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Citations de Jean-Luc Porquet (19)


Jean-Luc Porquet
■ TRES MODERNE, CETTE MARÉE NOIRE !
La pollution due au naufrage du 'Grande America' ? Pfff… Ridicule ! Rien à voir avec 'l'Amoco Cadiz', qui trimballait 100 fois plus de fioul. Ou même avec 'l'Erika' (14 fois plus). Et de toute façon, note Nicolas Tamic, du Cedre (Cendre de Documentation, de recherche et d'expérimentation sur les pollutions accidentelles des eaux), les nappes « se dirigent pour l'instant vers le large » ('L'Humanité', 19/03). Les conditions météo s'améliorent constamment. Les galettes et les boulettes de cochonneries mettront des jours à toucher les côtes, François de Rugy a dépêché sur place un navire antipollution. Tout est mis en œuvre, etc.
Et les conteneurs remplis de plein de produits dangereux, acide chlorhydrique et sulfurique, notamment ? Même pas grave. Ou ils ont brûlé dans l'incendie, ou ils se sont dilués dans le vaste océan, ou ils dorment sagement au fond de l'eau, « à 4 600 mètres de profondeur sur la plaine abyssale ». Et les 2 200 véhicules ? Bah, ils rouilleront peinardement jusqu'à la fin des temps.
Bref, des marées noires sympathiques comme celle-là, on en redemande !

- article dans le Canard enchaîné, 20/03/2019
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Jean-Luc Porquet
[...] Et, la voiture électrique, les médias ne cessent de nous le seriner, nous allons tous y passer. La preuve, c'est que ces jours-ci, EDF s'offre de pleines pages de pub pour clamer son ambition d'en devenir le 'fournisseur officiel'. D'ici cinq ans, notre géant national aura installé sur le territoire quelque 75 000 bornes de recharge, de quoi alimenter 5 fois plus de bagnoles électriques qu'il n'y en a aujourd'hui.
Avec seulement 1.2 % du parc automobile, la voiture électrique ne séduit guère le populo. Alors qu'elle est é-co-lo-gique ! Elle ne dégage pas un gramme de CO2 ! Aucune particule fine ! Certes, les grincheux vous diront qu'avant même d'avoir parcouru son premier kilomètre, une voiture électrique a déjà dégagé une montagne de CO2, vu que la fabrication de sa batterie (qui pèse dans les 600 kilos) nécessite en moyenne 400 kilos de nickel, mais aussi 15 kilos de cobalt, 5 kilos de lithium et quantité d'autres métaux rares dont l'extraction, le raffinage, la transformation et l'acheminement sont affreusement voraces en eau et en énergie. (1)
Même Carlos Tavares, le patron de PSA, a rechigné à prendre le tournant électrique que, dit-il 'les autorités leur ordonnent' de prendre : 'Je ne voudrais pas que, dans trente ans, on découvre quelque chose qui n'est pas aussi beau que ça en a l'air, sur le recyclage des batteries, l'utilisation des matières rares de la planète, les émissions électromagnétiques de la batterie en situation de recharge.' ('Le Parisien', 24/09/2017).
Alors, pourquoi cet emballement ? A cause du nucléaire. Pour recharger 1 million de voitures, il faut, estime-t-on, faire tourner un ou deux réacteurs nucléaires. On comprend l'enthousiasme d'EDF.
Pour maintenir coûte que coûte son parc au niveau actuel, EDF cherche à 'faire augmenter le plus rapidement possible la consommation française d'électricité, stagnante depuis plusieurs années, de telle sorte que la part du nucléaire redescende [?] naturellement à 50 % du total vers 2030, rendant inutile toute fermeture de centrale', analysent l'ingénieur Benjamin Dessus et le physicien nucléaire Bernard Laponche dans une tribune intitulée 'Non, le nucléaire ne sauvera pas le climat !' ('Alternatives Economiques', 03/10).
C'est la voiture électrique qui va sauver le nucléaire...

(1) 'La guerre des métaux rares', Guillaume Pitron, LLL, 300 p., 20 €
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• article dans le Canard enchaîné du 17/10/2018
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Jean-Luc Porquet
■ La tactique du plastique.
Quelle mouche les pique ? Tout le monde s'excite sur le plastique. Il y a le jeune Hollandais prodige dont 'Paris Match' nous vante « la technique révolutionnaire pour enrayer l'invasion des fonds marins par les plastiques », une sorte de boyau flottant de 600 mètres flanqué d'un filet censé ramasser les débris en mer. Il y a 'Plastic Odyssey', le catamaran inauguré en juin par la secrétaire d'Etat Brune Poirson, qui carbure aux déchets plastique (il en ramasse en mer 1 tonne par jour, dont une partie est transformée à bord en carburant). Il y a l'entreprise chilienne Solubag, qui a mis au point un sac plastique soluble dans l'eau ('L'Humanité', 27/08). Que des solutions miracles ! Y a plus qu'à.
Ajoutez-y toutes les infos apocalyptiques dont on nous abreuve sur le plastique... Voilà 50 ans, le monde en produisait 1 million de tonnes par an ; aujourd'hui, c'est 380 fois plus ! D'ici à 2050, les océans devraient contenir, en poids, plus de plastique que de poissons. En avril, des chercheurs allemands n'en sont pas revenus d'avoir trouvé jusqu'à 12 000 particules de plastique par litre figées dans la banquise arctique. Etc.
Là-dessus, tombe en août une annonce à sensation : prenant le plastique à bras-le-corps, le gouvernement s'apprête à publier, cet automne, un décret qui généralisera le bonus-malus sur le plastique. Le prix des plastiques qui partent à la poubelle augmentera, celui des plastiques recyclés baissera. Le but affiché est de faire grimper le taux de plastique recyclé, lequel est, il est vrai, désespérant : sur les 3.3 millions de tonnes produites chaque année en France, on n'en recycle qu'un peu plus d'un quart (chiffre 2016 : 26.2 %). Ce qui est l'un des pires scores européens (la moyenne est de 40.8 %). Objectif (bien entendu irréalisable) : arriver à recycler la totalité du plastique d'ici à 2025.
Admirable, tout cela, non ? Mais pourquoi cet emballement ? Pourquoi cette mesure, déjà moult fois évoquée, notamment lors du grenelle de l'environnement, ne prend-elle effet que maintenant ? Pourquoi les entreprises multiplient-elles depuis peu les annonces vertueuses antiplastique, de Michel-Edouard Leclerc à Carrefour en passant par Coca-Cola ? A cause de la Chine, nous explique, dans 'Le Monde' (15/09), la consultante en développement durable Elisabeth Laville. Au début de l'année, la Chine, désormais elle aussi noyée sous ses propres déchets plastiques, a décidé unilatéralement de stopper les importations de nos déchets plastique. Or c'est chez elle que le monde industrialisé se débarrassait des 3/4 d'entre eux ! D'où la fébrilité des gouvernants et des entreprises, qui se décident enfin à trouver vite fait une solution.
[...]

• 'Plouf', article dans le Canard enchaîné du 19/09/2018
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Jean-Luc Porquet
■ Ah, les trottinettes...
Ne sont-elles pas merveilleuses, ces trottinettes électriques qui, depuis un an, déferlent sur Paris et les grandes métropoles ? Elles filent sans bruit à 25 km/h. Elles se faufilent sur les trottoirs, les couloirs de bus, les pistes cyclables. Elles sont silencieuses. Elles nous font retomber en enfance. Ah, les sourires ravis des adultes chevauchant leur engin sur le méchant bitume de la ville ! Paris en compte actuellement dans les 20 000, et ce n'est qu'un début - le double est prévu avant la fin de l'année. Bien sûr, pour s'en servir, il faut disposer d'un téléphone portable. Mais qui n'en a pas, à part trois olibrius égarés ?
Vous téléchargez l'appli de l'opérateur de votre choix (à Paris, pas moins de 12 sociétés se disputent le marché). Elle vous indique la trottinette la plus proche. Un peu de marche à pied, quelques tapotages, et hop ! Pour 1 euro, la voilà débloquée et, pour 15 à 25 centimes par minute, vous circulez où bon vous semble. Le trajet est fini ? Vous la flanquez dans un coin, et adios ! Le bonheur.
Le hic, c'est que, derrière leur apparence 'fun, ludique et résolument tendance', se cache une réalité plus dérangeante. Pas seulement en matière de sécurité et de santé publique (les accidents à foison, les deux morts à Paris, la timide reprise en main par les pouvoirs publics, avec amende de 135 euros pour qui fonce sur un trottoir, et casque obligatoire pour les 8-12 ans)...
Toutes ces trottinettes sont fabriquées en Chine, pays où ne s'épanouissent guère, comme on le sait, le dialogue social et les salaires confortables. Toutes ont une durée de vie des plus courtes. Pas plus de 3 mois, après quoi elles filent à la casse, comme l'a révélé une récente étude du Boston Consulting Group. Un vrai record d'obsolescence ! Un peu gênés, les opérateurs jurent qu'ils vont s'efforcer de les faire durer au moins, tenez-vous bien, 9 mois...
Toutes fonctionnent avec des batteries lithium-ion, lesquelles s'altèrent rapidement, et dont les 3 kilos (au minimum) sont composés d'un savant mélange de nickel, cobalt, aluminium, lithium, cuivre, manganèse - métaux dont les conditions d'extraction ne sont généralement pas un modèle de respect de l'environnement. Bref, la trottinette électrique n'a rien d'écolo.
Ce n'est pas tout : pour recharger les batteries, les opérateurs font appel à des particuliers. Tous sont des travailleurs précaires qui, chaque soir, embarquent des trottinettes pour les emmener dans un local où ils rechargent pendant trois heures - avec de la bonne électricité nucléaire. Libération' (11/05/2019) a raconté leurs folles cadences quotidiennes, les centaines de camions qui tournent dans Paris entre 18 heures et 3 heures du matin, leurs guéguerres... Et tout ça pour des clopinettes.
La trottinette cache bien son jeu...

▪️ article dans le Canard enchaîné, 19/06/2019
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Jean-Luc Porquet
■ C'EST COMMENT QU'ON FREINE PAS ?
Le chiffre subjugue chaque fois qu'on retombe dessus. Celui de la pub. Chaque année, en France, il est dépensé 33 milliards d'euros pour nous inciter à consommer (1). C'est 8 fois le budget du ministère de la Culture. C'est 500 euros par tête de pipe. Soit 1.37 euro par jour. En gros, ce avec quoi survivent les 800 millions d'humains les plus pauvres.
La publicité, disait Jacques Ellul en 1988, "est devenue le moteur de tout système. Elle est la dictature invisible de notre société."
A leur manière, les citoyens de la Convention citoyenne pour le climat ont entériné ce constat : "La publicité a un impact très fort sur la création de besoins et sur la consommation : nous pensons ainsi qu'il s'agit d'un des principaux leviers à actionner pour faire évoluer les comportements du consommateur d'une manière durable, du fait de son rôle majeur sur la fabrication de nos modes de vie."
(...)
Aussitôt publiées ces [3] propositions, en juin dernier, les publicitaires s'activent. Ils font l'assaut du gouvernement. Leur lobbyiste en chef, Mercedes Erra, patronne de l'agence BETC et membre du comité de direction d'Havas s'en félicite aujourd'hui :
"Les ministères nous ont vus à toutes les réunions, je n'ai pas à expliquer à Bruno Le Maire en quoi je suis utile" (Libé, 10/02). Leur victoire est totale.
Des propositions citoyennes sur la pub, il ne reste dans le projet de loi publié le 10 février par Barbara Pompili qu'un article interdisant les avions publicitaires et l'article 4 ainsi rédigé : "A compter d'un an suivant la présente loi, est interdite la publicité en faveur des énergies fossiles."
Excellent gag ! Ce n'est pas tous les jours, en effet, qu'on voit des pubs du style 'Achetez-vous une tonne de charbon' ou 'On n'a pas d'idées mais on a du pétrole pas cher !' Il n'y aura donc strictement rien à interdire. Les messages nous vantant les SUV et autres engins énergivores continueront de fleurir partout. Pour faire passer la pilule, les pubeux diront suivre des 'codes de bonne conduite' et défendront mordicus une 'consommation responsable'. Et surtout durable ! (...)

(1) Un peu moins l'an dernier, Covid oblige.

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• article 'Plouf !' dans le Canard enchaîné du 24/02/2021
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Jean-Luc Porquet
■ Pénurie de microgouttelettes.
Pourquoi n'a-t-elle pas fait plus de bruit ? Mystère.
C'est une étude allemande qui s'ajoute à d'autres allant dans le même sens (et qui, comme toutes les études, peut bien sûr être remise en question, mais ce qu'elle montre est suffisamment convaincant pour qu'on la discute, la refasse, la renforce - ou la réfute - sans attendre) : les lieux culturels, établit-elle, sont ceux où le taux de contamination est le plus faible.
L'étude est signée par deux chercheurs de l'Institut Hermann-Rietschel, à Berlin (rtbf.be, 18/02). Ils ont élaboré un 'modèle de risque d'infection', lequel permet de quantifier et de comparer les risques de contamination par aérosol, ces microgouttelettes en suspension dans l'air. Si on fixe à 1 l'indice de circulation du virus dans un supermarché où tout le monde circule masqué, à combien est-il dans d'autres lieux ?
Leur réponse : dans les théâtres, salles de concert et musées respectant les consignes sanitaires habituelles, il est de moitié, soit 0.5. C'est le plus bas de la liste. Celui des bureaux occupés à 20% et en open-space est de 1.6 (plus du triple). Celui d'une école à moitié vide est de 2.9 (près de 6 fois plus)... Les lieux culturels, notent les chercheurs, sont les seuls où le public reste relativement silencieux (bien plus que dans les églises !) et où il est assez simple de faire respecter la distanciation physique.
Qu'en pense Roselyne Bachelot ? Elle est en train de mettre laborieusement en route deux expérimentations, l'une à Marseille, l'autre à Paris : 2 concerts avec 1000 spectateurs volontaires et des protocoles pas encore finalisés mais déjà coûteux - 1 million d'euros (Le Monde, 28/02).

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• article du Canard enchaîné du 03/03/2021
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Jean-Luc Porquet
■ Dé-ma-té-ria-li-sé !
Désormais, tout se fait en ligne, tout ! S'inscrire sur Parcoursup [pour l'après Bac] ou à Pôle Emploi, contacter l'Assurance Maladie, la Caisse nationale d'Allocations familiales, obtenir son permis de conduire et sa carte grise. Bref, toutes les démarches administratives sont 'dématérialisées', comme on dit, et vive le progrès.
Certes, il y a des zones blanches : dans 541 communes françaises, Internet ne passe pas. Soit près de 500 000 personnes qui doivent prendre la voiture pour aller se connecter. Ainsi, ces lycéens des Cassés (Aude), condamnés à faire 20 km pour se connecter sur Parcoursup au McDo (Le Monde, 09/03).
Patience : le gouvernement a lancé il y a cinq ans un plan 'France très haut débit', complété depuis l'an dernier par un 'New Deal mobile' (sic), la sainte 4G... Reste un petit problème : les vieux, et les largués. Ceux qui ne parlent pas le langage des bits et des clics. On estime que 40% des plus de 70 ans ne vont jamais sur Internet. Et 46% des non-diplômés non plus. Soit, en gros, 9 millions de vieux et 11 millions de cancres.
20 millions de Français laissés de côté par la dématérialisation.
Ils n'ont plus qu'à se dématérialiser !

• article dans le Canard enchaîné du 13/03/2019
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Jean-Luc Porquet
■ LES FENETRES.
On entend une voix de femme, d'où peut-elle bien venir ? On regarde les centaines de fenêtres du bloc HLM de la Cité Stalingrad, à deux pas du rond-point Youri Gagarine, et là, au 10e étage, on les voit : une chanteuse accompagnée d'un batteur.
A peine a-t-elle fini d'interpréter 'Les Fenêtres', de Brel, qu'au premier étage apparaît de derrière un rideau rouge une marionnette d'élégante, laquelle nous entretient de tragédies grecques. D'autres marionnettes à taille humaine surgiront ici ou là, dans l'immeuble d'à côté, sur le toit d'un BestDrive abandonné.
Un ancien maigre devenu gros raconte que le confinement lui a fait prendre un peu, beaucoup, trop de poids. La mort en froufrou noir rit à gorge déployée du 'principe d'enfermer les bien-portants', qui lui apporte de nouveaux clients (et elle compte beaucoup sur les violences conjugales). A une fenêtre débordant de verdure, des animaux apparaissent et racontent que, les occupants ayant fui l'appartement, ils se sont installés là.
'On n'en pouvait plus', dit un membre de la compagnie de marionnettes 'Les Anges au plafond', qui a son QG à Malakoff, dans les Hauts-de-Seine. Toutes leurs représentations annulées en rafale (une soixantaine depuis janvier)... Ils ont eu envie de jouer malgré tout. D'où cette apparition aux fenêtres. Sur la pelouse en face des HLM, nous ne sommes guère que trois douzaines, et ça n'a duré qu'une demi-heure. On serait bien restés encore trois heures !

Vu à Malakoff le 17/04/2021. Prochaines représentations dans la Creuse, le 30 avril à Felletin et le 1er mai à Aubusson.

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• article dans Le Canard enchaîné, 28/04/2021
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La malbouffe met de la fantaisie, du suspense et de la gaité dans nos vies : désormais, comme dit l'autre, à table on ne se dit plus "bon appétit" mais "bonne chance". Ce qui est quand même plus rigolo...
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QUICONQUE DANS LES ANNÉES 2000 A DÉAMBULÉ DANS PARIS AUX CÔTÉS DE CABU l’a constaté : immanquablement, un passant le hélait : « M’sieu Cabu ! Vous êtes bien Cabu ? De “Récré A2” ? Ah, c’est toute ma jeunesse… Comment va Dorothée ? » Cabu rit, répond aimablement, salue, puis, dès que l’admirateur ravi a tourné les talons, se gratte la tête et soupire : « On est toujours connu par ce qu’on a fait de pire. » Mais au fond, il n’en pense pas un mot. De ces dix années de télé avec Dorothée, il ne garde que des bons souvenirs. D’abord, parce que Dorothée est « quelqu’un d’intelligent et de très drôle ». Ensuite, parce que les enfants sont selon lui le meilleur des publics car ils dessinent tous ou presque jusqu’à douze ou treize ans, et qu’ils aiment voir dessiner. Mais aussi : « Ils aiment la poésie et l’humour noir ; les adultes n’aiment jamais les deux. Les enfants ont un esprit critique très fin. » Autre avantage, dessiner en direct chaque semaine devant une caméra lui a beaucoup appris : « Cela m’a obligé à travailler plus vite, directement sans crayonné, à cadrer de façon plus simple (l’image de la télé étant très furtive, elle doit être efficace !), à supprimer des arrière-plans sans grande utilité. »
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EN CE DÉBUT D’ÉTÉ 1976 CANICULAIRE, Cabu prend sa plume pour rédiger une lettre, qu’il réécrit une, deux fois… Elle est adressée à Bernier (le Professeur Choron), Cavanna et toute l’équipe de Charlie Hebdo – cette démarche est pour lui une première. Il cherche à les convaincre de participer à une « marche internationale non violente pour la démilitarisation » qui doit se dérouler du 4 au 10 août entre Metz et Verdun : « J’y serai parce que pour moi c’est le plus important, et j’aimerais tellement que vous y soyez tous. » Excepté Cavanna, à qui il arrive d’accompagner Cabu aux manifs pacifistes, ce n’est pas gagné pour les autres, et particulièrement pour Choron ! Cabu joue donc sur tous les arguments : « Il y a si peu d’antimilitaristes que notre absence se remarquerait terriblement. Le refus de toute armée fait partie de l’image de marque du journal : avec l’antireligiosité, l’antimilitarisme est un dénominateur commun à toute l’équipe de Charlie Hebdo. » Certes, ajoute-t-il, ces lieux sont symboliques, et à Charlie on n’aime pas les symboles. Or justement, pour Cabu : « Il faut détourner ces symboles de massacre utilisés depuis des années par les beaufs qui nous gouvernent. Ou bien vous dites : “Cabu nous fait chier avec ses barbus”, ou bien vous dites : “On pourrait peut-être y aller tous”. » Et ça marche.
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Pendant qu'on nous amuse avec des guerres et des révolutions qui s'engendrent les unes les autres en répétant toujours la même chose, l'homme est en train, à force d'exploitation technologique incontrôlée, de rendre la planète inhabitable, non seulement pour lui mais pour toutes les formes de vie supérieures qui s'étaient jusqu'alors accommodées de sa présence.
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Jean-Luc Porquet
■ 'Non essentiel', suite.
« Comme mon grand-père le disait : mieux vaut avoir des gens dans sa tente et qui pissent dehors que l'inverse » déclare l'inénarrable Bachelot. Plus loin : « Mon grand-père dirait : 'Vous pleurez la bouche pleine.' »
'Le Monde' (12/02) a suivi la Ministre de la Culture pendant une semaine. Sur une page et demie, elle parle beaucoup de son grand-père. Elle s'agite beaucoup. Elle envoie des messages à Emmanuel, le 'PR'. On est rassurés. La Culture est en de bonnes mains. Certes, elle demeure 'non essentielle', à la différence des cultes. Tous les théâtres, musées, monuments, cinémas restent fermés depuis le 30 octobre, et les artistes sont de plus en plus remontés, mais tout va bien.
La preuve, deux expérimentations vont avoir lieu en mars et en avril, à Marseille et Paris, deux concerts 'debout'. On attend avec impatience les expérimentations sur le théâtre assis !
Bachelot : « 52% des Français n'assistent jamais à un spectacle vivant. Tout cela m'invite à repenser le modèle et à réfléchir à la répartition sociale et territoriale de la politique culturelle. »
Et dans 'C à vous' (12/02), elle se réjouit : « Cent mille personnes ont vu 'Titon et l'Aurore' sur le site de l'Opéra-Comique, ce qui n'aurait pu avoir lieu en temps normal. »
Comme dirait son grand-père, elle est en train de « repenser le modèle. »

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• article dans le Canard enchaîné du 17/02/2021
Jean-Luc Porquet et MP (?)
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Jean-Luc Porquet
[ J-L Porquet, à propos de l'essai 'Béton, arme de construction massive du capitalisme' publié par le philosophe Anselm Jappe (éd. L'Echappée) ].

L'auteur n'a rien contre le béton, cet ingénieux mélange de chaux (du calcaire cuit dans un four), de sable et d'eau. Après tout, la coupole du Panthéon construit par les Romains voilà deux mille ans n'est-elle pas en béton ?
C'est le béton armé que Jappe a en horreur. Coulé sur des armatures en acier (méthode mise au point vers 1867), celui-ci a commencé à inonder le monde entier après la Seconde Guerre mondiale. Très bon marché, n'exigeant qu'une main-d'oeuvre peu qualifiée, il a permis, à partir de quelques modèles de base, de tout standardiser. Pas seulement l'habitat en cages à lapins. Mais aussi notre paysage : les autoroutes, les parkings, les aéroports, les centrales nucléaires, les barrages ; et les ponts.
C'est l'écroulement du viaduc Morandi, à Gênes, en août 2018, qui a été pour Jappe l'élément déclencheur.
Le béton armé obéit en effet à l'une des lois essentielles du règne marchand : l'obsolescence programmée. Etant à durée de vie fortement limitée (environ un demi-siècle, l'acier finissant par se corroder), il a fait du bâtiment une marchandise comme une autre. Tout sauf 'durable'.
Autre inconvénient du béton : il possède une capacité de nuisance peu connue. 'Cuisson' énergivore qui dégage moult CO2 (1 tonne par tonne de béton).
Surexploitation du sable, devenu rare et cher - et ne comptez pas sur le sable des déserts, trop fin, trop lisse, inutilisable : à Dubaï, on est allé chercher du sable d'Australie pour construire la plus haute tour du monde.
Recyclage complexe et coûteux.
(...)

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• article dans le Canard enchaîné du 18/11/2020
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Quiconque s’est intéressé à l’extinction en cours des espèces ne peut qu’être frappé par la puissance du déni. L’universel refus de regarder le saccage en face. Depuis Freud, on connaît bien ce mécanisme courant de défense qu’est la dénégation. La personne se sent menacée intérieurement par une vérité. Ses croyances sont remises en question. Elle déploie alors une grande énergie morbide qui lui permet de refuser d’admettre cette vérité. Elle en rajoute. Elle se cabre. Elle exagère ses convictions. « Moi, en plein hiver, j’ouvre les fenêtres et je chauffe mon appartement ! » ai-je entendu clamer un jour un climato-dénégateur. On quitte le domaine de la raison. On défend sa citadelle par des moyens insolites et ridicules. Il y a un état de panique. Évidemment que cet ouvreur de fenêtre croit au réchauffement. Évidemment qu’il se sent coupable. Mais il ne veut pas l’admettre. Il se défend par l’attaque. Ça peut durer. Il risque d’ouvrir les fenêtres chaque hiver, et de s’en vanter toute l’année.
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Jean-Luc Porquet
Mais comment l'agriculture industrielle pourrait elle renoncer à ces miraculeux produits qui représentent plus de la moitié des pesticides utilisés dans le monde? Sans eux, tout s'effondre ! Les rendements ! La compétitivité ! Nos exportations ! Intolérable ! L'hécatombe des abeilles a donc de fortes chances d'aller jusqu'à son terme. On trouvera bien le moyen de les remplacer par des pollinisateurs moins douillets, insensibles aux produits toxiques et aux pollutions. Des nanorobots par exemple.
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Je t’écris parce que je cherche le délicat équilibre entre l’espoir aveugle et le désespoir aveugle, le délicat équilibre qui permettrait à la lucidité de ne pas mener au renoncement, à l’accablement, au désespoir, à la tristesse définitive, au tout est foutu on ne peut rien faire, comme dans ce livre récent dont l’auteur, un chercheur britannique, après avoir décrit par le menu la catastrophe écologique en cours, conclut par ces mots : « Je pense que nous sommes foutus. J’ai demandé à l’un des scientifiques les plus rationnels et les plus brillants que je connaisse–un jeune chercheur de mon labo qui maîtrise bien ce domaine–ce qu’il ferait, lui, si il y avait une chose, une seule, à faire dans la situation où nous sommes. Sa réponse ? « Apprendre à mon fils à se servir d’un fusil. » »
Je t’écris parce que je ne veux pas apprendre à mon fils à se servir d’un fusil,
je ne sais pas me servir d’un fusil,
je ne veux pas que mon fils entre dans un monde où tout s’effondre,
où règne la guerre de tous contre tous,
où la seule solution soit le fusil.
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Pour lui (Pasolini), la disparition des lucioles signait celle des Lumières. L'adieu aux idéaux d'amélioration de la condition humaine, l'adieu à la culture vue non pas comme simple loisir marchand, mais comme ouverture vers la liberté, l'inconnu, l'autre. (...) Face à la marchandise triomphante, nous aurions déjà perdu. Toute résistance serait vaine. L'asservissement serait total. La destruction du monde irrémédiable.
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Il (l'homme) a l'avenir devant lui. Si l'on écarte la survenue de catastrophes d'origine naturelle (...) ou humaine (...), il peut tenir encore près de 5 millions d'années sur cette terre. A condition de s'y préparer. D'y penser un peu...
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