Avec Céleste et Marcel, un amour de Proust, Jocelyne Sauvard raconte un peu plus de quatre années de vie presque commune entre un écrivain fou de sa nécessité d’écrire et une jeune femme, sa gouvernante, dévouée au point de mettre toute sa vie personnelle à son service.
Odilon menait Proust dans les rues de Paris. Un jour, il lui propose les services de sa jeune femme, Céleste, d’abord comme courrière. Du coup, en charge à la fois de porter courriers, invitations et billets doux, elle ramène Paris à Monsieur. Jocelyne Sauvard choisit de raconter ce huit-clos des quatre dernières années de la vie personnelle de l’écrivain où Céleste est devenue bien plus qu’une servante..
Son mari part à la guerre. Céleste ne peut que se dévouer pour répondre aux souhaits de Marcel. A son retour, le pli est pris. La relation est déjà devenue indispensable de part et d’autre. Instituée Maîtresse de cérémonie du café, Marcel lui confie l’intendance de sa maison, mais aussi de sa vie. Avec son oreille attentive toujours disponible, elle devient celle qui recueille les prémices de ses écrits et tant d’autres choses au fil des jours.
Jocelyne Sauvard décrit par le menu cette vie déséquilibrée par la domesticité mais néanmoins essentielle à chacun. Lui en rentrant de ses escapades nocturnes raconte tous les potins d’un monde que Céleste ne connait que par les mots. Elle lui donne enfin la disponibilité d’une attention presque maternelle auquel il n’a jamais pu prétendre totalement, sauf au travers de sa maladie.
Jocelyne Sauvard choisit de rendre compte de cette personnalité dans toute sa complexité. Même si elle souligne peu le Marcel Proust, homosexuel au cœur d’une époque homophobe, le juif par sa mère au temps d’un antisémitisme galopant, elle parle de la toxicomanie dans sa réclusion et souligne le dandy tiré à quatre épingles qu’il veut montrer aux autres.
Elle raconte que le père de Marcel a traqué le virus de la peste, de la fièvre jaune et du choléra. Qu’il a institué « la ségrégation radicale » mais ne connait rien à l’asthme ! Pire, il semble accuser son fils aîné de feindre ses troubles respiratoires.
Robert, le jeune frère, est décrit comme chirurgien-obstétricien reconnu qui incarne la fierté paternelle. Sa mère, héritière des biens Weil, souhaite entrer dans cette aristocratie toujours convoitée par la bourgeoisie aisée. Jocelyne Sauvard la dépeint ambivalente face à cette relation de dépendance dont Marcel a tellement besoin. Mais aussi, elle relate combien consciente des penchants particuliers de son fils, elle fait tout pour absolument les cacher.
Dans ses conditions, le mal de vivre décrit est prépondérant. Marcel use de drogues médicamenteuses ou non, pour dormir, pour retrouver l’énergie, pour s’apaiser, pour…De même sa sexualité est juste évoquée, comme il fallait mieux le vfaire à l’époque, souvent seul ou en voyeur, et avec des amitiés particulières qui ne disent pas leur noms.
Et du côté de Céleste
Des confidences de Céleste Albaret, j’avais eu le plaisir de les découvrir dans un essai dès sa première édition en 1973. Seulement, c’était George Belmont qui avait recueilli les propos de la vrai gouvernante. Pudiquement classé lors de la seconde guerre mondiale en « collaboration active », le journaliste avait passé sous silence tellement de choses.
Jocelyne Sauvard décrit une Celeste, empathique, simple et dévouée, qui a compris le besoin maladif d’écoute et d’attention de cet homme. Elle sait le protéger, répondre, du mieux qu’elle peut, à la moindre de ses demandes, et accepter même ses caprices. De plus, elle développe une admiration sans limite pour l’homme qui la fait confidente de potins d’une classe finissante.
Jocelyne Sauvard décrit le quotidien de ces deux êtres qui vont s’apprécier de plus en plus jusqu’à ce que Marcel reconnaisse enfin cette dévotion, l’en remercie et lui dédie un personnage dans sa Recherche et un poème personnel.
Pour finir
En choisissant la fiction, Jocelyne Sauvard accepte la liberté de son propos particulièrement documenté. Céleste et Marcel, un amour de Proust rend compte de la relation si particulière entre une jeune femme dévouée et maternellement attentive pour un écrivain malade et usé souhaitant par dessus tout finir sa seule fierté.
Un formidable roman d’une histoire d’amour-amitié dont A la recherche s’est nourrie jusqu’à en devenir le témoin. Alors, pour le 150è anniversaire de sa naissance, Céleste et Marcel, un amour de Proust est une bien belle façon de le fêter. Et, pourquoi pas, un prix bientôt ?
Remerciements à @NetgalleyFrance de @EdduRocher1 pour #CelesteetMarcel de #JocelyneSauvard
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