Citations de Jean-Yves Le Naour (155)
- Hé, les gars ! On n'a rien touché depuis hier. Vous n'auriez pas un pétong de pain où un chicoulong de pinard ?
- Vous n'aurez rien. Vous autres du Midi vivez assez comme ça sur le dos des populations du Nord.
- Parce que vous croyez que le pain pousse sur les arbres chez nous ?
- Je dis que vous vivez d'abord de nos impôts. pour ça, vous êtes forts.
- Ouais, toujours en train de faire la sieste aussi !
- M'sieur l'officier ! i' faut pas continuer par là ! Les Allemands vous attendent de l'autre côté des collines. i' vont vous tomber dessus !
- Tiens donc ? Vous parlez bien le français pour des Allemands !
- Ben, c'est qu'on est en Lorraine annexée ici: on parle le français.
- Arrêtez-moi ces espions: ils veulent nous dissuader d'avancer.
- Ah ben ça ! C'est trop fort !
Alors, je me battrais pour moi et pour toutes les autres. Je me battrais pour les humiliés, les dominés, les offensés. Parce que ce n'était pas juste et parce que j'en étais.
1927 - Tout commence par un grand éclat de rire.
Le 25 novembre 1927, quelques jours avant la remise du prix Goncourt, le théâtre de la Michodière organise la première de la nouvelle pièce d'Eouard Bourdet, un des maîtres du théâtre de Boulevard.
Son titre, "Vient de paraître", annonce la couleur.
Cette satire jouissive du monde de l'édition raconte la bataille toute en combines pour obtenir le très convoité prix Émile Zola, gage du succès commercial ...
De surcroît, prétendre que Dieu a jeté l'Europe entière dans le brasier pour manifester sa mauvaise humeur contre la loi de séparation (de l’Église et de l’État) relève au minimum du péché d'orgueil. Cela ne dérange pas le chanoine Gaudeau, prédicateur de l'église Saint-Sulpice, qui explique ainsi la guerre: "La France a commis un crime; le plus grand, celui de ne plus croire, de renier Dieu. Le créateur le lui fait expier par l'invasion. Qu'elle implore son pardon, qu'elle rejette au plus vite les théories qui lui viennent d'outre-Rhin, et peut-être Dieu dans sa bonté consentira-t-il à oublier".
De ces tractations dans l'ombre du mois de juillet 1914, l'opinion n'a jamais rien su. En Allemagne comme en France, on ne parlait plus de Sarajevo depuis longtemps... Pour ceux qui savaient voir, il y avait pourtant quelques signes inquiétants. Le 20 juillet, les bourses autrichienne et hongroise dévissaient curieusement, puis la panique des marchés se transmettait à l'Allemagne, à la France et à l'Angleterre. Les projets austro-allemands fuitaient, à n'en pas douter, dans les milieux d'affaires, toujours mieux informés que les autres, et la chute des cours boursiers n'était rien d'autre que la manifestation de la nervosité des marchés détestant plus que tout l'incertitude et les rumeurs de guerre. La diplomatie, certes, ne se fait pas à la corbeille, mais la Bourse est un baromètre délicat, un sismographe des plus sensibles dont le caprices ne peut manquer de surprendre la masse des non-initiés.
Nous, ce sont les contrebandiers que nous traquons, pas les résistants !
[Conrad Von Hötzendorf]: Votre altesse, pardonnez-moi, mais je n'ai pas bien compris, hier, si vous étiez favorable à la guerre contre la Serbie.
[François-Ferdinand]: Au risque de vous décevoir, général, je crois que nous n'y gagnerions rien. Que nous rapporterait la victoire ? Un tas de voleurs, d'assassins, de bandits, et quelques pruniers par-dessus le marché. Somme toute, plus de racaille encore, des pertes militaires immenses et quelques milliards de frais.
De plus, il est peu probable que nous terminions l'affaire sans être interrompu par la Russie.
Galtier-Boissière, lui, en est déboussolé: "Toutes ces scènes d'émeutes m'ahurissent et me peinent. J'ai l'impression que la déclaration de guerre a provoqué une sorte de folie collective; la lie de la population est brusquement remontée à la surface; mais d'honnêtes travailleurs aussi se transforment brusquement en énergumènes, se jettent au pillage, ou, faute d'ennemis à trucider, en imaginent à tous les coins de rue."
Sur le plan fiscal, la droite ne fait pas dans la dentelle en dénonçant la déclaration de revenus comme une "inquisition", une "vexation", une "agression", allant jusqu'à prétendre que les agents des impôts iront dans les fermes compter les poules et les œufs, tout en se lamentant sur le suffrage universel, "la plus formidable oppression de l'intelligence par le nombre", qui pourrait bien se laisser prendre à la démagogie radical-socialiste. Avec "l'impôt sur les riches destiné à soulager les pauvres", la gauche préparerait la ruine du pays dont les pauvres seront justement les premières victimes.
Le 6 août 1914, un attroupement se forme dans les rues de Saint-Étienne: un passant refuse de parler, ce qui signifie à n'en pas douter que c'est un allemand qui ne veut pas être trahi par son accent ou son ignorance de la langue française. On le bouscule, on le frappe pour qu'il parle avant de s'apercevoir que c'est un sourd-muet.
"En temps de guerre, un bon mensonge patriote vaut mieux que le potion amère de la vérité !"
S'il est une règle basique enseignée dans les écoles de police, c'est bien celle-ci : chercher a qui profite le crime ...
En laissant délibérément la frontière du Nord grande ouverte, en pariant sur l'offensive à outrance, même devant les mitrailleuses, les canons et les barbelés, et en sous-estimant les forces de l'adversaire, Joffre a joué le sort du pays aux dés, et il a perdu. Le plan Schlieffen, lui, a parfaitement fonctionné.
A Saint-Dié (Vosges), les soldats allemands utilisent la méthode du bouclier humain, qui a fait ses preuves en Belgique, faisant marcher des otages devant eux et condamnant les soldats français à les tuer s'ils ne se résignent pas à refuser le combat.
Prudent, le major Höger, membre de la chancellerie de François-Ferdinand, demande au général Potiorek de faire évacuer la rue ou, tout au moins, de déployer des hommes en armes sur le parcours du prince. Ce conseil de bon aloi est cependant balayé par l'esprit étriqué du général, en dessous de tout, qui fait savoir que la troupe qui vient de manœuvrer les jours précédents est encore en tenue de campagne et que le règlement lui interdit de former une haie d'honneur dans cet uniforme. Le règlement, qu'on le veuille ou non, c'est le règlement ! Le général avait-il conscience que la mort rôdait autour du prince héritier? Le médiocre Potiorek n'était décidément pas à la hauteur de la situation.
Il fallait être efficace, soigner le plus vite possible et ne pas craindre d'employer les méthodes les plus brutales, de recourir à la douleur, même, car les méthodes douces sont bien trop longues à remettre un homme sur pied si tant est qu'elles mènent quelque part. Quand la rentabilité prend le pas sur l'humanité, le rendement sur le dévouement, quand le médecin cesse de se penser au service des malades, alors il n'y a rien d'étonnant que la médecine devienne une sorte de machine sans âme ni conscience et glisse vers la violence pour répondre à la souffrance.
Que des Anglo-Saxons s'allient aux Slaves et aux Gaulois contre les Germains, leurs cousins, c'est inconcevable dans la pensée pangermaniste !
Avec les muets, Babinski procède de la même façon, électrisant le fond de leur gorge, une opération peu agréable qui leur fait pousser quelques plaintes. Ils s’aperçoivent alors qu’ils peuvent parler et quittent bientôt leur état pithiatique. Voilà des malades faciles à soigner pour Georges Dumas qui passe systématiquement les muets à l’électricité. Après qu’il a poussé un « Ah ! », cri de douleur et de surprise », le sujet est invité à prononcer les autres voyelles, puis des mots et enfin des phrases. Au besoin, le médecin appuie ses ordres avec force : « Tu viens de dire : Ah ! Dis : E, tu le peux. Allons, dépêche-toi, tu ne fais pas ce que tu peux. Dis : I, nom de D… ! »
Il faut bien venir en aide aux malheureux poilus et soigner les malades du mieux que l'on peut. Deux méthodes s'imposent alors qui reflètent l'ambiguïté du corps médical face à la guerre, entre secours à l'humanité en souffrance et exigence patriotique de la guérison la plus prompte pour renvoyer des soldats au front. Au service des hommes, les spécialistes préconisent la méthode douce, le repos, la balnéothérapie, l'héliotherapie, les massages, la nourriture abondante. Au service de la patrie, ne voyant dans les malades que des soldats défaillants que l'on doit rapidement remettre sur pied au nom de la défense nationale, ils utilisent des méthodes dites «brusquées», consistant essentiellement en traitement électrique plus ou moins agressif. La douleur, pour ne pas dire la torture électrique, devient alors un élément thérapeutique de premier ordre qui, en faisant mal au patient, l'amène à quitter son état hystérique, sorte de nid douillet où le soldat s'est réfugié pour quitter la réalité trop déprimante des tranchées. Le médecin aide-major André Gilles, qui l'emploie sur ses malades, ne voit pas le problème et nie même la question de la douleur: «Pour pénible qu'elle soit, elle est très supportable» Ceux qui oseraient refuser un tel traitement que l'on baptise du doux nom de «torpillage» sont aussitôt perçus comme des suspects, du gibier de conseil de guerre...