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Critiques de Jean de La Bruyère (62)
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Les Caractères ou Les moeurs de ce siècle

J'ai mis cinq longues années à lire Les Caractères. Non pas que je le trouve ennuyeux ou mal écrit, pas du tout, bien au contraire, c'est juste que comme il n'y a pas d'intrigue et qu'il se compose presque uniquement de très courts paragraphes — quasiment des maximes — et qui peuvent être lus séparément, il est bon, je crois, de les laisser décanter, d'y revenir quelques jours, mois ou semaines plus tard, et ainsi de suite. Voilà comment on peut mettre cinq ans à lire ces 400 pages.



Passée la première surprise où j'avais été quelque peu décontenancée (je m'attendais à quelque chose de plus romancé, on m'avait fait lire Ménalque, l'un des portraits les plus longs de l'ouvrage au collège) j'ai commencé à prendre du plaisir à cette lecture. C'est vraiment de la liqueur, on s'en ressert dans un petit verre à la fin du repas et on savoure. Ce n'est pas fait pour la consommation courante.



Et donc, si l'on accepte le contrat avec Jean de la Bruyère, lire des petits aphorismes, des paragraphes, parfois très courts, parfois bien plus longs, sans suite apparente malgré le classement en seize rubriques distinctes, des sortes de thèmes, si l'on accepte le contrat, donc, on mesure la finesse, la justesse, tant de l'écriture que du propos, l'acuité du regard de cet écrivain, qui nous fait un portrait admirable de ses contemporains du XVIIème siècle, sous le règne de Louis XIV.



Il y est davantage question de son monde, l'aristocratie, que des classes populaires quoiqu'on puisse affirmer qu'il avait un réel soucis de ce qui se passait dans les campagnes et dans les quartiers peu chics des villes. Ce qui me fascine dans son projet, c'est qu'en aiguisant au maximum son regard, il parvient souvent à dépouiller totalement l'homme de sa gangue de XVIIème siècle et à en révéler ce qui est universel en lui, qui était, qui est et qui a toujours été et, malheureusement, sera toujours.



J'écris " malheureusement " car le portrait n'apparait pas forcément très reluisant sous sa plume. L'homme, défait de ses oripeaux de politesse imposée, de ses parures d'amabilité, n'est pas toujours beau à voir, à l'époque comme maintenant. Mais tout de même, quelle maestria : arriver à nous décrire précisément telle habitude, tel travers chez des hommes ou des femmes de l'aristocratie française du XVIIème siècle et s'apercevoir émue que ces traits n'ont pas varié d'un iota, qu'ils sont présents dans les mêmes proportions et avec les mêmes outrances dans les classes moyennes ou populaires que je fréquente, toutes origines confondues, en ce début de XXIème siècle, c'est impressionnant. (Je ne parle pas des élites que je n'ai pas l'occasion de fréquenter mais qui sont faites, à n'en pas douter, des mêmes ingrédients et dans les mêmes proportions et ce, n'importe où dans le monde.)



Outre la qualité de son style, sobre, précis, élégant (rien que pour ça, cela vaut la peine d'être lu), outre la qualité et la justesse des observations, il me faut tout de même confesser que certaines sections m'ont plus ennuyées que d'autres. Je pense, notamment, à celles situées vers la fin de l'ouvrage, comme de la Chaire ou Des Esprits Forts qui n'ont plus vraiment d'actualité et de raison d'être aujourd'hui, selon moi.



En somme, à ces deux ou trois restrictions près, je ne puis que m'enthousiasmer et conseiller vivement cette lecture. N'y voyez aucune malice ni aucun sarcasme mais je juge que c'est le genre de livre idéal pour les toilettes, à vous de voir. D'ailleurs ceci n'est qu'un avis de chiottes, sans grand caractère, c'est-à-dire, plus que jamais, pas grand-chose.
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Les Caractères ou Les moeurs de ce siècle

Le XVIIe siècle est dépeint comme régi par la métrique et la rigidité, comme une époque où tout serait réglé et calibré. C’est exagérer que de le réduire à cette tendance et d’y voir une machine trop bien huilée et vide d’humanité.





Je ne remercierai jamais assez deux de mes profs de français de l’époque désormais lointaine de mes années de collège de s’être efforcés de nous donner l’envie de découvrir ces grands classiques de notre littérature. C’est une pièce inestimable de notre patrimoine littéraire.





En entrant dans ce livre, j’ai ressenti la peur d’un enfant qui approche un colosse. Puis, plus j’ai avancé dans cette lecture, plus j’ai senti une chaleur proprement authentique et qui attendrirait un pessimiste invétéré, tant La Bruyère décrit, en utilisant les mots appropriés et sans fioritures, des sentiments que j’ai éprouvés et dont j’ignorais jusqu’alors qu’on pût les verbaliser si habilement et efficacement.





Ce livre est un diamant taillé à la perfection. Comme disait son contemporain Boileau :

« Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement

Et les mots pour le dire arrivent aisément. »

Le bon goût existe, ainsi que La Bruyère l’a lui-même écrit. Il réside dans la juste mesure, sans défaut ni exagération.





Il est bon de lire et relire ces écrits salutaires tellement rafraîchissants. Ils sont pour moi comme les cartes et les instruments qui permettent au capitaine de navire de trouver et maintenir son cap au milieu des immensités d’incertitude et des tempêtes.





Plus je lis ce livre, plus je me sens proche de cet homme qui de loin paraît grand et imposant mais n’était pas un misanthrope vivant dans une tour d’ivoire. Simplement, la portée de son œuvre abreuve de lumière et de chaleur quiconque veut bien se donner la peine d’en franchir le seuil. C’est un livre dans lequel je me replonge régulièrement lorsque j’ai besoin de me recentrer et de mettre de l’ordre dans mes idées. C’est, d’une certaine manière, un livre qui infuse, sans le dire, des méthodes pour penser juste. Lire et méditer Les Caractères m’a aidé à penser et à bien exprimer mes pensées. Il a enrichi ma palette. Il m’a fait entrer profondément en moi pour mieux en ressortir.





À travers les portraits qu’il brosse de la société, il montre avec une grande acuité dans quelle mesure les hommes et les femmes, au contact de leurs semblables, se transforment ; combien leur tempérament et leurs attitudes fluctuent ; combien la vie en société corrompt nombre de ses membres par diverses émulations et l’appât du gain ; que l’individu en société n’est plus vraiment soi-même.





Avec des descriptions fines et précises, développées lorsque cela est nécessaire, il donne le ton et la juste mesure de ce qui fait les qualités et la vertu et dépeint d’autre part les excès et défauts qui font les vices. Il nous donne à voir le théâtre intemporel de l’Humanité.
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Les Caractères ou Les moeurs de ce siècle

Seul ouvrage écrit par Jean de la Bruyère, ce recueil de textes se veut le témoin de la société française du XVIIè siècle. L'auteur s'est inspiré des Caractères de Théophraste, philosophe grec dont le nom signifie "discours divin", ainsi que l'avait nommé son maître, dont la popularité fut grande parmi les athéniens, en transposant le propos à l'étude des mœurs de sa propre époque.



Il est difficile de lire le tout de façon longitudinale, car le rythme est irrégulier, de courts aphorismes alternant avec de plus longs développements. Par ailleurs un bon nombre de ces textes sont très contextuels et ne peuvent guère évoquer des situations familières à un citoyen du XXIè siècle, sauf s'il est spécialiste de l'histoire sociale du siècle des lumières. Il est sans doute plus profitable de picorer ça et là quelque maxime qui surprend par sa parfaire adéquation à notre monde contemporain :



" Une mode a à peine détruit une autre mode, qu'elle est abolie par une plus nouvelle, qui cède elle-même à celle qui la suit, et qui ne sera pas la dernière: telle est notre légèreté. Pendant ces révolutions, un siècle s'est écoulé, qui a mis toutes ces parures au rang des choses passées et qui ne sont plus. La mode alors la plus curieuse et qui fait plus de plaisir à voir, c'est la plus ancienne"



Je passe sur le chapitre consacré aux femmes : j'accorde la clémence à l'auteur, prisonnier des préjugés de son époque, bien qu'il s'en défendit au nom de l'objectivité.

Je ne conserve que cette phrase qui clôt le débat :



" Les hommes et les femmes conviennent rarement sur le mérite d'une femme: leurs intérêts sont trop différents"



L'un des thèmes le plus intéressant est celui de l'écriture, et du succès qu'elle confère ou non :



"Il n'est pas si aisé de se faire un nom par un ouvrage parfait, que d'en faire valoir un médiocre par le nom qu'on s'est déjà acquis".



L'auteur évoque également la prudence nécessaire devant le succès, et que les éloges comme les critiques doivent être reçues non comme un jugement mais comme un moyen de progresser. Le lecteur en prend aussi pour son grade :



Quelques-uns de ceux qui ont lu un ouvrage en rapportent certains traits dont ils n'ont pas compris le sens, et qu'ils altèrent encore par tout ce qu'ils y mettent du leur; et ces traits ainsi corrompus et défigurés, qui ne sont autre chose que leurs propres pensées et leurs expressions, ils les exposent à la censure, soutiennent qu'ils sont mauvais, et tout le monde convient qu'ils sont mauvais; mais l'endroit de l'ouvrage que ces critiques croient citer, et qu'en effet ils ne citent point, n'en est pas pire.



Alors que la solution est simple pour juger de là qualité d'un livre :



Quand une lecture vous élève l'esprit, et qu'elle vous inspire des sentiments nobles et courageux, ne cherchez pas une autre règle pour juger l'ouvrage; il est bon, et fait de main d'ouvrier.



Bien d'autres thèmes sont abordés, les plus accessibles se référant à des thèmes universels. La Bruyère est- il toujours enseigné au lycée? Ces textes constituent une pépinière de sujets de réflexion sur les mœurs de l'animal grégaire qu'est l'humain
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Les Caractères ou Les moeurs de ce siècle

Carole Benz, professeur de lettres, nous propose une sélection des plus truculents Caractères de La Bruyère et nous invite à revisiter l'univers de l'auteur et la société du XVIIè siècle.



Petit livre, mais qui se lit, au fil du temps, des jours, en piochant de temps à autre une des nombreuses maximes qui figurent dans ce petit ouvrage.



"Le Figaro de Beaumarchais le dira autrement :

Il s'agit d'apprendre à rire de tout pour ne pas en pleurer."
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Les Caractères ou Les moeurs de ce siècle

La Bruyère, c'est d'abord pour moi un grand observateur de l'Humain.

Cet ouvrage est divisé en 16 chapitres. Le plus intéressant concerne La Cour du roi soleil. C'est une scène de théâtre où les Grands jouent des personnages pour obtenir des "postes". Une fois leur souhait réalisé, ils changent de caractère : de flatteurs, ils deviennent hautains, froids et orgueilleux. Insincères avant, ils le sont encore après leur ascension sociale.

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Bien que la psychologie ne soit sans doute pas née en 1688, "Les Caractères" sont pour moi une oeuvre psycho-philosophique.

Et à ce titre, notre bon Jean ne déroge que très peu, malgré un semblant de "classement" des idées et observations en seize chapitres, à la chienlit d'écriture de la plupart de nos philosophes chéris. Pas de système, de globalisation, si ce n'est une ébauche Âme-Esprit-Tempérament-Coeur au chapitre "Des jugements", et une analyse intéressante à la dernière page du livre : que se passerait-il si tout le monde était : premièrement "riche", deuxièmement "pauvres", troisièmement "riches et pauvres" ?

D'autre part, le livre semble se moquer du "jeu de rôles" et d'hypocrisie de La Cour, des Grands et de La Ville, La Bruyère dit presque : "vive le peuple et les laboureurs !" mais quand il était trésorier à Caen, c'était une autre histoire...

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Mais cette oeuvre possède de grosses qualités.

J'ai adoré les portraits de Celse la commère, Villeroi le niais vaniteux, Clarisse l'artificielle, Arrias qui sait tout, Théodecte le goujat, les chutes des portraits de Giton et Phédon. A La Cour, D'Artémis, stratège, est un singe la royauté ; Théodote est un papillon qui s'agite, froid, calculateur, harceleur, pour obtenir un poste... Et tous les autres sont de même facture.

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Tous représentent des hauts personnages qui ont existé, mais sous couvert de noms grecs, à l'image de La Fontaine qui utilise des animaux. En effet, comme Jean de La Bruyère le dit lui-même, les personnes de la ville ne sont intéressés que de procès, et d'argent. Il y a donc danger, naturellement à ne pas écrire sous couvert.

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Bon, l'auteur s'étend sur les nobles, alors qu'ils ne représentent qu'une infime partie de la population française, mais il parle de ce qu'il connaît.
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Les Caractères ou Les moeurs de ce siècle

Acuité du regard, concision du portrait, perfection de la forme.



La Bruyère est un maître à voir, à penser,et à écrire.

Je dirais même à écrire par-dessus tout. .Voyons plutôt comment il aborde le portrait d'Acis, le "diseur de phébus":



Que dites-vous ? Comment ? Je n'y suis pas ; vous plairait-il de recommencer ? J'y suis encore moins. Je devine enfin : vous voulez, Acis, me dire qu'il fait froid : que ne disiez-vous : "Il fait froid" ? Vous voulez m'apprendre qu'il pleut ou qu'il neige ; dites : "Il pleut, il neige". Vous me trouvez bon visage, et vous désirez de m'en féliciter ; dites : "Je vous trouve bon visage." — Mais répondez-vous cela est bien uni et bien clair ; et d'ailleurs, qui ne pourrait pas en dire autant ?" Qu'importe, Acis ? Est-ce un si grand mal d'être entendu quand on parle, et de parler comme tout le monde ? Une chose vous manque, Acis, à vous et à vos semblables, les diseurs de phébus; vous ne vous en défiez point, et je vais vous jeter dans l'étonnement : une chose vous manque, c'est l'esprit. Ce n'est pas tout : il y a en vous une chose de trop, qui est l'opinion d'en avoir plus que les autres ; voilà la source de votre pompeux galimatias, de vos phrases embrouillées, et de vos grands mots qui ne signifient rien. Vous abordez cet homme, ou vous entrez dans cette chambre ; je vous tire par votre habit et vous dis à l'oreille : "Ne songez point à avoir de l'esprit, n'en ayez point, c'est votre rôle ; ayez, si vous pouvez, un langage simple, et tel que l'ont ceux en qui vous ne trouvez aucun esprit : peut-être alors croira-t-on que vous en avez."



On rit impitoyablement de ce phraseur prétentieux dont n'on a pourtant pas entendu la voix!





On frémit aussi: ainsi quand il dresse ce tableau terrible des paysans affamés par les guerres, écrasés d'impôts.



"L’on voit certains animaux farouches, des mâles et des femelles, répandus par la campagne, noirs, livides et tout brûlés du soleil, attachés à la terre qu’ils fouillent et qu’ils remuent avec une opiniâtreté invincible ; ils ont comme une voix articulée, et quand ils se lèvent sur leurs pieds, ils montrent une face humaine, et en effet ils sont des hommes.



Ils se retirent la nuit dans des tanières, où ils vivent de pain noir, d’eau et de racines ; ils épargnent aux autres hommes la peine de semer, de labourer et de recueillir pour vivre, et méritent ainsi de ne pas manquer de ce pain qu’ils ont semé."



Tableau terrible d'une existence machinale qui nous renvoie honteusement à notre propre animalité de prédateurs...
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Les Caractères ou Les moeurs de ce siècle

Quel dommage que le temps nous fasse oublier les classiques, qu'ils soient statufiés au point de ne plus oser les ouvrir... et pourtant, ces « Caractères » vus de près, imaginons que deux amis s'en emparent dans une conversation, nul doute que nous assisterions à un festin d'intelligence …
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Les Caractères ou Les moeurs de ce siècle

Toute mon adolescence, une bible, avec Les Fables de la Fontaine, et Les Métamorphoses d'Ovide... Les Caractères sont un chef d'oeuvre d'irrévérence et de sagesse, comme peuvent l'être Les Fables dans leur registre, mais en bien plus mordant, explicite et précis. Nous avions au programme en cours de terminale il y a maintenant... 7 ans (!) les livres "De la cour" et "Des grands", et cet auteur avait vraiment été une révélation pour moi, une sorte de milieu, de pont, entre La Fontaine et Hugo, sans parler du style littéraire, bien évidemment.



Il faut cultiver la mémoire et la transmission de l'oeuvre de ces esprits français, très lucides sur leur temps, aux propos plus que jamais valables aujourd'hui... Je le dis souvent, en me faisant quelques ennemis, mais il faut oublier Molière, et consacrer comme il se doit La Fontaine, La Bruyère et Hugo... Ma bibliothèque ne cessant de s'agrandir, j'ai repoussé à mon grand dam la lecture intégrale des Caractères (j'avais quand même entamé "Du Coeur", en bon romantique au sens moderne du terme!), mais cela viendra bien un jour!!
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Les Caractères ou Les moeurs de ce siècle

Les hommes ont des comportements stéréotypés, ils sont devenus grace à ces "caractères" des êtres reconnaissables.

Ce sont ces caractères figés,ces portraits chosifiés dans le théâtre du monde,ces caricatures que Jean de La Bruyère (écrivain français du XVII° siècle membre de l'Académie française) a publié, dans plusieurs éditions successives enrichies à chaque fois.

Moraliste toutefois modeste, il taille un costume sur mesure en priorité aux nobles et gens riches tout en dénonçant les inégalités sociales.

Il va au-delà des apparences,de l'image et du paraître pour pointer le doigt sur les défauts,les impostures,les abus sociaux,l'inhumanité,les mensonges,les tromperies,la vanité,l'hypocrisie.

Une écriture travaillée. Des mots lapidaires. Une acuité du regard.Une bonne analyse psychologique.Des réflexions empreintes de sagesse s'apparentant à de la philosophie.Les jeux de mots et l'ironie qui prêtent à sourire se rapprochent de l'effet comique obtenu dans Les Précieuses ridicules de Molière.

Un classique incontournable!
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Les caractères

Les Caractères de La Bruyère est une œuvre classique mais méconnue, et sous estimée. Sa forme est particulière ; aphoristique, en maximes, maintes et maintes fois revue et augmentée, sa lecture est avant tout un peu délice stylistique, d'ironie mordante, de sarcasme ravageur, de traits d'esprit et d'argumentation savante.

C'est aussi une peinture du siècle de Louis XIV, du Paris et de la cour de cette époque, de l’irréligion, des combats pour les places, des luttes intellectuelles de ce temps.

C'est enfin le témoignage presque unique de cet homme de lettre qu'était la Bruyère, sa seule publication ou presque, son chef d’œuvre.



On y retrouve une peinture des mœurs, des hommes, des femmes, de ceux qui dirigent et de ceux qui obéissent, des menteurs et des hypocrites, des bons et des méchants, ces derniers étant de loin les plus nombreux !

On se trouve en plein, et poussée à son paroxysme, dans une veine de moraliste chrétien, éclairé et cultivé, mais attaché au respect des textes sacrés et des enseignements bibliques.

Un mélange que l'on sent moins dans la Rochefoucauld, moins porté sur l’Église peut être...



Il reste donc pour moi, malgré la justesse et la force de son style, un peu en dessous de Chamfort et de La Rochefoucauld bien qu'il en partage la misanthropie.
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Les Caractères ou Les moeurs de ce siècle

L'intérêt des caractères, c'est la possibilité de s'en servir pour illustrer des propos, des comportements, voire des événements de l'ancien régime, par la pertinence de ces observations et la beauté de la langue.

Cette beauté se transforme vite en épreuve de lecture, la compréhension de l'intention de l'auteur n'étant pas facile à extraire de certaines descriptions parfois complexes, et dont l'éloquence perturbe la clarté du propos ! mais que c'est beau !

Lisant beaucoup de livres d'histoire sur la période qui a précédé la révolution, la mine que représente ce livres est très intéressante, à condition de s'y retrouver dans les catégories (chapitres). Les observations, 3 siècles avant les débuts de la psychologie, sont très souvent très pertinentes.

Ce livre restera encore un moment sur ma table de chevet, pour y puiser de temps en temps un portrait, une maxime, une référence, à déguster sur un temps très long !
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Les Caractères ou Les moeurs de ce siècle

En quelques phrases, tout au plus un texte bref, l'auteur dessine à la pointe sèche un individu, un groupe social, une opinion, et fait rire ou sourire à la fois de sa victime et de lui-même en moraliste ronchon. Parfois il s'élève au sublime, ou aux hauteurs de la colère, parfois il se promène et fait voir ce qu'il voit. A d'autres moments, il va prêcher dans le grand style de l'époque, mais il n'ennuie jamais. Son livre est une sorte de Versailles portatif, et qui serait encore peuplé de la foule de ses habitants.
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Les Caractères ou Les moeurs de ce siècle

Quelle ne fut pas ma surprise lorsque je découvris sur Babelio l’absence totale de critiques et plus encore de citations de l’une des œuvres les plus emblématiques de la littérature française : Les Caractères de Jean de La Bruyère. Il est donc temps de combler ces lacunes et de rendre justice à un auteur qui laissa à la postérité un ensemble riche d’enseignements historiques d’une part, puisqu’il permet de se faire une idée des mœurs et des codes sociaux du grand siècle de Louis XIV, mais littéraires d’autre part, avec cet art de la formule brève mais percutante, concise mais mémorable.

Grand défenseur des Anciens, La Bruyère s’inspira de l’œuvre du Grec Théophraste, et piocha également chez un autre maître en la matière, contemporain celui-ci : La Rochefoucauld.

C’est parce qu’il s’aperçut de la permanence des caractères des hommes à travers le temps, de l’Antiquité à son époque, que La Bruyère pressentit l’intérêt pour les générations futures de son œuvre. Et, en effet, quel plaisir et quel étonnement, à la lecture de portraits d’hommes vains, dissimulés, flatteurs, intéressés, effrontés, importuns, défiants, médisants, querelleurs ou encore superstitieux. Même si les codes ont bien changé, même si la religion n’occupe plus la place centrale qui était la sienne au XVIIe siècle, l’homme n’en reste pas moins constant dans sa bêtise, sa fourberie et sa volonté de puissance. Différents traits mis au jour par La Bruyère qui inspirèrent l’œuvre d’un autre adepte de la formule : Friedrich Nietzsche.

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Les Caractères (précédés de) Caractères de Théophraste

Dans le grand siècle de Louis XIV,où tant de talents littéraires se sont révélés,La Bruyère en est son plus grand prosateur.L’extrème richesse de cette langue en est ainsi magnifiée dans cette ouvrage où se condense ,classées par genres ,réflexions et considérations sur l’homme et l’époque .Lire Les caractères ,c’est ouvrir une porte vers ce passé,se laisser bercer par la musique des mots et surtout abandonner nos à priori pour goûter au plus juste cette peinture de la société française du XVII ème siècle,si lointaine mais pourtant si peu éloignée par certains côtés de nos considérations actuelles,une mise en abyme,somme toute.
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Les Caractères ou Les moeurs de ce siècle

« Les Caractères » est une œuvre d’une grande densité qu’il est parfois difficile de digérer d’un bloc tant La Bruyère y délaie ses idées dans un style certes particulièrement riche et élégant mais quelques fois difficile à suivre.



On sent l’homme écœuré des mœurs de son époque et vouloir corriger par la satire les déviances de ses contemporains pour provoquer en eux un retour salvateur à plus de vertu.



Dans le domaine de la philosophie, la Bruyère ne développe aucune idée nouvelle et ne surpasse pas ses glorieux prédécesseurs dont il s’inspire par instants.



La force de son œuvre demeure dans ses portraits satiriques très ciselés venant taillader la vanité de ses contemporains principalement les arrivistes de cours et autres riches bourgeois orgueilleux.



J’ai personnellement beaucoup apprécié les chapitres traitant de l’homme et des sentiments humains.



Dans ceux ci, La Bruyère emploie un style plus direct et percutant pour faire passer des idées très profondes.



J’ai également été séduit par la simplicité de l’homme, par son goût pour le peuple et par son anti militarisme très marqué.
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Oeuvres complètes

Jean de la Bruyère n'avait pas une très bonne opinion des hommes, il suffit pour s'en convaincre de lire Les Caractères. Pour le philosophe chrétien, ces petits hommes ne sont généralement pas à l'image de Dieu. Il propagera l'idée qu'il faille préférer la médiocrité au succès acquis par l'injustice et l'arrogance, chercher le bonheur dans les satisfactions altruistes et dans le travail intellectuel. L'étude des moeurs de son époque qu'il nous offre sous forme de courtes pièces réunies, son unique oeuvre, marque le démarrage d'un nouveau style, le style littéraire que ne vont pas tarder à rejoindre les grands auteurs qui vont suivre : De Balzac à Gide.



De ses entretiens avec Bossuet, évêque de Meaux, sur la fin de sa courte vie, va naître l'idée d'écrire les Dialogues sur le quiétisme. Même si quelques fragments existent, le livre restera à écrire car Jean de la Bruyère nous fait un AVC qui va le laisser sur le carreau sans rémission. On peut penser que La Bruyère lassé de la pesanteur de la société des hommes l'ayant entraîné dans les hauts lieux symboliques du tout puissant clergé s'apprêtait à opter pour une sobriété de vie , un cheminement vers Dieu, sans contrainte extérieure.
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Les Caractères ou Les moeurs de ce siècle

Jean de la Bruyère (1654-1696)

Né donc dans le deuxième demi-siècle du 17e et qui n'aura pas la chance de connaître le siècle suivant puisque 42 ans de vie, c'est bien court ..sa mort ne fut pas moins : mort subite ! L'homme n'a pas le profil vénitien de Giacomo Casanova, mais il naît sous de bons auspices puisque la famille est friquée. Fort de solides études, il n'a aucun mal à s'installer à Caen. Mais comme je ne connais pas Caen, je n'en dirai pas davantage (je suis passé cent fois à un poil près soit en m'éloignant de Deauville, soit en allant en Bretagne -une fois j'ai même fait tout le périphérique m'étant trompé sur la sortie pour la Bretagne, de ce désagrément impromptu, ça m'évite de dire que je ne connais guère de Caen de ce que le sketch de Raymond Devos m'en apprend - ; pas une ville qui m'enchante mais en visitant Jean de la Bruyère ça me donne envie de la découvrir, bien que .. il ne laisse pas grand chose de sa jeunesse ..



Monsieur de .. est trésorier des finances, une sinécure qu'il va en tant qu'homme de l'esprit mettre à profit pour écrire. J'ai oublié de dire qu'il va très vite monter à Paris comme sa destinée l'y porte ..

Ce que je n'ai pas oublié de dire par contre, c'est qu'il est plutôt laid, il a le côté ténébreux de Delon mais sans Delon et c'est bien ce qui risque de me plaire chez lui car me plaire uniquement sur le physique ne suffit pas à nourrir mon âme ..

Alors là j'adore une bio qui dit que puisqu' ainsi physiquement, il va rester célibataire et avoir le temps d'étudier, d'écrire et cultiver ses relations .. notamment littéraires, oui à l'époque c'est déjà littéraire et la France a un grand poil d'avance sur le reste du monde ..

Par les "hasards de la vie", il va atterrir comme "gentilhomme de M. le duc " (Duc de Bourbon). Et là je reprends la bio : "Assurément, la comédie humaine qui se déroulait sous ses yeux avait de quoi le passionner. Mais la contre-partie était cruelle. "Pendant tout le temps qu'il a passé dans la maison de M. le duc, écrit un contemporain, on s'y est toujours moqué de lui."

Si bien qu'on peut dire que ces choses ingrates vont teinter la plume remarquable de Jean de la Bruyère qui sera péremptoire, belle et généreuse.

Il publie en 1689 les Caractères qui connait un énorme succès. Quelques années plus tard, il entre à l'Académie..

Il va de soi que ce "déçu de la vie" aura à coeur en tant que bon chrétien de nous livrer son meilleur, la richesse de sa méditation, aidé par un caractère bien forgé et un esprit éclairé. Son étude de moeurs est ce que les historiens manquent souvent de faire et après ils se trompent, car tout simplement il est impossible de reconstituer les moeurs d'une époque s'il l'on n'a pas quelques billes dans son sac.



Il ne marquera pas moins son siècle, ce petit bonhomme qui ne payait pas de mine ..

J'allais encore oublier de dire quelque chose, Jean de la Bruyère, c'est l'aisance absolue, la plume est admirable : "Il n'y a pour l'homme qu'un vrai bonheur, qui est de se trouver en faute et d'avoir quelque chose à se reprocher"

"Les Caractères ou les moeurs du siècle" ..
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Les Nouveaux caractères

"La dévotion est de mise depuis que Mme de Maintenon a pris un ascendant considérable sur Louis XIV. Aussi La Bruyère attaquera-t-il les faux dévots au chapitre De la Mode. Pourtant les conversions qu'il raille ici avec une extrême causticité ne sont pas provoquées par une ambition banale : ces coquettes d'hier, dévotes d'aujourd'hui, obéissent à des sentiments plus subtils. Elles croient même aimer Dieu sincèrement, mais leur piété n'est guère qu'ostentation, et leur coeur reste fermé à l'humilité et à la charité chrétienne
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Les Caractères ou Les moeurs de ce siècle

Ce classique lu au cours de mes études supérieures me laisse un très bon souvenir.

"Les Caractères" de la Bruyère, qui s'inspire des « Caractères » de Théophraste, tient son originalité de l'alliance de deux genres, de deux modes d'écriture : la maxime et le portrait. Au travers de ces deux styles, l'auteur nous dresse un ensemble de portraits physiques et moraux des contemporains de son époque où il dénonce avant tout la bêtise et la vanité de l'homme.

A travers ces portraits des seigneurs du XVIIe, La Bruyère propose donc non seulement une réflexion sur la nature humaine mais aussi une satire de la haute société de l'époque. Ton ironique, descriptions truculentes, La Bruyère se pose bien sûr ici avant tout en moralisateur qui vise à dénoncer les défauts de chacun en insistant sur un comportement ridicule et insupportable.

Certains passages sont vraiment drôles et nous font réfléchir sur les travers des personnes que nous croisons tous les jours et bien entendu, et c'est sans doute l'essentiel, sur notre propre comportement. C'est un recueil qui ne prend pas une ride.
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Les Caractères ou Les moeurs de ce siècle

Entre portraits fort peu flatteurs et réflexions moralistes, la Bruyère peint une humanité faible, courtisane, nombriliste et ridicule. Trop sérieusement, il blâme, il fait entendre la voix de la morale, de l'ordre, de la soumission au souverain et à l'Eglise. Si les personnages dessinés sont souvent pittoresques, exagérés et justes, il manque à celui qui les prend pour modèle le sens soit du comique, soit de l'empathie. Ce que veut la Bruyère, c'est, par l'exemple du vice, corriger ses contemporains. Cela se sent trop. Il fait la morale et ne s'amuse pas assez de ce qu'il voit, parce qu'il le juge trop, parce qu'il donne trop de poids à ce qu'il nomme vertu, oubliant qu'aimer les êtres humains, c'est d'abord aimer leurs défauts.
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Thèmes : Paris (France) , roman historique , littérature française , littérature du 19ème siècle , misère sociale , Rues , barricades , roman social , romantisme , classique , classique français , 19ème siècleCréer un quiz sur cet auteur

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