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Citations de Jean-Pierre Poulain (26)


Au-delà de l’importance matérielle des pratiques alimentaires, des actes culinaires s’y associant et des décisions d’achat les précédant, soulignons que manger, préparer les nourritures, c’est aussi et surtout se faire comprendre, parler un langage, parler le même langage… « Nous ne mangeons pas n’importe quoi, avec n’importe qui, ni à n’importe quel moment de la journée ou de notre vie, ni de n’importe quelle façon. » Nous nous inscrivons tous dans ces codes intrinsèques à notre condition d’omnivore ; condamnés à la diversité, nous devons à ce titre la gérer selon des représentations sociales variables d’un groupe à l’autre.
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Le sens commun retient, avec Léo Moulin, que « nous mangeons 100 000 fois environ au cours de notre vie. Nous engloutissons ainsi plus de 5000 quintaux de nourriture. Nous buvons plus souvent encore. Et nous consacrons à ces activités de 40 000 à 60 000 heures de notre existence –sur les 700 000 que le professeur Jean Fourastier nous accorde. Quant à la ménagère, qui prépare les repas trois ou quatre fois par jour, elle sacrifie, à le faire, de 45 000 à 60 000 heures, sans compter la vaisselle et le rangement. »
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Un enfant naît dans un « espace social alimentaire » déjà constitué, il apprend à manger en se socialisant ou, plus précisément, il se socialise en apprenant à manger. Il apprend ce qui est sa place dans la famille, celle des hommes, celle des femmes, ce qui est propre et ce qui est sale, les moments qui conviennent pour manger et ceux qui ne conviennent pas… Les réponses à ces questions de choix et de procédures sont fournies d’emblée au mangeur par le modèle alimentaire du groupe social où sa naissance l’a placé. Il apprend à aimer les produits qu’on lui offre et qu’il voit mangés et appréciés autour de lui, même si parfois il en préfère certains. Il apprend à manger selon des rituels précis, parfois longs à maîtriser, comme l’usage d’un couteau et d’une fourchette ou d’une paire de baguettes. Ses rythmes physiologiques sont façonnés par les rythmes de sa société.
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Moyen Âge

Les épices : un signe de distinction sociale

Pourquoi tant d'épices ?
Parce qu'elles sont chères et que venant d'Orient, elles font rêver. Par leur prix, elles marquent l'aisance matérielle de celui qui les consomme, sa distance par rapport au peuple.
Mais au-delà de cette fonction sociale, elles jouent aussi un rôle gastronomique. En effet de nombreuses épices possèdent des qualités antiseptiques et digestives qui permettent ainsi de limiter les désagréments des viandes fréquemment mal conservées ou mortifiées. Mais en même temps, avec leurs saveurs fortes, les épices atténuent et gomment les petits défauts des "paons" ou des "cygnes" "revêtus" de leurs plumes.
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Trois univers distincts apparaissent : l’univers des aliments végétaux, l’univers des aliments d’origine animale ne demandant pas la mort de l’animal et enfin l’univers des aliments d’origine animale nécessitant le meurtre. Ces distinctions ne sont pas en fait une nouveauté, elles sont toujours plus ou moins existé ; ce qui est nouveau, c’est le durcissement de leurs frontières. Dans le domaine des matières grasses, ces grandes catégories permettent de comprendre la survalorisation dont les corps gras d’origine végétale sont l’objet et comment le gras animal, à l’inverse, est l’objet d’une véritable satanisation. Les matières grasses laitières échappent partiellement à ce processus par leur position particulière à l’égard du meurtre alimentaire. Ces représentations sont à l’œuvre au-delà des qualités nutritionnelles objectives, que ce soit la charge énergétique ou la qualité des acides gras qui composent ces différentes matières grasses.
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Manger avec les autres constitue une prise de risque, que ce dernier soit objectif (risque sanitaire par exemple, car manger chez quelqu’un c’est lui faire confiance sur le plan de l’hygiène), psychologique ou biographique (car partager un repas, inviter quelqu’un chez soi, c’est lui donner à voir une part de notre intimité), ou symbolique (risque de se trouver engagé à l’égard de l’hôte et, plus encore, de devenir un peu comme lui).
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Jeanine, parfois dépressive, développe des séquences d’anorexie (elle ne mange alors que du chocolat et des soupes). Elle s’investit énormément dans l’éducation de ses deux garçons et les encourage à manger du fromage pour être forts. D’une façon générale, en tant que mère nourricière ou hôtesse, elle pousse les autres à manger, et lorsqu’on observe insuffisamment son comportement à table (plein de rituels d’évitement : elle met dans son assiette du fromage ou des laitages mais les offre à ses enfants ou se lève pour le service et au bout d’un certain temps retire son assiette non consommée, etc.), sa lipophobie peut échapper. Elle l’assume lorsqu’elle connaît bien ses convives.
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La rupture institutionnelle –la crise anomique- est engendrée par une absence de norme correspondant à la situation nouvelle que rencontre l’acteur, ou par un décalage entre la proposition sociale et le désir des acteurs. Le vide normatif peut aussi résulter d’une prolifération de valeurs et modèles contradictoires et incompatibles engendrant une anxiété intrinsèque à leur choix.
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« On peut faire bouillir une viande préalablement rôtie, mais non rôtir une viande déjà bouillie, car ce serait aller contre le sens de l’Histoire. »

-Claude Lévi-Strauss-
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On constate […] que le moyen de surmonter ce dégoût du fromage nauséabond développé par un imaginaire culturel et social, de le transformer en une expérience alimentaire et gastronomique structurante, consiste à « débarrasser » sa bouche de cette saveur inquiétante en absorbant de l’alcool, véritable détergent du dégoût sensoriel et imaginaire. Un système fromage fort/alcool s’équilibre donc, notre hypothèse étant que, au fil du temps, cette croyance se ritualise et la complémentarité se substitute à la stratégie de lutte contre l’influence maléfique et magique du fromage fort. L’alcool étant dangereux, on diminue ses effets par ce contre quoi, initialement, il luttait.
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[…] il refuse à l’heure actuelle toute idée de surveillance de soi et se réfère aux aînés qui grossissaient avec l’âge mais ne devaient surtout pas modifier leurs habitudes alimentaires s’ils voulaient rester actifs. C’est quand ils commencent, sans raison particulière, sauf qu’ils grossissent, à se restreindre que tu vois les anciens décliner : ils sortent moins, se dépensent moins ; leur décision de moins manger, c’est le signe d’une résignation, c’est le début de la fin ! Ils sont mal dans leur tête […], souvent c’est l’entourage qui les a persuadés.
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Deux axes paradigmatiques du manger émergent alors, qui supposent des comportements opposés de l’acteur social. Le premier recoupe l’idée d’une manducation, d’une dégustation et d’une incorporation conçues comme un moyen de découverte d’un monde environnant, de connaissance de l’extérieur, d’autrui, du différent, du surprenant. Ce manger est indissociable d’un partage, d’une communication conviviale ou commensale. Ce premier paradigme n’est qu’ouverture… Nous lui opposerons l’autre, l’enfoncement du mangeur qu’évoque Frédéric Lange : « Ici, l’ingestion collabore avec la pesanteur pour enfoncer le mangeur… le mangeur a la sensation d’une immersion dissolvante par laquelle il cesse d’être soi, là. Manger prend alors l’allure d’un aveuglement partiel ou total, d’une tentative d’abrutissement, une perte de conscience ou d’intérêt pour soi et le monde. » Ce second paradigme du manger signifie alors le repli, l’enfermement. Consommer l’aliment n’entraîne plus la curiosité intellectuelle, l’acuité et la mobilisation des sens pouvant décoder, reconnaître, apprécier, mémoriser l’émotion gustative et les plaisirs ressentis, constructeurs de métalangages. Ici, consommer l’aliment équivaut à se fermer, se boucher…
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Les hommes ont ainsi beaucoup pensé à leur alimentation. Dans ces différents risques –de manquer, de s’empoisonner- s’enracine une anxiété fondamentale de la relation des hommes à l’alimentation. Ces connaissances, fruits de l’interaction entre un groupe humain, son patrimoine génétique, sa culture et le biotope dans lequel il était installé, forment ce que l’on désigne par modèle alimentaire. La fonction d’un modèle alimentation est d’abord de gérer l’anxiété alimentaire au sens le plus complet du terme, c’est-à-dire à la fois d’un point de vue pratique et d’un point de vue symbolique.
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« Personne ne peut contester que les êtres humains aient des besoins. On peut établir, de cette manière, qu’un adulte doit absorber 2500 calories par jour. Mais cela ne permet pas d’expliquer pourquoi il préfèrera la blanquette de veau à la choucroute, les huîtres cuites dans du lait aux huîtres crues. Dans la perspective utilitariste, la quasi-totalité des choix et des habitudes de consommation demeure inexpliquée. Pour les comprendre, il faut postuler que la fonction essentielle de la consommation alimentaire est de produire du sens. »

Laburthe-Tolra et Warnier
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Mais il faut bien évoquer une lapalissade : les cuisines régionales ou de terroir ne peuvent l’être que pour ceux qui signifient leur appartenance en les incorporant. C’est le sens conféré par le mangeur qui décide du caractère endotique ou exotique d’un plat, de son aspect régional ou international. Pourtant, certains plats et leurs saveurs sont perçus comme de terroir par des cuisiniers et des mangeurs se trouvant à de grandes distances du lieu initial de production, ne disposant pas forcément de référent gustatif et, surtout, ne construisant aucune identité culturelle entretenant un rapport avec l’aire de provenance attribuée aux comestibles… Souvent, les références gustatives des produits que l’on dit réalisés comme avant n’existant plus, ceux-ci deviennent de véritables créations conceptualisées comme authentiques, baignant dans la mythologie.
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La gourmandise est liée chez elle à un temps festif de communication et de bonheur, alors qu’un ascétisme écartant toute forme de gras –voire à certains moments de nourritures- caractérise son état dépressif, l’enfermement sur elle-même et une sorte de culpabilité qui l’oblige à suivre une psychothérapie.
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Pour l’alimentation, les horizons de la rationalité en finalité sont multiples. Il est possible de les formuler avec les propositions suivantes :
- Je décide de manger ou de ne pas manger ceci pour grossir ou ne pas grossir ;
- Je décide de manger ou de ne pas manger ceci parce que c’est bon ou ce n’est pas bon pour la santé ;
- Je décide de manger ou de ne pas manger ceci parce que c’est cher ou ce n’est pas cher ;
- Je décide de manger ou de ne pas manger ceci parce que c’est bon ou ce n’est pas bon pour mon âme ;
- Je décide de manger ou de ne pas manger ceci parce que cela convient ou non à mon goût…
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Sans doute serait-il bénéfique […] d’analyser de façon comparative comment, à un moment de crise identitaire s’accompagnant sans doute d’une fatigue d’être soi, la disparition d’un rituel collectif satisfaisant (qui nie les habitudes et les rythmes alimentaires antérieurs, qui est rendu impossible par de nouvelles conditions de vie, qui ne correspond plus dans la forme aux attentes exprimées –repas trop copieux, etc.) précipite une dilution du lien social, un repli sur soi, une altération de la communication, un clair-obscur qui permet de s’affirmer en négatif, pour apparaître sous le regard des autres conforme à une image mythifiée des attentes sociales, pour disparaître du regard des autres parce que non conforme à une représentation stéréotypée de leurs attentes. Plagiant Michel Serres, nous dirions que la langue qui ne parle pas est une langue qui ne goûte plus…
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Dès l’origine de l’humanité, manger pose le problème de la survie puisque manger est un acte biologique mais aussi un pari dangereux sur le produit ingurgité et l’adéquation de son mode de préparation. Même si nous l’avons en partie oublié, manger constitue dans l’oubli collectif, un jeu avec la mort, une ordalie, un risque parfois fatal mais valorisant et structurant sur le plan biologique et culturel lorsque l’on en réchappe… Manger est une « prise de risque » (que notre société dramatise actuellement alors même que la sécurité alimentaire se renforce, comme si le plaisir de manger devait nécessairement s’accompagner d’une peur), obligatoire sur le plan biologique.
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La modernité alimentaire se caractérise aussi par l’apparition de nouvelles contraintes de production, des images de l’efficacité sociale qui présentent souvent l’acte alimentaire et le partage qui l’accompagne comme du temps perdu pendant la fonction productive. Il y a alors obligation d’innovation pour l’acteur social qui voudrait concilier son plaisir gustatif, la convivialité et la productivité. C’est dans un tel contexte que se développe le grignotage ou du moins –car il faut faire la différence- la multiplication des prises alimentaires hors repas (qui peuvent être socialisées, ou correspondre à une faim, à l’inverse du grignotage qui l’anticipe).
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