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4.31/5 (sur 16 notes)

Nationalité : République tchèque
Né(e) à : Maribor , le 01/03/1903
Mort(e) à : Prague , le 07/03/1968
Biographie :

Gustav Janouch était un écrivain tchèque.

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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
Gustav Janouch
Existe-t-il en fait un chemin direct, quelque part ? Le seul chemin direct, c'est le rêve, et il ne mène que là où l'on se perd.
Kafka
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Tout navigue sous de faux pavillons, aucun mot ne correspond à la vérité. Moi, par exemple, je rentre maintenant chez moi. Mais ce n’est qu’une apparence. En réalité, je prends place dans un cachot installé spécialement à mon intention, d’autant plus rigoureux qu’il ressemble à un appartement bourgeois tout à fait ordinaire et que personne, à part moi, ne discerne qu’il s’agit d’une prison. D’où également l’absence de toute tentative d’évasion. On ne peut pas briser de chaînes quand il n’y en a pas de visibles. La détention est donc organisée comme une existence quotidienne tout à fait ordinaire, sans confort excessif. Tout semble construit dans un matériau solide et stable. Mais en fait c’est un ascenseur qui descend à toute allure vers l’abîme. On ne le voit pas, mais on l’entend déjà gronder et bruire devant soi, quand on ferme les yeux.
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« La vieille ville juive malsaine est bien plus réelle en nous que ne l'est la nouvelle ville hygiénique autour de nous. Tout éveillés, nous marchons dans un rêve : nous ne sommes nous-mêmes que les spectres des temps passés. »

[Franz KAFKA, à propos du roman "Le Golem" (1915) de Gustav MEYRINK - cité par Gustav JANOUCH, "Conversations avec Kafka"]
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Les poètes tentent de donner à l'homme d'autres yeux, afin de changer la réalité. C'est pourquoi ils sont véritablement des éléments subversifs, car ils veulent le changement. L'Etat et, avec lui, tous ses dévoués serviteurs ne veulent qu'une chose: c'est durer.
Kafka
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le mot juste conduit; le mot qui n'est pas juste séduit
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En passant dans le Graben, nous vîmes un jour, dans la.votrine de la librairie Neugebauer, une petite invitation noire et blanche à une conférence du théosophe Rudolf Steiner.
Kafka me demanda si je le connaissais
"Non, répondis-je. Je sais seulement qu'il existe. Mon père pense que cest un mystagogue qui fabrique, à l'usage des riches, un ersatz de religion fait pour leur
plaire. "
Le Dr Kafka ne dit rien. Il réfléchissait visiblement à ce que je venais de dire, car, au moment où nous nous engagions dans la Herrengasse, il déclara: "La notion
de 'religion de remplacement' est effroyable. Je ne veux pas dire que cela n'existe pas. Au contraire : il y a toute une série de religions de remplacement et chacune représente une variété de croyance aberrante et délirante.
— Comment entendez-vous, en la matière, distinguer vérité et délire ?
— Par la pratique. Seul l'usage quotidien confère au mythe vérité et efficacité, sinon il reste seulement un jeu confus de l'imagination. Voilà_ pourquoi tout mythe
est lié à ce mode d'emploi qu'est un rite. La pratique religieuse est simplifiée, mais elle n'est nullement simple. Elle exige des sacrifices. Il faut avant tout sacrifier une
part de son confort. C'est ce qui gêne les gens qui, comme on dit, sont à l'abri du besoin. Aussi cherchent-ils un ersatz confortable. Votre père a raison sur ce point. Seulement, est-il possible de trouver un produit de remplacement pour ce qui fonde la vérité ?
— Non, dis-je en l'approuvant. C'est une
aberration !
— Naturellement! Comme l'air pour le corps, la vérité est irremplaçable pour l'âme et, du coup, pour le corps aussi,
naturellement. " Kafka sourit. " La création ignore la division du travail. C'est toujours à la fois l'ensemble et l'individu qui y sont en jeu. La division en domaines particuliers est une invention de l'homme, que l'effroi fait
reculer devant l'océan de la totalité, devant Hier, Aujourd'hui et Demain. La théosophie, l'amour du sens, ce n'est rien d'autre que la nostalgie de la totalité. On cherche un chemin.
— Ce chemin, Steiner le montre-t-il, demandai-je? Est-ce un prophète ou un charlatan ?
— Je l'ignore, déclara Kafka. Je n'arrive pas à me faire une opinion. C'est un homme extrêmement éloquent. Mais cette qualité fait partie de l'arsenal du mystificateur. Je ne veux pas dire par là que Steiner en soit un, mais ce serait possible aussi. Les imposteurs cherchent toujours à
résoudre à peu de frais les problèmes difficiles. Le problème dont s'occupe Steiner est le plus difficile qui existe. C'est la faille obscure qui sépare la conscience et
l'être, la tension qui existe entre la petite goutte d'eau et l'océan infini. Je crois que l'attitude de Goethe est ici la seule qui soit juste. Vénérer calmement ce qu'on ne peut
connaître et accueillir en soi-même, en l'ordonnant, tout ce qui est connaissable, Les plus petites choses comme les plus grandes doivent nous être proches et précieuses.


Pp. 170- 171
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Mais le visage de Kafka devint alors dur et impénétrable. Il dit :
"Je veux parler du fait qu'il n'y a plus de justes. Nous y avons tous notre part. Nous le sentons. Beaucoup même le savent. Mais personne ne veut l'avouer, que nous ne vivons plus en justes. Voilà pourquoi nous trouvons des excuses. Nous parlons d'injustice sociale, psychique, nationale et d'autres encore, dans le seul but d'enjoliver notre culpabilité, notre propre culpabilité. Car qu'est-ce que le mot injustice ? C'est l'abréviation de justice interne. Mais une justice réservée au seul usage interne et personnel est une norme de violence, une injustice. Et le terme d'injustice sociale n'est qu'une de ses nombreuses manouvres de camouflage."

Je secouai la tête : " Non, monsieur, je ne peux pas vous suivre. J'ai vu la misère dans cette région. Les fabriques... "
Kafka me coupa la parole: " Les fabriques ne sont que des organes servant à accroître_le profit de l'argent. Nous ne jouons tous dans cette affaire qu'un rôle subordonné. Le plus important, c'est l'argent et la machine. L'être humain n'est plus qu'un instrument démodé servant à l'augmentation du capital, un reliquat de l'histoire, dont très bientôt les capacités insuffisantes au regard de la science, seront remplacées par des automates qui penseront impeccablement."

J'eus un soupir méprisant: "Oh, oui, c'est un rêve qu'affectionne H. G. Wells."

Non, dit alors Kafka d'une voix dure, ce n'est pas une utopie: c'est simplement l'avenir, qui croît déjà sous nos yeux.

pp. 121-123
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J'apportai_au D' Kafka un numéro spécial de la revue tchèque Cerven, contenant la traduction de " La Zone "
de Guillaume Apollinaire, ce poème aux flots puissants. Mais Kafka le connaissait déjà. Il me dit : "J'ai lu cette traduction dès sa parution."
p. 196
[...]
"Du point de vue de la langue, c'est une prouesse. Le poème comme la traduction."
p. 197.
[...]
— "Ce poème est vraiment une ouvre d'art. Apollinaire a résumé en une sorte de vision ses rencontres visuelles. C'est un virtuose."
Cette dernière phrase rendait un son étrangement ambigu. Sous l'admiration explicite, je sentais une réserve inexprimée, mais néanmoins très nette, qui, malgré moi, éveillait chez moi un écho qui s'amplifiait
discrètement. Je dis ;
" Un virtuose ? Cela ne me plaît pas."
p. 197
[...]
— "À moi non plus ", renchérit Kafka spontanément et avec, me sembla-t-il, quelque soulagement. "Je suis contre toute virtuosité. Sa dextérité de jongleur place le virtuose au-dessus des choses. Mais est-ce qu'un poète
peut être au-dessus des choses ? Non ! ll est prisonnier du monde qu'il vit et qu'il représente, comme Dieu l'est de sa création. Pour s'en libérer, il extrait ce monde de lui-même. Ce n'est pas une prouesse de virtuose, c'est une naissance, un accouchement qui, comme tout accouchement, ajoute à la vie. Mais avez-vous jamais entendu dire d'une femme qu'elle était une virtuose
de l'accouchement ?
— Non, je n'ai jamais entendu rien de tel. Naissance et virtuosité, cela ne va pas ensemble.
Bien sûr, dit Kafka. Il n'y a pas de
p. 198.
[...]
virtuosité dans une naissance. ll y a des accouchements difficiles ou faciles, mais toujours douloureux. La virtuosité est le fait de comédiens. Mais le comédien commence là où s'arrête l'artiste. Cela se voit dans le poème d'Apollinaire. Il condense ses différentes expériences spatiales en une vision temporelle supra-personnelle. C'est un film verbal, qu'Apollinaire déploie là sous nos yeux. Il est un jongleur, qui suggère au
lecteur une image amusante. C'est le travail non d'un poète, mais d'un comédien, d'un amuseur. Un poète
essaie d'intégrer sa vision à l'expérience quotidienne du lecteur. Pour ce faire, il use d'une langue apparemment sans aspérités, qui soit familière au lecteur. C'est par exemple le cas ici,
[...]
Ce sont les nouvelles de Kleist, dit-il. C'est de la véritable poésie. Et la_langue en est limpide. Vous n'y trouvez pas de fioritures, pas de prétentions. Kleist n'est pas un jongleur ni un amuseur public. Sa vie entière s'est déroulée sous la pression des tensions visionnaires entre l'homme et le destin: il les a mises en lumière et fixées dans une langue limpide, que tout le monde peut comprendre. Sa vision est destinée à être un patrimoine
d'expériences, auquel chacun puisse avoir accès. C'est à cela que Kleist s'efforce, et sans recourir à l'acrobatie verbale, ni aux commentaires, ni à la suggestion. Il allie la modestie, la compréhension et la patience, et cela donne
l'énergie indispensable à toute naissance. C'est pourquoi je le relis sans cesse. L'art n'est pas une question d'ébahissement momentané, mais d'exemple durable. Les nouvelles de Kleist le montrent très clairement. Elles sont la racine de la littérature allemande moderne."
p. 199.
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Les insultes sont quelque chose de terrifiant. Cette lettre me fait le même effet qu'un brasier fumant, qui vous brûle la gorge et les yeux. Toute insulte démantèle la plus grande invention de l'homme : la langue. Celui qui profère une insulte... insulte l'âme. C'est une tentative
de meurtre, perpétrée contre la Grâce. S'en rend également coupable celui qui ne pèse pas les mots à leur juste poids. Car parler, c'est peser et délimiter. Le mot est un choix entre la mort et la vie.
p. 43.
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J'étais, pendant l'été 1924, à Obergeorgenthal, près de Brüx. Le vendredi 20 juin, oui, le vendredi 20 juin 1924, je reçus de Prague une lettre de mon ami, le peintre Erich Hirt.
Il m'écrivait ceci:
"J'apprends à l'instant, par la rédaction du Tagblatt, que l'écrivain Franz Kafka est mort le 3 juin dans un petit sanatorium privé de Kierling, près de Vienne. Mais il a été enterré ici, à Prague, le mercredi 11 juin 1924, au cimetière juif de Strachnitz."
Je levai les yeux vers le petit portrait de mon père, qui était accroché au mur, au-dessus de mon lit.
Il s'était donné la mort le 14 mai 1924.
Kafka avait disparu le 3 juin, vingt et un jours plus tard.
Vingt et un jours plus tard...
Vingt et un jours...
Vingt et un...
C'était justement le nombre d'années que je comptais, au moment où s'effondrait l'horizon affectif et intellectuel de ma jeunesse.
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