Citations de Henry Bordeaux (221)
—Cet enfant a pris des poires.
—C'était pour soulager l'arbre qui ne pouvait plus les porter.
Mes frères et sœurs et moi, nous composions le peuple. Dans tout royaume il faut un peuple. Il est vrai que,dans la plupart des maisons d'aujourd'hui, on cherche où le peuple a passé. Le roi et la reine, tristes comme des saules pleureurs, se regardent vieillir avec ennui. Ils n'ont rien à gouverner et ils n'emporteront pas leur couronne. Chez nous, le peuple était nombreux et bruyant. Si vous savez compter, vous n'ignorez déjà plus que nous étions sept, de Mélanie qui me devançait de sept ans jusqu'à Jacques le dernier qui me suivait à six ans de distance.
Ce que contient le regard paternel, l'enfant sait bien que c'est son image, et cette
certitude lui suffit.Il nous enseigna tout petits le respect de ce qu'il appelait déjà notre vocation. Nous en comprimes dès lors l'importance.
Il est dangereux d'apprendre trop tôt l'esthétique aux enfants.
Au delà de la maison il y avait la ville, en contre−bas comme il convient, et plus loin un grand lac et des montagnes, et plus loin encore, sans doute, le reste du monde. Ce n'étaient que des annexes.
On ne devine jamais la puissance des arbres; les quelques mètres qu'on leur accorde, ils les ont bientôt mis à l'ombre, et peu à peu ils se rapprochent comme des amis qui ont acquis le droit d'entrer.
Villa, hôtel, château, palais, comme tous ces termes majestueux, malgré leur prestige, sont incolores! A quoi bon emberlificoter la vérité? La maison, cela suffit. La maison, cela dit tout.
La peur de vivre c'est de ne mériter ni blâme ni louange. C'est le souci constant, unique, de sa tranquillité. C'est la fuite des responsabilités, des luttes, des risques, de l'effort. C'est d'éviter avec soin le danger, la fatigue, l'exaltation, la passion, l'enthousiasme, le sacrifice, toutes actions violentes et qui troublent et dérangent. C'est de refuser à la vie qui les réclame sa peine et son cœur, sa sueur et son sang. Enfin, c'est de prétendre vivre en limitant la vie, en rognant le destin.
-Préface-
(...) il faut aux amants des spectacles toujours neufs, tant ils redoutent les sensations émoussées, par la crainte instinctive d'une autre lassitude.
Nous rentrons dans la cellule. Quel refuge pour une âme lasse! Une triple enceinte lui garantit la paix qu'elle vient chercher, - pacem invenies, - le cirque des montagnes, la clôture du monastère, celle de la petite demeure séparée. Le chartreux a son travail manuel, ses livres, son oratoire, l'usage de ses mains, de son esprit, de son amour. Il a un coin de nature, il a la solitude où se posséder soi-même, il a Dieu.
Il y a seize ans, un cortège s'arrêtait devant cette porte, après avoir traversé comme moi la montagne, mais avec la civière où d'habitude on étend les morts. Un prêtre et une femme accompagnaient le convoi. Et le mourant qui avait pu supporter l'affreux voyage, ou, mieux, qui l'avait ordonné, se souleva pour saluer son dernier refuge.
Devant moi les montagnes se réveillaient, s'étiraient, se prélassaient dans une vapeur blonde qui se désagrégeait à mesure que la lumière du jour prenait plus d'éclat. Et cette lumière buvait les gouttes de rosée, infinie multitude de vers luisants posés sur les prés et sur les feuilles des buissons.