Verne is alive
Y'a pas à tortiller, c'est tellement meilleur de lire en VO ! Une plume magnifique, des descriptions très fouillées, très immersives (parfois un peu longues, il est vrai) et des personnages dotés d'une vraie présence. Une foule de données littéraires, artistiques, culturelles, historiques, ainsi qu’un rythme tranquillou... pour une intrigue dévoilée au compte-goutte, au début du moins.
J’ai vécu ce roman en trois temps, comme c’est souvent le cas.
Le premier tiers pose un décor vivant, des personnages aux caractères bien affirmés, dotés d’une vie et d’un passé intelligemment amenés, ainsi que les premières briques d’une intrigue dont on apprécie vraiment ne pas connaître tous les enjeux. Ainsi donc, la qualité descriptive de Jacques Martel s’exprime à bon escient, si bien que l’on s’attache sans mal aux locataires du château et autres protagonistes.
Pour le deuxième tiers, j’ai dû sortir les rames. J’ai cru comprendre que certains lecteurs n’avaient pas été assez téméraires pour poursuivre. Pauvres fous ! En effet, des longueurs et digressions dans le déroulé de l’intrigue créent un faux rythme, mais je pressentais que l’auteur prenait son élan pour mieux sauter.
Car oui, le dernier tiers envoie la sauce en matière de créativité. L’objectif initial du narrateur peut enfin dérouler sa trame. Presque trop vite selon moi. Attention, rien n’est bâclé, ici, mais si l’on compare le nombre de pages consacrées à ladite Voie Verne à celles qu’occupe le reste du roman, grr… On en reprendrait bien cent pages de plus, de ce voyage stellaire presque réel.
On retiendra un humanisme puissant dans le scénario et dans les valeurs portées par ce roman. Une vraie richesse dans les interactions humaines, des préoccupations et des objectifs sains, souvent tournés vers l’autre. Que l’on se préoccupe de l’état émotionnel d’un gosse qu’il convient de couver ou que l’on trace le portrait d’une civilisation humaine partageant une quête commune, un rêve, un renouveau, la vision globale nous emporte par sa verve, son symbolisme, son énergie reconstructrice.
Le tout est déroulé sur le canevas d’une société future pour le moins dystopique, que Jacques Martel a le bon goût de ne pas décrire comme trop sombre. Simplement des restrictions, des contrôles, des libertés aliénées, un réseau omniprésent, une écologie bafouée, réinventée, etc. Au milieu de tout ceci, les personnages rayonnent comme des lueurs d’espoir ; les uns pour les autres et tous pour une moralité qu’il fait bon lire.
La SF est souvent sombre. Puisqu’elle explore généralement l’avenir, selon moi (réaliste endurci) cela revêt un certain sens. Néanmoins, ici, l’auteur nous offre une SF positive, ouais ! Et ça fait sacrément du bien.
Les amateurs de bons mots trouveront largement leur compte dans ces pages. J’ai adoré ce style d’époque rehaussé de touches de modernité. Quelle époque ? me direz-vous. Ben celle de Verne, pardi, la fin du 19e dans toute sa splendeur ! Sans flagornerie aucune, j’ai décelé là, en assez bonnes proportions, de la noblesse, de l’éducation, de l’héroïsme parfois, du courage très certainement, de la contemplation, des couleurs, de l’ingéniosité, un esprit bien fait en somme.
Un hommage sincère à (et un hommage digne d’) un auteur d’une autre époque. Vraiment ? La postérité ne rend-il pas Verne intemporel, finalement ?
“Nul n’est jamais certain d’atteindre la fin du voyage qu’il entreprend, mais l’esprit humain est ainsi fait que depuis l’aube des temps des hommes et des femmes se sont élancés vers l’inconnu, à la poursuite de peut-être, dans des explorations géographiques, scientifiques, artistiques ou philosophiques qui entraînent l’humanité dans ce perpétuel mouvement sans autre but que le voyage lui-même.”
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