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Citations de Henry Gréville (57)


Ô puissance du flirt ! Ô joies de la coquetterie ! Ô volupté de tenir un imbécile au bout d’un fil, comme un hanneton, et de le promener dans l’azur !
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– Ceux qui savent s’imposer des privations, répondit-elle lentement, sont meilleurs que ceux qui vivent uniquement d’une vie matérielle.
– Meilleurs, mademoiselle Camille, ou seulement supérieurs ?
Paul avait fait cette question d’un ton négligent, comme s’il n’y attachait point d’importance ; la jeune fille s’y laissa prendre.
– Supérieurs, certainement ; meilleurs, pourquoi non ?
– Et la modestie, Camille, qu’en faisons-nous ? s’écria Claire en riant ; je t’ai dit que tu étais une orgueilleuse !
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Le père et la petite fille firent alors une de ces parties délicieuses que seuls peuvent comprendre ceux qui ont aimé leurs enfants. A quatre pattes sur le tapis, ils jouèrent et coururent l'un après l'autre, jusqu'à ce que Brice se souvint qu'il était venu accomplir un devoir désagréable auprès de sa belle-mère.
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Dans la rue, à la promenade, elle [la comtesse Koumiassine] regardait les jolis plis que faisaient, sur les bras des nourrices, les pelisses de cachemire blanc richement brodé, et elle enviait le bébé, ce complément de la vie pour une femme mariée. Dans le décès précoce de son cousin, elle vit le doigt de Dieu qui lui envoyait l’enfant désiré, sans danger ni peine pour elle-même. Le consentement de madame Gorof ne fut qu’une affaire de simple formalité, et, huit jours après la mort de son père, Vassilissa entrait dans la maison comme fille adoptive de la comtesse.
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Pendant que Jaffé se glissait derrière lui, Richard Brice rassembla les rênes de ses trotteurs. Le train qu’il venait de quitter s’ébranla et s’en alla à toute vitesse en lançant à coups rapides de petites bouffées de vapeur, dans la direction opposée à celle que prenait le phaéton. Les volutes élégantes s’accrochaient aux basses branches des peupliers ; on eût dit que, dans la tiède pesanteur de cette journée, il leur était impossible de s’élever plus haut ; et elles y restaient longtemps, comme embarrassées de disparaître sans attirer l’attention.
Les trotteurs avaient pris une belle allure sur la route sinueuse, une vraie route de France, élastique et ferme, avec juste assez de pentes pour donner de la variété au paysage ; un paysage tout vert, extrêmement vert, tel qu’on n’en peut voir qu’après de longues pluies d’été.
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La portière se ferma sans bruit, et le coupé roula vers Paris.
Le ciel, bleu au zénith, s’adoucissait jusqu’aux teintes les plus effacées du gris mourant à peine nuancé de rose, derrière le mont Valérien dont la silhouette ferme si bien le joli décor du bois de Boulogne. Le lac glacé, brillant comme un miroir, rayé par les fers des patins, reposait entre les rives couvertes d’une neige épaisse et veloutée pareille à une moelleuse fourrure. Aucune lumière artificielle ne mêlait encore de note discordante à cette harmonie délicieuse de lignes et de couleurs. Sur les sentiers, dans les allées, patineuses et promeneurs formaient des groupes animés autour du cordon d’équipages dont les chevaux, sous leurs couvertures chiffrées, faisaient sonner leurs gourmettes contre les chaînes de métal.
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La main de Sylvain Marsac n’était pas tout à fait aussi assurée que de coutume, lorsqu’il poussa la porte vitrée du vestibule qui conduisait au grand escalier. Sous son tapis sombre, aux couleurs fondues, l’escalier lui-même était-il plus rude à monter que les autres jours ? Le timbre de la porte aux vantaux sculptés lui brûlait-il les doigts, qu’il se reprit à deux fois avant de le faire résonner ?
Une telle hésitation était rare chez Sylvain, et lui-même semblait s’en trouver décontenancé. Cet homme de quarante ans, – peut-être un peu plus, – bronzé par tous les soleils, aguerri à toutes les difficultés d’une vie périlleuse, n’était pas familier avec le doute et la timidité ; ceux-ci étaient des ennemis que le voyageur n’avait guère rencontrés.
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– C’est ainsi, messieurs, par la concentration de nos efforts, que nous concourrons tous au bonheur et à la prospérité de notre glorieuse France !
Un joli bruit d’applaudissements de bonne compagnie, qui ressemblait au son d’une pluie d’orage sur les feuilles, se fit entendre de toutes parts, accompagné de bravos discrets ; plus lentes à comprendre, les grosses mains des horticulteurs du cru battirent à leur tour, au moment où les mains gantées cessaient de manifester leur approbation ; les gens comme il faut, ne voulant pas se montrer moins chaleureux, reprirent de plus belle, et le tout se termina par un tutti bien nourri. L’orateur faillit s’incliner, comme on doit le faire au théâtre ; mais le sentiment de la situation le sauva de ce léger ridicule, et prenant d’une main assurée la liste des récompenses, il la lut de sa voix riche et sonore.
– Mes compliments, ma chère, votre mari parle fort bien, aussi bien qu’il cause. Il a en lui l’étoffe d’un orateur, je vous affirme ! C’est une improvisation ?
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– Tu tiens donc beaucoup à me laisser partir seul ? demanda le père en regardant sa femme d’un air mécontent.
La petite fille qu’il tenait appuyée contre son genou leva les yeux vers lui et lui sourit avec confiance ; il posa les mains sur les cheveux châtains, frisottants et soyeux, et reporta son regard sur la jeune femme triste qui empilait ses effets dans une petite malle, avec des gestes lents et lassés.
– Marie, réponds donc, tu tiens absolument à rester à Paris et à ne me rejoindre que demain ? Tu veux faire seule, avec la petite, le voyage du Havre ?
La jeune femme se releva péniblement sur un genou et tourna vers son mari un regard terne et découragé.
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... Le docteur, penché sur la poitrine haletante de ma pauvre femme, l’ausculta avec attention, puis la reposa tout doucement sur son oreiller.
– Encore un peu de patience, chère madame, lui dit-il avec bonté : cela va déjà un peu mieux, et bientôt...
Ma femme leva sur lui ses yeux brillants de fièvre. Le docteur se tut, et pressa la main blanche, presque transparente qui reposait sur le drap.
– Nous allons toujours vous ôter cette fièvre-là, reprit-il en griffonnant une ordonnance ; et demain, nous verrons. Je passerai dans la soirée. Au revoir ; bon courage.
Ma femme répondit d’une voix claire et distincte :
– Adieu, cher docteur, merci.
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Anton Pétrovitch Malissof avait quarante ans, mais il n’en paraissait guère plus de trente-cinq. Ce n’est pas qu’il eût la tournure jeune, cependant : son visage sérieux et correct, ses tempes un peu dégarnies, sa façon sévère de porter le costume civil n’étaient pas d’un jeune homme ; bien qu’il eût demandé un congé illimité au grand regret de son ambassadeur, dont il faisait toute la besogne, ce n’était pas non plus une fantaisie de jeune homme qui lui avait fait quitter le beau climat du Midi pour son domaine de Russie. Il était fatigué et sentait un besoin irrésistible de se reposer.
Se reposer de quoi ? N’est-il pas convenu que les secrétaires d’ambassade n’ont jamais eu rien à faire ? Cependant la fatigue de Malissof était réelle, si réelle, qu’un savant docteur étranger lui avait conseillé l’air natal.
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Antonine Karzof venait d’avoir dix-neuf ans ; les violons du bal donné à l’occasion de cet anniversaire résonnaient encore aux oreilles des parents et amis ; la toilette blanche, ornée des traditionnels boutons de rose, n’avait pas eu le temps de se faner, et cependant mademoiselle Karzof était en proie au plus cruel souci. Les rayons d’un pâle soleil de printemps éclairaient de leur mieux le salon vaste et un peu sombre où l’on avait tant dansé huit jours auparavant ; le piano ouvert portait une partition à quatre mains qui témoignait d’une récente visite, – mais Antonine ne pensait ni au soleil, ni à la musique ; elle attendait quelqu’un, et ce quelqu’un ne venait pas.
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– ... C’était le bon temps ! soupira le vieux fraudeur en vidant son verre de cidre, qu’il reposa bruyamment sur la table. En avons-nous fait des tours !
– On dirait que vous êtes contrarié de ne plus pouvoir en faire ? demanda le sous-brigadier des douanes, en riant sous cape.
Il savait bien qu’une fois sur le chapitre de ses anciennes fredaines, Beslin en avait pour longtemps, et dès lors il pouvait espérer une invitation à souper pour entendre la suite des longues histoires de fraude. À vrai dire, ce n’était pas l’invitation à souper que recherchait le douanier, c’était l’apparition toujours rare et bienvenue de mademoiselle Bonne-Marie Beslin ; celle-ci ne se montrait qu’aux heures des repas.
– Oui, certes, je le regrette ! dit avec colère le pécheur endurci, en tapant la table du poing. C’était une vie, cela !
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Serge Manourof était grand chasseur, par goût d’abord, par habitude ensuite : quand on passe toute l’année en province et qu’on peut chasser sur ses propres terres, sans permis ni garde champêtre, on aurait bien tort de négliger le seul ou à peu près le seul plaisir vraiment digne d’un homme que puisse offrir la solitude.
Serge aimait aussi les chevaux. Depuis un temps immémorial, les Manourof avaient fondé un haras superbe, où les propriétaires des environs se fournissaient d’étalons et de poulinières. Les produits de ce haras n’étaient pas très nombreux, mais ils étaient tous remarquables par leur perfection. Serge passait une vie heureuse entre son haras et son fusil.
Mais pour chasser, un fusil ne suffit pas, il faut des chiens, et Serge avait une meute, – non pas une meute bruyante, pour la montre, mais une collection de chiens bien choisis, bien appareillés, capables de chasser, ensemble ou isolément, suivant leurs aptitudes diverses, le renard, l’ours, le lièvre ou le gibier à plume. Le chenil était bien tenu, les portées soigneusement comptées, et jamais aucun chien n’était vendu.
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La première classe était plongée dans les douceurs de l’étude, comme d’ailleurs l’institut tout entier. Le lourd soleil d’août brillait sur les toits de tôle verte et se reflétait dans les vitres des immenses fenêtres à demi fermées ; un souffle d’orage grondant au loin arrivait par bouffées, et la voix somnolente du professeur détaillait les causes de la décadence de la maison d’Autriche aux élèves à moitié endormies. Les trois premières de la classe, les plus intelligentes, spécialement favorisées du maître, griffonnaient assidûment les brouillons qui devaient leur valoir des notes brillantes aux examens de fin d’année, – ceux qui précéderaient leur sortie de l’institut, et, par conséquent, leur retour dans la famille. La dame de classe, vieille fille pédante et guindée, continuait au crochet un interminable couvre-pieds dont personne dans l’établissement n’avait vu le commencement, et, de temps à autre, son œil vigilant et soupçonneux parcourait les rangs de son troupeau juvénile.
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Hauts de plafond, somptueusement meublés, peuplés de tableaux illustres chèrement disputés dans les ventes les plus célèbres de l’hôtel Drouot, les salons de Maxand Louvelot se désemplissaient sans trop de hâte. L’intermède musical venait de se terminer, les artistes s’étaient retirés, et les hommes s’esquivaient discrètement. Dans le premier salon, on entendait déjà, chaque fois que la porte s’ouvrait pour laisser sortir quelqu’un, les explications à haute voix de ceux qui réclamaient leur paletot, affranchis des bienséances sévères pour avoir fait un salut et tourné les talons.
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Stépane Makarief était un paysan du gouvernement de Koursk. Il n’avait ni frères, ni sœurs, ni mère. Son père, vieux laboureur endurci à la peine, l’avait élevé rudement, dans le respect absolu de ses volontés autocratiques : la main du vieillard pesait aussi lourde sur l’épaule de son fils que le bâton du servage sur ses propres épaules.
Autour de la maison, le père possédait un grand carré de terre, planté de cerisiers et de menu fruit ; de ses mains velues, il y cultivait quelques légumes et des pommes de terre, abandonnant le travail des champs aux bras plus robustes du jeune homme.
La maison de rondins, solidement calfeutrée de mousse et d’étoupes, reposait sur un soubassement de gros cailloux entassés, de manière à éviter l’humidité des dégels. Un escalier extérieur conduisait dans une sorte d’antichambre obscure, qui servait aussi de garde-manger ; puis on entrait dans une pièce éclairée par trois petites fenêtres à guillotine, munies d’épais carreaux verdâtres.
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La place de Champcey dormait au soleil dans l’engourdissement de la grosse chaleur. Les maisons closes, les fenêtres fermées, que les rideaux blancs soigneusement croisés rendaient impénétrables au regard, les portes des granges ajustées et cadenassées, et même les charrettes dételées, dont les brancards se levaient au ciel comme les bras d’un dormeur mal éveillé qui s’étire longuement, – tout exhalait une impression de sieste et de béate paresse.
Champcey était en tout temps un village paisible ; aussi loin que remontaient les souvenirs des plus vieux habitants, rien d’extraordinaire n’y était jamais arrivé. La mer avait beau venir hurler au pied des roches curieusement déchiquetées, les Champçois n’avaient point de barques, n’ayant point de port ; en coupant au flanc de la falaise la haute fougère qui leur sert de combustible, ils se contentaient de hocher la tête au passage des voiles téméraires qui se hasardaient au large par le gros temps.
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La maison seigneuriale de Daniel Loukitch Bagrianof, construite en bois sur un haut soubassement en brique, trônait au milieu d’une cour bordée à droite par une rangée d’écuries et de remises, à gauche par les communs et la boulangerie. Une pelouse ovale, devant le perron, séparait en deux bras, comme une île dans le fleuve, la large route plantée d’arbres qui venait en ligne droite de la station de poste la plus voisine, distante environ de dix-huit verstes. Ce chemin, fait exprès pour les seigneurs, était bordé par de gigantesques bouleaux jusqu’à la porte d’entrée, porte peu somptueuse, à la vérité. Pas d’enceinte de ce côté ; un simple fossé suffisait pour défendre la demeure seigneuriale contre les loups ; – pour les hommes, il n’en était pas même question.
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– Le carrosse est en bas, mademoiselle, vint dire une sœur converse en essuyant ses yeux rouges avec l’extrémité de son bavolet, Notre Mère vous fait prier de descendre.
Gabrielle ramassa les plis de brocard qui formaient la traîne somptueuse de sa robe de noce ; ses amies de couvent se pressèrent autour d’elle ; les baisers les plus tendres, les mille promesses qu’on fait si facilement à quinze ans furent échangés et scellés avec de grosses larmes ; puis Gabrielle, précédée par la sœur converse, se mit à descendre l’escalier de pierre, usé depuis des siècles par tant de pas lourds ou légers. Elle jeta en passant un regard sur les salles d’étude, désertes ce jour-là en son honneur ; ses yeux s’arrêtèrent un instant sur le jardin où depuis quinze jours elle avait égrené plus de rêveries que de chapelets...
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