Jean Paulhan ; 8 et dernier
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Jean PAULHAN : Histoire de "Minna". La dualité des êtres. Son attitude devant l'inattendu. Anecdote sur
Guy de POURTALES. L'aide apporté aux jeunes écrivains par la critique. L'
amour de l'écrivain pour ses personnages. L'intérêt du premier mouvement en
littérature. Remarques sur l'
art d'écrire et la
rhétorique, sur le bon style sur le
surréalisme. Son intérêt pour les problèmes de...
Soyons même des malades, s’il le faut. Car il y a une morale
des bien-portants et une morale des malades. Les malades,
dira-t-il un jour, n’ont pas le droit d’être pessimistes.
Or, ce sont souvent les bien-portants qui pensent le plus à la
mort et la redoutent. Et c’est logique. Nietzsche, qui a été
pendant ses quinze grandes années créatrices un moribond,
cherchait le sens de la vie. La grâce donnée à l’artiste, c’est
le pouvoir de rendre objective sa souffrance, de s’en débarrasser
en la coulant dans une forme. Le malade Nietzsche l’a
fait en cherchant le sens de la vie, et Tolstoï le bien-portant,
en cherchant le sens de la mort.
C’était une fille mince, brune, furieuse, étincelante. Le roi ordonna qu’on les laissât seuls. Il lui demanda son nom : — « Lola Montes. » Il la pria de se rajuster, car dans la bagarre son corsage avait été à moitié arraché. Elle préféra rester le sein nu. Elle parla. Elle s’expliqua. Elle plaida. Or, le royal amateur d’art, qui avait caressé tant de statues, ne pouvait croire à la perfection de cette vérité palpitante. Il tendit la main ; elle la prit et la mît devant « le fait accompli. ». (C’est ainsi que s’exprime un rapport de police).
Il rit. Elle pleure lorsqu’il est reparti. « Ne voyez-vous donc pas, dit-elle, que le roi ne m’aime nullement ? Il joue seulement avec moi… »
Le 17 février, il lui écrit : « De toutes les femmes vivantes, tu m’es la plus aimée… » Mais, « le dieu de ma vie, comme tu le sais, est Richard Wagner ».
La musique et le théâtre, il les aime encore, mais ne supporte plus le public. Les lorgnettes des curieux l’exaspèrent. On entoure sa loge de rideaux. Mais cela ne suffit pas, aussi decide-t-il d’instituer, une ou deux fois par mois, des représentations dont il est le seul spectateur.
Mais que ne dit-on pas de qui n’aime ni le bruit, ni les drapeaux, ni le vin, ni les fêtes, ni le plaisir ? On dit : c’est un fou. Ou un monstre.
En tout cas un anormal. Ainsi en décident ces noctambules chargés de bière, qui, au petit jour du 18 juillet 71, voient s’enfuir vers ses montagnes, dans une calèche fermée, leur roi sans patrie et sans amour.
La guerre, c'est un paysage qui vous tire dessus.
Mais ignores-tu, petite reine, que le rosier d'amour où le roi cueillait des pétale fleurit chaque printemps de manière différente?
C'est le 26 novembre que l'événement eut lieu. Il faut dire ainsi, car si les deux premières soirées avaient été d'heureux essais, celle-ci devait décéder de l'avenir. Toute l'aristocratie presbourgeoise se trouvait réunie à cette matinée. Et Franz joua son Beethoven aimé, improvisa, déchiffra sans effort et dans le rythme voulu les morceaux de bravoure que plusieurs grands seigneurs lui mirent devant les yeux. L'étonnement fut général. Lorsqu'on sut que le père ne possédait pas les moyens de faire donner à son fils une éducation musicale complète, les bourses s'ouvrirent. Les comtes Apponyi, Amédée, Esterhazy, Szapary et Viczay, lui constituèrent spontanément pour un durée de six ans, un rente de six cents florins d'Autriche.
Debout sur le rivage, j'écoutais les bruits nombreux du lac, j'aspirais ses odeurs, je mêlais tout mon être à son étendue, à ses forces, à son mystère. Maintenant qu'approchait le moment où il faudrait le quitter, je voulais emporter le plus possible de sa vie à lui, de ses couleurs, de son secret. Ma petite existence, c'est lui qui l'avait formée, qui en avait nuancé les ombres et les lumières, gravé les quelques lignes profondes. Je le regardais comme d'autres regardent un ami, avec cette même confiance, ce même espoir, et je projetais vers lui mes désirs tendus
Divorcer? Non, elle ne divorcerait jamais. Elle n'avait ni l'allure hardie, ni les hauts talons pointus et agressifs des femmes qui divorcent. Une timide, une acceptante sous ses airs libres, voilà ce qu'elle était.