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4/5 (sur 109 notes)

Nationalité : États-Unis
Né(e) le : 03/05/1980
Biographie :

Jaycee Lee Dugard est une californienne séquestrée par un couple : Phillip Garrido et Nancy Garrido, 18 années durant, du 10 juin 1991 au 26 août 2009.

Ce jour-là, elle a été capturée à un arrêt de bus scolaire à South Lake Tahoe, alors âgée que de 11 ans.

Le 10 juin 1991 à South Lake Tahoe, à 7 heures du matin, le beau-père de Jaycee Lee Dugard, Carl Probyn, la suit du regard rejoindre l'arrêt de bus lorsqu'il voit deux personnes dans une berline grise (une Mercury Monarch) ou une Mercury Zephyr faire demi-tour devant l'arrêt de bus de l'école et un homme envoyer une décharge électrique de taser à Jaycee Lee Dugard, cela lui permet de soulever la jeune fille et de la jeter à l'arrière de la voiture. Carl Probyn enfourche un vélo pour tenter, en vain, de les rattraper.

Pendant l'enquête, Carl Probyn est suspecté et soumis au détecteur de mensonge. L'affaire reçoit une attention nationale et est présentée plusieurs fois à l'émission America's Most Wanted mais la fillette reste introuvable, si bien que l'intérêt des médias retombe et l'histoire tombe dans l'oubli

La jeune femme a été maintenue captive dans un cabanon de jardin avec ses deux filles, Angel et Starlit, qui ont 15 et 11 ans l'année de leur libération (l'ainée est née lorsque sa mère n'avait que 15 ans ; la seconde vers ses 17 ans), qu'elle a eues avec son ravisseur.

Elle a eu un contact avec un officier de police le 26 août 2009, et le lendemain il a été confirmé qu'elle était bien la personne disparue, par un test ADN.

Accusés de 29 chefs d’inculpation, parmi lesquels viol, enlèvement et séquestration, le procès des Garrido a lieu en juin 2011. Plaidant coupable, Philipp Garrido est condamné à 431 ans de prison et Nancy Garrido, à 36 ans de prison dont 20 ans incompressibles.
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Citations et extraits (23) Voir plus Ajouter une citation
La tristesse fait partie de l’existence. Le bonheur est une lutte de tous les instants et il ne tient qu’à nous de regarder le verre à moitié plein plutôt que celui à moitié vide.
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Il faut encore que je trouve le courage de demander la permission à Carl et à maman. J’espère qu’ils me laisseront tenter l’expérience. Carl passe son temps à dire que je ne participe pas assez aux tâches domestiques et que je dois apprendre à devenir plus responsable, alors il me semble qu’un petit job d’été serait l’idéal, non ?
Enfin, c’est ainsi que je vais lui présenter les choses et je verrai bien ce qu’il me répondra. La soeur de Carl, ma nouvelle tante, M., possède deux chevaux, une jument et un poulain. Je suis toujours ravie d’aller chez elle car, comparée à Carl, elle se montre très gentille envers moi.
La mère de Carl, W. M., a l’air également de m’aimer sincèrement. M. me laisse m’asseoir sur son cheval et le mener au manège. C’est tellement génial. Elle a également un mignon petit cocker qui adore la bagarre.
J’aime rendre visite à M. ; elle semble éprouver une réelle affection pour moi.
Quand je vivais dans le comté d’Orange, je prenais des cours de modern jazz, ce qui ne me plaisait pas du tout. J’aurais préféré la danse classique mais au moment des inscriptions, la classe étant complète, je n’ai pas eu le
choix. Je suis très timide, et m’exhiber devant tout le monde n’est vraiment pas mon truc. Nous avons déménagé à Tahoe juste avant le spectacle. Heureusement ! Je pense que je n’aurais jamais été à la hauteur devant un public. Et porter un justaucorps n’était pas non plus ma tasse de thé.
Une fois à Tahoe, dès la rentrée, j’ai rejoint les éclaireuses.
Là encore, ce n’était pas mon idée. Il est difficile de s’y faire des amies, mais comme certaines des filles sont dans ma classe, cela facilite les relations. La plupart du temps, je traîne avec Shawnee bien qu’elle ne fasse pas partie de ma patrouille. Dans l’ensemble, les guides sont sympas et j’aime bien vendre des gâteaux avec elles.
Je ne suis pas très douée pour sonner chez des inconnus en leur demandant d’acheter des biscuits confectionnés par les scouts, mais on peut compter sur moi quand il s’agit de les manger. Mes préférés, ce sont les Samoas
et les Thin Mints. Quand arrive mon tour d’aller faire du porte-à-porte, j’appuie sur la sonnette et laisse ma copine parler à ma place. Arriverai-je un jour à vaincre ma timidité ? Durant la dernière semaine de classe, l’école a prévu un voyage scolaire dans un parc aquatique.
Cela me réjouit, bien que je sois assez complexée par mon corps qui est en pleine transformation. L’autre soir, j’ai tenté de demander à maman l’autorisation de m’épiler les aisselles et les jambes. Tous ces poils me
gênent. Mais je n’ai pas su comment entamer la conversation.
Il faut que je trouve un moyen au plus vite. La sortie a lieu dans quelques jours.
Tandis que je me dirige vers l’arrêt d’autobus en cette matinée frisquette de juin, il me semble que ma vie est toujours dictée par quelque chose ou quelqu’un. J’ai le sentiment qu’on agit envers moi comme je le fais avec mes Barbie : je planifie leur quotidien et je leur impose mes propres désirs. Je suis au fond un peu dans la même situation. J’ai l’impression qu’on oriente mon existence sans que je sache dans quelle direction.
Ce jour-là, je me sens comme une marionnette dont on tiendrait les fils, même si j’ignore qui les manipule dans l’ombre. J’arrive à l’endroit de la colline où je dois changer de côté ainsi que Carl et ma mère me l’ont appris, à notre arrivée à Tahoe, lorsqu’ils ont décidé que je rejoindrais à pied l’arrêt du bus scolaire. Carl m’a conseillé de traverser à cet emplacement pour être visible des véhicules qui arrivent sur la chaussée d’en face. En me déportant
dans le virage, je perds le fil de mes pensées et me mets à songer à l’été qui approche. Je progresse dans l’accotement jonché de gravillons. Je n’ai toujours pas croisé une seule voiture. Il y a des buissons à ma gauche. Soudain, j’entends une auto ralentir derrière moi. Je me retourne, persuadée qu’elle va s’engager sur l’autre route, celle qui monte, mais à ma grande surprise, elle freine à ma hauteur. Je suis à ce point perdue dans mes songes que je ne remarque pas l’attitude pourtant inhabituelle du chauffeur. En le voyant baisser sa vitre, je m’arrête. Il se penche légèrement pour me demander son chemin. Sa main surgit si rapidement par la fenêtre que j’ai à peine le temps de me rendre compte qu’il tient un objet noir entre ses doigts. Je perçois un grésillement et mon corps est comme paralysé. Je recule en titubant :
la peur efface tout, sauf l’irrépressible envie de m’enfuir. Tandis que l’inconnu ouvre sa portière, je tombe par terre et commence à ramper sur mes mains et sur les fesses en direction des buissons. Mon unique objectif est de filer au plus vite – mettre le maximum de distance possible entre moi et cet homme qui cherche à m’empoigner. Ma main rencontre quelque chose de dur et de collant. Qu’est-ce que c’est ? Cela n’a aucune importance, je dois m’y accrocher. Quelqu’un me tire et bientôt on me soulève du sol. Mes membres semblent peser une tonne. Je tente de me débattre et de me dissimuler sous la végétation. Le sentiment de paralysie réapparaît, accompagné par cet étrange bourdonnement électrique. Impossible de résister. Je ne comprends pas pourquoi mon corps ne fonctionne plus. Je réalise que j’ai fait pipi dans ma culotte. Mais bizarrement, cela ne me gêne pas.
« Non, non, non ! »
Je crie. Ma voix résonne durement à mes oreilles. L’étrange personnage me traîne vers le véhicule et me jette à l’arrière, sur le plancher. Tout est confus. Je ne comprends pas ce qui se passe. Je veux rentrer à la maison.
Je veux me glisser dans mon lit. Je veux jouer avec ma soeur. Je veux ma mère. Je veux que le temps s’efface et m’offre une nouvelle chance. On me lance un plaid sur le corps et un énorme poids s’abat sur mon dos. J’ai
l’impression de ne plus pouvoir respirer. J’entends des voix étouffées. La voiture roule. Je veux descendre. Je me tortille et me retourne dans tous les sens, mais quelque chose me cloue au sol. L’idée de perdre le contrôle de ma vessie m’emplit de confusion. Je veux me lever et rentrer chez moi. Je me sens incapable de penser. Ce qui m’arrive n’est pas normal, je le sais, mais j’ignore comment réagir. Je me sens effrayée et impuissante.
On roule toujours ; j’ai mal au coeur. Mais la peur de m’étouffer me retient de vomir. Quelque chose me dit qu’on ne me viendra pas en aide si cela se produit.
J’ai tellement chaud. Ma peau me brûle. S’il vous plaît, enlevez ce tissu qui m’asphyxie – je ne peux pas respirer.
Je voudrais hurler, mais ma bouche est sèche et aucun son n’en sort. Je perds conscience. Quand je me réveille, j’entends des murmures. Le véhicule s’est arrêté. Où sommes-nous ? Il y a deux voix distinctes. L’une est
masculine, l’autre basse et assourdie ne semble pas appartenir à un homme. Je suis toujours allongée sous le plaid, mais le poids a disparu. Une portière s’ouvre et se referme dans un claquement sec. On dégage enfin
mon visage de la couverture. La personne qui se trouvait à l’arrière est maintenant assise à l’avant, mais je ne distingue pas ses traits ; elle n’est pas bien grande, cela pourrait être une femme. L’homme qui m’a poussée dans
la voiture m’offre à boire. Je meurs de chaud, ma bouche est pâteuse. Il me rassure, il a pris une paille supplémentaire : aucune inquiétude concernant d’éventuels microbes.
Je suis heureuse d’avaler un peu de liquide – mes lèvres sont sèches comme si j’avais crié pendant des heures ; je ne me souviens pas l’avoir fait. Soudain, j’entends l’inconnu rire. Il dit quelque chose à propos de la réussite
de l’opération, il semble presque incrédule. J’ai envie de lui crier que je veux rentrer chez moi. Mais j’ai peur de le mettre en colère. Que faire ? Je suis démunie.
Comme je le regrette ! Je voudrais m’endormir pour oublier l’affreuse réalité. Que m’arrive-t-il ? Qui sont ces gens et que me veulent-ils ?
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Introduction

Mettons une fois pour toutes les choses au clair ! Je m’appelle Jaycee Lee Dugard et j’ai été enlevée par un inconnu à l’âge de onze ans. Pendant dix-huit années, on m’a gardée prisonnière dans une arrière-cour avec interdiction de prononcer mon nom. Ce qui va suivre est le récit du drame personnel que j’ai vécu depuis ce jour fatidique de juin 1991 qui a bouleversé ma vie pour toujours.

J’ai décidé d’écrire ce livre pour deux raisons. D’abord parce que Phillip Garrido estime que personne ne devrait découvrir les sévices qu’il a infligés à une fillette de onze ans… Moi en l’occurrence. Il pense également qu’il n’est pas responsable de ses forfaits. J’en juge autrement. Je crois que tout le monde a le droit de connaître dans le détail les actes que lui et sa femme, Nancy, ont commis durant toutes ces années au fond de leur propriété. Je n’ai pas à avoir honte de ce que j’ai enduré et je veux que Phillip Garrido comprenne que je ne suis plus obligée de garder son secret. Et qu’il est assurément coupable de m’avoir volé un pan entier de mon existence et de m’avoir privée de ce que j’aurais dû vivre au sein de ma famille.

Mais si j’écris cette histoire, c’est aussi avec le souhait qu’elle aidera ceux qui affrontent non pas des épreuves similaires, mais des circonstances difficiles – peu importe lesquelles. Face à un kidnapping, il est facile d’être horrifié et choqué, mais que faisons-nous pour tous ces adultes et ces enfants qui vivent l’enfer dans leur propre foyer ? Mon objectif est d’inciter les gens à oser prendre la parole lorsqu’ils sont témoins de situations anormales. Nous vivons dans un monde où l’on hésite à dénoncer et où l’on n’écoute pas ceux qui s’y risquent. J’abrite l’espoir que cette société portera enfin demain un autre regard sur ceux qui ont le courage de se lever. Je sais que je ne suis pas le seul enfant à avoir été blessé par un adulte névrosé. Et je reste convaincue que si l’on fouillait en profondeur dans certaines familles qui paraissent formidables de l’extérieur, on découvrirait des horreurs incroyables.

Beaucoup trouvent plus commode de demeurer dans leur « arrière-cour » que de s’aventurer dans l’inconnu en abandonnant ce havre derrière eux. Il est vrai que la démarche est difficile et effrayante. Néanmoins, elle en vaut la peine. Cela peut aider à sauver une personne ou une famille qui sont incapables de se sauver elles-mêmes.

Prenez mon cas : deux flics de Berkeley ont remarqué quelque chose qui clochait, et ils en ont parlé. Ils auraient pu se tromper, certes, mais ils ont agi comme il le fallait. Je leur serai éternellement reconnaissante d’avoir accompli ce que je ne pouvais faire moi-même.

À cette époque, la moindre journée représentait une lutte de tous les instants, mais aujourd’hui j’attends avec plaisir le lendemain. Après dix-huit années de soumission à un stress immense, à la cruauté, à la solitude, la routine et l’ennui, chaque matin est un nouveau défi à relever et la promesse de nombreuses découvertes.

Avec ce récit, j’espère vous convaincre qu’il est possible d’endurer n’importe quelle épreuve et d’y survivre. Et surtout d’en sortir indemne intérieurement. Je ne saurais dire comment je suis parvenue à supporter l’insupportable. Cette question me hante de moins en moins souvent. Je pensais au départ que ceux qui liraient ce récit trouveraient la réponse pour moi, mais je commence à croire que je la connais secrètement depuis toujours.

Interrogez-vous : que feriez-vous pour survivre ?

Ma situation était très particulière, et je peine à imaginer ce que les autres traversent dans leur quotidien. On peut survivre à l’horreur, voilà tout ce que je peux affirmer. L’Histoire nous a appris que même lorsque l’espérance semble avoir disparu, elle demeure dans le cœur des gens.

T. S. Eliot a écrit : « J’ai dit à mon âme tiens-toi tranquille et attends sans espoir, car l’espoir serait l’espérance fourvoyée. »

J’ai effectivement placé ma confiance en des êtres humains qui ne le méritaient pas, mais elle est demeurée intacte.

J’ai beaucoup de chance et j’ai aussi le bonheur de posséder des trésors inestimables. La vie est trop courte pour penser à ce que l’on n’a pas. J’avais mes filles pour me donner la force d’avancer, mes chats pour me tenir chaud la nuit, et peut-être, enfoui au fond de moi, l’espoir diffus de revoir ma mère. Même si vous n’avez comme motif de réjouissance qu’un seul être ou qu’une seule chose, c’est suffisant. Oui, je crois vraiment que j’ai de la chance. Je n’aurais jamais pu endurer ce calvaire si j’avais cessé de croire qu’un jour mon existence prendrait un sens. Accepter l’aventure que constitue la vie est important. Il est essentiel de profiter pleinement de chaque journée, quoi qu’elle vous apporte.
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13 mars 2004 : Je suis désolée pour tout ce que je ne suis pas. Désolée de ne pas être celle qu’il voudrait que je sois ; je n’ai pas la moindre idée de ce qu’il attend. Je suis simplement navrée. Parfois, je me sens désespérément seule, et c’est idiot puisque je ne le suis pas. J’ai mes chats et des gens qui m’aiment. Mais au fond, je ne sais pas ce que je veux. Certains jours, j’ai le sentiment d’être d’une grande clairvoyance et tout me semble facile, mais le lendemain tout redevient brumeux et je suis incapable de définir mes désirs. Le pire, c’est la nuit : j’ai trop le temps de penser. J’ai quelquefois l’impression de dramatiser et de me plaindre à l’excès. Pourquoi est-ce que je me lamente autant ? J’ai de quoi manger, un toit pour me protéger de la pluie… Enfin quand ma tente ne fuit pas. Je ne veux pas le blesser (Phillip), mais j’ai souvent le sentiment que ma seule présence le fait souffrir. Alors comment lui dire à quel point j’ai envie d’être LIBRE d’aller et venir à ma guise ? LIBRE de crier « j’ai une famille ». LIBRE.
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L’enlèvement

C’est un lundi matin, un jour d’école ordinaire. En ce 10 juin 1991, je me suis réveillée de bonne heure. J’attends que ma mère vienne m’embrasser dans ma chambre avant de se rendre au travail. La nuit dernière, j’ai insisté pour qu’elle passe me dire au revoir.

Allongée dans mon lit, j’entends la porte d’entrée se refermer. Elle est partie. Elle a oublié. Je suppose que je pourrai toujours lui faire un bisou et me blottir dans ses bras ce soir, quand elle reviendra à la maison… Mais je lui rappellerai que je l’ai attendue en vain.

Je reste couchée un moment jusqu’à ce que mon réveil m’informe qu’il est temps de me lever. Encore cinq minutes, puis je m’extirpe de sous ma couette. Je remarque alors que la bague que j’ai achetée la veille à la foire a disparu. Zut ! Moi qui voulais absolument la porter aujourd’hui ! Je fouille mon lit, sans succès. Si je continue à perdre du temps, je vais être en retard à l’arrêt de bus et Carl, mon beau-père, risque de se mettre en colère. Sans compter que je serai obligée de lui demander de me déposer à l’école en voiture. Déjà qu’il me trouve désordonnée, inutile de lui donner une excuse supplémentaire pour ne pas m’aimer. Parfois, j’ai l’impression qu’il n’attend qu’un prétexte pour se débarrasser de moi.

J’abandonne mes recherches et décide de me rabattre sur la bague en argent que maman m’a offerte, il y a quatre ans, à l’occasion de mon septième anniversaire, avant sa rencontre avec Carl. Depuis cette époque, mon doigt a beaucoup grossi, et je ne la porte pas souvent. Elle est petite et délicate, et sa monture en forme de papillon est assortie à la tache de naissance qui s’étale sur mon avant-bras droit presque jusqu’à l’épaule. Elle s’orne au centre d’un minuscule diamant. Malheureusement, j’ai beau essayer de la glisser à son emplacement habituel, elle me serre tellement que je suis forcée de la mettre à mon auriculaire. Le résultat est nettement plus satisfaisant. Je décide de porter un pantalon rose moulant et mon tee-shirt préféré avec un motif de chat et, en raison du froid qui semble sévir dehors, j’enfile mon coupe-vent fuchsia. Puis je traverse le couloir pour jeter un coup d’œil dans la chambre de ma petite sœur. La veille au soir, pendant que ma mère y pliait du linge et que je l’aidais à ma façon, allongée sur le lit, j’en ai profité pour tenter de la convaincre de m’acheter un chien ; je suppose que j’ai dû l’agacer parce qu’elle n’arrêtait pas de répéter « non » encore et encore. Mais j’en ai tellement envie ! Chaque fois que je le peux, je descends jusqu’au bas de la rue voir les chiots des voisins et je les caresse à travers le grillage. Je ne comprends pas pourquoi on me refuse ce droit. L’autre jour en classe, pour répondre au sujet de ma rédaction : « Si j’avais un souhait », j’ai évoqué le chien de mes rêves. Je l’appellerais Buddy et il me suivrait partout ; je lui enseignerais des tours et ce serait moi sa préférée. J’espère de tout mon cœur que maman m’autorisera un jour à avoir un chien.

Hier soir, j’ai appris une acrobatie à ma sœur âgée de dix-huit mois. Je lui ai montré comment sauter dans son berceau. Elle a ri aux éclats. J’adore la faire rire. Je crois qu’elle n’est pas loin de pouvoir descendre de son lit comme une grande. Je passe ma tête dans l’entrebâillement de la porte ; elle dort toujours. Je m’éloigne sur la pointe des pieds.

Me sentant un peu nauséeuse, j’envisage l’espace d’un instant d’annoncer à Carl que je suis malade et donc incapable d’aller à l’école, mais je change aussitôt d’avis. Je n’ai pas envie de déclencher une dispute. La vérité, c’est que je ne tiens pas à rester avec lui toute la journée à la maison. La plupart du temps, j’attends avec impatience de partir en classe parce que cela m’épargne ses critiques. Peut-être qu’en mangeant quelque chose j’aurai moins mal au ventre. Une fois dans la cuisine, j’opte pour du gruau instantané goût pêche et crème. L’horloge du micro-ondes indique six heures trente. Si je ne veux pas rater l’autobus, il ne faut pas que je tarde à me mettre en route. J’avale en hâte mes flocons d’avoine. Heureusement que Carl ne me voit pas m’empiffrer ainsi ! En règle générale, il estime que je me tiens très mal à table et chaque occasion lui est bonne pour me faire connaître sa façon de penser.

Un jour où il n’appréciait pas la manière dont j’engloutissais mon dîner, il m’a fait asseoir devant la glace de la salle de bains pour m’obliger à me regarder manger. Je crois que je n’infligerai jamais une telle humiliation à mon enfant ! Je me confectionne un sandwich au beurre de cacahuète et à la confiture pour le déjeuner, ajoute une canette de jus de pomme à mon pique-nique, avant d’aller vérifier une nouvelle fois si Shayna est réveillée. Elle dort toujours et je dois partir sans lui dire au revoir. Je n’ai pas encore croisé Carl. Il doit se trouver dehors, puisqu’il n’est pas devant la télévision comme à son habitude. J’aperçois mon chat, Monkey, couché sur le ponton. Ma grand-mère Ninny m’en a fait cadeau avant que nous déménagions au lac Tahoe. Monkey est de race manx, ce qui veut dire qu’il n’a pas de queue. Au départ, je voulais le baptiser Saphir à cause de ses yeux bleus, mais Carl a jugé ce nom stupide. Et il s’est mis à le surnommer tout simplement Monkey, petit singe. Dans un premier temps, ça m’a rendue folle et, dès que j’en avais l’occasion, je l’appelais Saphir. Aujourd’hui qu’il est adulte et que Monkey lui correspond mieux, je me suis rangée à l’avis de Carl. C’est drôle de voir à quel point on peut s’habituer à certaines choses. La plupart du temps, Monkey vit dans le jardin, mais je le laisse dormir avec moi la nuit. Depuis que le chat de ma mère, Bridget, a été dévoré par un animal sauvage – peu après notre installation à Tahoe –, je n’aime pas le savoir loin de la maison, le soir tombé. La mort de Bridget a été atroce ; après l’avoir cherché en vain pendant plusieurs jours, j’ai finalement découvert ses restes, rien de plus qu’un tas de fourrure. C’était réellement très triste. Je suis sûre que Monkey a été séparé de sa maman à un jeune âge, car il aime téter ma couverture polaire. Je pense qu’il me prend pour sa mère.

Je m’engage sur le ponton et lui offre une caresse en guise de bonjour. Il miaule comme un affamé, alors je lui donne une grosse cuillère de sa pâtée. J’ai également apporté une carotte pour Bugsy, le lapin nain noir et blanc de Carl, qui d’ailleurs n’est pas si petit que ça. Ce que j’aime le plus chez Bugsy, c’est son amour pour les pops glacés, goût raisin. Je suis chargée de nettoyer son clapier, travail que je n’aime pas particulièrement. Il fait beaucoup de crottes. J’ai lu dans un livre que ces mammifères mangent un excrément par nuit. Les animaux commettent parfois des actes qui nous paraissent insensés, à nous, les humains, mais je pense qu’ils doivent avoir une bonne raison pour ça. Bien que je ne sache pas laquelle.

Je franchis la porte d’entrée et descends la longue allée qui mène aux escaliers. Notre maison de Tahoe me fait penser à un chalet. Elle est située au pied d’une colline. Nous y habitons depuis le mois de septembre de l’année dernière. Nous vivions auparavant dans le comté d’Orange. Quand notre appartement a été cambriolé, maman et Carl ont estimé plus prudent de déménager à Tahoe. Une ville beaucoup plus petite.

J’ai grandi à Anaheim, en Californie. J’ai toujours pensé que c’était Carl qui avait convaincu ma mère, lorsque nous nous sommes installées avec lui, qu’il était temps que j’aille à l’école à pied toute seule. Je ne crois pas que l’idée ait beaucoup séduit maman, mais elle n’a pas eu le choix. Obligée de partir de bonne heure pour son travail, elle ne pouvait pas me conduire en voiture le matin. Et Carl n’étant pas toujours disponible, j’ai été forcée d’accepter cette solution. Ils m’ont confié une clef de l’appartement et c’est ainsi que j’ai commencé à me rendre en classe par mes propres moyens.

Un jour, alors que je rentrais de l’école élémentaire Lampson où j’étais en CM1, une bande de garçons entassés à bord d’une voiture se sont mis à crier et à me faire signe d’approcher. Je me suis enfuie en courant et je me suis cachée dans un buisson jusqu’à ce que le véhicule ait disparu, puis j’ai couru à la maison à toutes jambes avant de verrouiller la porte derrière moi. Cet incident m’a tellement effrayée que par la suite j’ai évité de traîner en chemin. Parfois, maman ou Carl venaient me chercher à la sortie des cours, ce que je vivais comme une fête. Tahoe ne ressemble en rien à Anaheim. Ici, je peux faire de la bicyclette n’importe où et je n’ai pas peur.

Certains jours, une chienne du quartier, baptisée Ninja, m’accompagne jusqu’au sommet de la colline. Comme j’adorerais avoir un chien à moi, un qui m’escorterait quotidiennement sur mon trajet et m’accueillerait à mon retour. Ninja a une préférence pour Carl. C’est lui, généralement, qu’elle attend et qu’elle suit au cours de ses balades du week-end.

Ce matin, j’aimerais beaucoup que Ninja fasse un bout de chemin avec moi, mais aucun signe d’elle dans les environs. Avant de quitter la maison, je crie à Carl que je m’en vais. Pas de réponse. Je ne l’aperçois nulle part. Sa camionnette n’étant plus dans le garage, j’en déduis qu’il doit bricoler dessus. J’entame l’ascension de la butte par le flanc droit, et une fois arrivée dans le virage, je change de côté. Il me reste encore une semaine d’école avant le début des vacances d’été. J’ai prévu de travailler dans un ranch-hôtel avec mon amie de classe Shawnee. Elle adore les chevaux et parfois elle m’en dessine quelques-uns. J’aime son coup de crayon. Elle m’a invitée à une randonnée équestre : j’ai trouvé ça formidable. Shawnee est une excellente cavalière. Elle a vécu avec sa mère dans un ranch, mais elle habite désormais à un kilomètre et demi de chez moi, dans un appartement, avec sa grand-mère Millie. Je suis très excitée par notre projet. J’aimerais monter aussi bien qu’elle un
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Tous les animaux aiment leurs maîtres, même lorsque ces derniers les maltraitent ou les trahissent. Ils sont parfois tellement en demande d’affection qu’ils feraient n’importe quoi pour être aimé
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Nous vivons dans un monde où l’on hésite à dénoncer et où l’on n’écoute pas ceux qui s’y risquent. J’abrite l’espoir que cette société portera enfin demain un autre regard sur ceux qui ont le courage de se lever.
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La solitude n’est pas toujours un poids ; elle m’a donné l’occasion de me connaître. Cependant, lorsque mes pensées me ramènent vers ces jours d’isolement, j’éprouve soudain le violent besoin d’appeler une amie ou de prendre rendez-vous pour déjeuner – tout plutôt que de rester seule.
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Mon chemin n’est pas semé de pétales de roses, mais même durant les périodes difficiles, je peux affirmer une chose : je suis libre… Libre d’être celle que je veux… Libre de clamer que j’ai une famille et, aujourd’hui, de nouveaux amis…
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Je préfère une autre façon de mener mon existence. Ce qui est fait est fait. Je me tourne vers l’avenir. Pour la première fois depuis longtemps, je peux enfin me projeter dans le futur au lieu de me contenter du présent.
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