Qui aurait pu deviner à ma naissance que j'allais devenir le chien le plus célèbre au monde ? ...
Que la peine fut capitale ou non elle était toujours signe d'humiliation et de déshonneur.
A la sortie de prison du condamné, Sanson criait et demandait silence pour que le greffier puisse lire à haute voix le jugement. Par ce cri, Sanson révélait au monde l'infamie du condamné et son humiliation publique. Sanson introduisait ainsi publiquement le condamné dans le monde du déshonneur.
C'était " le cri du bourreau ".
Le supplice du condamné devait servir la gloire de Dieu. Peu importe les souffrances puisque Sanson aidait Dieu à arracher l'âme du condamné aux griffes du démon.
Le supplice de la roue, du bûcher ou de la potence n'était rien comparé aux épreuves infiniment plus cruelles du purgatoire et de l'enfer.
Sanson, et tous ses confrères, intervenaient pour lacérer et brûler les livres censurés; ils accomplissaient des gestes symboliques pour signifier le bannissement d'un condamné; ils tenaient un rôle à l'égard des corps des suicidés; ils soignaient également et étaient apothicaires.
C'était aussi tout cela le travail du bourreau.
Sanson était aussi médecin.
La question préalable ( torture ) exigeait de la part de l'exécuteur une bonne connaissance des muscles et des nerfs de l'homme dans l'art de la souffrance et dans celui d'infliger rapidement ou non la mort. cela en faisait un personnage reconnu pour ses compétences de rebouteux et de réducteur de fractures.
La croyance était admise, en effet, que pour savoir rétablir les membres, il fallait d'abord apprendre à les briser...!
Tous les représentants en mission avaient le même problème à résoudre : comment épurer rapidement la Nation de ses éléments dangereux.
Des projets étaient à l'étude et l'on envisagea de construire une guillotine à quatre ou cinq fenêtres pour accélérer la cadence des exécutions.
Lors de la première exécution avec la guillotine, le peuple ne fut pas satisfait : Il n'avait rien vu ; la chose était trop rapide ; il se dispersa désappointé, chantant pour se consoler un couplet d'à-propos : " Rendez-moi ma potence, rendez -moi ma potence ".
C'est ainsi qu'en 1922, je me retrouvai devant l'objectif pour tourner mon premier film, un western.
Il avait pour titre "l'homme de la rivière de l'enfer" ...
Une fois ma mission du jour accomplie, j'allais m'allonger sur les lits des blessés en ronronnant et quémandais quelques caresses. Ma présence les réconfortait, car ils étaient reconnaissants et je leur faisais un peu oublier leurs souffrances. J'étais "l'ami caresses" de l'équipage. Sans moi, ils n'auraient peut-être pas tenu.
Il fallait maintenant passer par des bouches d'aération pour pénétrer dans cette forteresse à demi écroulée : un vrai labyrinthe ! La nuit de mon arrivée fut épouvantable. Le sol tremblait sous mes pattes à chaque obus qui tombait sur le fort.