Irene Cao

— Le rouge te met plus en valeur, s’exclame Gaia en me poussant devant le miroir du séjour. Regarde-toi, tu es superbe !

Dressée sur la pointe des pieds, je fais un demi-tour sur moi-même, mais le reflet que me renvoie la glace me fait froncer les sourcils. Je ne suis pas convaincue. Ce soir aura lieu l’inauguration tant attendue – au moins par Gaia – du restaurant de Brandolini. Et je n’en finis plus de parcourir mon appartement de long en large, en petite culotte, à la recherche d’une tenue acceptable. C’est loin d’être gagné. J’ai Gaia sur le dos depuis deux heures, et elle m’épuise. Craignant de me voir changer d’avis au dernier moment, elle a déboulé chez moi, maquillée et habillée de pied en cap, traînant derrière elle une valise à roulettes et deux sacoches géantes bourrées de vêtements et d’accessoires. Elle n’a plus qu’une seule idée en tête : m’imposer le look qu’elle a choisi pour moi.

— C’est trop court, Gaia. J’ai l’impression d’être toute nue… et puis ce rouge est vraiment tape-à-l’œil.

Je soupire tout en désignant mes cuisses. Désemparée, Gaia en lève les yeux au plafond :

— Tu es irrécupérable. Tu ne comprends vraiment rien à la mode…

— Allez, repasse-moi la robe Gucci noire, lui dis-je en me préparant à un énième choc frontal avec le miroir.

- C'est quoi ce bordel ?
Paola vient d'apparaître en peignoir devant l'entrée de la salle de bains, le visage bouffi de sommeil, les cheveux en pétard. Elle se frotte les yeux et me regarde comme si elle venait de voir un fantôme.
- Elena, ça va ?
- Ne t'inquiète pas, je te rachèterais ton parfum, dis-je d'une voix pâteuse.
Une main sur le lavabo, j'essaie de respirer profondément.
- Tu es toute verte, me dit-elle en s'approchant de moi. Tu as encore trop bu...

Que c’est bon de l’avoir près de moi, me dis-je dans les vapeurs de l’alcool. Que c’est bon d’être cajolée et aimée même quand je fais toutes les conneries du monde.

J’aimerais avoir des idées aussi larges, mais il est difficile de se libérer
des codes qu’on a assimilés, des grilles qui gouvernent depuis si longtemps notre manière de penser.

La jalousie est une cage qui te donne juste l’illusion de posséder l’autre. Mais tu ne peux pas emprisonner tes désirs.

Ne sous-estime jamais le narcissisme d’un mec.Tout le monde aime être dragué.

Un bon nettoyage, c’est la moitié du travail de fait.