotidienne, mais elle est bien souvent notre planche de salut. Une existence dépourvue d’ordre finit par nous miner. La plupart des gens ont une mentalité de fonctionnaires : un salaire assuré, des journées organisées heure par heure, se réveiller chaque matin à côté du même homme. Une vie prévisible où l’on ne gaspille pas son énergie à tenter de deviner ce que nous réserve le lendemain. Se savoir tranquille, sereine, ne pas gravir des montagnes russes qui nous laissent hors d’haleine, au bord du vomissement. Pourtant, quelque chose en nous est indomptable et se rebelle, et même si cela contrarie notre raison, nous nous précipitons dans l’inconnu, le dangereux, le mortel. Le bon sens nous dicte d’arrêter, mais c’est impossible : l’adrénaline nous fouette intérieurement. Peu importe que nous risquions de tout perdre, peu importe que nous mettions en péril notre vie et celle de nos êtres chers, peu importe que nous frôlions la mort, nous fonçons. Le sang pulse furieusement dans nos veines, nos viscères se nouent, notre vue se brouille. La vie s’affirme en tant que vie, la vie revient à sa forme la plus primitive et brutale. La vie pour la vie.
Commenter  J’apprécie          221
Tu n’échapperas pas au bison de la nuit.
Commenter  J’apprécie          204
Je m'assis sur le lit. Dans cette chambre - l'après-midi d'un 22 février - Tania et moi avions fait l'amour pour la première fois. Nous l'avions fait grossièrement, inhibés par la culpabilité et l'inexpérience. Elle était vierge et moi, à l'exception de deux coïts expéditifs qui ne comptaient pas, je l'étais à peu près autant.
Nous nous étions emmêlés en nous déshabillant. Ses cheveux s'accrochèrent à la boucle de mon ceinturon, son chemisier se déchira et deux boutons de ma chemise sautèrent. Nous étions partagés entre la hâte et l'envie d'aller lentement. Nous ne savions pas comment nous placer et nous nous mîmes l'un sur l'autre comme deux tortues qui s'accouplent.
Commenter  J’apprécie          191
La nuit je me couchais nu sur le lit, lumière allumée, je supportais la chaleur et j’attendais l’assaut du bison bleu.
Commenter  J’apprécie          181
Justino Tellez se réveilla effrayé par un de ses propres ronflements particulièrement sonore.
- Qui est là ? cria-t-il.
Il bondit hors de son lit et inspecta minutieusement la pièce. Rien, ni personne ; à coup sûr l’œuvre d'un chat, pensa-t-il.
Commenter  J’apprécie          170
Il me proposa qu'on parte tous les quatre en vacances, en famille, comme quand on était gosse.
- On devrait aller à Puerto Vallarta.
Sa suggestion me fit sourire. Puerto Vallarta était l'endroit où on passait autrefois Noël et le nouvel an. J'ai grandi avec l'idée que Noël était synonyme de chaleur, de plage, de palmiers clairsemés et jaunâtres décorés d'ampoules colorées. Les bonhommes de neige, les paysages blancs des cartes de vœux et les sapins artificiels provoquaient en moi des sensations contradictoires : tout simplement ils ne correspondaient pas à la réalité.
Mon père se leva et avant de sortir répéta : "On devrait aller à Puerto Vallarta." Il ferma la porte et je me mis à penser à ces réveillons de Noël où, dégoulinant de sueur sous les ventilateurs à pâles, nous trinquions avec du cidre tiède et dinions d'une dinde fumée décongelée.
Commenter  J’apprécie          162



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Guillermo Arriaga (369)Voir plus

Quiz Voir plus

Le secret de Lost Lake

Comment s appelle le personnage principale

Lola
Sophia
Fiona
Arden

6 questions
3 lecteurs ont répondu
Thème : Le secret de Lost Lake de Jacqueline WestCréer un quiz sur cet auteur

{* *}