Jacques Laurent

La tranquillité de l'esprit ne fait pas partie des droits de l'homme.

" Pour ma part je préfère l'écriture à l'image parce que l'écriture ne m'asservit pas ; elle me laisse le pouvoir essentiel : celui d'imaginer. "
[préface de "Le petit canard", Éditions Rombaldi -1973]

Je n'écris pas pour être approuvé. L'écriture est pour moi plus grave qu'un désir, c'est un besoin. J'écrirais même dans une île déserte.

Décidément, on n'était heureux qu'en dormant.

Il suffit de croiser son regard avec celui d’un chat pour mesurer la profondeur des énigmes que chaque paillette de ses yeux pose aux braves humains que nous sommes.

" Je crois que c'est au fond de soi qu'on découvre les autres. "
[préface de "Le petit canard", Éditions Rombaldi -1973]

"Le pouvoir est méprisable, non parce qu'il est bas en lui-même mais parce qu'il est bas de le vénérer." (Jacques Laurent, Histoire égoïste, 1976)

Comme il était difficile dans la vie de faire pour le mieux !

" Je n'écris pas pour être approuvé. L'écriture est pour moi plus grave qu'un désir, c'est un besoin. J'écrirais même dans une île déserte. "
[préface de "Le petit canard", Éditions Rombaldi -1973]

- Après tout, on peut n'aimer que son mari et trouver qu'un garçon est plaisant à regarder et drôle.

Ce qui doit arriver arrivera fatalement. On ne fait pas vivre un garçon et une fille dans le même lit sans que la nature ne parle plus fort que les convictions.

Et elle se dérobait, se dégageant des bras du jeune homme qui cherchait à l'embrasser dans le cou.
- Vous êtes bien entreprenant aujourd'hui, citoyen colonel.
- Peut-être parce que j'ai l'impression que tu vas enfin cesser de bouder. En Italie, j'ai beaucoup pensé à toi, tu sais, et au moment où nous nous reverrions et je me suis promis à mon retour de ne pas me montrer aussi faible.
- Je m'en aperçois. Voilà ce qu'on a fait de toi, un soudard.

- [...] si le rôle de l'homme est de toujours exiger davantage, celui d'une jeune fille est de savoir lui refuser.

[...] elle pensait que décidément il n'y avait rien de plus doux sur terre, de plus émouvant, que le sentiment de plaire.

Elle découvrait qu'une femme est plus immédiatement désirable qu'un homme. Tout, dans ses formes, dans celles de ses vêtements, dans l'ostentation avec laquelle même la plus réservée exhibe et rehausse d'ornements ou de fards les parties de son corps qui se font les hérauts de régions plus secrètes, mais combien facilement accessibles, tout s'offre à l'homme.

Elle avait eu du mal à respecter les rites de la noblesse de province, à baisser les yeux comme il fallait, à ne jamais oublier d'accepter l'aide d'un bras masculin pour descendre une marche, à limiter sa conversation aux pires banalités, à se passionner pour des ouvrages de tapisserie, à faire la conversation aux douairières, à béer d'admiration en compagnie de la société féminine devant les gambades équestres de quelques dadais prétentieux qui montaient moins bien qu'elle.

- Vous comprenez, Caroline chérie. Demain j'occupe le village de Roelan. Mon autre aile est déjà à Bosseny. Dans deux jours, je déplace mon centre vers Lamballe, d'où je...
- D'où vous ferez ce que vous voudrez, mon cher, répondit Caroline. Ne m'importunez pas avec toute votre stratégie. Offrez-moi des robes, des bijoux et des fêtes, tâchez d'être adroit en amour, c'est, pour le moment, tout ce que l'on vous demande.

Roger se tourna vers Clotilde: "Fardez-vous outrageusement", dit-il. "Ce soir, il s'agit de séduire les Allemands, de leur faire tourner la tête, de les rendre irrationnels pour les faire parler." Puis, devant l'air interrogateur de Clotilde, il crut bon d'expliquer: "Voyez-vous, Hitler et les nazistes (sic!) se sont mis dans la tête de libérer la femme, de lui restituer sa beauté naturelle. Ils ont interdit l'usage du maquillage comme dégradant il y a dix ans. Ils surveillent de très près les pratiques comme les promotions canapé qui chez nous font florès. Ils considèrent tout ça comme autant de "juiveries", de signes de corruption. Nous, en Occident, nous avons majoritairement des femmes qui sont des bonniches par obligation et des putains volontaires. Eux, ils ont créé les femmes cinéastes, les femmes aviatrices, les femmes officiers, les femmes ingénieurs, les femmes exploratrices. Maintenant, prenez ces gros boches de la Wehrmacht. Ce n'est pas la SS. Ce sont des ploucs, des militaires. Précisément ces sacs à bière bestiaux dont Hitler, qui est végétarien, qui n'a jamais bu une goutte d'alcool et qui écoute Lohengrin veut épurer le peuple allemand pour le transformer en race héroïque. Ces épais doryphores sont ravis par l'exotisme de notre pays de catins, sevrés par dix ans de femmes libres et sans maquillage; fardez-vous, Clotilde, vous allez leur faire oublier tout calcul. Mais souvenons-nous. Quand la France va les chasser, l'épuration sera féroce pour les femmes. Elle sera d'une cruauté exemplaire. Car les hommes, en France, ressentent durement, par contraste, que leurs femmes soient les salopes des envahisseurs. Ils se taisent aujourd'hui. Ils n'en seront que d'autant plus inhumains, faites-moi confiance. C'est pourquoi j'ai déjà prévu que vous prendriez un avion pour New York à ce moment-là. Pour la médaille, je vous la remettrai une fois que tout sera tassé."

Elle ressentit une bouffée de haine contre l'espèce masculine. Voilà tout ce qu'ils avaient trouvé pour assouvir leur désir stupide : ces maisons sales où, pour quelque monnaie, on leur livrait des corps qu'ils n'avaient pas conquis. Il lui sembla que depuis les débuts du monde la femme était une victime de la bêtise, de la simplicité, de l'appétit abruti du sexe masculin.

Les romans de chevalerie, comme les tragédies de Racine, comme les plus humbles comédies, comme les chansons les plus rustiques, chantaient tous l'amour, mais rien dans leur lecture n'eût permis à Caroline de supposer qu'il pût y avoir dans cette passion d'autres pratiques que la tendre pression des mains, la douce caresse du regard, la joie de se trouver côte à côte.