Sur une petite place à l'allure castillane, en face de la résidence l'Eau vive, est inscrit sur un mur un poème de Garcia Lorca:
La luna va por el agua
como esta el cielo tranquilo!
Une rue plus loin, il est signalé que Pierre Reverdy vécut dans une modeste maison avant son départ pour Paris et cent mètre après, sur le quai Dillon, son poème "Les murs de la ville" hèle le passant qui se rend au Conservatoire:
La chaine de feu entoure la ville
Les yeux au carré où joue le soleil
Les cheveux brûlés
Le jour qui s'éveille
Tout est installé.
J'ai été gardien de phare sur une île déserte en bertagne. J'habitais dans une maison qui n'était pas ma maison. Il n'y avait ni eau ni électricité. Le vent rôdait jour et nuit dans la bâtisse de granit.
14e station
Yoshiwara rumination
Le paysage est toujours le même
le fleuve la rizière et le Fuji au loin.
Les jours sont toujours les mêmes
soleil pluie neige vent sans fin.
Les hommes sont toujours les mêmes
les généreux côtoient les gredins.
Les amants sont toujours les même
heureux un jour fâchés le lendemain
Le voyageur rumine un sombre poème
aujourd'hui sur le chemin.
Les mouettes
Te souviens-tu du jour où
entre les mât des navires
qui avaient mouillé l'ancre
les petites barques s'activaient?
Nous mangions serrés l'un contre l'autre
tandis que dans le ciel criaient les mouettes.
Le vieux châtaignier se porte bien. C'est un ogre. Au fil des années, je l'ai vu engloutir patiemment la rambarde du pont au centre du village. Cette nourriture roborative lui donne une peau de diplodocus. On peut la caresser, en parcourir les chemins rugueux, se perdre dans ses méandres.
Comment oublierait-on Fuji? Il est partout
tantôt pris au piège dans le filet
que le pêcheur hisse à la force de ses bras
(il a l'impression fugace qu'il l'a mis en cage)
tantôt il se cache derrière
le rideau de pluie
( et les passants s'émerveillent
comme au théâtre)
Iles:
réminiscence des lettres arrimées
au cœur des océans
jalons de nos chimères
quand nos désirs somnolent.
Passage des oiseaux
dont nous envions l'aisance
à porter l'instant à son acmé
sous l'épaule des nuages.
Ainsi à force de le dessiner
et de le graver pour l'éternité
c'est comme si Hokusai
était devenu le mont Fuji lui-même