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Critiques de Jean-Paul Delfino (222)
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L'homme qui marche

L’homme qui marche n’est pas l’Emmanuel devenu Président de la République … mais Théophraste Sentiero qui illustre qu’il suffit de traverser la rue pour trouver un emploi ;-)



Conteur des petits miracles, Jean-Paul Delfino, publie un magnifique roman initiatique en décrivant l’évolution de Théo, employé municipal préposé à la récupération des bicyclettes et des trottinettes noyées en Seine. Pilier de bar, abonné au « Gay Lu » près du Panthéon, Théo vit une existence morne, coincé entre sa belle mère, son épouse et leurs deux adolescents.



Le jour de Noël 2014, les pieds de Théo se mettent en branle et il commence à folâtrer de la librairie lusophone Chandeigne à la mythique librairie Delamain, promenant le lecteur de la montagne Sainte Geneviève au jardin du Luxembourg, en passant par l’ile Saint Louis.



Les semaines passent, les rencontres truculentes également et Anselme Guilledoux, bouquiniste installé à l’ombre de Saint Nicolas, embauche Théophraste pour vider sa boutique avant de baisser le rideau. Du dialogue entre notre pilier de bar totalement étranger à la lecture et un libraire quasi aveugle, association d’une tête et de deux jambes, naissent une série de petits miracles dont se délectent le parisien et le lecteur.



Talentueux jongleur de mots, Jean-Paul Delfino nous enchante au fil de pages qui sont un régal pour les amoureux de Paris et de ses bouquinistes et sont un bel hommage à une corporation jugée non essentielle par les technocrates et politiques rendus fous par le COVID.



Un scénario simple, une palette de personnages, parfois caricaturaux ou consternants, laissent la voie libre à Théo et Anselme pour nous offrir un feu d’artifice littéraire et des pages superbement ciselées. Anselme en transmettant une partie de sa curiosité, de sa culture et de son expérience à Théo le fait grandir et lui ouvre la voie du bonheur et de sa liberté.



Merci à Heloise d’Ormesson et Babelio de m’avoir adressé ce titre qui me révèle un auteur que je n’avais pas encore croisé.
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Assassins !

Zola, l'incontournable écrivain de la littérature française, est décédé le 29 septembre 1902. D'une intoxication à l'oxyde de carbone. Ce sont les faits, établis, dument constatés par le médecin qui a tenté en vain de le sauver lorsqu'il le trouve agonisant dans sa chambre.



Ce qui est beaucoup moins clair, c'est l'origine de cette asphyxie létale. Et l'auteur prend le parti d'argumenter la thèse criminelle : un faisceau d'indices et le témoignage pré-mortem d'un fumiste vont dans ce sens.



On est plongé dans cette histoire, comme dans un roman de Zola, mâtiné d'une construction de polar. Zola, l'anxieux, l'hypochondriaque, pressentant peut-être une fin proche, fait le bilan de sa vie. Une réussite littéraire incontestée, même si ses dix-neuf tentatives d'accéder à l'Académie française se sont soldées par un échec. Une vie confortable, certes aux côtés d'une épouse peu amène, circonstances atténuantes pour tenter de justifier sa liaison avec une jeunesse à qui il laissera la charge de deux enfants?



Zola, ce soir-là ne va pas plus mal que les autres soirs. Il essaie même de mètre sur le dos de son angoisse le malaise qu'il ressent. Mais Alexandrine qui dort près de lui ne se sent pas très bien non plus , et ce n'est pas son habitude.



Parallèlement, on assiste aux échanges virulents des antisémites militants à l'influence croissante, et à la préméditation du geste criminel visant le défenseur de Dreyfus. La haine contre les juifs est féroce et profonde, étalée sur les pages de journaux incitant à la persécution, s'auto-stimulant par des effets de manche caricaturaux.

Des noms, et pas les moindres, surprennent dans l'évocation de ce parti pris de haine.



Le roman se lit comme un thriller, avec à la fois la hâte de découvrir le dénouement, ce qui est un comble pour des faits connus et datant de plus de cent ans, et l'envie de rester en immersion dans ces pages qui nous permettre de partager la vie quotidienne d'un auteur que personnellement je situe dans le top cinq de mes écrivains préférés.







Une lecture très appréciée, alors que j'ai parcouru à ce jour les deux tiers de la saga des Rougon-Macquart.
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Les pêcheurs d'étoiles

A toutes celles et à ceux qui tapis dans la nuit savent rêver à leur étoile. Un ami, c’est à la fois nous même et l’autre. Elles étaient loin ces heures de gloire. sur ces terres il était le maître absolu apres Dieu. Ils suivaient le bras de fer avec passion du baron noir. Blaise Cendrard et la petite Jeanne et la prose du transsibérien roulaient sa cigarette d’une seule main avec Éric Satie de Honfleur, le derange de la rue Cortot. le groupe des 6 avec Auric et Tailleferre ainsi que Honegger, Poulenc and co dans sa lettre - océan et l’homme au pebroc et celui de la ferme Navarin.

Fumez sans cela un autre fumera à votre place. A la closerie des Lilas. Roi ne puis, Princes ne daignent Rohan suis. Les pavés bombus d’apolinnaire ne Krotowiitsky . La gouaillante du pauvre jean je prefere la chanter. peindre la girafe avec Modigliani comme peintre il y a mieux dit Cocteau. Sur le pont Mirabeau coule la Seine et mes amours…. Avec charlot je pourrais peindre une girafe. Les pékins d’Argenteuil
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L'homme qui marche

Dominé par son épouse, ignoré par ses enfants, méprisé par sa belle-famille, effrayé par sa concierge, Théophraste Sentiero est un petit employé municipal du service du nettoiement de Paris.

Son seul plaisir ? Aller boire un café avec les habitués du Gay-Lu, un bistrot tenu par Mme Jouve, qui sera hélas bientôt vendu...

Tout se dérègle quand les pieds de Théo se donnent une vie autonome, que seule la marche peut arrêter. Il croise alors une inconnue sur le Pont-Neuf, dont il tombe immédiatement amoureux, puis rencontre un vieux libraire presque aveugle qui l'embauche. Sa petite vie bien réglée bascule alors...



Jean-Paul Delfino livre ici un roman très différent des deux que j'ai lus précédemment. Finis les nuits romancées de Blaise Cendras et Eric Satie (Les pêcheurs d'étoiles) ou les derniers jours d'Émile Zola (Assassins !). Dans L'Homme qui marche, il met en scène un obscur, un sans grade, un sans ambition, mais il le conduit jusqu'à la réalisation de lui-même. Le second personnage principal, Anselme Guilledoux, vieux libraire quasi aveugle, y est excellent dans le rôle du vieux sage, de l'éveilleur de conscience, bien secondé il est vrai par quelques autres...

On l'a compris, derrières les mésaventures de Théo et ces personnages très caricaturés (cela commence par le choix des noms !), se cache une réflexion sur la quête du sens de la vie. Encore une différence avec les deux précédents romans...

On retrouve ici l'écriture précise et ciselée de l'auteur ; il y ajoute une richesse de vocabulaire qui fait partie intégrante de la narration, et une forme de truculence du discours, sans doute plus proche de Giono que de Pagnol, mais où l'on sent bien les racines provençales. Enfin, même si L'Homme qui marche se situe plus dans le temps long (on y compte en semaines et en mois, pas seulement en heures et en jours comme dans Les pêcheurs d'étoiles ou Assassins !), on y retrouve une sorte d'éloge de la lenteur : prenons le temps du détail et de la description ; donnons du temps au temps pour faire murir la réflexion avant de passer à l'action...

Le résultat est un roman surprenant, que l'on prend beaucoup de plaisir à lire.
Lien : http://michelgiraud.fr/2021/..
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Les pêcheurs d'étoiles

« Les Pêcheurs d’étoiles » nous conduit à Paris en 1925, au coeur des années folles. Jean-Paul Delfino imagine la rencontre entre deux clochards célestes qui tirent le diable par la queue, un écrivain suisse de trente-sept ans qui n’a pas encore écrit ses plus grands chefs d’oeuvre et un compositeur français de cinquante-huit ans qui connaîtra bientôt un succès étourdissant : Blaise Cendrars et Erik Satie.



Les deux artistes se croisent dans un troquet montmartrois où Cendrars sauve la mise à Satie, qui a le malheur de susciter l’ire de Russes blancs fortement alcoolisés. Cette rencontre mouvementée marque le début d’une interminable nuit qui voit les compères déambuler à travers Paris, tels deux « pêcheurs d’étoiles » à la poursuite d’une chimère, l’ancien amour du musicien, l’artiste peintre Suzanne Valadon qu’il surnomme « Biqui ».



« L’éclair de châtaigne et de miel et d’amadou a disparu.

Le musicien et le poète sont dehors.

Libres. »



Après avoir quitté le bistrot où Cendrars vient de gagner une étrange partie de bras de fer de la main gauche (sa main droite a été emportée lors de la première guerre mondiale, une épopée qu’il contera vingt ans plus tard dans « La main coupée »), les deux hommes se rendent à la Closerie des Lilas et croisent Jean Cocteau. La rencontre entre les deux génies désargentés et un mondain ivre de son propre succès tourne à l’esclandre, tant les deux artistes ont encore sur le coeur les tours pendables que leur a joués celui qu’Aragon nommait le « poète-orchestre ».



« Viens avec moi, ma vieille crapule. On va la trouver, ta Biqui. Même si on doit fouiller dans tout Paris, on va la trouver... »



Les deux compères errent dans les dédales obscurs, dans les sombres parfums de la Ville Lumière, à la recherche d’un amour disparu, ingurgitent une quantité stupéfiante d’alcool, en fumant tantôt des petits « crapulos », tantôt des cigarettes de tabac gris. Toujours à pied, ils quittent la Closerie des Lilas pour rejoindre l’Opéra Garnier avant de se rendre au Père-Lachaise, où repose un ancien ami de Blaise, Guillaume Apollinaire.



« Loin de la Closerie des Lilas, de Wepler, du Dôme, du Lapin agile, ou de la Rotonde, le petit Billard de Nation était une brasserie qui ne brillait pas par ses cuivres, son service stylé ni même par sa carte. »



Toujours à la recherche de Biqui, les deux artistes tanguent dans la nuit, croisent d’anciennes connaissances du poète, le peintre Marc Chagall et les époux Delaunay, convoquent le souvenir de Modigliani, d’Abel Gance et de Chaplin. Non contents de se disputer, de rêver de pêche au requin blanc en longeant la Seine, les deux complices louent une girafe apprivoisée à des gitans installés à côté de la gare d’Austerlitz.



« Les Pêcheurs d’étoiles » est un ballet onirique qui nous emmène au bout du monde, au gré des anecdotes truculentes que raconte inlassablement le poète à celui qu’il appelle affectueusement « ma vieille ». Le temps d’une nuit dans la Ville Lumière, les deux hommes touchés par la grâce de l’amitié, réenchantent un monde qui noie le chagrin infini de la première guerre dans la frivolité désinvolte des années folles.



Roman en forme de fable sur la littérature et la musique, « Les Pêcheurs d’étoile » est habité par la faconde, la verve, et la mélancolie de Blaise. En écrivant « à la manière » de Cendrars, l’auteur s’efforce de coller au plus près de la gouaille de l’écrivain voyageur. Les mille et une aventures rocambolesques et parfois fantasmées que nous narre son personnage haut en couleur, Cendrars les couchera par écrit dans une oeuvre romanesque mêlant fiction et réalité.



L’ouvrage de Jean-Paul Delfino repose sur une idée aussi géniale qu’improbable : la rencontre du feu et de la glace, de l’auteur de « L’homme foudroyé » et du compositeur des « gymnopédies », d’un écrivain qui parcourut le monde, de la Russie au Brésil, en passant par New York et d’un musicien austère qui marchait chaque jour entre Arcueil et Paris. Le petit musicien vieillissant et le poète à la main coupée sont incarnés avec brio tandis que le récit emporte son lecteur dans une capitale illuminée par la malice et l’élan vital inouïs de Cendrars. Et pourtant. « Les pêcheurs d’étoiles » tient au fond davantage de l’exercice de style en forme d’hommage littéraire que du roman. L’ombre tutélaire de Blaise Cendrars, le vrai, se déploie au fur et mesure du développement de l’intrigue, et finit par prendre une ampleur presque démesurée, rappelant au lecteur que l’original est toujours supérieur à la copie.



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Les pêcheurs d'étoiles

Les pêchers d'étoiles, ce sont le musicien Erik Satie et le poète et romancier Blaise Cendras. Peu de temps avant la mort du premier, les deux hommes se retrouvent pour une nuit d'errance et de beuverie dans Paris, à la recherche de Biqui, l'unique amour de jeunesse de Satie. Les heures de gloire du musicien, vieillissant, sont passées ; celles du jeune Cendras à venir. Les deux hommes sont sans le sous, mais le poète fera preuve d'une grande créativité pour traverser cette nuit le mieux possible.

Une nuit d'aventure, contée en deux cents pages, qui tient le lecteur en haleine jusqu'au bout. L'auteur s'est certainement beaucoup documenté sur le Paris des années folles de l'après la Grande Guerre, et sur la vie de ses deux héros. Dès lors, tous les détails de cette errance improbable, et certainement imaginaire, paraissent crédibles, jusqu'à l'animal exotique qui partagera un bout de cette nuit avec les deux hommes.

Que dire de l'écriture et du style ? Des phrases plutôt courtes, mais pas toujours ; un grand sens du détail, qui rend toutes les scènes très réalistes ; un vocabulaire brillant, sans pédanterie. Au final, un texte çà la fois riche et facile à lire. Une très belle écriture !

Une découverte que je dois à ma nouvelle libraire. Un vrai coup de coeur !
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Les pêcheurs d'étoiles

« Un ami, c'est à la fois nous-même et l'autre,

l'autre en qui nous cherchons le meilleur de nous-même,

mais également ce qui est meilleur que nous. »

Joseph Kessel



C'est en naviguant sur le site de Babelio que mon regard s'est posé sur le roman de Jean-Paul Delfino. Comment ne pas être attiré par ce titre et cette jolie couverture où deux hommes, comme des funambules, pêchent des étoiles, ou bien des rêves, par une belle nuit de pleine lune au-dessus des toits de Paris ?



En parcourant les commentaires, le joli billet de Doriane (Yaena) a retenu mon attention, portant la promesse d'une lecture pleine de charme et de douceur. Et cela s'est confirmé, révélant par ailleurs d'autres intonations, des silences et des douleurs, des solitudes et des amitiés, des rêves de reconnaissance et de gloire.



*

Jean-Paul Delfino fait renaître deux grands hommes, Blaise Cendrars et Erik Satie, avant leur notoriété.

C'est à Paris, durant les années folles, dans une atmosphère surchauffée de beuverie propice aux bagarres, que le poète et le musicien se rencontrent. Echappant de peu à une rixe, ils vont déambuler, toute une nuit durant, dans les rues parisiennes à la recherche d'un amour perdu, de l'argument volé d'un opéra.

Croisant un allumeur de réverbère qui fait naître une à une les étoiles sur la voûte céleste, les deux artistes vont suivre cette lumière salutaire, salvatrice, tout en réfléchissant au passage du temps, aux regrets, à la vie et la mort, à l'amour et la haine, à la célébrité et la pauvreté, à l'amitié et aux petites trahisons mesquines qui font si mal.



Baignés par la luminosité d'une nuit constellée d'étoiles, leur promenade est à l'image des deux hommes, oscillant entre poésie et musicalité, romantisme et désillusion, gravité et humour, rêve et réalisme, harmonie et tumulte, misère cachée et luxe tapageur, ombre et lumière.



« Pour lui, l'argent, ça devait circuler. L'argent, ça devait servir à réaliser des rêves et des choses impossibles, sinon il n'était pas utile à grand-chose. On ne faisait pas de confiture avec des billets et les cadavres ne portaient pas de poches. Il fallait que le numéraire permette de voler, d'éclairer, d'illuminer, de repeindre la réalité grise et monotone en feux du Bengale multicolores. »



La nuit dans la Ville Lumière est colorée, vivante, animée. C'est un peu comme si vous transposiez cette balade nocturne au célèbre tableau de van Gogh, « la Nuit étoilée ». le regard du lecteur suit Blaise Cendars et Erik Satie dans leur douce fantaisie surréaliste, une chorégraphie où la vie et la mort s'entremêlent.



« Je crois que, lorsqu'on meurt, on ne part pas tout de suite. On reste encore un peu, peut-être par nostalgie, peut-être pour régler ses dernières affaires ou pour s'excuser de la peine qu'on a pu faire aux gens. On a quitté son corps, c'est certain. Mais on volette toujours comme un moineau. »



L'auteur dépeint en détail l'atmosphère de la nuit parisienne, s'arrêtant sur certains quartiers, Montmartre, le cimetière du Père Lachaise, l'Opéra Garnier, la gare d'Austerlitz. Dans la magie de cette nuit, les deux noctambules croiseront les artistes de l'époque, comme Sonia Delaunay, Jean Cocteau, Marc Chagall, Man Ray, ou encore Apollinaire.



Et puis, la nuit s'achève, l'allumeur de réverbère éteint, une à une, toutes les lumières de la ville. le jour se lève, la route des étoiles s'efface, se dissout, emportant les deux acrobates aériens dans une atmosphère presque irréelle.



« La vie avec vous est quelque chose de formidable, mon ami. Réellement formidable, oui. Je ne m'étais plus autant amusé depuis… D'ailleurs, je crois bien que je ne me suis jamais autant amusé de toute mon existence ! »



*

Jean-Paul Delfino peint avec des mots, le ciel et ses étoiles, les deux artistes en équilibre instable sur la corde tendue de la vie. L'histoire est ainsi enrobée d'une sensation d'étrangeté, de vertige et de folie, mais aussi de tendresse et de camaraderie. En cela, l'auteur fait preuve d'une grande délicatesse entre les deux amis, laissant sourdre des notes nostalgiques et mélancoliques, pour une ambiance introspective qui ne verse cependant jamais dans la déprime.



« le jour où j'ai échappé à la guerre, je me suis juré que je contemplerais désormais l'univers entier avec les yeux d'un enfant. Si elle est Esmeralda, je suis Quasimodo. Là où la vie est trop laide, j'ajoute de la poésie. L'essentiel, c'est d'y croire. »



Car l'écriture se fait aussi légère, tendre, aérienne, colorée d'images fantastiques de pêche au grand requin blanc dans une minuscule felouque au large des côtes de Dakar, de balade à dos de girafe dans les rues de Paris, de trois tricoteuses dans les combles de l'Opéra Garnier, ce qui offre un rendu esthétique original, émouvant et élégant.

Les voix des deux hommes sont chaleureuses, j'ai souri à cette belle amitié. J'ai aimé leur mélange : le tutoiement pour l'un, le vouvoiement pour l'autre ; des mots soutenus suivis de mots familiers ou désuets.



*

Pour conclure, la tombée de la nuit m'a emportée dans un drôle de voyage chargé d'émotions douces-amères. Mon esprit a vagabondé, suivant les traces semées par le compositeur et le poète.

Entre histoire, poésie et fiction, Jean-Paul Delfino rend un bel hommage à ces deux grands artistes.

A découvrir.



« L'essentiel dans un voyage est le voyage lui-même. Jamais le but. »
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L'homme qui marche

« L’homme qui marche », ça n’a pas marché pour moi.

Malgré un vocabulaire riche et un style recherché, je me suis ennuyée et j’ai été même exaspérée à certains moments.



Pourquoi ?

1) Les personnages principaux ne sont pas du tout fouillés, ils sont cantonnés à leurs problèmes ou à un trait de caractère, comme une caricature.

2) Les touristes aussi sont caricaturés à l’extrême. Or, tout le monde est touriste dès qu’il sort de son pays, non ? Ca me rappelle qu’un jour que nous étions attablés sur une jolie petite placette en Provence, le patron du bar nous avait servis en marmonnant « Vivement l’automne qu’on soit débarrassés des touristes »…

3) Paris, cette ville que j’aime et que j’ai découverte en tant que touriste (euh, oui, je me considère comme une touriste, désolée, Mr Delfino, de polluer Paris par ma présence), n’est décrite que par le nom des rues traversées par le héros. Descriptions quasi inexistantes, donc l’ambiance est absente.

4) Les problèmes abordés sont soit survolés, soit assénés à la manière « donneur de leçons ».

Le héros n’aime plus sa femme, eh bien tant pis. Celle-ci est acariâtre et a tous les défauts.

Qu’il recherche plutôt un sens à sa vie ! Et patati et patata.

« Une fable », ai-je lu dans d’autres critiques, oui, pour son côté moralisateur.



Un petit mot de l’histoire quand même : un jour, un homme d’une petite quarantaine d’années ressent les symptômes d’une maladie étrange, ses pieds « bougent tout seuls ». Une seule solution : il ne lui reste plus qu’à marcher. Ce sera l’occasion d’aller à la rencontre de quelques personnes bien pittoresques qui se chargeront de lui donner des conseils de vie.



« Tous les romans ne sont pas faits pour tout le monde et ils s’apprécient différemment selon la période de votre existence que vous traversez ! Mais il suffit d’un seul ! Un seul roman qui dit le monde tel que vous, vous auriez aimé le dire, et c’est alors l’extase. C’est le petit Jésus en culottes de velours… »

Eh bien non, ce petit Jésus en culottes de velours, ce ne sera pas « L’homme qui marche », pour moi.

Il m’a assez cassé les pieds.



Attention ! Je ne veux en aucun cas décourager les futurs lecteurs, parce que les autres critiques sur ce site sont tout à fait élogieuses !

Je remercie les éditions Héloïse d’Ormesson du risque qu’elles ont pris en m’envoyant ce roman par l’intermédiaire d’une Masse Critique privilégiée.

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Les pêcheurs d'étoiles

Ah ! Erik, mon bon Satie !

Tu fus ma force, moi ta faiblesse.

Amoureux, tu me presses

Á dos de girafe cherchions Biqui.

Que de transport et d’emphase,

Toi la musique, moi les brèves.

Si près du ciel quand tout s’embrase

Trouant l’espace, portant nos rêves.

Tellement, si contraires à jamais

Tu m’aimais, moi je t’aimais.

Dans le dénuement vivions,

Car de nous riches étions.

Cendrars, ces lignes apaisent

Mon bon Satie, ton ami Blaise.

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L'homme qui marche

L’arpenteur des rues de Paris



Avec l’humour qu’on lui connaît, Jean-Paul Delfino nous raconte comment une curieuse maladie a sauvé la vie de Théophraste Sentiero. Une envie furieuse de marcher qui va lui offrir de belles rencontres.



Quand commence cette histoire, on se dit que Théophraste Sentiero n'a pas eu de chance. Né un 25 décembre, il a certes droit à ses cadeaux de Noël, mais ce sont aussi ses cadeaux d'anniversaire. Tout au long des années, il s'est habitué à cette injustice et c'est presque apaisé qu'il préside le repas de réveillon entouré de sa femme Cécile, de ses enfants Bénédicte, 14 ans, et Joël, 12 ans, de son beau-frère Robert, accompagné de son épouse Ginette et de Léonide, la mère de Cécile et Robert. Loin de la fête de famille, c'est bien plutôt une épreuve pour lui, entre les récriminations incessantes de sa belle-sœur, les jérémiades des enfants et la préciosité de son épouse, il déprime. C’est alors que ses jambes se mettent à bouger. «Il ressentait alors dans ses membres inférieurs une irrépressible envie de bouger, de s’agiter. Sa chair fourmillait, picotait, démangeait tout à la fois. Par moments, il ressentait de véritables décharges électriques qui, selon leur intensité et leur durée, pouvaient le faire sourire ou grimacer. En journée, il lui suffisait de marcher pour dompter ce trouble.»



Aussi, au petit matin, il prend ses jambes à son cou et, s’il ne peut éviter la concierge, elle aussi spécialiste es-jérémiades, il échappe aux reproches de Cécile.

Son havre de paix s'appelle le Gay-Lu, le bistrot tenu par Mme Jouve, une parigote née en Alsace, où il retrouve la clientèle du matin, «celle des fidèles, des amis, des piliers. Outre La Guigne et Petit Pois, Cothurne et Gégène étaient là, eux aussi.» Ajoutons-y un chauffeur Uber antisémite et raciste et Gisèle, une ancienne prostituée, et le tableau sera complet.

Mais ce matin le moral de la troupe est bien bas, car la patronne a décidé de passer la main et de quitter Paris. «Le jour fatidique de la fermeture du rideau n'avait pas encore été arrêté. Mais il viendrait. En attendant, ils ruminaient leur malheur en solitaire. Ils préféraient désapprouver en silence plutôt que de rajouter du mal au mal.» Théo imagine alors qu'il pourrait empêcher la fermeture de son bistro préféré, qu'il pourrait donner sa démission et arrêter de repêcher les vélos et autres débris dans la Seine et même qu'il pourrait retrouver la femme qu’il a croisé sur le pont Neuf, «une inconnue qui avait mis le feu à son âme, à sa petite vie étriquée».

Mais trois semaines plus tard, il n’a guère avancé dans ses projets. En revanche, il a fait la connaissance d'un aveugle au jardin du Luxembourg, un homme qui lui assure que leurs chemins allaient à nouveau se croiser. Et effectivement, un jour de pluie Théo va pousser la porte de la librairie tenue par son interlocuteur. Anselme Guilledoux, le bouquiniste-philosophe va changer sa vie. Le vieil homme va fermer sa boutique, Aux bonheurs d’Antioche et a besoin «d'un homme solide, un gaillard qui ne compte pas sa sueur et qui ne craint pas de se salir les mains» pour l’aider à transporter ses livres et à assurer les livraisons dans toute la capitale. Ce faisant, il ne va pas seulement offrir un emploi à Théo, mais l’encourager à faire quelque chose de sa non-vie.

En suivant les pérégrinations de son personnage dans la capitale, Jean-Paul Delfino nous offre tout à la fois un éloge de la marche à pied, une évocation nostalgique d’un Paris en train de disparaître, celui des brèves de comptoir et des amitiés avinées, un conte aussi cruel que lucide sur la vie de couple agrémentée de la présence d’une belle-mère et surtout un encouragement à suivre ses rêves. Et grâce à son style enlevé, à sa langue truculente, on se laisse emporter. Magique !
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L'homme qui marche

C'est ainsi que pensa Théophraste Sentiero. La marche du corps est contrariée et voici que le paysage s'offre à moi d'une étrange façon ; si ma vue défaille en cette invalidité prégnante ou passagère, que sais-je, voilà qu'une réalité nouvelle m'a dessillée les yeux. Se peut-il alors que le tout donné m'apparaisse autrement, et l'amour sous une autre transparence. Un petit retour en arrière, un grand pas en avant, je suis diminué par un tremblement ; ce fourmillement des jambes tandis que, augmenté d'une vitalité nouvelle quand mes pas me portent au-delà de mon antre. Le clairon de ce réveil me tient au garde-à-vous, tantôt jeune, tantôt vieux, je suis frêle et bientôt amoureux ou empêtré dans la solitude de mon être, dans ma tête seul à penser. Idiot transi, empêché devant la surenchère, d'une rencontre, cette femme comme une comète. le destin Théophraste dit le prêtre, même si tout est écrit, il n'en faut pas moins marcher pour l'édifier. J'entends bien dis-je, parcourant la capitale, si j'ai mal c'est que je suis encore vivant. Que je suis celui-là, timide et n'osant guère, peu ambitieux mais travailleur, en tout cas pas cet autre, mon beauf bouffi d'orgueil. Rien de tel qu'un hall de gare, de Lyon, pour me bousculer les idées ; conchier le réel en renonçant aux prix prohibitifs d'une surconsommation en tout pour un si peu d'amour. Langage fleuri de Paris au carrefour des destinées. Et Cécile dans tout ça… Après mon escapade buissonnière, quand il est temps de rentrer, je fais encore un détour vers le kiosquier, le mutique, le taiseux, avant d'affronter le questionnement de ma femme, le pourquoi du comment de mon absence au repas de midi, de ma descente du train-train familial. Démissionnaire en mon élan amoureux, mais franchement rudoyé par mon ami Anselme, libraire de son état, je quittai les Bonheurs d'Antioche avec sous le bras mon remède, Les Souffrances du jeune Werther, chef-d'œuvre de Goethe.



Et reprenant la citation de l'auteur :



― « Il n'y a rien d'allègre : il y a seulement une vigueur pleine et ferme. Je dure bien à la peine ; mais j'y dure si je m'y porte moi-même, et autant que mon désir m'y conduit ». (Essais, livre II, Montaigne).



Voilà un très beau livre, un texte passionnant évoquant la destinée et qui monte en puissance avec l'écriture d'un auteur érudit. Je remercie Babelio et les Editions Héloïse d'Ormesson pour ce bel ouvrage que j'ai bien apprécié.



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Assassins !

Assassins, c'est le J'accuse de Jean-Paul Delfino.

Se basant sur des faits troublants entourant la mort du grand Émile Zola,  l'auteur nous donne ici sa vision de la fin de l'immense écrivain.

Alors qu'allongé sur son lit celui-ci vit ses derniers instants, il fait le point sur sa vie. Ses origines italiennes, son enfance avec un père qui rêvait de faire fortune et qui ne fera que ruiner sa famille, sa mort prématurée n'ayant rien arrangé il faut le reconnaître.

Bon, après,  Zola deviendra Zola...

Ce qui est bien chez Delfino c'est qu'il nous livre une biographie résumée plus qu'agréable à lire, vu le talent de l'écrivain il ne pouvait en être autrement, et dans laquelle on apprend l'essentiel sans se fader un pavé de 900 pages...

(Ceci dit, quand on referme Assassins, on a envie et de lire la bio de 900 pages et de lire toute l'oeuvre de Zola, d'ailleurs j'en profite pour dire que j'ai honte de n'avoir lu aucun des livres du maître et si monsieur Delfino m'incite ici à réparer cette lacune qu'il en soit remercié...)

Bref, revenons à  notre complot.

Parce que ce que développe notre romancier dans ce livre, c'est une thèse du complot accréditée à l'époque,  même si elle ne fut jamais confirmée.

Ce que nous présente l'auteur dans son Assassins c'est une France divisée qui trouve aujourd'hui une résonance troublante.

Delfino accuse, donc.

Le coupable ?

Édouard Drumont.

S'il faut à l'antisémitisme et au racisme de l'époque un porte-drapeau Drumont, sans aucun doute, peut le personnifier.

Quel odieux personnage.

Mais bon, ceci est mon avis et je ne ferais pas ici son procès.

Drumont représente cette France.

Celle de l'après affaire Dreyfus.

Celle qui conspua, insulta, voua aux gémonies, menaça du pire Emile Zola, lui qui prit fait et cause pour le militaire, accusé à tort d'espionnage, dans sa fameuse lettre "J'accuse" publiée dans l'Aurore du 13 janvier 1898.

Assassins est un roman.

Assassins relate les dernières heures de l'un de nos plus grands écrivains.

Mais, Assassins, c'est plus que ça. Plus qu'une explication de la mort du grand homme.

Assassins c'est des voix qui s'élèvent.

Assassins c'est des gens qui sont prêts à tuer par idéologie.

Assassins c'est la France d'après.

Assassins c'est la France d'aujourd'hui.

À l'époque déjà, certains ne se cachaient pas, ne se cachaient plus.

Quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage.

Zola dérangeait.

Il était Italien,  il a défendu un Juif contre vents et marées.

Il faut que la bête meure...

Dans sa lente agonie, Zola se dévoile sous la plume d'un auteur que je découvre avec plaisir.





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L'homme qui marche

Il n’y a pas d’âge pour suivre un parcours initiatique !⠀⠀

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Théophraste est quadragénaire. Marié, deux enfants, des petits boulots qui s’enchaînent sans difficulté, une vie bien réglée et bien organisée… une vie paralysée, oui : immuable, optimisée par sa femme, organisée autour de personnages qu’il retrouve toujours à la même place.⠀⠀

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Seulement voilà : ses pieds se mettent à le picoter et à bouger à son insu. Cela l’inquiète, et cela horripile son entourage, dont la petite vie bien réglée est perturbée.⠀⠀

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Il y a un siècle, j’imagine que beaucoup se seraient contentés de qualifier ce problème de maladie imaginaire. Il y a quelques décennies, on l'aurait classé « psychosomatique ». Mais nous sommes en 2021 : le réflexe, c’est de médicaliser, de considérer qu’il s’agit d’une maladie neurologique. Seulement, le narrateur ne se reconnaît pas dans cette logique. Il ne se reconnaît dans aucune pathologisation, d’ailleurs... Et si ce n’était pas une maladie, mais l’attention qu’attire son propre corps sur l’impasse dans laquelle est sa vie ?⠀⠀

⠀⠀

Dans cette impasse, il n’y a pas de place pour le doute, les questions, le tâtonnement, les erreurs ; mais pourtant, quelque chose en Théophraste sait qu’à accepter cela, il passe à côté du plus important. Et ce quelque chose a trouvé ce moyen original de s’exprimer : ses pieds.⠀⠀

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C’est le pressentiment qu'on peut avoir, mais qui doit être dit par un tiers, ou à l’aide d’un tiers. Ce tiers, ce sera un homme âgé, aveugle, dont les jambes ne sont plus vaillantes, mais qui sait reconnaître l’appel que lancent ces pieds : un appel à bouger, à faire bouger quelque chose dans une vie immobile.⠀⠀

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Et puis il faut dire aussi qu’ils se sont donné un but après lequel courir : une femme, inconnue, que Théophraste croise à plusieurs reprises et qui est une raison de prendre la route. Le résultat est un roman souvent drôle, toujours profond, et surtout, qui se lit d’une traite. C’est un conte philosophique. Je l’ai adoré et je remercie la Masse Critique privilégiée de Babelio et les Éditions Héloïse d'Ormesson, qui m'ont permis de faire cette magnifique découverte.⠀
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Assassins !

Nuit du 28 au 29 septembre 1902. Emile Zola et son épouse Alexandrine sont incommodés. Ils pensent d'abord à une légère intoxication alimentaire... Le mal empirant, l'écrivain passe sa vie en revue : gamin désargenté à Aix-en-Province copain de Paul Cézanne ; lycéen boursier à Paris, rêvant d'écriture et de célébrité ; premiers pas dans le monde de la littérature en tant que coursier chez un éditeur ; jusqu'au J'accuse de l'affaire Dreyfus. Il s'interroge : qui peut bien vouloir sa mort : les anti-dreyfusards, ses domestiques, son épouse, sa maîtresse ?

Pendant ce temps, divers membres de l'extrême-droite française, Drumont, Barrès, Daudet et consort, se réjouissent d'avoir organisé son assassinat et armé le bras de Henri Buronfosse, un jeune fumiste.



Jean-Paul Delfino épouse ici clairement la thèse de l'assassinat d'Emile Zola par des fiers à bras d'extrême-droite. Il exploite la nuit d'agonie de l'écrivain pour revenir sur sa jeunesse d'orphelin pauvre, ses premiers pas en littérature, sa vie avec Alexandrine son épouse, et avec Jeanne sa maîtresse et leurs deux enfants, et le fin de sa vie, marquée notamment par l'affaire Dreyfus.

L'auteur imagine également le complot, ourdi par des anti-dreyfusards revanchards, conduisant à la mort de celui qui est devenu un écrivain célèbre et controversé.



J.P. Delfino nous livre un roman historique qui ne prétend pas à l'exactitude de l'historien, mais qui resitue la mort de Zola dans son contexte. Il le fait avec son style narratif assez particulier, que j'avais apprécié dans Les pêcheurs d'étoiles et que j'ai retrouvé ici avec plaisir.



Un très bon roman historique, donc.
Lien : http://michelgiraud.fr/2019/..
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L'homme qui marche

Homme qui marche, sans doute; roman qui fonctionne, ça se discute.

« L’homme qui marche » se veut une ode aux livres. Déjà, ça m’exaspère. Je ne supporte plus ces romans sur la découverte de la littérature, qui foudroierait l’abstinent aux yeux soudain dessillés, cette épiphanie ne se révélant, bien sûr, qu’à des lecteurs eux patentés qui reçoivent ainsi la rassurante et pléonastique onction de leur pratique. Je lis que c’est rudement bien de lire: toi, auteur et moi, lecteur, auto-congratulons-nous et enorgueillissons-nous de concert, y’a pas de mal à se faire du bien, et c’est moins fatigant que de porter la bonne parole dans les écoles.

Pour déclamer ce discours lénifiant et stérile sur les vertus de la littérature, l’auteur campe un bouquiniste ronchon et pontifiant; vieux, donc sage; aveugle, donc clairvoyant. Anselme -c’est son nom- clame son amour des mots et son féroce mépris pour les intrigues: de « Roméo et Juliette » à « Titanic », l’amour se raconte toujours de la même façon. Voilà une idée que je partagerais volontiers si elle ne servait pas de mot d’excuse au montage de références que constitue ce roman. Cameron a pompé Shakespeare ? Voilà qui autorise Delfino à trouver son bibliophile aveugle chez Borges, à piller « Nadja » pour l’errance, l’inconnue troublante et les rencontres étranges, à loucher sur la verve populaire de Fallet, à reconstituer le trio infernal de « Thérèse Raquin », avec la vieille infirme et muette qui assiste à l’adultère, et j’en passe forcément. Hommages? M’oui... Ou incapacité à créer un univers personnel.

Le travail sur la langue, lui, est évident. Elle tangue entre préciosité et parler populaire ; Delfino rameute les mots rares, qu’ils viennent de l’argot ou du jargon le plus technique. Oui, mais... Pourquoi avoir parsemé le texte de notes explicatives ? De temps en temps -et sur quels critères ?-, Delfino nous la joue maître d’école. Exemple p. 109: « une espèce rarissime nommée calo papou » est flanqué en bas de page de la définition suivante: « Rhyticeros plicatus, grand oiseau de la famille des Bucerotidas ». Bon, je me suis dis, c’est merveilleux, les notes sont plus absconses que les mots qu’elles prétendent expliquer. Mais on trouve aussi à la page 96 « vulgum pecus » doctement traduit par « foule servile ». Et là, je cherche le second degré. À qui ou à quoi Delfino ne fait-il pas confiance ? À son lecteur ? Ou à son propre texte?

Mais surtout, ce roman me pose question par son inquiétante propension à faire disparaître des pans entiers de la réalité, tel un trou noir autant sidérant que sidéral. J’ai bien senti, très vite, que quelque chose clochait. La patronne qui vend son bistrot parce que Paris sent désormais trop l’essence. Le bistrot en question, tout droit sorti des années 60 avec jukebox, babyfoot et habitués pittoresques. Les références antisémites qui fleurent bon la France du maréchal. Les stéréotypes féminins au grand complet: l’épouse frigide, la belle-mère mauvaise, la concierge acariâtre, la putain au grand cœur... Les enfants de Théophraste ne passeraient pas leur temps sur leur téléphone portable, jamais on ne se croirait au XXI° siècle. Et puis... Mais bon sang, c’est bien sûr (pour rester dans des références ad hoc) : il manque une génération ! La belle-doche a couché avec les Allemands, nous dit-on. Accordons-lui généreusement 18 ans en 1944. Sa fille et son gendre ont la quarantaine. Donc Léonide (la mère) née aux alentours de 1925 aurait accouché de Cécile (la fille) à la fin des années 70! Euh... Mais du coup, tout s’explique. Cette histoire s’est trompée d’époque. « L’homme qui marche » est un anachronisme ambulant. Et, bien sûr, la génération perdue est celle de notre auteur, bientôt sexagénaire. Mon conseil: grandis, Jean-Paul, assume! Éteins « Amélie Poulain », tu te fais du mal. Oublie les clichés. Et passe au numérique.
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Assassins !

Dans la nuit du 28 au 29 septembre 1902 Emile Zola meurt asphyxié à cause d’un poêle à bois défectueux, un accident d’après la police, peut-être pas d’après les historiens.



Depuis l’affaire Dreyfus, le grand écrivain s’est fait beaucoup d’ennemis.



Plongée suffocante dans la France des derniers jours de Zola, une France rance et moisie qui ne rêve que de repli sur soi, une France bravache et revancharde mais terrifiée.



Jean-Paul Delfino mène l’enquête, recoupe les témoignages, fouille des archives malodorantes pour mettre à jours les agissements d’une bande d’écrivains, de politiciens, de journaliste nationalistes et racistes et se pose les bonnes questions sur leur implication dans la mort d’Emile Zola.



« Assassins ! » est un vrai bon roman historique qui nous ramène dans une époque, un début de siècle qui pourrait ressembler au notre si nous ne prenons pas garde. "Restons vigilants", semble nous dire l’écrivain.



Au fait Henri Galli à encore un très joli square à son nom dans le quatrième arrondissement de Paris.



« Assassins ! » est un vrai bon roman historique qui nous ramène dans une époque, un début de siècle qui pourrait ressembler au notre si nous ne prenons pas garde. "Restons vigilants", semble nous dire l’écrivain.



Au fait Henri Galli à encore un très joli square à son nom dans le quatrième arrondissement de Paris.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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L'homme qui marche

Théophraste, Théo pour les intimes vit une vie morne et terne. Sans éclats de rires, sans éclats de voix, sans coup d’éclat, terne je vous dis ! c’est l’encéphalogramme plat. Une vie d’ennui et de résignation, tiédasse. Une ménagère tyrannique en guise de femme, deux enfants greffés à leurs portables et une belle-mère qui refuse de passer l’arme à gauche. Jusqu’au jour où ses jambes décident de mettre un peu de piquant dans cette existence morose en bougeant toutes seules. Je vous entends d’ici : tu parles d’un évènement c’est le syndrome des jambes sans repos pas de quoi en faire tout un plat ! Oui mais celui qui guide nos pas et ceux de Théo s’appelle Jean-Paul DELPHINO et c’est un magicien qui transforme la banalité en une aventure poétique et envoûtante.



Une langue riche sans être pédante des personnages atypiques l’auteur a un vrai talent pour transformer le quotidien en rêverie. Un conte moderne où j’ai aimé me perdre et flâner dans les rues de Paris aux côtés de Théo. J’ai apprécié les personnages même s’il faut bien l’avouer, ce sont pour la plupart de véritables caricatures. C’est justement ce qui m’a fait sourire. Les patrons de bistrots qui en ont après les touristes, la pute de réforme (oui je sais c’est pas jolie mais ça résume bien), les piliers de bars et leurs vérités toutes faites et complètement infondées, la vieille concierge qui nourrie les pigeons et passe son temps à médire, un prêtre, un cul de jatte, une anglaise qui n’en est pas une… et au milieu de tout cela une sylphide et un érudit aveugle.



Toutefois j’avoue avoir mis du temps à être happée par l’histoire et le premier tiers du roman ne m’a pas emballé. La magie a moins opéré qu’avec Les pêcheurs d’étoiles que j’avais dévoré. Certainement parce qu’ici il n’y a pas de changement d’époque.



Un bon moment de lecture pour lequel je remercie Babelio et les éditions Héloïse d’Ormesson.
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Les pêcheurs d'étoiles

J'ai passée une nuit enchanteresse en compagnie de Blaise Cendrars et Erik Satie dans le Paris des années 20. du début à la fin je me suis complètement immergée dans cette histoire les accompagnant pas à pas le sourire aux lèvres. Une virée tantôt amusante, tantôt mélancolique servie par une plume envoûtante. C'est cela qui m'a le plus séduit : cette gouaille parisienne tellement naturelle avec un vocabulaire en parfaite osmose avec cette histoire à la fois farfelue et tellement vraie du point de vu humain. le tout créé une alchimie qui a quelque chose de magique qui réveille notre âme d'enfant. Un conte pour les adultes qui aiment rêver. Jean-Paul DELFINO nous prend par la main pour nous entraîner dans un magnifique voyage en compagnie de Cendrars et Satie. Deux hommes tellement vivants, imprévisibles et charismatiques qu'on les suivrait n'importe où. Des artistes dans l'âme qui vivent leur vie comme ils la rêvent : sans se poser de questions, avec à la fois une innocence et une lucidité désarmantes.

Cette course folle à la poursuite d'une femme, ou peut être juste d'une chimère, prend des chemins improbables et le lecteur en redemande. Finalement ce qui compte c'est le voyage, pas la destination. J'aurais aimé me perdre encore plus longtemps dans les rues de ce Paris des années folles en compagnie de ces 2 là. C'est avec beaucoup de tristesse et après être passée par toute la palette des émotions que je les quitte, mais je ne pense pas les oublier.

Un livre dépaysant, joyeux et tellement vivant qu'il serait dommage de passer à côté, ce fut pour moi un vrai coup de foudre (ben oui coup de coeur ce n'est pas assez fort!). Un petit mot sur la couverture qui illustre bien toute la poésie de ce livre et qui est vraiment très belle.
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Les pêcheurs d'étoiles

Jean-Paul Delfino nous propose une virée nocturne déjantée dans le Paris des années folles. Je me suis laissé tenter par l’aventure, grisé par cette époque et par ces compagnons d’exception : un poète baroudeur Blaise Cendrars et un musicien révolutionnant son art, Erik Satie. Tout ce qu’il faut pour traverser le Paris magnifié d’après-guerre en cette année 1925. Un livre adressé par l’auteur « A toutes celles et tous ceux qui, tapis dans la nuit, savent encore rêver à leur étoile. »



L’amitié, l’amour forment la trame de ces récits successifs. Amitié entre deux hommes que tout oppose sauf la proximité de la fille aux grands yeux verts – selon la métaphore de Satie pour désigner la misère – qui accable les deux hommes, et la frénésie de rêves plus grands qu’eux.



Cendrars, côté fiction, accepte d’aider son ami à retrouver son amour de jeunesse, l’artiste peintre Suzanne Valadon, surnommée Biqui. Erik Satie a réellement eu une courte liaison dans sa jeunesse avec Suzanne mais celle-ci avait refusé sa demande en mariage. Le poète et son compagnon trouvent là un argument pour faire le tour des lieux du Tout-Paris de l’époque : Le chien qui fume, la Closerie des Lilas, l’Opéra Garnier, la brasserie du Petit Billard de Nation...



Le premier chapitre « Les russes blancs du chien qui fume » permet de rentrer directement dans cette succession d’épisodes alternant la fiction – de belle manière, avec bagarre, fuites... – et éléments empruntés à la vie artistique d’époque – Cocteau et l’argument volé d’un opéra destiné à Satie, l’énumération des occasions où Cendrars et Satie se sont réellement croisés... J’ai aimé l’entrée en matière inoubliable avec un bras de fer terrible entre le russe blanc aviné, nommé le Baron Noir, et un Cendrars déterminé, malgré son bras unique, lui qui a été amputé du bras droit en 1915 lors de la première guerre mondiale.



Au cimetière du père Lachaise, les deux compères visitent la tombe de Guillaume Kostrowitzky. Vous avez certainement reconnu le nom de naissance du poète Guillaume Apollinaire :



J’ai aimé le récit de l’arrivée de Zarafa, la première girafe à mettre le sabot en France et la promenade à dos de Girafe de Satie. Jean-Paul Delfino a un talent fou pour malaxer ainsi les faits documentés et l’imagination débridée qu’on ne voit souvent que dans les livres pour enfants.



La forme du livre est originale, une réussite de document fiction. Les éléments réels sont facilement détachables des péripéties poétiques décrites, sans aucune retenue et pour mon plus grand plaisir. L’écriture est travaillée pour faire honneur à la fois au poète, par la beauté de la langue, et au musicien, par la mélodie qui se dégage de l’ensemble.



Un livre pour tous les rêveurs de mots et de notes de musique, poussières de souvenirs de deux artistes incroyables, à savourer en regardant les étoiles, en gardant notre âme d’enfant émerveillée par la beauté du monde que nous transmettent certains artistes.



Je suis ravi d’avoir découvert Jean-Paul Delfino avec cet étonnant récit. Il est l’auteur de plusieurs romans policiers, de pièces radiophoniques, d’une série romanesque consacrée à l’histoire du Brésil qui compte neuf romans. Il a également publié un recueil de Contes et Légendes du Brésil et plusieurs opus sur la Bossa nova et la musique brésilienne en général. Les pécheurs d’étoiles a obtenu le Prix des Lycéens du Salon du livre de Chaumont.



Autour de l’œuvre, quelques mots sur Cendrars et Satie :



Blaise Cendrars de son vrai nom Frédéric Louis Sauser, est un écrivain, né en 1887 en Suisse, naturalisé français, et mort en 1961 à Paris. Il a également utilisé les pseudonymes de Freddy Sausey, Frédéric Sausey, Jack Lee, Diogène. Sa poésie est imprégnée de voyages, réels ou imaginaires. Dans le film Petite Nature de Samuel Theis, le jeune Johnny récite un poème de Cendrars d'une façon incroyable, devant un professeur subjugué par les gestes de l'enfant accompagnant sa diction. Il me semble qu'il s'agit de ce beau poème ?

« Iles / Des iles où l'on ne prendra jamais terre / Des où l'on ne descendra jamais / Iles couvertes de végétations / Iles tapies comme des jaguars / Iles muettes / Iles immobiles / Iles inoubliables et sans nom / Je lance mes chaussures par-dessus bord car je voudrais bien aller jusqu'à vous. »



Erik Satie est né en 1866 à Honfleur où on peut visiter le musée qui lui est dédié. Il est un compositeur inclassable, auteur par exemple des Trois Morceaux en forme de poire, 1903, qui seraient une réponse à Debussy reprochant à sa musique de n’avoir aucune forme définie. Dans sa passion contrariée pour sa « Biqui », il compose « Vexations ». Curieuse pièce dont le motif doit être répété 840 fois de suite – « il sera bon de se préparer au préalable, et dans le plus grand silence, par des immobilités sérieuses ». Fantasque Satie ! Il a terminé sa vie en cette année 1925, dans le dénuement le plus total. La reconnaissance est venue après... Il est en effet un des compositeurs les plus joués au monde.

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Retrouvez cette chronique avec composition photo personnelle de présentation et deux plages musicales de musique de Satie. Merci pour votre lecture !


Lien : https://clesbibliofeel.blog
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Assassins !

Vingt tomes, mille deux cents personnages, au moins dix mille pages, il a bâti une œuvre. À soixante-deux ans, il a transformé en or le plomb qui coule dans son crâne. Il a tout réussi, du moins presque. L’Académie française l’a méprisé dix-neuf fois.



La troisième République est à terre. Depuis longtemps, elle se traîne dans sa fange, il ne manque plus que le coup de poignard qui mettra un terme à son existence. L’assassinat de Zola, l’homme de l’affaire Dreyfus, le métèque, le rital, le Gorgonzola. La France aux Français, demain on marchera sur l’Élysée, le grand jour, le jour de la Saint-Barthélemy des juifs. Zola sera crevé. L’ordre reviendra, les juifs, les étrangers, les francs-maçons, les protestants feront leurs malles. Il n’y aura plus d’antisémitisme, car il n’y aura plus de juifs.



Edouard Drumont un polémiste aidé par un réseau de complotistes compte prendre le pouvoir et débarrasser la France de toute sa juiverie. Il a demandé à un fumiste de boucher la cheminée de Zola, le traite à la France, et de l’enfumer, un accident domestique en somme.



Jean-Paul Delfino nous raconte la dernière nuit de Zola et en parcourant ce roman, j’ai vraiment eu l’impression de lire du Zola, tant l’écriture est précise dans les descriptions des lieux, des situations et des caractères des personnages. Dans ce roman naturaliste, l’auteur sait à merveille nous plonger dans Paris, celui des politiques, des intrigants, mais aussi dans le ventre de Paris là où se trouvent les petites gens, le peuple si cher à l’auteur des Rougon-Macquart. Il nous dépeint avec force le climat délétère et rempli de haine de la France du tout début du XXème siècle. La peur de l’étranger, le rôle actif de l’Église dans cette montée de l’antisémitisme.



En alternance nous suivons les complotistes et Emile Zola qui, à l’heure de passer de vie à trépas, revient sur les événements de sa vie, tout en s’interrogeant sur qui aurait voulu sa mort. Une occasion pour l’auteur de faire une biographie de cet immense écrivain de son enfance jusqu’à son dernier souffle.



Ce roman est inspiré de faits réels et notamment de la mort suspecte d’Emile Zola asphyxié par du monoxyde de carbone, Jean-Paul Delfino nous dresse un portrait peu reluisant d’une France gangrenée par l’extrême droite où nationalistes, racistes, traditionalistes s’unissent sur des idées populistes et fascistes portées par une presse de caniveau. Un roman social avec une galerie de portraits sans concession, où l’on sent poindre les idées haineuses qui conduiront à la montée du nazisme et à ses horreurs. Un roman très bien documenté et d’un réalisme glaçant.

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