Jacques Benoist-Méchin

En se présentant à leurs sujets comme des dieux incarnés, ni les Pharaons égyptiens, ni les autocrates babyloniens, ni Alexandre le Grand ne cherchaient à abuser de leur crédulité. Leur caractère divin était pour eux quelque chose d'aussi tangible et d'aussi réel que les pouvoirs civils ou militaires dont ils étaient investis.

Une des meilleures biographies de Mustapha Kemal. La fidélité historique et une plume remarquable.

Son insouciance finit par alarmer Cléopâtre. Ne mesure-t-il donc pas la gravité de la situation ? Plus le péril grandit, et plu il s'abandonne aux plaisirs. Couronné de pampre, il passe toutes ses nuits à boire avec ses compagnons de débauche. Comment ne voit-il pas tous les arguments que son inconduite fournit à la propagande romaine ? C'est en vain que la reine lui dit qu'il n'est plus temps de jouer les Dionysos, qu'il faut courir aux armes. Au lieu de mobiliser ses légions, Antoine temporise. (p 304)

... les premières manifestations tangibles de l'unité arabe ne doivent être cherchées ni dans un Etat, ni dans une forme de gouvernement, mais dans une institution de caractère poétique.
Dès le IIIe siècle de notre ère, à intervalles réguliers, les tribus prirent l'habitude de conclure une trêve générale et de se rendre à Ocazh, petite ville située entre Taïf et Nakhla, pour entendre les poètes déclamer leurs œuvres, et confronter les "chahirs" des différentes tribus. Ces réunions, qui tenaient dans la vie des Arabes une place comparable à celle des Jeux Olympiques chez les Grecs, duraient plusieurs jours. C'étaient de véritables tournois d'éloquences, où la palme revenait "à celui qui avait chanté l'exploit du plus brave, dans la langue la plus pure."

927 - [Le Livre de poche n° 890, p. 20-21]

Qui aurait pu imaginer que cet adolescent au teint pâle et au sourire furtif (le futur Mohamed V), mais doué d'une richesse intérieure insoupçonnée, allait restaurer le trône, abolir le protectorat, apporter l'indépendance à son pays et conquérir pas à pas le coeur de ses sujets au point de devenir le souverain le plus aimé de la dynastie. Un roi dont le prestige -compte tenu des différences d'époque et de tempérament- allait éclipser celui de Moulay Ismaïl ?

En Allemagne et dans les territoires occupés, la Wehrmacht démobilise une partie de ses troupes. Toutes les divisions d'infanterie, formées l'automne de 1939, sont renvoyées dans leurs foyers. De plus, un certain nombre d'unités motorisées retournent à leurs garnisons du temps de paix, à l'intérieur du Reich. Ces mesures confirment les généraux allemands dans le sentiment que les hostilités approchent de leur terme.

Au fond, gouverner n'était pas mon ambition ... Je préférais connaître... (p.336)

Une religion sans liturgie est une religion qui se meurt. (p.244)

Abandonner les hommes à leur penchants naturels n'était que trop facile: c'était les inviter à s'enfoncer toujours plus dans le désordre et dans la ruine. Gouverner à contre-courant était, par définition, la seule attitude d'un homme d’État digne de ce nom. (p.239)

Il pensait, avec Platon, "qu'il faudrait être un dieu pour gouverner les hommes, car l'écart entre les êtres humains était trop faible pour qu'un seul puisse commander à tous sans trop user de contraintes, ni tous obéir à un seul sans contestations, ni murmures". (pp.224-225)

Où le fils de Jules Constance puisait-il son audace? Dans le fait qu'il se considérait comme l'instrument des dieux. Le moindre atermoiement, la moindre hésitation lui seraient apparus non comme une faute militaire, mais comme un manque de confiance dans les puissances qui le protégeaient. (p.212)

C'était la première fois qu'un empereur romain était hissé sur le pavois à la manière des rois francs. (p.183)

Le pays ruiné se contractait autour de ses places fortes. Sous le délabrement progressif de la Gaule romaine, se profilait la France médiévale ... (p.160)

Tu as voulu comprendre pour croire, alors qu'il faut croire pour comprendre. Et maintenant tu ne comprend même plus pourquoi tu ne crois pas ... (p.72)

Alexandre, l'immortel, semble protégé du danger par une cuirasse invisible. Rien ne paraît pouvoir trancher le fil de ses jours. César, éminemment mortel, est exposé à tous les périls et le poignard de ses assassins ne l'épargnera pas. Sans doute ont-ils l'un et l'autre la même ardeur créatrice, qui se traduira par deux des plus belles chevauchées que l'histoire ait retenues. Mais l'un tire son pouvoir de sa fougue et de son imagination, l'autre de son audace et de sa volonté de puissance. Porté par son propre mythe, le premier semble voler de prodige en prodige. Le second, pris dans les obligations astreignantes de la politique, n'obtient rien qu'en respectant l'enchaînement serré des causes et des effets. Alexandre clôt la série des demi-dieux antiques ; César ouvre celle des chefs d'Etat modernes.

Ce que la plupart des anglais ont cherché à reconstituer autour de leurs demeures, c'est un décor soi-disant "naturel", quitte à y rajouter de temps à autre une note de confort ou une touche de pittoresque, ce qui en accentue encore le caractère factice. [...] Mais par leur essence même - qui est le refus de tout style susceptible de les hausser au niveau d’œuvres d'art et la volonté délibérée de faire en sorte qu'ils se "fondent" dans le paysage - ils sont aux antipodes du "grand art des jardins". p. 17-18