AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Hélène Millerand (23)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Vieille France

Belle soiree de printemps. Je me balance doucement dans mon rocking chair au bois grisonnant, caresse son bras arrondi et me demande s'il va encore s'eclaircir, comme moi, s'il arrivera jusqu'a blanchir avant qu'on ne le jette au debarras. A travers la baie vitree les verts, eux, obscurcissent. Je leve un peu les yeux. Les nuages en procession sont teintes de bleu clair. A force de les fixer ils rosissent tendrement, charmes par l'heure. C'est trop beau, faussement calme, a peine le temps d'une lippee de mon vieil Sempe et l’extase rosatre est bouleversee, striee de rouges grisonnants. Le ciel aussi, comme le bois? C'est trop beau, je me concentre sur mon petit ballon d’armagnac pour ne pas pleurer.



Par terre, a mes pieds, le livre qu'une main engourdie a lache. Tres beau lui aussi. A en pleurer. Vieille France. C'est son titre. C'est le surnom qu'un personnage donnait a l'heroine principale, jeune femme de petite noblesse provinciale forcee (parce qu'elle a “faute”) de servir de riches juifs. A son grand dam. A sa grande fierte. A son grand bonheur. De riches juifs? Des “israelites”. Eux aussi Vieille France. Tres proustiens (Proust n’etait il pas lui-meme un juif tres proustien?). Mais nous sommes a la la veille de la deuxieme guerre mondiale. Et quand elle arrivera, quand arriveront les annees noires, Vieille France sera Belle France, Grande France, pour ces juifs qu'elle aime et dont elle execre la judeite.



Par terre, a mes pieds, un livre ecrit en Vieille France, en une langue simple, legerement surannee, ronde et poetique. Qui va droit au but, droit au coeur. Qui fait sourire et peut faire pleurer. Je chauffe comme je peux de mes doigts maigres mon petit ballon de vieil armagnac Sempe. Comme une envie de porter un toast a Vieille France. Ou a son auteure, cette petite-fille d’un president.

Commenter  J’apprécie          606
Vieille France

J'ai beaucoup aimé le roman, à nouveau. C'est le portrait d'une femme attachante malgré son caractère réservé et ses a priori. Issue de la bonne bourgeoisie catholique versaillaise, elle se retrouve contrainte de travailler au service d'une famille juive de "nouveaux riches". C'est un véritbale choc des cultures qui va permettre à la jeune femme d'élargir son horizon et de se révéler en quelque sorte.

C'est aussi une histoire de la Seconde Guerre Mondiale : la France occupée, la déportation des Juifs, les rationnements, la résistance et la collaboration, les choix qui s'offrent à chacun. Ni grande héroïne de la Résistance, ni lâche, notre héroïne suit son coeur et sa raison, choisissant la voie des justes sans grands coups d'éclat, mais avec loyauté et constance.

Une histoire forte donc, racontée avec sobriété par l'héroïne elle-même au soir de sa vie...
Commenter  J’apprécie          150
Vieille France

La quatrième de couverture est très complète et suffit à renseigner le lecteur.

J'ai aimé ce court roman pour le style simple et à la fois reflétant le côté un peu suranné de l'époque. Les réactions et réflexions de la jeune Bénédicte semblent tout à fait en ligne avec l'époque, elle est, je trouve l'exemple d'une certaine façon d'être, "vieille France" (le titre est magnifiquement choisi) avec des valeurs de respect, de méfiance quand elle apprend la judéité de la famille Treives mais elle réussit à dépasser ses préjugés pour s'attacher aux êtres qu'elle aime. Elle m'est apparue très lucide avec elle même, ne s'épargnant pas quand elle reconnaît ne pas avoir de sentiments pour sa fille qu'elle n'élève pas. Témoin silencieuse puis active pendant la guerre pour sauver la famille, c'est un très bel exemple de femme forte et simple à la fois. Le style est beau tout en étant simple et quelquefois suranné. Une belle découverte
Commenter  J’apprécie          100
Vieille France

Je l'ai littéralement dévoré et adoré surtout étant donné que les thémes abordés sont mes préférés....

texte simple et lecture fluide, ce livre se découvre facilement.

J'ai bien aimé également le rapport domestique/patron mais aussi la remise en question de Mademoiselle Drot sur ses principes (juifs, travail,...) par rapport à son éducation de jeune fille de petite bourgeoisie.

Je le conseille vivement.
Commenter  J’apprécie          60
Vieille France

Mademoiselle Drot, une jeune fille "de bonne famille", hélas ayant "fauté", se place comme gouvernante dans une riche famille juive des beaux quartiers de Paris. Elle est jeune, elle est belle, elle est intelligente, connaît les "bonnes manières" et va vite faire la conquête de sa patronne, une agréable jeune femme avide de culture et de distractions. Hélas, on est à la veille de la seconde guerre mondiale et bien des équilibres vont être bousculés. L'exode, la chasse aux israélites, le dévouement sans faille qu'elle voue à sa patronne, vont amener l'héroïne, catholique bon teint et passablement antisémite (par ignorance plus que par haine de la différence), à revoir ses principes et "entrer en résistance". Dans ce beau roman, sensible et touchant, sans mièvrerie d'aucune sorte, Hélène Millerand nous décrit le destin d'une "belle âme", qui a mis son propre bonheur entre parenthèses pour faire celui des autres, dans une époque troublée...
Commenter  J’apprécie          30
Vieille France

A la veille de sa mort, Melle DROT, gouvernante depuis 65 ans chez Les Treives, famille de juifs marchands d'art se souvient... Issue d'un famille fervente catholique, fille-mère, elle est reniée par les siens et doit se débrouiller seule. Elle laisse sa fille aux bons soins des bonnes soeurs et elle profite de son excellente éducation pour rentrer en 1938 au service des Treives. Elle sera témoin de leur vie et de part son éducation stricte et très catholique, elle sera souvent choquée par leurs attitudes ou leur façon de faire contraire à l'éducation qu'elle a reçue. Cela ne l'empêchera, cependant pas, de s'attacher à eux et de leur vouer un amour sans limite. Elle élèvera comme son propre enfant le fils de la famille alors qu'elle n'a pas pu le faire avec sa propre enfant. Elle assistera donc à la vie fastueuse de cette famille et sera témoin de leur malheur durant la seconde guerre mondiale. Je me suis attachée à ce personnage, secret et fidèle. La vie de cette domestique m'a beaucoup touchée, elle a tout su de ses maîtres tout en étant fidèle et discrète. Eux n'ont jamais rien su d'elle, de sa vie d'avant car la vie du domestique, à l'époque, avait peu d'importance...

"Vieille France" c'est le surnom que je me suis donnée car je suis souvent choquée dans la vie de tous les jours par les incivilités et manque de savoir vivre des gens en général, il me semble à chaque fois être la seule à être choquée...
Commenter  J’apprécie          30
Vieille France

Une jeune Versaillaise des années trente aurait "fauté" en fait elle a eu un enfant d'un oncle qui l'a violée. Mais tout se tait dans ce milieu militaire d'extrême droite. Rejetée, elle trouve une place de gouvernante dans une famille huppée du 17° arrondissement, ces gens sont juifs; elle restera près d'eux pendant toute l'occupation.
Commenter  J’apprécie          30
27, rue des Fontenelles

Dans ce texte joliment ourlé, l’auteur brosse la fresque d’une époque où l’amour plutôt que l’argent tenait lieu de carburant à l’écoulement des jours heureux.
Lien : https://www.lefigaro.fr/livr..
Commenter  J’apprécie          20
Vieille France

Benedicte Drot a fauté. Jeune femme d'une très bonne famille versaillaise, chassée de chez elle pour avoir pêché, elle se retrouve gouvernante de la famille Treives. Riche famille d'origine juive, Monsieur est marchand d'art et Madame est une jeune femme frivole et pleine de vie. Dans cette famille, Mademoiselle Drot doit faire ses preuves, et sa période d'essai va durer plus de soixante ans. ELle entre en poste en 1938 et va vivre avec eux les soubresauts de l'histoire qui se réveille.

Quand on commence au côté de Bénédicte, on ne sait pas à quoi s'attendre, puis on voit se dresser des personnages variés, une époque, et on s'attache à cette jeune femme très vieille France, qui se blinde derrière sa carapace forgée par son éducation traditionnelle, bourgeoise et versaillaise.
Commenter  J’apprécie          20
Vieille France

Ce court roman est un petit bijou de tendresse et d’émotion. Dans un long monologue qui ressemble à une confession une dame que l’on devine âgée se souvient et avec des mots justes et sans jamais juger elle raconte sa vie durant la période 38/45. Française de la bonne société, reniée par les siens parce que fille-mère, elle entre au service d’une famille aisée sans savoir qu’ils sont juifs. Alors que toute son éducation chrétienne et ses idées antisémites plus par ignorance que par conviction la pousse à quitter cette place elle restera finalement sa vie entière au service de cette famille et surtout fidèle à la mémoire de sa patronne dont on sent les liens d’amitié bien plus que de travail qui les unissent. On croise dans ce roman ce que furent les gens à cette époque, des braves, des crapules et une masse d’indifférents. Hélène Millerand dépeint dans ce récit de très beaux portraits d’hommes et surtout de femmes que la vie oblige à se remettre en question. C’est superbement écrit, sensible et sans mièvrerie d’aucune sorte.
Commenter  J’apprécie          20
27, rue des Fontenelles

Ce livre aurait dû me plaire, car j'aime les histoires de maisons de famille, toujours un peu nostalgiques. Ici, le fond y était, mais tout au long de la lecture de ce petit livre, j'ai été dérangée par son côté "catalogue" :

qu'on ait le souvenir ému d'une douceur achetée tous les dimanches (ou autre occasion) chez Machin, ou autres souvenirs de choses qui ne peuvent plus aujourd'hui être trouvées à l'identique ou avec le même charme, je le comprends. Que le souvenir d'un trajet exceptionnel en train soit indissociable de détails tels que la classe ferroviaire et le sens ou pas de la marche, là aussi je le comprends.

Sauf que dans ce récit, les détails abondent à un point qui m'a dérangée par son systématisme, et par l'impression qu'il m'a parfois donnée d'une certaine pédanterie. Je ne pense pas que cette pédanterie soit voulue : on est dans un monde de grande culture et où, même s'il faut parfois vendre un objet ou un bout de jardin pour s'en sortir, on aime les belles choses et on a les moyens de se les offrir. Alors forcément, les deux ensemble, ça fait une somme de détails assez édifiants... Mais le problème pour moi, c'est le détail dans le détail.

On ne peut parler d'un magasin sans en citer non seulement le nom (ce qui est normal) mais la rue, et même le métro, d'un agent immobilier sans dire qu'il appartient à la maison Truc (là encore, c'est normal) fondée par son grand-père (ce qui pourrait avoir de l'importance dans un certain contexte, mais n'apporte rien ici).. On sait que le dentiste est rue de la Boétie, que le professeur de piano est rue Mozart, etc. Au bout des 80 pages de ce petit récit, j'avais la tête farcie de références.



Certes les détails sont importants dans les souvenirs, ce sont même eux qui en font la force, mais encore faut-il que pour le lecteur qui n'a pas connu ce monde ou un monde approchant, ils puissent évoquer quelque chose. La brioche du dimanche achetée chez Machin rue Truc, oui je peux comprendre car un commerce de bouche forme un tout avec son emplacement. On parle d'ailleurs de "bonne adresse". Sur ce point, on peut faire le transfert avec ce qu'on a soi-même connu dans une enfance heureuse et gourmande. Le dentiste en revanche, j'y suis allée tous les jeudis pendant des années : je pourrais certes le dire dans un récit, mais je ne mettrais pas ça au même niveau.

Bref, trop de détails tue le détail, et cette abondance de références de titres, de noms, d'adresses,..., m'a gênée non seulement dans l'attachement que j'aurais aimé avoir pour les deux personnages du récit, le père et la mère de l'auteur, qui disparaissent sous leurs références de costume, de robe, de livres, de parfum, de coiffeur..., mais aussi visuellement, car le texte est parsemé d'italiques (obligation éditoriale), qui sont autant de freins à la lecture.



Je n'ai donc pas trouvé à la lecture de ce petit livre de 80 pages, le charme que j'ai trouvé à d'autres récits de "maisons". Je n'ai pas eu d'émotion.

J'ai conscience d'être passé "à côté" de deux personnes plaisantes, mais les clefs qu'on m'a données pour les connaître ne sont pas les bonnes.

Sinon, l'écriture est plaisante, et malgré la curieuse présence d'assez nombreux mots orphelins (donc mot isolé en tête de ligne) se lit très bien.
Commenter  J’apprécie          10
Vieille France

Mademoiselle Drot a passé 65 ans comme gouvernante chez un couple de marchand d’art. Elle se souvient de son arrivée en 1938 et des premières années, durant la guerre, qui vont la marquer à jamais et façonner sa vie. Elle va découvrir un monde à l’opposé du sien.

Sans jamais se départir d’une attitude digne et discrète, mais avec un caractère affirmé et fidèle à ses principes, elle va se dévouer à cette famille, se détachant de sa propre vie.

Malgré les sujets graves et douloureux abordés, au coeur des violences de la guerre, ce livre est un bonbon, grâce à une écriture simple, pleine d’humanité sans mièvrerie ou sensiblerie superflu. Alors qu’il y aurait matière à ne pas adhérer à certains choix de l’héroïne, voire même en en être révolté, paradoxalement c’est avec un sentiment de douceur nostalgique que l’on referme le livre.
Commenter  J’apprécie          10
Vieille France

Nous avons ici un très court roman (personnellement je dirais une nouvelle), il s'agit plutôt du monologue d'une vieille femme en fin de vie et qui déroule ses souvenirs sur l'époque où elle travaillait comme gouvernante dans une famille de juifs. Une catholique pleine de principes et des juifs nouveaux riches, c'est le choc des cultures dirons-nous et au final ça fonctionne quand même ! Cette histoire est belle mais pas vraiment originale, les personnages sont touchants mais je suis quand même restée sur ma faim car la période racontée ne couvre que 8 années (1938-45) et j'aurais voulu une autre fin concernant sa relation avec sa fille. Je lirais néanmoins d'autres titres de cette auteure dont j'ai apprécié le style d'écriture mais sur des romans plus conséquents.
Commenter  J’apprécie          10
Vieille France

Hélène MILLERAND nous offre, avec "Vieille France", un récit intimiste où le lecteur est invité, dans une dernière confidence, à partager une tranche de vie. Une vie de femme qui traverse une période trouble de l'histoire de France allant de 1938 à nos jours, qui avait des atouts pour vivre à un autre rang mais que la vie à conduit à l'éveil sur elle-même à travers le service d'autrui comme gouvernante.



Bénédicte, l'héroïne, mérite amplement ce surnom de "vieille France" de par ses traits de caractères et sa personnalité aristocratique. Elle s'affirme empreinte des caractéristiques d'un bon nombre de Français de l'époque: tendances maurassiennes, très catholique, pleine d'à priori sur les juifs, antibolchévique.



Traits que la réalité des rencontres et des situations va adoucir en la conduisant, elle qui s'est toujours oubliée elle-même, à entrer dans une éthique de don de soi en apprenant à aimer. A aimer non ce qu'elle est, non pas un homme qui prendrait soin d'elle, non pas sa fille issue d'un viol incestueux mais à aimer gratuitement une femme différente d'elle et un enfant auquel aucun lien du sang ne la relie.



J'ai adoré les scènes de la vie bourgeoise décrites dans cet ouvrage, les personnages qui le font vivre et les relations qui unissent ceux-ci malgré toute leur différences.



J'ai adoré Bénédicte, cette femme "vieille France" au charme infini qui correspond à ce que j'apprécie dans la société.



Grâce à un style d'une fraîcheur extraordinaire, Hélène MILLERAND, accroche le lecteur dès la première page sur un ton intimiste qui captive, qui nous implique dans le récit en nous donnant l'impression d'être réellement aux côtés de Bénédicte dans ses derniers instants de vie.



Une histoire pleine de beauté, de sentiments mais sans mièvrerie aucune. A lire !
Commenter  J’apprécie          10
Modern solitude

Modern solitude me rappellera sans doute une nuit d'insomnie de plus. Ce n'est pas le suspens insoutenable de ce roman qui m'a empêché de dormir, loin de là mais il fut plutôt un compagnon agréable durant les quelques heures de nuits noire de ce mois de Juin.



Modern solitude s'attaque à l'histoire d'une famille, plutôt communiste, plutôt intellectuelle, une famille parisienne dont le père Carlos d'origine espagnol, épris de liberté et comédien mourra prématurément et dont la mère Jocelyne militante forcenée périclitera simultanément à son parti préféré.



Au fil des années, nous suivons la petite famille et plus particulièrement la benjamine, Carmen, la belle, la petite, la timide mais qui petit à petit s'affirme et grimpe les échelons scolaires et sociaux. Et puis bien sur, le frère aîné, Ramon, beau jeune homme, chef de bande, toujours partant pour la fête. Et puis il y a les autres : l'ami de toujours, Damien, celui qui n'a pas la même vie, qui loge dans un appartement immense du 6ème arrondissement mais qui partage une grande partie de leurs jeux. Et puis il y Robert qui se greffera à ce trio durant leur adolescence, un singulier personnage, un génie étriqué, un peu ringard, passionné par les courses hippiques.



Modern solitude c'est un roman sur les vingt dernières années du 20ème siècle, sur le fossé entre les générations, entre les classes sociales. Un roman agréable aux personnages attachants mais qui ne penche pas dans la facilité. Cependant, il ne m'en restera sans doute peu de choses.
Commenter  J’apprécie          10
Quartier du temple

Octobre 1857. Napoléon a de Grands Projets. Il faut dire que se faire un nom qui tienne la route après un ancêtre comme le sien, ce n’est pas facile-facile. Il a déjà un héritier, pas mal d’ennemis Républicains qui lui gâche son plaisir de régner, l’attentat d’Orsini se profile doucement à l’horizon (mais je mets les cheveux avant la calèche, là), mais ce n’est pas suffisant. Il lui faut quelque chose de grand, d’immense, une lubie qui lui fera autant d’amis que d’ennemis. Ce seront les « Embellissements », comme on les appelle à l’époque, les Grands Travaux mis à l’œuvre par le Baron Haussmann, qui se targue d’éventrer la Capitale mieux que ne le ferait une bonne guerre.



C’est dans ce gigantesque chantier à ciel ouvert que l’on appelle Paris qu’arrive Maxime Lavolée, fils de bonne famille, aristocrate bon teint et compositeur de musique qui cherche à se faire une place dans les cercles artistiques. Ses parents l’ont bien prévenu, Paris est la ville de tous les dangers, on y croise des Républicains à tous les coins de rue, de la racaille, des filles de joie, des juifs, il faut se méfier de tous. Conseils que Maxime n’écoute que d’une oreille un peu distraite, il n’est pas du genre à se faire embobiner, ni par les Rouges, ni par les Filles, ni par les Juifs. Et de son pas de jeune naïf vêtu de frais, son haut de forme bien enfoncé sur la tête, il s’en va s’installer dans le quartier du Temple, dans un pension de famille balzacienne rue du Vert-bois, entre les bordels, les voisins républicains et les commerçants juifs.



Fanny Herschel n’a pas grandi avec les mêmes chances que Maxime. Fille de vendeurs de brosses israélites, la vie qui l’attend n’est pas à la hauteur de ses aspirations. Influencée par une voisine un peu trop libérée, divorcée depuis vingt ans d’un mari qui la battait et la violait, cette gamine de 17 ans au caractère difficile, que ses parents destinent à épouser un veuf de 40 ans, marchand de draps, s’est fabriqué des ailes de pianiste. Rêve qui ne peut que se briser trop vite. Sa rencontre avec Maxime, quelques secondes au bord d’une fontaine, trois mot échangés, n’est que l’excuse dont elle a besoin pour essayer de sortir du rang. Devenir, à sa façon, un autre Rachel, la célèbre tragédienne dont la présence coure à travers le roman comme une fil rouge. La seule juive adorée des français de l’époque.



Entre eux, une histoire d’amour de jeune fille, rêvé plus que vécu, fait la trame de se roman qui se lit d’une traite en quelques heures. Deux jeunes qui ne pensent qu’à la liberté : liberté de vivre, de choisir ceux avec qui on veut vivre, ce que l’on veut faire de sa vie, de choisir ses propres opinions politiques, de faire ses propres erreurs. D’une fuite à travers Paris pour échapper à la répression policière suite à l’attentat d’Orsini contre Napoléon III, jusqu’à la guerre en Italie, d’un concert dans une église à l’enterrement de la grande Tragédienne dans le carré juif du Père Lachaise, leur histoire est faite de rencontres manquées et retrouvailles surfaites. Il n’en faut pas plus à Fanny pour vivre une histoire par procuration que Maxime lui-même n’a pas vu fleurir.



***



C’est peu de dire que je n’aime pas la littérature française actuelle. L’autofiction, l’absence de style, le snobisme, l’onanisme germanopratin de la production actuelle sont autant de raisons qui me font fuir les auteurs français d’après les années 60 (et même les années 60, ça dépend de qui on parle : tuez-moi plutôt que de me laisser essayer de relire un Duras) . Aussi quand je trouve un auteur français actuel, qui non seulement me plaise, mais qui, en plus, a abandonné toutes prétentions mirobolantes, tout narcissisme déplacé, laissez-moi vous dire que j’apprécie à un point presque démesuré. J’avais découvert Hélène Millerand avec Vieille France (ou Ils m’appelaient Vieille France, il me semble que le titre a été raccourci pour la version poche O_o. Comme je ne l’ai pas sous la main, je ne peux pas vérifier), un peu par hasard. J’avais vu le téléfilm qui en avait été tiré, qui m’avait moyennement plu, mais il y avait dans ce film, les germes, ou plutôt les restes d’un roman qui semblait prometteur. La surprise avait été d’autant plus grande que les romans d’Hélène Millerand sont courts et vite lus, et que je me méfie de ce genre de facilité (encore une fois, chat échaudé craint l’eau froide : les romans français courts, aïe aïe aïe) : mais la concision est en fait ce qui fait toute la valeur de ses livres.



Quartier du Temple, à l’image de Vieille France est un petit roman parfait. Rien à enlever, rien à rajouter. Millerand a une écriture fraîche et fluide et ne cherche pas à faire des effets de style, ce qui de toutes façons, ne conviendrait pas aux histoires qu’elle raconte. Ce sont ses personnages qui portent l’histoire, pas le contraire. Des personnages de femmes fortes, toujours ; d’emmerdeuses finies, souvent. Comme tout bon écrivain, elle sait que montrer vaut mieux qu’expliquer, qu’un personnage qui agit en deux phrases est plus réaliste qu’un personnage dont on explique sur deux pages pourquoi il agit, comment il pense, qui il est, quelle est la couleur de ses chaussettes, et pourquoi ça influe sur son action, etc. (quand on a compris cette règle d’écriture, on peut revenir en arrière, expliquer au lieu de montrer, faire du Balzac, car on aura enfin compris comment expliquer INTELLIGEMMENT. Je ne connais presque aucun écrivain, aujourd’hui, quelque soit sa nationalité, qui est réussi à intégrer cette qualité essentielle à l’art de l’écrivain. Millerand la maîtrise depuis son premier roman…). Pas de longues descriptions, pas de longues digressions, droit au but. En 170 pages, ses romans racontent plus de choses qu’un Beigbedder en 500 (ne me parlez pas de Beigbedder, c’est l’exemple le plus terrible qui m’est venu en tête, mais je me refuse à aborder ce sujet, parce que… non.. pitié… PITIÉ…).



Ce qui rend ces romans aussi bons est aussi une autre qualité, peut-être plus curieuse : l’absence de prétention de Millerand. Elle ne cherche pas à écrire un chef-d’oeuvre. Pourtant tous les bon écrivains cherchent à faire de l’art, de l’art qui reste, qui s’inscrive dans le marbre, et c’est bien normal d’ailleurs. Millerand écrit pour maintenant, pour son plaisir, pour le nôtre, et c’est cette absence de prétention qui fait que justement, à mon sens, ses romans peuvent prétendre à plus de succès, et plus de reconnaissance qu’ils n’en reçoivent. L’absence d’ambition n’est pas un signe de médiocrité, tout au contraire (existe-t-il encore des critiques en France qui ne pensent pas comme ça ?). Cette humilité, je la retrouve chez beaucoup d’auteur étrangers absolument excellents (elle est — presque toujours — de règle chez les auteurs japonais, et Dieu sait qu’ils sont brillants. Exception à la règle, pour la confirmer : Murakami Ryû, par exemple, ou Murakami Haruki, dans des romans comme « Kafka… ». Ce qui ne les empêchent pas d’être des auteurs exceptionnels quand même… Bon je m’égare), mais en France elle est beaucoup plus rare. La modestie est une qualité qui manque aux auteurs français d’aujourd’hui…



***



Quand je lis ce genre de livres, je ne peux pas m’empêcher de penser à Françoise Sagan : Sagan est un peu ma borne kilométrique, mon petit phare qui brille trop fort, pour juger du n’importe quoi en matière de succès littéraires. Je hais Françoise Sagan. Elle est, à mon avis, l’un des écrivains les plus surévalués, les plus vide de sens, les plus dénués d’intérêt et de littérature du vingtième siècle. On l’a portée aux nues pour avoir écrit un roman scandaleux à 17 ans, en oubliant que si il y a bien un âge où l’on court après le scandale, c’est à 17 ans, et qu’il n’y a donc pas grand chose d’extraordinaire là-dedans. « Bonjour Tristesse » est un roman ennuyeux, un somnifère au scandale vieillot. On a voulu en faire le pendant féminin de Radiguet, comme si l’on avait besoin de parité en littérature (l’art se fout des considérations politiques ; si on veut parler féminisme, j’ai Georges Sand, Georges Elliot, les Sœurs Brontë, et une tripoté de poétesses à la rescousse), c’est faire insulte à Radiguet (qui avait, lui, tellement de talent que l’on pourrait presque dire que ça l’a tué) de faire le rapprochement entre les deux.

Et pourtant, malgré son manque évident de tout ce qui fait un bon écrivain, Sagan est une star. On fait des films sur elle (sa vie de cinglée est bien plus marrante que ses romans), on la fait passer à la postérité sans se soucier de savoir si elle la mérite. Le n’importe quoi littéraire. Dans 70 ans (moins, si Karma est mon ami), Sagan ne sera plus qu’un souvenir. Mais son étoile trop brillante aura éclipsé des gens plus discrets, qui ne courent pas après la gloire, mais dont les romans, mériteraient peut-être de continuer à être lus dans 70 ans et après. Millerand écrit de très bons romans, pas des chefs-d’œuvre, mais on n’en demande pas autant, qui méritent largement de continuer à être appréciés par plusieurs générations, de passer les années, et peut-être le siècle. Mais le n’importe quoi littéraire va l’éclipser trop tôt…



La postérité est souvent longue à la détente.
Lien : http://watayaswonders.wordpr..
Commenter  J’apprécie          10
27, rue des Fontenelles

L'écrivaine raconte l'histoire de ses parents, et une intime histoire de temps qui passe dans une belle maison de banlieue parisienne.


Lien : https://www.lemonde.fr/livre..
Commenter  J’apprécie          00
Modern solitude

Carmen est une petite fille de six ans née au milieu des années soixante-dix. Elle vit avec son frère, Ramon et ses parents, Carlos et Jocelyne. Ils sont militants communistes et vivent dans un petit appartement, un peu les uns sur les autres. La mère est infirmière et le père comédien intermittent.

Lorsque son grand frère sympathise avec un « fils de bourgeois », Damien, Carmen découvre un autre monde où les gens ont chacun leur espace, font des choses intéressantes. Elle va ruminer tout ça et décider que désormais elle ne serait jamais pauvre.

On suit donc la petite Carmen dans son parcours vers la réussite, ses études et son voyage en Ecosse où un homme du cru est amoureux d’elle et ne souhaite que vivre à ses côtés. Mais Carmen qui s’est forgé une carapace de réussite, retournera en France suivre les cours de HEC et entrer dans une banque parisienne, ancienne et familiale. Enfin, on la découvre se mariant en pleine ascension sociale.

Le roman pose un problème intéressant aux générations d’après-guerre et aux suivantes. : comment concilier les deux milieux, prolétaire et bourgeois quand on est passé de l’un à l’autre ? Car cette « modern solitude » parle de lutte des classes d’un autre point de vue : il ne s‘agit pas – ou peut-être en est-ce une forme ? - de faire la révolution mais de prendre les valeurs et l’argent de l’autre camp. Pour la mère de Carmen, sa fille a trahi ses propres idéaux post-soixante-huitards en se réfugiant dans l’autre camp tandis que pour les bourgeois, Carmen ne sera jamais qu’une parvenue ambitieuse. Entre les deux son cœur balance. Carmen a choisi le renoncement et a fait l’erreur de confondre ambition et froideur, d’où cette position inconfortable.

Un court roman fort bien écrit, au style « efficace » qui aborde assez bien, quoique cela s’arrête un peu net, ce qu’il est convenu d’appeler « les classes sociales ». Comme aux XVIIIème et XIXème siècles, les bourgeois souhaitaient devenir nobles et été méprisés de l’aristocratie, la peur de Carmen du chômage et de la précarité devient un moteur, un ascenseur social.

Il serait à présent intéressant de décrire non pas la réussite par l’argent mais l’incompréhension que génèrent les gens de culture par rapport à d’autres, abêtis par la culture de masse et les médias à scandale. Ce conflit me semblerait plus profond et plus révélateur.

Commenter  J’apprécie          00
Vieille France

Emprunté BPT Bret. Cadre et contenu entrent en parfaite cohésion pour ce roman très vieille France dans le fond comme dans la forme. Impression de connaitre ces gens, leurs points de vue, leurs valeurs. Le perso central est presqu'irréprochable. Son vécu m'a manqué. Sa dignité m'a coupé les ailes. Dignité ou servilité ? On parle peu de psychologie ici. Les évènements. Les actes. Ça avance à bonne cadence. Sans aspérités. Je ne suis pas parvenue à me passionner ni à m'attacher à ce perso, donc à son histoire.
Commenter  J’apprécie          00
Vieille France

Que la belle surprise que voilà. Venant de terminer "les prétendants", je pensais continuer dans la catégorie "Chronique sociale que se passe-t-il donc chez les très riches"... Et finalement non, pas du tout. Je m'attendais à un livre léger et me voici avec un récit passionnant qui couvre plusieurs années, notamment la période de l'Occupation de la France pendant la Seconde Guerre Mondiale. J'ai vraiment beaucoup apprécié ce livre. Très bien écrit, il se lit bien, il décrit très bien cette période de l'Histoire de France. Un sans faute. :-)
Lien : https://joy369.unblog.fr/
Commenter  J’apprécie          00




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Hélène Millerand (92)Voir plus

Quiz Voir plus

L'ordinatueur est-il un tueur ?

Quel est le véritable prénom de Logicielle ?

Laura-Gisèle
Laure-Gisèle
Laure-Gisale
Laure-Gisèla

10 questions
147 lecteurs ont répondu
Thème : Les enquêtes de Logicielle, tome 2 : L'ordinatueur de Christian GrenierCréer un quiz sur cet auteur

{* *}