Citations de Jacques Tardi (519)
En longeant les murs d'une grosse ferme, visiblement abandonnée, nous avons pu contempler, sous l'auvent d'un des bâtiments, trois Feldgrau qui se balançaient mollement dans la brise légère, mais encore fraîche de ce mois d'avril. Des déserteurs indiquaient les pancartes accrochées à leur cou.
Papa, dans trois semaines, sur cet emplacement au milieu des si ravissantes petites maisons à colombages, les corps de 200 victimes ramassés dans le camp de concentration de Wöbbelin, à 7km de Ludwiglust, seront inhumés ici, dans des tombes individuelles, sous les yeux de la population. Ce sont les soldats de la 82ème division aéroportée U.S. qui libèreront le camp de Wöbbelin le 2 mai. Ils y trouveront un millier de cadavres dans des fosses communes ou à même le sol et quelques survivants. Le 6 mai, les habitants de Ludwiglust et de ses environs seront contraints par les américains de visiter le camp - mesure éducative - pour constater l'ampleur des atrocités commises par les nazis. Certains diront ignorer l'existence de ces camps, alors que d'autres aidaient les SS à rattraper les fugitifs, comme à Celle.
Dans l'écurie, une jument venait de mettre bas un poulain mort-né. Le propriétaire demanda des volontaires pour enterrer le bestiau. Il offrait un verre de schnaps par tête de pipe pour cette corvée. Aussi trouva-t-il sans peine un bon nombre de types ravis de creuser le sol gelé en profondeur, sur au moins 50cm. Le poulain fut déposé au fond du trou et recouvert. Dans la minute qui suivi, trois ou quatre gars commencèrent à gratter la terre avec leurs mains et à dégager l'animal. Ils taillèrent des morceaux dans cette barbaque molle et sans consistance qui tremblai comme de la gelée. C'était à dégueuler. Tout ce qui avait l'aspect de la chair fut débité, puis ils allumèrent un feu. Cette viande, une fois grillée, semblait mangeable.
Les Fritz pouvaient se vanter d'avoir foutu un beau bordel aux quatre coins de l'Europe en déplaçant des millions de personnes. La plupart à la fin de la guerre ne retrouveront même plus leurs pays. Les Boches les ont appelés des Heimatlos, apatrides.
Comment était-ce possible ? La meilleure armée du monde ! Avec à sa tête les chefs les plus intelligents qui soient… L'armée française, l'armée du pays des superlatifs, du pays du bon goût où tout est meilleur qu'ailleurs ! Que s'était-il passé ? Comment ces sinistres bouffeurs de choucroute mal dégrossis avaient-ils pu nous infliger une telle déculottée ? À nous ?! C'est dire à quel point nous nous pensions supérieurs et invincibles.
Y'avait de braves types, toujours à te vouloir du bien, des dégourdis, des faux-curls, des fagots, des abrutis bouleversants de bêtises, des pleins de bonne volonté, crétins pour la vie.....
Comme partout, y'avait l'insupportable emmerdeur celui qui sait tout : Le Parisien et peut -être le pire de tous : l'instituteur qui fait la leçon, qui se croit toujours dans sa classe, le pédagogue supérieur aux autres.....
On ne faisait pas de détail.... on les envoyait tous à la mort. C'était ça l'EGALITE. LA LIBERTÉ, ç'aurait été de rentrer à la maison
Tu m' as fait mal!
Mais repartons à zéro.
Je veux être ton amie.
Demain, nous ferons connaissance.
Pour le moment, c'est l' heure où les petits garçons vont faire dodo, d' accord ?
- C’est quoi, là, ce truc qui gêne ? Ah ! C’est l’tromblon à Albert !
- De !
- Quoi deux ?
- On ne dit pas « le tromblon à Albert ». On dit : « le tromblon de ! »
- Le tromblon de Albert ?
-D’A !!!
- Quoi da ?
- Un jour la vengeance de PAZUZU sera accomplie ! Alors tu seras morte Adèle !
- Mais oui ! Mais oui ! Mortadelle ! HA ! HA !
Et voilà! Bonnes ou mauvaises, les choses arrivent très vite parfois.
A la onzième heure du onzième jour du onzième mois de cette année 1918, l'armistice a été signée.
Je les détestais tous. J'en avais marre de leurs jérémiades. Entendre à longueur de journée une bonne partie de ces dégonflés dire qu'ils n'avaient pas demandé à faire la guerre, eux, alors que moi, je m'étais engagé, c'était à dégueuler. Ils auraient été heureux que j'en bave plus que les autres, mais je ne leur laissais pas entrevoir mon désespoir, ils auraient été trop contents. Moi non plus, je n'avais pas voulu la guerre...
... Peu importe! Les aventures d'Adèle Blanc-Sec, j'en ai par-dessus la tête... De plus votre chapeau est ridicule... et qu'est-ce que vous fichez avec ce taffetas gommé sur le front?
Elle s'industrialisait salement, cette guerre et avec de gros profits réalisés sur nos cadavres, en plus !
On aurait bouffé les barbelés et les poteaux qui vont avec. Certains faisaient d’ailleurs infuser l’écorce de ces poteaux, histoire d’obtenir une sorte de tisane : de l’eau chaude, parfumée à l’écorce de pin… Dégueulasse !
A la libération, on a trouvé vingt-cinq tonnes de beurre stockées à proximité d’un stalag.
En somme, les méchants triomphent. Mais soyons rassurés, de tels individus n'existent pas, n'existeront jamais et de semblables inventions sont irréalisables. De plus, l'homme a à cœur de mettre ses connaissances et la science au service du bien. Bien entendu, il ne saurait les employer à des fins destructrices. Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! ....
Ces lendemains qui saignent allaient être terriblement douloureux, sauf pour les fournisseurs de prothèses.
Les Boches faisaient "kamarad". Il aurait fallu commencer par ça des deux côtés, pour éviter les massacres organisés par ceux d'en haut, mais le fusil qu'ils nous avaient collé entre les mains, forcément, il a bien fallu qu'il serve et tout le reste a suivi.
Il fallait qu'elle dure encore et encore, cette guerre. Et après celle-là, il y en aurait d'autres. La "der des ders", ça me faisait bien rigoler ! C'était comme ça depuis Cro-Magnon. De la guerre du feu à celle pour le pétrole ou les bananes, et toujours la même chanson - la chanson des os qu'on broie - aucune raison que ça cesse !
Les Tommies, eux non plus, n'étaient pas mécontents du déplacement. "Dieu est mon droit" contre "Dieu est avec nous"... Obligatoire que ça finisse mal ! Mais qui pouvait bien être ce Monsieur Dieu ? Encore un de ces faux-culs qui bouffent à tous les râteliers !
"Chacun pour soi et Dieu contre tous" : la voilà la vraie formule magique pour les petits enfants !