Michel Jeury en conférence aux Utopiales 2010
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Les écrivains meurent. Leurs livres restent. Un temps. C’est à leurs lecteurs de les faire vivre et d’en perpétuer le souvenir, de transmettre leur sens, une trace, un sillage, qui tôt ou tard semble s’effacer mais qui subsiste, d’esprit en esprit, à travers la communauté de ceux qui tentent de demeurer humains
Hommage de Gérard Klein éditeur à son ami Michel Jeury.
J'ai vu de pauvres grocs perdre leur combiné grand luxe à la cité pour avoir déconnés avec l'atome d'hydrogène !
(…) elle n'est pas faite comme la plupart des sociétés traditionnelles d'une seule couche épaisse. C'est une société en couches minces. Depuis trois siècles, on ajoute sans cesse des lois et des systèmes et on en retranche un peu. Les lois internationales se sont superposées aux lois locales et nationales. Puis le Jeu de Monde a ajouté ses règles propres. Sous cette carapace, les États, les régions et autres districts administratifs sont devenus presque invisibles, mais ils existent toujours et fonctionnent tant bien que mal.
[années 1968-1981] Avec ce diable de Philip K. Dick qui, malgré des influences classiques revendiquées (telles que Van Vogt ou Heinlein), emmenait la science-fiction ailleurs et représentait presque à lui tout seul une avant-garde. Même si l'on ne savait pas encore que, quarante ans plus tard, "dickien" serait une qualificatif presque aussi usité par nos intellectuels que "kafkaïen"...Ah, les beaux jours où la science-fiction semblait pouvoir être une alternative littéraire durable...
(Dans préface "îles de la lune...Îles du temps" de Richard Comballot)
« Le Jeu du Monde est conçu pour favoriser ceux qui mettent souvent en jeu leur per capita, c'est-à-dire non seulement leur bien mais tout leur acquis, leur position dans la société, leur « être ». »
Le ciel pâle comme graisseux , la surface enrubannée par de larges nappes de brouillard jaunâtre, les tièdes et fétides relents qui jaillissaient des mille bouches du corail, caractérisaient ,woak,la cinquième saison des" chaleurs internes ".La surface paraissait ensommeillée , comme si la vie s'était réfugiée dans les profondeurs .
Ma voix faisait frétiller le petit monsieur de plaisir ou d'impatience; il tendait les bras vers moi, je lui donnais mon doigt à serrer. Je me posais souvent une question que j'aurais voulu enfouir en moi: Parce que je le nourrissais, me prenait-il pour sa mère? Pauvre petit enfant riche, comment aurait-il su que j'étais seulement sa nourrice?
En attendant le retour à la terre chanté par Ernest Pérochon et mis en œuvre, un peu plus tard, par le maréchal Pétain.
(oui Pérochon et Pétain sont pour la vie à la campagne, mais pas pour les mêmes idéaux)
Quand j'étais petite, j'ai essayé plusieurs fois de me désaltérer au creux de ces feuilles. J'approchais, le nez en avant, mais les piquants s'accrochaient à mes cheveux, les nervures des tiges me griffaient la figure et j'avais beau tirer une langue de tamanoir, impossible de m'approcher de la cuvette pour sucer une gorgée.
J'ai appris ainsi que je n'étais pas un petit oiseau. C'est la vie.
Au début de 1850, Pierre lui rapporta des États-Unis une poupée noire, fort gracieuse, "un modèle assez rare", dit-il.
- L'abolition de l'esclavage est aujourd'hui la grande affaire de l'Amérique, m'expliqua-t-il.
C'était aussi sa passion du moment. Il ajouta avec une intention fielleuse que certains protestants des États-Unis étaient parmi les pires défenseurs de l'esclavage et les maîtres les plus cruels.
Marie fut effrayée par la poupée noire. Elle n'avait jamais vu de nègres. Je n'en avais jamais vu non plus avant de venir à Lyon, mais ils n'étaient pas rares dans cette grande ville et on pouvait toujours en croiser quelques-uns aux foires et aux fêtes. Je lui racontai que les enfants nègres étaient de beaux et bons enfants, que Dieu les aimait comme les enfants blancs ou jaunes ; elle était encore trop petite pour comprendre mes explications, mais elle finit par accepter la négresse, qui devint sa préférée.