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Citations de Henry Bordeaux (221)


Grand-père se complaisait dans sa tour, où il s’arrangeait, pour sa toilette, de la fameuse robe de chambre verte et du bonnet grec en velours noir orné d'un gland de soie. Avec son télescope fixé sur un trépied, il suivait, le jour, les bateaux qui sillonnaient les eaux du lac, et le soir il rapprochait les étoiles, mais seulement celles qui évoluent du côté du sud, parce que, des fenêtres de sa chambre précédente, il n’apercevait que cette partie du ciel et la connaissait mieux. Bien plus souvent qu’autrefois, il descendait vers nous dans ce costume d’astrologue, un monarque déchu ne tenant plus à la majesté. Tante Dine obtenait à grand’peine qu’il s’accoutrât autrement pour se promener en ville ou dans la campagne.

Livre II.
Chapitre I. Les images
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Tout le jardin m’enveloppait d’odeurs et je respirais le jardin. La maison, de ses fenêtres ouvertes, me regardait par-dessus les herbes, et je pleurais la maison. La force de mon amour pour elle m’était inconnue comme mon cœur. C’était une chaude et calme après-midi d’été, pleine de bourdonnements d’insectes dans la lumière. Peu à peu, je me trouvai baigné dans une douceur molle, comme une mouche s’englue dans le miel. Et peu à peu, je devenais heureux malgré ma peine. J’ai connu aussi, plus tard, cette injurieuse consolation qui nous vient de la beauté des jours quand la mort a passé.

IV. Le traité
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(...) dans les vieilles maisons, il y a toujours des planches qui crient et trahissent la présence. Il leur arrive même de crier quand personne ne passe, comme si elles supportaient des pas invisibles, les pas de tous les morts qui les ont foulées.

IV. Le traité
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Seul, au milieu de ces conciliabules secrets, de ces angoisses visibles, mon grand-père gardait la plus parfaite indifférence. Évidemment l’événement qui se préparait ne le concernait pas. Il jouait du violon, il fumait sa pipe, il consultait son baromètre, il inspectait le ciel, il prédisait le temps, comme s’il ne pouvait y avoir de nouvelles plus importantes, et il allait se promener.

III. Les ennemis
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La Zize Million ou la Louise était une folle à qui l’on versait régulièrement chaque semaine un modeste subside de cinquante centimes qu’elle appelait sa rente. Sa folie ne diminuait pas ses exigences : une nouvelle servante, mal informée, lui ayant fait grief en ne lui octroyant que deux sous, reçut dans la figure cette monnaie insuffisante. La tête lui avait tourné en attendant un gros lot. Elle ne parlait que de millions et le nom lui en était resté.

III. Les ennemis
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Je comprenais à mille nuances que sur le terrain religieux il n'y avait pas, chez moi, une entente absolue et que d'ordinaire on évitait ce sujet de discussion.

II. La dynastie
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Car, dans les bonnes maisons on n'omet pas le signe de la croix sur la farine blanche qui va se changer en pain. À table, mon père, avant d'entamer la miche, ne manquait point de tracer une croix avec deux entailles du couteau. Quand c'était grand-père qui remplissait l'office de panetier, j'avais bien remarqué qu'il n'en faisait rien.
Ce fut l'un de mes premiers étonnements. Dès le début de la vie, je compris l'importance des dissentiments religieux.

II. La dynastie
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Car, dans les bonnes maisons on n'omet pas le signe de la croix sur la farine blanche qui va se changer en pain. À table, mon père, avant d'entamer la miche, ne manquait point de tracer une croix avec deux entailles du couteau.

II. La dynastie
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Je l'entends avant de la voir, mais quand elle surgit au détour du chemin qui vient à moi du passé, elle porte dans ses bras toutes les fleurs du printemps.

II. La dynastie
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Tante Dine possédait une autre faculté merveilleuse : celle de créer des mots. Je vous ai cité Carabosser, mais elle en inventait par centaines, et si bien adaptés aux objets qu'on les comprenait aussitôt.

II. La dynastie
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Nos études ne l’intéressaient pas. Mais elle avait cette culture de l’âme qui communique à l’esprit sa fleur de délicatesse. On en savait toujours assez si l’on était honnête et bon catholique. Et même elle estimait qu’on remplissait de trop bonne heure notre cervelle, et d’un tas de sciences inutiles. L’histoire des païens ne lui disait rien qui vaille, et pour l’arithmétique, elle n’avait jamais su compter. En revanche, notre santé, notre propreté, notre gaieté, étaient son affaire. Elle chantait pour nous endormir, elle chantait pour nous distraire, elle chantait pour nous faire marcher. Ses chansons tintinnabulent dans mes souvenirs. Il y avait une berceuse où nous devenions tour à tour général, cardinal, empereur, et dont le refrain était destiné à nous inspirer de la patience par un avenir si reluisant :

En attendant, sur mes genoux, Beau chérubin, endormez-vous.

II. La dynastie
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Pour notre éducation et notre instruction, pour la direction morale, tante Dine se mettait, malgré la différence d’âge, à la dévotion de ma mère, pour qui elle professait un attachement, une admiration sans bornes. Jusque dans la vieillesse, elle n’accepta que des fonctions subalternes. Quand elle avait déclaré : « Valentine veut ceci, Valentine a dit cela » (Valentine, c’était ma mère), il n’y avait pas à discuter. Elle obéissait à la lettre sans même chercher à pénétrer l’esprit. Aucune de ses pensées ne lui restait pour elle-même elle les distribuait aux autres sans exception. À la gronderie elle n’entendait rien et baissait la tête quand nous recevions une réprimande, en manière de protestation contre la dureté du pouvoir. Non seulement elle ne nous dénonçait pas, mais elle trouvait à nos pires fautes des excuses inattendues, et si merveilleuses qu’elles désarmaient quelquefois, rien que par l’étonnement qu’elles provoquaient.

II. La dynastie
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Cette puissance, je le sais maintenant, c’était Dieu qui habitait en elle, soit qu’elle fût allée Le chercher à la première messe avant que personne fût réveillé, soit qu’elle Lui offrît ses travaux quotidiens dans la maison…

II. La dynastie
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Avez-vous remarqué, aux beaux jours d’été, la buée bleue qui flotte sur les pentes ? Elle permet de mieux fixer les claires beautés de la terre. Si je pouvais poser ce voile transparent sur le visage maternel, il me semble que j’oserais mieux dire sa suavité et la limpidité des yeux qui ne pouvaient croire au mal. Quelle force inconnue recélait donc cette douceur ? Mon grand-père, qui se gardait de toute influence rien que par son petit rire si vexant, et qui même devant son fils ne perdait pas ce moyen de défense, l’abandonnait habituellement devant ma mère. Et mon père, dont l’autorité semblait inébranlable et infaillible, se tournait vers elle comme s’il lui reconnaissait une puissance mystérieuse.

II. La dynastie
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Je devrais maintenant parler de la reine. N’est-ce pas son tour ?… En vérité je ne le puis et il ne faut pas me le demander. L’ombre que je cherche en rentrant, derrière la fenêtre, et dont notre absence suffisait provoquer l’inquiétude… oui, je consens encore à l’évoquer ainsi. C’est bien elle, mais lointaine et cachée. Si je veux m’approcher, je ne trouve plus mes mots.

II. La dynastie
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Il nous enseigna tout petits le respect de ce qu’il appelait déjà notre vocation. Nous en comprîmes dès lors l’importance. Ma sœur Mélanie qui était l’aînée de tous, mes frères Bernard et Etienne avaient de très bonne heure annoncé leur choix qui était l’armée pour Bernard, et les missions pour les deux autres. Il ne songeait pas à les contrarier, bien qu’il dût renoncer peut-être à d’autres vues qu’il avait sur eux. La rieuse Louise se marierait ; ce n’était pas pressé. Quant à Nicole et à Jacques, ils étaient tout de même trop minuscules pour qu’on s’occupât de leur avenir.

II. La dynastie
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Ne croyez pas qu’il fût sévère avec nous. Il ne tirait sur la bride que si nous prenions une fausse direction. Seulement, je n’ai jamais rencontré chez personne une telle aptitude à commander. Malgré sa profession absorbante, il trouvait le loisir de s’occuper de nos études et de nos jeux, et même il les élargissait par les récits d’épopée qu’il nous faisait avec un art accompli. Ma mémoire les a dès lors retenus pour toujours. On voyait bien qu’il honorait les portraits de famille. Il nous transmettait oralement le passé des ancêtres, (...).
Je sais maintenant qu’il cherchait sur nous les signes de notre avenir. Son amour de la durée ne se contentait pas de l'ancienneté de sa race, il voulait suivre celle-ci jusque dans l’obscur travail du temps et consolider son destin. Notre bonheur même lui était moins cher que la soumission de notre volonté à la tâche commune. Ce que contient le regard paternel, l’enfant sait bien que c’est son image, et cette certitude lui suffit.

II. La dynastie
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J’ai parlé du pas de mon père. Il y avait aussi sa voix. Elle sonnait, secouait, ragaillardissait. Il ne l’élevait jamais et il savait que c’était inutile. Elle ouvrait les portes, pénétrait jusqu’aux chambres les plus retirées, et en même temps versait aux cœurs une force nouvelle comme en donne un bon verre de vin rouge, à ce que prétendent les gens qui s’y connaissent.

II. La dynastie
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Il y avait aussi une boîte à musique que mon père m'avait apportée de Milan où il avait été appelé en consultation. Quand la vis se déclenchait, il en sortait de frêles notes fêlées, voilées, un peu tremblantes, et une petite danseuse tournait sur le couvercle. Elle posait gravement et en cadence ses pieds pointus, comme si elle accomplissait un rite sacré. Cela composait un spectacle doux et triste. Combien je fus désenchanté, plus tard, quand je constatai la frivolité des danseuses au bal où je cherchais cette tendre douceur et cette chère tristesse !

II. La dynastie
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(...) c'était le souvenir l'empire mystérieux des sons et des rêves, dans la forêt dont les allées se perdent.

II. La dynastie
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