La sève et le sang
Marque-page 01-04-2011
Le lendemain, nous nous trouvions dans mon bureau et Pak semblait un peu mal à l'aise. Rien d'exceptionnel par les temps qui couraient. Nous l'étions tous: un peu mal à l'aise en permanence. De mauvaises nouvelles affluaient des campagnes. Ici, dans la capitale, les gens disparaissaient des bureaux, la disette sévissait, le chauffage avait des états d'âme, impossible de compter sur l'électricité, et même quand il y en avait, ça ne durait jamais très longtemps. personne ne faisait comme si tout n'allait pas si mal, même si nous n'en parlions pas beaucoup. La question était de savoir si on en réchapperait.
Nous enduisons de miel les mensonges , et de poison la vérité. Bizarre non ?
Il . Lui.
Avec un léger haussement de sourcils, dites "lui": personne ne doutera que vous parlez du nouveau leader qui pleurait encore son père, alors que nous partions tous à la dérive. Nous le savions tous, que nous dérivions, et nous savions vers quoi. Une nation de feuilles racornies flottant sur un fleuve de perdition en direction des chutes vertigineuses. Un hiver d'interminable chagrin.
- C'est dommage...
- Quoi donc?
- Vous ne saurez jamais ce que les moulures représentent...
Une fois Kim parti, l'homme sans épaisseur s'assit en face de moi. C'est là que, sorti de nulle part, ça me revint.
-Jai trouvé! Ceux qui toisent les gens comme vous le faites sont spéciaux. C'est mon grand-père qui disait ça... spéciaux. Selon lui, quand on vous décoche un regard balte, c'est signe de bonne fortune pour l'année à venir. Ce sont ses mots... le regard balte. Il ne savait pas d'où venait cette expression, mais il l'avait enten- due pendant son séjour en Russie et elle lui était restée. Pourquoi pas?
Faites-moi votre plus beau regard balte. J'ai besoin de chance. Aucune réaction, un phare vide sur une côte balayée par le vent.
Bon, pensai-je avec une pointe de déception, autant gratter la plaie qu'on a et renoncer à celle qu'on espère trouver.
Le bruit de la matraque derrière mon dos [...] - On prévient rarement les employeurs...