En Lorraine, l'entretien d'un potager continuait d'occuper les gens, il y avait toujours des concours de citrouilles, des foires aux aulx, et une tradition de l'entraide entre voisins.
Léon se consacra à la lecture des informations sur le Net avec le sentiment que les hommes rivalisaient d'ingéniosité pour que le monde de demain paraisse plus dégueulasse que celui de la veille.
— J'en ai ma claque de vivre le nez dans vos PV de meurtres, de voir des CV d'assassins et de violeurs et des photos de viande saignante. C'est vomitif à la longue.
Les gens âgés sur le point de mourir lancent des regards pareils à celui que Guillaume a aujourd'hui. Un regard qui raconte toute l'histoire ramassée en une seconde. La vie et la mort en même temps, la certitude que tout est vain, que tout disparaîtra, ou a déjà disparu, et que nos vies ne sont qu'une illusion, qu'il n'existe aucune échappatoire et que les créatures humaines se leurrent en croyant qu'elles laissent une trace d'elles sur terre.
Dans le silence et la solitude, on entend que l'essentiel.
p.118
Je ne sais même pas ce que je cherche, à quoi ça ressemble un salopard?
Parisien jusqu'au fond de son être, citadin dans l'âme et banlieusard quand il faut, Lambert est du 17e arrondissement, secteur des Batignolles, même s'il ne rechigne pas à se balader du côté du parc Monceau de temps à autre.
Les vieux du quartier lui apportent un grand réconfort. Ils parlent comme dans les films de Gabin, assènent des vérités du quotidien à coups de cet argot parisien en passe de disparaître. Ils sont les derniers témoins d'un monde que Lambert regrette, celui où les idées valaient la peine qu'on meure pour elles.
On ne marche pas aux côtés des puissants sans se salir les mains. Ni sans se garantir une porte de sortie.
(p. 353)
- C'est tout ?
- Tu connais l'histoire du pot de fer et du pot de terre, ma fille ? De quelle matière crois-tu que nous soyons faits ?
(p. 172)
[ ado, fils de milliardaire ]
- Je me fous de vos cours. Un jour, je serai le type le plus riche de cette ville, alors pourquoi faire des études ou ce genre de conneries ? C'est bon pour les pauvres comme vous, non ?
(p. 54)
Quelqu'un a écrit : "Les hommes sont comme les pommes, entassés, ils pourrissent."
On dit qu'un ventre affamé n'a pas d'oreille. Je crois plutôt qu'un ventre plein n'a pas de cœur.
"Ce ne sont pas des histoires pour une petite fille." Lara n'avait eu droit qu'à cette réponse. Il existait des histoires pour les enfants, et d'autres, terribles, pour les adultes.
Claire est un papillon, Édouard, un magnifique papillon que tu aurais aimé épingler dans ta vie. Mais... comme tous les papillons, elle veut brûler les étapes, parce qu'elle a la conscience aigüe que sa vie sera brève.
Simon, tu devrais balancer ta téloche et m'emprunter des bouquins, t'aurais l'air moins con.
- Est-ce qu'on peut visiter la tour Eiffel avec un chien?
- Je ne sais pas.
- Et avec une chienne?
"Tout l'art de la guerre, c'est de l'éviter." (p.472)
"Il n'y a pas de chemin vers le bonheur, le bonheur est le chemin" (p.87)
Cécile Herzog émerge de l'obscurité et vient se planter devant Rufus. Elle tient entre son pouce et son index gantés une forme oblongue maculée de terre.
- Un doigt, enfin, ce qui en reste. Salut, Rufus. Je ne suis pas mécontente de te voir. Cette affaire n'est pas limpide. En tout cas, pas pour moi.
- Raconte.
- Un petit bonjour peut-être ? Non, rien.
Cécile laisse traîner un silence. Elle travaille avec Rufus depuis trois ans et connaît assez bien l'homme. Avare en parole, bon professionnel et soutien inconditionnel en cas de coup dur.
- J'ai pas dormi et j'ai cinquante piges, Cécile. Ça n'excuse rien, mais ça explique.
- Bon, reprend Cécile. La patrouille de nuit a découvert ce corps aux alentours de minuit, suite à l'appel d'un témoin. Ce chantier est interdit au public, mais la porte d'accès était ouverte.
- Quelle porte ?
- Celle qui se trouve de l'autre côté.
Cécile indique, en se retournant, l'avenue derrière elle, celle qui surplombe l'autoroute.
- Tu vois de quoi je parle ?
Rufus acquiesce.
- Bref, ils ont mis le périmètre en quarantaine et ont fait remonter l'info, poursuit Cécile. Voilà comment je vois la scène. Quand ce type est entré, il était déjà dénudé. Ne me demande pas d'où il venait, ni pourquoi il ne portait pas ses fringues, je n'en ai aucune idée. Il a dû courir jusque-là, au milieu du terrain. Ensuite, il s'est arrêté. Il y a un piétinement encore apparent dans cette zone. Et puis, il s'est remis à marcher, vers les palissades. Et là, grand mystère, quelque chose lui a arraché le bras. On a retrouvé des morceaux...
- Explosif, articule Rufus.
- Pardon ?
- C'est pas une arme. Seul un explosif peut faire ça.
- Tu me sembles bien sûr de toi.
- Continue, on verra plus tard si j'ai raison ou tort.
- C'est à peu près tout. Il n'est pas mort sur le coup. Il y a des traces de sang coagulé sur un peu plus de deux mètres.
C'est court, la perpétuité.
La mienne, si Dieu ou un autre me prêtait vie, durerait un demi-siècle.