Jeanne Malysa

Elle a même pris beaucoup de risques en se rendant dans certains pays où des femmes sont considérées comme de la marchandise et ne peuvent agir sans l’autorisation d’un homme de la famille, où elles encourent la peine de mort si elles commettent l’adultère ou sont défigurées à l’acide. Elle en est revenue profondément marquée et son papier a fait le tour des médias et des réseaux sociaux.
À peine trentenaire, Lucie est bien connue dans le monde journalistique pour être tenace et sans complaisance. De grands quotidiens publient ses articles, suscitant à chaque fois des réactions admiratives ou hostiles, jamais indifférentes. Les milieux extrémistes conservateurs lui vouent une haine farouche et ne se privent pas de le faire savoir. Elle reçoit souvent des menaces de mort, la plupart d’une bêtise sans nom qui ne l’impressionnent pas plus que cela et elle a fait sienne une des citations de Simone de Beauvoir : « la femme n’est victime d’aucune mystérieuse fatalité : il ne faut pas conclure que ses ovaires la condamnent à vivre éternellement à genoux ».

"Elle se décolle et enroule ses jambes autour de sa taille, frénétique et enfiévrée. Leurs va-et-vient sont au diapason, il sort, elle l’attire. Ils hurlent enfin au soleil leur orgasme tant attendu parce que tant réprimé et se pâment dans les mêmes spasmes obscènes, esclaves consentants de leur libido amplifiée comme jamais par ce nouveau jeu."

Hervé s’est livré un peu moins facilement, jalousant sa vie hors du boulot comme un malade. Et pour cause : il est marié à une femme magnifique, professeure des écoles qui lui a fait trois garçons, aussi beaux que leur mère. Il a un mal fou à gérer le fait que pléthore de pères, la plupart divorcés, se font un honneur d’aller chercher leurs bambins à la sortie et ne ratent jamais une réunion de parents d’élèves. Hervé n’est pas ce que l’on peut appeler un bel homme, mais il possède un charme indéniable avec ses superbes yeux bleus rieurs et un sourire à faire fondre la banquise. Il a fallu des semaines de patience à Pierre et des dizaines de discours diplomatiques pour qu’Hervé leur montre un cliché de sa femme, en prévenant aussitôt qu’il ne voulait entendre aucun commentaire sur la chance qu’il avait d’avoir une compagne aussi belle.

S’il est devenu cet homme, respecté et craint, c’est grâce à elle, elle peut en être fière. Il lui affirme inlassablement à quel point il l’aime, espérant qu’elle emmagasine cet amour afin d’y puiser la force de tenir encore un jour, avant de céder et de partir pour un ailleurs. Même s’il n’en croit à aucun, imaginer qu’il peut y en avoir un pour sa mère allège un peu sa douleur. C’est une illusion, mais elle lui permet de supporter de la voir dépérir au fil des jours. Elle, autrefois si vive, si belle, si douce, s’est transformée en cette petite chose qui ne ressemble plus qu’à une enveloppe de soie, possédant à peine l’énergie de lever une main décharnée vers lui puis lui offrir un baiser fiévreux et sec sur sa joue.

Il n’a pas besoin de forcer beaucoup pour prouver son autorité : son regard gris, sa taille haute et ses épaules larges donnent de quoi troubler ses interlocuteurs, auxquels s’ajoutent une voix de baryton, une assurance à toute épreuve et un indéniable charisme. Et pour en finir dans ce portrait déjà impressionnant, il a également la réputation d’un homme qui ne recule jamais. Certains des collègues d’autres services le craignent un peu et il en joue beaucoup : d’abord pour avoir la paix, ensuite pour avoir la paix et surtout pour avoir la paix.

Pour avoir le don de discerner ce qu’un être enfouit au plus profond de soi, Pierre connaît par cœur chacun de ses subalternes et sait pertinemment que Benoist ne joue pas franc-jeu. Il a dans son regard noisette une douleur et une gêne que Pierre a déjà vues chez certains des membres qui viennent dans son club. Benoist a visiblement un problème qu’il a du mal à garder au fond de son océan et qui remonte de plus en plus à la surface, or Pierre a besoin que tous ses agents soient au top de leur forme, aussi bien au niveau physique que psychique.

Un seul but m’inspire : obtenir la soumission absolue. Celle d’un être qui ne sera plus humain, ni animal, mais mon objet, ma chose, totalement assujetti à moi, et cela en toute connaissance de cause, dans l’acceptation entière de mon mode de vie.
Je veux prouver qu’il est possible d’amener quelqu’un à obéir jusqu’à la mort pour l’amour de son maître. Non pas comme ces adeptes qui suivent leur gourou jusqu’à se suicider pour leur cause. Je n’en suis pas une. Je ne suis qu’un homme qui exécute son projet afin qu’il aboutisse.

Thibaud est un timide et à ce rythme-là, il y a un grand risque qu’il n’ose jamais approcher sa collègue. Rien n’empêchera Pierre, au moment opportun, de glisser une peau de banane sous les pieds du garçon pour qu’il tombe tout droit dans les bras de Fabienne. Le bien-être de ses agents est une priorité pour lui, partant du principe simple et pourtant difficile à réaliser : heureux dans son cœur = heureux dans sa tête = bon travail. Son service ne s’en portera que mieux.

Il a découvert ses penchants au lycée, préférant les filles timides et obéissantes à celles vindicatives et libres. Il rejetait sans états d’âme toutes celles qui venaient le draguer ouvertement et prenait un plaisir suprême à attirer celles qui baissaient les yeux dès qu’il leur adressait la parole. De fil en aiguille, de lectures pornographiques à celles spécialisées dans le BDSM, il s’est affirmé en tant que Dom, se forgeant un self-control hors du commun.

— Et bien comme ça, on est deux !

— Si tu veux. Mais je refuse que tu te laisses aller. Réagis ! Et puis je te signale que ton grand-père t’a confié une mission. Ce n’est pas en restant derrière ton comptoir que tu vas la résoudre.

— On devait la mener tous les deux, cette histoire. Je ne sais plus comment faire maintenant…

— Pour commencer, tu vas me faire le plaisir de venir manger ! Tu n’es pas en état de réfléchir le ventre vide.