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Citations de Jean Malaurie (57)


La pensée dogmatique religieuse connaît aujourd'hui une révolution. Par delà les religions révélées, et jusqu'au Vatican, dans un approfondissement de la pensée du Pape François en faveur d'une éthique écologique, il est une de conviction animiste, dont la règle serait de ne pas avoir l'orgueil de décider ce qui est bien ou mal, de ne pas prier dans l'espoir d'un paradis uniquement décrit par l'imagination humaine. Se découvre une ouverture ancienne des Jésuites nord-américains, en faveur des pratiques et croyances animistes amérindiennes. La perception animiste de la nature, dans une "pensée sauvage", devient un précieux allié de ceux, parmi les chrétiens, qui préconisent une perception de Jésus revisitée, dans une mystique franciscaine. l'histoire du monde est ainsi construite par des dépassements. L'écologie n'est pas une philosophie de circonstance pour un Occident apeuré. Si je me permets de mettre autant de ferveur pour l'avenir du peuple inuit, c'est que je ne suis pas seulement un géo-historien spécialisé, mais c'est que j'ai, depuis tant de missions au Grand Nord, décelé en moi des réactions qui m'ont fait ressentir que je retrouvais enfin ma propre identité structurelle.
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"Oui, nous parlerons." Alors je procède à l'enregistrement et, au bout de vingt minutes, comme pour les encourager, je leur propose d'écouter les deux premiers récits enregistrés. Après quelques minutes, le doyen, Toonee - le narrateur -, assis au milieu du groupe inuit, me dit avec colère : "Cet appareil est mauvais. Je n'ai jamais prononcé ces mots." Ce qu'il entend est réducteur. Il y a les sons qui se codifient en mots ; mais le reste? L'atmosphère, la réception, le regard des assistants et puis lui-même : sa diction, ses gestes, son comportement. De l'émotion, rien ne reste. "C'et un piège de kabluna (Blanc)", ajoute-t-il. Au cours de l'entretien, il cherchait ses paroles afin de trouver ce qui était le plus proche de sa sensibilité à cran et qui pourrait être à portée d'un "entendement blanc". "Oui, dit-il, j'ai souffert en parlant. Mes mots se réduisent aux petits os d'un squelette. Il n'y a plus de chair. En brisant les arêtes, en mangeant sa chair, je deviens poisson. Et tous imaginent que je suis re-devenu animal. Arrête immédiatement!"
Je vivais une scène extraordinaire. Parler, pour un Inuit, c'est d'abord enseigner, et la ponctuation du verbe n'est que partielle : les yeux, les mains, le mouvement du torse, des lèvres du narrateur, les contractions de la machoire, le regard de ceux qui l'écoutent et qui cosignent ou non la déclaration ; le seul enregistrement est mensonger parce que fragmentaire. Pour l'Inuit, le témoignage est un théâtre ; le contre-regard parle en silence ; l'observateur est une partie de l'observé. Et le narrateur est fonction de l'auditoire. Faire vivre ce qui est au-delà du mot, c'est-à-dire l'ombre portée par les syllabes, les affixes et les suffixes.
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Cette prudence à l'égard de l'écriture, inattendue dans une société si inventive, était encouragée par beaucoup de parents. L'écriture serait, au-delà d'un procédé mnémotechnique, un acte de rébellion, d'affirmation du pouvoir de l'homme sur les violences de la nature.
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Nous sommes en Occident à la veille d'un désastre. Je te l'ai dit et je ne saurais trop le répéter. Toute société sans transcendance, habitée par une civilisation à dominante matérialiste, et dirigées par les seules forces financières est à terme condamnée.
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La nature a des droits imprescriptibles et c'est folie de vouloir les ignorer. Pour l'heure, la seule loi est celle des compétitions et des affrontements politiques. La sanction sera impitoyable.
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De l'extrême Ouest alaskien jusqu'à l'est et au sud-ouest du Groenland, des lignes de flux et de reflux culturel se sont toutes croisées à Thulé. C'est dire la complexité de cette société esquimaude polaire.
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Inégalité des sexes : les femmes mangent à part et après l'homme. L'ordre de distribution de la nourriture au retour de la chasse est significatif : les chiens, les enfants, les chasseurs, les femmes. (p.150)
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On connaît, dans notre longue histoire, un sorcier qui est réapparu cinq fois après sa mort. On connaît même un [chaman] qui, ayant fait, d'une falaise, une chute mortelle, a vu ses restes mangés par un chien. [...] Il revenait à la vie et se présentait au village accompagné de l'animal dont la bouche était encore pleine de sang... [...] La seule blessure mortelle pour un sorcier est, disent les Inouit, à la gorge. (p.101)
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Ayant décidé d'hiverner 200 kilomètres plus au nord, à Siorapalouk, station exclusivement indigène, Thulé n'est pour moi qu'une escale. Escale protégée : je dois montrer ma verge au médecin -ici c'est la loi- afin d'établir que je ne serai pas à la source d'aucune maladie vénérienne. (p.39)
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Ils ont gardé en fait, par respect et intimité avec la nature, la compréhension sensorielle de l'univers et l'esprit communautaire, ces qualités que nous avons perdues et qui, dans le nouveau monde de demain, s'avéreront indispensables...Voici bientôt 20 ans que les jeunes esquimaux apprennent le danois et personne içi en 1950 ne peux le parler; comme si l'alphabétisation allait au détriment de cette écriture mentale qu'est la mémoire...
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Dans cette longue initiation à l'animisme qui s'est poursuivie pendant près de cinquante ans, une interrogation me poursuivait. Quelle est donc la nature de l'animal ? J'ai vécu chez un peuple de de chasseurs et j'ai saisi la profondeur du divorce de l'homme avec l'animal. Le De natura rerum, aux hautes latitudes, est le récit de la mauvaise conscience de l'homme qui a rompu avec son passé hybride, ce paradis perdu. On ne discute plus, aujourd'hui, le fait que l'animal souffre, parle. Le temps n'est plus éloigné où l'on décryptera les messages de la baleine, et elle est très bavarde. Oui, un De natura rerum est à écrire sur l'Arctique. On doit d'abord faire prendre conscience de ce divorce, vécu si douloureusement, de l'homme avec la nature. Un remords habite les Inuit, ils savent que, après ce temps du paradis perdu, l'homme, pour s'affirmer, doit vivre debout, et pour ce faire, il lui faut en tant que chasseur tuer frère ours. Toute la mythologie inuit est habitée par ce remords. Ce divorce avec la nature est capital: dans ce désert de glace, de quoi vivre si ce n'est de frères et de sœurs animaux ? Nous savons aujourd'hui que 98.5 % des gènes d'un chimpanzé sont identiques à ceux de l'homme. Quel est le pourcentage de gènes d'un ours polaire par rapport à celui de l'homme? Un droit naturel doit s'imposer à notre société matérialiste, sans quoi la sanction sera terrible; on ne renie pas impunément son passé d'animal-humain, les règles sont sacrées.
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Méfions nous, (...) hommes et femmes de peu de foi qui ne pensons qu'à l'avenir à court terme: la terre est vivante; elle peut se venger, et elle se vengera; des signes prémonitoires nous ont déjà été donnés. Elle n'apprécie guère les ignorants, les insolents, les sophistes et les fous.
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Témoigner en faveur des minorités, de toutes les minorités ethniques, sociales, religieuses, intellectuelles va devenir une des toutes premières préoccupations de la collection. Dès les premières années de sa fondation, Terre Humaine va aussi se singulariser en mettant résolument sur le même plan des livres d’intellectuels et des témoignages d’autochtones.
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Jean Malaurie
La pierre parle, elle est une mémoire d'énergie.
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Jean Malaurie
L'heure est venue de nous interroger sur l'avenir que nous réservons à Terre Mère, nourrice non seulement biologique, de notre vie, mais encore spirituelle, de notre civilisation, de nos imaginaires, de nos rêves, de nos cultures, et en fait de notre humaine condition.
repris dans le livre de Geneviève Azam "Lettre à la Terre"
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Jean Malaurie
Penser, c'est faire penser.

Cité in Malaurie. L'appel de Thulé, p. 134
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Jean Malaurie
La terre est menacée dans sa réalité, aussi bien au nord qu'au centre et au sud. En fait, ce qu'avait prévu Karl Marx s'avère vrai : le système capitaliste conduit l'homme à sa perte. Mais la situation que nous connaissons n'est pas seulement une crise entre le capital et l'homme, telle que l'avait prévue Marx. Non, c'est beaucoup plus grave, c'est la terre qui ne supporte pas d'être exploitée impunément.
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La perception animiste de la nature, dans une "pensée sauvage", devient un précieux allié de ceux, parmi les chrétiens, qui préconisent une perception de Jésus revisitée, dans une mystique franciscaine. L'histoire du monde est ainsi construite par des dépassements. L'écologie n'est pas une philosophie de circonstance pour un Occident apeuré. Si je me permets de mettre autant de ferveur pour l'avenir du peuple inuit, c'est que je ne suis pas seulement un géo-historien spécialisé, mais c'est que j'ai, depuis tant de missions au Grand Nord, décelé en moi des réactions qui m'ont fait ressentir que je retrouvais enfin ma propre identité structurelle.
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Toute société sans transcendance, habitée par une civilisation à dominante matérialiste et dirigée par les seules forces financières, est, à terme, condamnée.
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Les Inuit ont la compréhension d'une immortalité, le mort étant en attente dans les limbes. Immortalité? Le terme n'existe pas en langue inuktitut traditionnelle, mais ils ont conscience que le mort n'est que provisoirement mort. Et les Inuit savent que, après le décès, l'esprit va chercher dans les limbes son lieu d'éternité. Dans le noir, il peut se perdre; la voie est périlleuse; beaucoup errent à la recherche de la juste voie.
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