"Un après-midi de
chien"
Extraits du film "un après midi de
chien" de Sidney LUMET av. al PACINO, le
scénario étant basé sur un véritable
fait divers : un hold-up aux USA int. du commissaire LE BRUHEC et de Monsieur SPECTOR sur les hold-up et la criminalité, de H. MARQUE sur le rôle de la
télévision dans ce genre d'événements, et de Madame
MOUCHEL qui fût prise en otage lors du hold-up du Crédit Lyonnais.
À Mme Cafoin, j'apporte le journal bihebdomadaire La Presse cherbourgeoise, qu'elle continue d'appeler de son nom d'avant-guerre : Le Réveil. Tous les mercredis et samedis, je devrai donc venir jusqu'ici. Dans ce coin isolé, où personne ne lui rend visite, elle souffre de grande solitude. Elle parle, questionne pour me retenir le plus longtemps possible.L'important retard accumulé depuis ce matin m'oblige à la quitter précipitamment. Désolée, elle me regarde partir en levant les bras au ciel. J'éprouve un sentiment de lâcheté et me promets de lui accorder plus de temps samedi prochain. On ne m'en avait pas prévenu : le métier de facteur est tout autant une affaire de relations
Ma première journée de facteur
Les jours précédents, j'avais fait le tour de la commune pour repérer les lieux et mieux situer les villages, hameaux et fermes ou maisons isolées.
Par une belle journée de printemps, je prends le départ pour ma première tournée. Fier de mon harnachement tout neuf – veste et casquette de facteur –, je porte en bandoulière le grand sac de cuir contenant le courrier. Équipé d'un porte-bagages à l'avant et à l'arrière, mon vélo transporte paquets et colis. Pour l'hiver, ou les jours de pluie, j'ai fait l'acquisition d'une grande pèlerine qui abrite la totalité de mon précieux fardeau. Ainsi lesté, je pédale allègrement vers ma nouvelle vie. Je serai le messager des bonnes nouvelles. Celui dont on guette l'arrivée pour percevoir l'argent du mandat tant attendu, ou la lettre du petit-fils parti là-bas aux armées. Ou bien encore porteur de la missive de l'amoureux à sa bien-aimée. Celui qui dépanne la personne âgée dans l'impossibilité de se déplacer pour aller à la pharmacie, à la poste ou ailleurs. Désormais, je suis investi d'une mission ; je deviens l'homme indispensable.
À l'entrée du village, premier arrêt. Debout devant la porte de sa petite maison, une femme, la soixantaine allègre, m'accueille d'un :
— Seriez-t-y l'nouveau facteur ?
— À ce qui paraît, oui, c'est moi.
Aujourd'hui, son regard s'est profondément modifié. S'il se reconnaît dans la simplicité vécue par certains il est surpris d'autres attitudes. La recherche du luxe ou du confort l'étonne. Qu'il y trouvent des satisfactions personnelles, passe encore, c'est humain. Que l'on se fasse beau pour honorer ceux que l'on fréquente, c'est bien. Mais au-delà... ce n'est que du vent. Ces comportements existaient-ils autrefois ? Antoine ne se souvient plus. Peut-être ne les remarquait-il pas? Mais après douze années vécues dans le dénuement auprès des populations africaines, il ne supporte plus ces attitudes superficielles ou ostentatoires. Quand il y décèle une part de snobisme, il ne leur accorde qu'un sourire de compassion attristée, à peine voilé.
Au retour, je réfléchis. Quelle importance notre vie a-t-elle pour les autres ? Tient-elle à nos mérites ? Aux qualités que l'on nous prête ? Et la mort des autres, que représente-t-elle pour nous ? En pleurant nos morts, n'est-ce pas sur nous-mêmes que nous pleurons, en raison du bien qu'on ne leur a pas fait, ou du mal qu'on leur a fait subir ?
J'ai appris qu'une guerre se gagne par les hommes qui sont au front, mais également par les gens de l'arrière.
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