Jerome Colin vous présente son ouvrage "
Les dragons" aux éditions Allary.
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les-dragons
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"Chaque fois que vous vous retrouvez du côté de la majorité, il est temps de s'arrêter et de réfléchir" (Mark Twain).
Le vieux refrain du père qui tente de partager avec ses mômes les films et les livres qui l’ont marqué quand il avait leur âge. Un truc qui ne marche qu’à moitié. Un soir, je leur ai proposé de voir Le Cercle des poètes disparus. Le film qui a bouleversé mes quinze ans. C’était en 1989. Le mur de Berlin tombait, les Simpson naissaient, Dali et Cassavetes s’éteignaient. Et moi, je devais encore attendre quelques longs mois avant de perdre ma virginité. Dieu que c’était long l’adolescence. Et qu’il fut bon de découvrir Le Cercle des poètes disparus. Je fantasmai longtemps sur ces gamins qui se retrouvaient le soir pour réciter de la poésie, qui tentaient de comprendre l’amour et se promettaient de vivre fort.
Mes enfants avaient les yeux rivés sur l’écran. Personne ne bougeait. Avec eux, j’avais quinze ans. « Cueille dès maintenant les fleurs de la vie. ». Je retrouvai intact l’émotion que cette phrase m’avait procurée près de vingt-cinq ans plus tôt. Et quand les élèves se levèrent un à un sur leur banc, déclamant chacun le fameux « Ô Capitaine, mon capitaine », je versai une larme.
- Regarde, y a papa qui pleure, dit ma fille à ses deux frères, qui me regardèrent avec compassion.
- Mais papa, pourquoi tu regardes des films s’ils te font pleurer ? demanda le petit.
- Tu as aimé ce truc quand tu étais ado ? enchaîna l’ainé, incrédule.
- Oui, répondis-je avec aplomb.
- Franchement, je comprends pas qu’on puisse aimer un film sur des mecs qui vont à l’école, lisent des bouquins et montent sur des bancs. Y a pas de bagnole, y a pas de bagarre, y a pas de gros mots. Y a même pas Vin Diesel.
- Ni Dany Boon, conclut le cadet.
Accablé, je décidai de me taire. Après le générique de fin, on a regardé cette pétasse d’Hannah Montana avec ses chansons à la con. Il n’y avait pas de sexe, pas de violence, pas de poésie. Rien. Personne n’a pleuré. Tout le monde était content.
- Vous, vous avez l’alcool triste lui lançai-je en souriant.
- Non. Je suis un mec triste. L’alcool n’a rien à voir là-dedans. Faut pas blâmer l’alcool. Le mot bonheur, j’aime pas. Ça me fait penser à Euro Disney. Ou au Loto. « Ah, j’ai les six bonnes boules, faites vos valises les enfants, on part ! » Je trouve ça dégueulasse. Les morpions aussi, je trouve ça dégueulasse. T’as eu des morpions déjà ?
J'ai expliqué à Elise qu'elle était malheureusement obligée de se plier à l'autorité du professeur, et qu'elle devait donc apprendre cette satanée définition. Toute sa vie, elle rencontrerait des cons et, malheureusement pour elle, ils occuperaient pour la plupart des postes hiérarchiques.
Le phénomène était inexplicable sur le papier mais empiriquement vérifié.
Alors que j’empruntais pour la dix millième fois la petite ceinture du centre-ville, encore troublé par cette étrange rencontre, la voix de Bashung fit irruption dans l’habitacle. Je la pris comme une gifle. « Marcher sur l’eau. Eviter les péages. Jamais souffrir. Juste faire hennir les chevaux du plaisir. » Je souris. Si seulement je pouvais…
Il faut aimer cet enfant. Parce qu'il n'a que quinze ans. Pour lui, tout est encore possible. Il n'y a rien de plus effrayant.
- Excusez mon silence, dit-elle, je viens de réaliser que j’avais raté ma vie.
Contrairement à ce que les mauvaises langues vous diront, la branlette est probablement l’activité la plus rentable et salutaire qu’il nous est offert de pratiquer sur cette terre. Pas besoin de partenaire, quelques minutes suffisent, gratuité totale, bonheur assuré, oubli de soi et du monde. Voilà bel et bien un passe-temps qui n’offre que des avantages. Il est seulement regrettable que, passé un certain âge, on n’ait plus immédiatement droit à un deuxième tour de manège…
Alors qu’il s’engouffrait dans le bastringue, je repartis vers ma nuit. Tenant le volant d’une main, je m’étendis pour ouvrir la boîte à gants et y dénicher quelques CD que j’avais emportés. Les Beastie Boys, Radiohead, Jeff Buckley, les Stones. A Love Supreme et les ballades de John Coltrane aussi, que j’embarquais toujours et que je n’écoutais jamais. Mais je les avais sur moi. Au cas où j’aurais vraiment besoin de souffrir.
Ces gamins, ils ont besoin d'expériences affectives sécurisantes. Et le monde, tel qu'il va, est incapable de leur offrir. Le capitalisme nous mène droit dans le mur parce qu'il n'a finalement rien à proposer aux jeunes. Aucun idéal. Cette merde de système glorifie la performance. Comment être le meilleur ? Comment être le plus riche ? Comment être le plus rapide ? Il propose aux enfants des idéaux de néant.