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Citations de Ilarie Voronca (42)


Ne pouvant jamais être au courant des dispositions les plus récentes, il lui arrivait d'être dehors lorsqu'il fallait être chez soi ou chez soi lorsque toute la population devait obligatoirement se trouver dans la rue.
(p. 113)
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Vreau să vă povetesc o întîmplare, zise ciobanul. Atunci ne-am adunat în jurul lui și l-am ascultat.
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Ilarie Voronca
Beauté de ce monde

Rien n’obscurcira la beauté de ce monde
Les pleurs peuvent inonder toute la vision. La souffrance
Peut enfoncer ses griffes dans ma gorge. Le regret,
L’amertume, peuvent élever leurs murailles de cendre,
La lâcheté, la haine, peuvent étendre leur nuit,
Rien n’obscurcira la beauté de ce monde.

Nulle défaite ne m’a été épargnée. J’ai connu
Le goût amer de la séparation. Et l’oubli de l’ami
Et les veilles auprès du mourant. Et le retour
Vide, du cimetière. Et le terrible regard de l’épouse
Abandonnée. Et l’âme enténébrée de l’étranger,
Mais rien n’obscurcira la beauté de ce monde.

Ah ! On voulait me mettre à l’épreuve, détourner
Mes yeux d’ici-bas. On se demandait : « Résistera-t-il ? »
Ce qui m’était cher m’était arraché. Et des voiles
Sombres, recouvraient les jardins à mon approche
La femme aimée tournait de loin sa face aveugle
Mais rien n’obscurcira la beauté de ce monde.

Je savais qu’en dessous il y avait des contours tendres,
La charrue dans le champ comme un soleil levant,
Félicité, rivière glacée, qui au printemps
S’éveille et les voix chantent dans le marbre
En haut des promontoires flotte le pavillon du vent
Rien n’obscurcira la beauté de ce monde.

Allons ! Il faut tenir bon. Car on veut nous tromper,
Si l’on se donne au désarroi on est perdu.
Chaque tristesse est là pour couvrir un miracle.

Un rideau que l’on baisse sur le jour éclatant,
Rappelle-toi les douces rencontres, les serments,
Car rien n’obscurcira la beauté de ce monde.

Il faudra jeter bas le masque de la douleur,
Et annoncer le temps de l’homme, la bonté,
Et les contrées du rire et la quiétude
Joyeux nous marcherons vers la dernière épreuve
Le front dans la clarté, libation de l’espoir,
Rien n’obscurcira la beauté de ce monde.

***
Beauté de ce monde (Le Sagittaire, 1940)
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Ilarie Voronca
C’est quelque chose de lumineux…

C’est quelque chose de lumineux, de doux, que je veux vous annoncer,
A vous tous, hommes d’aujourd’hui et de demain.
C’est pour cela qu’une fois encore j’ai pris les instruments du poète
Car c’est au poète de dire la justice de l’avenir.

Il vient un temps nouveau. Voilà ce dont
Quelques-uns seulement ont eu vent. On eût dit une voile
Qui apparaissait loin au-dessus de l’océan. Un navire
Chargé de tout ce qui manquait aux hommes : du pain et une grande bonté, un grand amour.

Cette joie de cœur de battre non pas pour lui
Mais pour le corps et l’esprit tout entier. Cette joie
Du poète d’écrire non pas pour lui mais pour une foule généreuse,
Cette joie de l’homme de retrouver ses semblables,

Voilà donc ce que je veux vous annoncer :
Le ciel, le printemps, les vacances dont on parlait dans les anciens
Poèmes, seront pour tous dorénavant. Et la beauté,
L’espérance, rendues aux hommes comme la vue aux aveugles.

***
La Poésie commune (G.L.M, 1936)
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Ilarie Voronca
Fragments



Nulle trace, dans l’air, d’un vol d’une voix ?

Et l’écho n’est-il pas le pollen qui reste dans l’ouïe

Quand de ses doigts l’on touche le minuscule clavier des

papillons, des voix ?

*

Que reste-t-il des visages mirés dans les rivières

Et qui s’en vont avec nos sourires nos larmes vers les mers ?



*

Un azur, une prunelle filtrés par les fenêtres

Des éclats de visages

Un cri n’est-il que le cocon d’où sortira le ver à soie des

orchestres futurs ?



*

Une cloche tel un aigle planait dans ma mémoire.



*

Quelqu’un a changé mon visage, mes mains

Un sourire traîné dans les claires eaux nocturnes.

Une couleur, un oiseau qui s’allume

Arbres déracinés comme des grands pains.



Un œil – une parole

Une bouche – une lampe

Tout à l’heure ce fut une corolle

Est-ce un fruit maintenant ? un goût de cendre



Dessiner ma place dans l’air,

J’étais là je n’y suis plus

Ces miroirs froids de la mer

Ces écumes brisées sous la vie d’une statue.



*

Il ne me faut plus qu’un nom

Un nom comme un voile sur les yeux,

Une terre fidèle une armoire

Avec du linge, avec mon enfance

Les charriots pleins de foin du crépuscule

Une flûte coupant l’horizon comme un navire

Mes sœurs, mes racines de cristal



*

L’océan comme un coquillage immense

Faisait entendre très loin son chant

La vie non vécue à laquelle l’on pense

Une lumière très douce descend dans mon sang



Les paroles qui dorment en nous comme les éponges au fond

des mers

Les poètes les cueillent et puis on peut les acheter chez les

herboristes

Chaque saison se défait de la peau d’un serpent

Chaque vers

Sera l’herbe magique qui te rendra invisible si vraiment tu existes

Quand un chant passe parmi les arbres

Des lambeaux de ce chant restent sur les branches comme les

plumes des oiseaux



Un instant seulement entre les murs d’une ville

Pour acheter des fruits imbibés de soleil

Il y a des rues très tranquilles où l’ombre traîne sur les pavés

Comme une lettre que nul ne lira



Tout au fond les kiosques remplis des paroles du poète

Plus près de moi il y a un aquarium

Les regards qui y sont restés se sont changés en poissons minces



Il y a des regards à moi

Il y a en toi aussi



*

De tous mes sens le plus puissant est l’odorat. Je le préfère d’ailleurs

à tous les autres. Par la vue, par l’ouïe, par le toucher (et d’ailleurs les

deux premiers ne sont qu’un développement, un prolongement du dernier)

on prend connaissance superficiellement d’un aspect extérieur. Par ces sens

on va vers le monde, on cherche ses contours, on s’arrête à sa surface. Par

l’odorat au contraire, le monde vient à nous, nous pénètre, entre en vous.

Une odeur rôde autour de moi comme un oiseau. Elle me frôle, elle essaie

mes cadenas, elle m’ouvre enfin. Et me voici envahi par les souvenirs par

la vie. Je suis un jardin où les vents et les saisons passent. Parfois, en sortant

à la bouche du métropolitain je retrouve une odeur qui vient de très loin, de

l’enfance. Et l’odeur est comme une main qui serre votre main : on sait tout

de suite si c’est un ami ou un traître.



In, « Poètes maudits d’aujourd’hui, 1946 – 1970 »

Editions Seghers, 1972
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Lavandières

J'ai demandé aux filles riantes au lavoir
Il y a longtemps que vous blanchissez les nuages ?
Nous n'avons jamais fait autre chose, dirent-elles mais le soir
Dispersa comme fils de vierge leurs visages

Je me croyais encore dans un faubourg près d'une gare
Un homme était penché sur le pied d'un cheval
J'allais l'interroger mais il leva son regard
Vers moi et ce fut comme le feu d'une étoile.

Il y avait aussi l’arôme paisible d'une boulangerie
Où la face de l'homme s'unissait au pain
Je voulais demander: Est-ce le chemin de la vie ?
Mais ce fut comme un vol de colombes soudain.

Comment savoir si j'approchais du doux royaume
Tout est aussi fragile sur l'un et l'autre bord
Ce peu de pluie encore dans le creux de ma paume
Pour humecter mes lèvres de vivant dans la mort.

Et j'entendais toujours les pleurs d'une naissance
Était-ce un enfant d'homme ou était-ce un agneau ?
Puisque tout m'échappait et que seul le silence
Éponge, s'imbibait de cris au fond de l'eau.

Ce n'était qu'une vitre embuée par l'haleine
Laveuse de nuage étoile du regard
Marée haute où le sel de l'âme luit
Clarté assez forte pour franchir ces brouillards.
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Ilarie Voronca
L’enfant dépossédé erre nu et seul dans la rue.
Ce n’est plus un enfant maintenant. Il ne se rappelle plus
ce qu’il est venu faire dans ce quartier de la ville qui lui semble
soudain inconnu sous la lumière rouge de la lune.
Perdu entre des millions d’hommes
Leur ressemblant de plus en plus jusqu’à ne plus me reconnaître
Pouvant aussi bien vivre leur destinée qu’eux pourraient vivre la mienne
Avec la faim, le froid inscrits sur le visage
Et quelquefois l’extase hébétée d’un désir satisfait
Ce n’est pas moi qui ai su faire un outil de mon corps
Pour dresser dans la mémoire du monde ma statue
Une montagne, une mer ont suffi pour remplir mes poches
Dans les villes mon ombre a fui craintive dans les égouts
Et quand les promeneurs disaient avec respect :
Cette bâtisse est à un tel et ce carrosse
Est à un tel et ce jardin et cette vallée sont à un tel
Ce n’est pas mon nom que prononçaient leurs lèvres.
Mais moi qui n’ai jamais rien eu
Comment pourrait-on se souvenir de moi ?
Car pour s’en souvenir il faut palper, voir ou entendre
Et que pourrait-on voir, entendre ou palper
Sur quelqu’un qui n’a que son regard
Comme une feuille de nénuphar sur l’eau de son âme paisible.
Il y en a certes qui font des actions méritoires
Des capitaines qui conduisent des hommes au combat
Et si un seul parmi ceux-ci échappe à la mort
Il porte témoignage pour la vaillance du chef
Il y en a qui demandent des sacrifices aux foules
“Que chacun, disent-ils, fasse son devoir
Et qu’il se contente d’un salaire minime”
Ceux-là on les nomme bâtisseurs d’avenir.
Leur pouvoir est grandi non seulement des bêtes, des machines et des pierres
Mais des hommes aussi qui font partie de leur avoir.
Pour avoir une identité, il ne suffit pas
De posséder deux bras, deux jambes, deux yeux, un nez, une bouche
Il faut que quelque chose qui est en dehors de vous, vous appartienne
Une terre, une maison, une forêt, une usine
Ne serait-ce qu’une petite échoppe de cordonnier
Une écurie de courses, ce serait parfait mais il ne faut pas viser trop haut
Un troupeau de brebis ou même quelques volailles
Feraient très bien l’affaire
Car l’homme avec ses angoisses et ses soifs d’infini est si peu de choses
Que pour qu’il puisse susciter l’estime
Il doit s’adjoindre quelque bête ou quelque pierre inerte
S’entourer de l’autorité d’une grange ou d’une carrière de sable
Alors ceux qui le croisent voient autour de lui
Les murs de sa demeure, le souffle de ses buffles
Alors sa figure s’augmente de tout ce qu’il possède
Et les hommes s’en souviennent
Mais moi pour la gloire de qui
Ni bêtes, ni gens n’ont travaillé
Je suis passé sans laisser de traces
Nulle empreinte ne ressemble à celle de mon pas
Mes initiales ne sont gravées ni sur l’écorce des arbres
Ni sur les croupes du bétail.
Ah ! j’ai peut-être été entraîné dans ce passage terrestre
Comme un qui se trouve involontairement mêlé
À quelque histoire honteuse
Il valait mieux que je fusse méconnu
Que personne ne puisse dire :
“Il était comme cela !”
Non rien de particulier dans le visage
Je n’ai été ni champion de force ni chanteur, ni meneur d’hommes
Quelle chance d’être passé inaperçu
Et quand les juges chercheront les noms
Ils ne trouveront le mien ni dans les cadastres des mairies
Ni parmi les titulaires de chèques, ni parmi les porteurs de titres
Non, pas même sur une croix ou sur un morceau de pierre
Quelque part se mêlant aux blancheurs d’un ciel bas
Mes os seront pareils aux herbes arrachées.
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Préexistaient-elles ces courbures parfaites
Et ces harmonies des lignes et ces formes
Plus lisses et plus nobles que la surface
D'un lac enfermé au haut des montagnes ?
Préexistaient-elles, planaient-elles dans l'air
Musicales et fluides et ne faisaient-elles que chercher
L'endroit où se poser ?

Car cette beauté
Était esprit. Et tu lui étais destinée.
Qui a dit ton nom ? Qui t'a appelée ? Et c'est vers toi
Que les perfections accoururent ! Ô robes d'honneur !
Cette main douce au toucher, imperceptiblement moite
Juste assez pour qu'une auréole l'entoure et qu'au moment
Où la main de l'homme la saisit un fluide s'en détache
Quelle fleur pourrait lui être comparée ? Ne redevient-elle esprit
Comme la parole qui est en même temps l'archétype
De la chose qu'elle désigne et la chose elle-même ?
Ne s'amincit-elle pas des deux côtés ? Vers l'extérieur sur les
cris aigus des doigts.

Cinq, comme les cinq sens qui nous relient à l'univers
Vers l'intérieur la délicatesse du poignet
Et cette montée du bras qui s'arrondit
Avec la gaieté silencieuse du coude

Et ensuite le delta luxuriant et paresseux de l'épaule
Car le bras est le fleuve qui se déverse
Avec toutes ses richesses de sang
Dans l'écume marine de ton corps

Mais ai-je nommé la symétrie de ton pied
Ô l'ingénieux organe qui ne touche le sol
Que pour y prendre appui et t'élever vers les astres !
Un archet est moins léger que ton pied
Qui chante sur le violon de ta démarche aérienne
Si frêle ! Et il supporte ton corps
Comme un oiseau supporte un vol
Beaucoup plus vaste que lui-même.

Oh ! J'ai vu la forêt scintillante de gloire après l'orage
Et la montagne majestueuse dans les voiles du soir
Et l'aube sur la plaine comme une glace embuée
J'ai senti les parfums de l'été et l'arôme
Du vignoble en août et le goût minéral
De l'huître vivante dans la bouche
J'ai connu les grandes fêtes navales et l'accueil fait aux vainqueurs
Et les processions pour la pluie et les ovations
Mais qu'est-ce ?
Qu'est-ce donc que tout cela
Comparé à la perfection de ton corps ?

Derrière le visage de notre vie il y a le visage
De la beauté. Et quand mon âme marchera dans le néant
C'est ton corps qu'elle invoquera,
Et je serai comme un conquérant
Qui, dans la salle où se tient la réunion de ses ministres
Nomme ses pays d'outre-mer, et les murs s'écartent
Et des contrées vastes apparaissent. Ainsi
Je parerai mon âme de la splendeur de ton corps
Non pas le souvenir car le souvenir est un vase fêlé
D'où toute liqueur s'échappe, mais ta chair même
Ta peau velouté, tes lèvres brûlantes
Et les ténèbres s'écarteront en une lumière puissante
Se déversera sur l'éternité et mon âme
De toutes parts entourée de ta beauté
S'avancera comme un navire
Dans une eau calme et remplie d'étoiles.
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Ilarie Voronca
Ce sera peut-être comme dans cette vie :
Je m'écrierai : c'est ici que je veux demeurer,
Comme je m'exclamais autrefois devant un beau domaine,
C'est ici que je veux vivre, je dirai : dressez une tombe ici.

Mais la mort ne me laissera pas plus de répit que la vie.
Elle m'éloignera de tout ce qui me sera cher,
Les forêts, les mers avec leurs chevelures,
Resteront en arrière sur un rivage immatériel.

Parfois je reconnaîtrai le jardin calme
Que j'ai vu de la fenêtre en cette après-midi de printemps.
C'était la première fois que je pénétrais dans cette chambre
Où la jeunesse était enfermée avec son parfum de pommes et de coings.

J'étais là à la fenêtre mais quelqu'un
Qui me ressemblait et qui pouvait être mon esprit
Planait parmi les branches de la saison, se drapait
Dans les voiles que tissaient de leurs chants les oiseaux.

Et je compris que le bonheur est cet instant
Où l'on se voit soi-même heureux sur une allée
D'un jardin et votre semblable vous supplie :
« Restons ici, dans ce paisible crépuscule ».

Qu'importe alors, si l'on est vivant ou mort ?
C'est la mort ou la vie qui ouvre ces fenêtres,
Le printemps marche en robe de dentelles,
On veut le suivre, on est déjà trop loin.

Ainsi on traverse les contrées, les chambres.
Parfois l'on passe comme dans un moulin
Et la farine blanche d'une joie vous recouvre
Et on rit, on secoue ces neiges d'abondance.

Si l'on a tant de regrets, si l'on veut revenir,
C'est que celui qui vous ressemble et est vous-même
Vous suit d'un pas lent, le visage tourné
Vers le domaine où pousse une herbe inoubliable.

On les reverra certes, ce crépuscule
Et ce printemps, aux portes ouvertes d'un nuage,
Sans jamais s'arrêter et regrettant toujours
Ce bonheur qu'on a cru saisir, insaisissable.
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Ilarie Voronca
Etait-ce la mer qui apparut ou la forêt ou le feu
Ou la neige, ou la femme ou la gloire des villes ?
Quel fut donc le signe éblouissant, le soleil entrevu
Et qui fit que chacun de nous s’écria : « Je veux être ! »
car, pour qu’avec une telle force nous nous fussions arrachés
Aux entrailles des nuits, pour qu’avec une telle force
Nous eussions déchiré le ventre de nos mères,
Il a fallu qu’une joie immense nous appelât.
Je veux être ! cria chacun de nous, et nous fûmes,
Mais quel voyage lointain nous hantait déjà
Pareils au marin qui monte sur le pont du navire,
Ebloui par une secrète géographie ?
Retrouver ce qui fut le sens de nos naissances,
Ce qui nous remplissait d’une ardeur invincible !
Ne suis-je pas celui qui court vers la forêt
Mais ne connaît plus l’arbre où son trésor l’attend ?
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Que l'homme sorte de la coquille de sa solitude et qu'il essaie de pénétrer au cœur du monde au lieu de faire entrer le monde dans son cœur. Tout homme qui se retire du monde, qui bâtit une cellule en lui-même fait une blessure au monde. Car il a été créé pour appartenir au monde , et la place qui lui était destinée reste vide.
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Pas un seul jour, pas une seule minute nous n'avons vécu
Comme vous. Nous étions à l'office ou dans l'escalier
De service. Ou plus loin parmi la foule résignée
Qui s'exténuait à bâtir pour vous des arcs de triomphe
Mais nous ne devons rien à personne. Nous pouvons partir.

Car toutes ces lumières, ces joyaux, ces couronnes
Ces meubles d'or, ces feux de joies, ces vaisselles,
Ces terrasses radieuses où vous avez ri et dansé
Il faudra que quelqu'un les paye, il le faudra
Mais nous ne devons rien à personne. Nous pouvons partir.

Ah! Le jour est venu où vous rougissez de honte,
Vous avez pris la part des autres quand même pas
Votre part, vous ne pouvez la payer. Le jour
Est venu où vous voudriez être libres, nous suivre
Mais nous ne devons rien à personne. Nous pouvons partir.

C'est nous qui avons été les heureux, les sages. Tout avait l'air
Trop tentant. C'était un piège. La beauté, les richesses
Il fallait s'en approcher avec prudence. Pour nous
Ce fut facile car vous aviez tout pris
Mais nous ne devons rien à personne. Nous pouvons partir.
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Nous vîmes de claires contrées
Tapis d'Olténie lointains
Terres de l'oubli heurtées
Comme verres à ce festin

Le vin béni de vos regards

L'arbre surpris à la fenêtre
Que votre charme a convié
Dans la glace du soir inerte
Dessine un visage fier.

L'ombre s'allonge dans la chambre
Branches et feuilles n'ont suivi
Prudentes dans ce qu'embr'
asseront vos bras si vif.

Laisserons-nous les murs défaire
Leurs ailes dans ce prompt départ ?
Sainfoins sur table et chèvre-feuille au parfum de vieux parc.

L'air a gardé si pur la trace
Plus musicale qu'un piano
Comme l'ultime neige en mars
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BEAUTÉ DE CE MONDE


à Léon-Paul Fargue

Rien n’obscurcira la beauté de ce monde.
Les pleurs peuvent inonder toute la vision. La souffrance
peut enfoncer ses griffes dans ma gorge. Le regret,
l’amertume, peuvent élever leurs murailles de cendre,
la lâcheté, la haine, peuvent étendre leur nuit,
Rien n’obscurcira la beauté de ce monde.

Nulle défaite ne m’a été épargnée. J’ai connu
le goût amer de la séparation. Et l’oubli de l’ami
et les veilles auprès du mourant. Et le retour
vide, du cimetière. Et le terrible regard de l’épouse
abandonnée. Et l’âme enténébrée de l’étranger,
mais rien n’obscurcira la beauté de ce monde.

Ah ! On voulait me mettre à l’épreuve, détourner
mes yeux d’ici-bas. On se demandait : « Résistera-t-il ? »
Ce qui m’était cher m’était arraché. Et des voiles
sombres, recouvraient les jardins à mon approche
la femme aimée tournait de loin sa face aveugle
mais rien n’obscurcira la beauté de ce monde.

Je savais qu’en dessous il y avait des contours tendres,
la charrue dans le champ comme un soleil levant,
félicité, rivière glacée, qui au printemps
s’éveille et les voix chantent dans le marbre
en haut des promontoires flotte le pavillon du vent
Rien n’obscurcira la beauté de ce monde.

Allons ! Il faut tenir bon. Car on veut nous tromper,
si l’on se donne au désarroi on est perdu.
Chaque tristesse est là pour couvrir un miracle.

Un rideau que l’on baisse sur le jour éclatant,
rappelle-toi les douces rencontres, les serments,
car rien n’obscurcira la beauté de ce monde.

Il faudra jeter bas le masque de la douleur,
et annoncer le temps de l’homme, la bonté,
et les contrées du rire et la quiétude.
Joyeux, nous marcherons vers la dernière épreuve
le front dans la clarté, libation de l’espoir,
rien n’obscurcira la beauté de ce monde.
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Peut-être est-il le signe d'une secte qui n'accepte pas les intrus. Les serviteurs de l'ail se reconnaissent et se saluent.
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Ilarie Voronca
Aurai-je la force de rompre cette lassitude comme la toile
D'une araignée géante? Redevenir vivant ?
Quelqu'un appelle au fond d'une cour et son cri
Se pose sur les vitres comme un peu de givre.

(" L'apprenti fantôme ", 1938)
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Mon peuple fantôme
A J. Déesse


Extrait 1

Entre mer et terre. Entre pierres et ciel.
Avec le pain jaune de la route. Avec le vin rouillé de la forêt
Voilà mon ouvrage accompli. Et les outils de travail
Sont devenus des instruments de musique.

C’est ainsi
Qu’à travers la flamme de la mémoire les objets se changent en
  paroles.
Sur le promontoire, ici, dernier vestige de l’homme.
Rencontre.
Le vent jette dans l’écume ses épées d’eaux
Solitude coupée géométriquement par les oiseaux
Qu’ici donc les visages de la vie se montrent.

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Mes amis, mes montagnes
A Claude Sernet.


Extrait 4

Apprenez-moi la bonté l’indulgence
Faites-moi comprendre le sens caché de toute chose
Je sais que lorsque j’aurai compris
Je serai au milieu de vous
Au milieu des océans
Au milieu des montagnes
Et le ciel tombé de mes yeux
Trainera dans les eaux comme une herbe très bleue.

Est-ce si difficile un tout petit miracle ?
Conseillez-moi guidez-moi amis morts
Où dois-je aller ? Quelle fenêtre ouvrir ?
Quels mots dire ? Regarder en avant ou en arrière ?
Que faire de cette âme que tous les destins appellent
De ce cœur qu’écartèle les quatre points cardinaux ?

Donnez-moi une grande affection
- Les vivants me l’ont refusée –
Et je ferai de belles chansons
Je vous parlerai des montagnes dont j’ai rêvé au début de ce poème
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Mon peuple fantôme
A J. Déesse


Extrait 2

Le soleil tombé dans mon œil salé. Face
Aux algues chevelues et aux cortèges de poissons
Mon visage fêlé par le vent comme le bord d’une tasse,
Sur mes lèvres serrées : aube ou crépuscule comme un son.

Sans filets, sans armes
De chasse. Collé aux rochers. Vers le Sud
Les aigles d’écumes. Seul avec mon travail accompli entre terre
  et larmes.
Les cannes à pêche sont devenues des harpes. Les fusils des
  flûtes.

Mais le cœur est la barque éternelle d’Ulysse
Qui touche dans son rêve tant d’îles,
Dans les veines, de nouveaux archipels surgissent,
Une parole, un rire, font naître une ville.
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Mes amis, mes montagnes
A Claude Sernet.


Extrait 3

O ! Mes amis ?
Je vous savais autour de moi
Caresses protectrices arômes lointains d’un automne
Je vous savais défaits de toute atteinte terrestre
Et toi Mère qui suis d’un regard bienveillant le tremblement de ma
  main sur cette feuille
Et toi frère aventurier et ta dernière lettre jaunie vieille comme une
  main de mort avec son timbre de Casablanca
Et toi aussi ami poète et toi aussi ami peintre
Vous étiez autour de moi.

Nombreux nombreux sont mes amis morts
Ce n’est pas la peine de vous nommer
De vous montrer les belles affiches
Que le ciel a dépliées parmi les montagnes dans cette saison
La mort vous a enseigné
Une sagesse une beauté infinie
Et vous êtes enfin vous-mêmes.
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