Joe Ide

Les hommes avaient tous une bedaine de buveur de bière, portaient bermuda, polo de golf et chaussures de running. Leurs épouses : forte poitrine, corsaire blanc et haut à motifs floraux. Le sphynx du Luxor avait dû être conçu par quelqu’un qui n’avait jamais construit que des châteaux de sable. La statue de la Liberté avait un air paumé, comme si elle s’était aventurée dans un parc d’attractions dont elle n’arrivait plus à trouver la sortie. Les canaux du Venitian étaient du même bleu qu’une cuvette w-c équipée d’un bloc nettoyant, et la tour Eiffel aussi illuminée qu’Elton John à un concert de Nouvel An. Tout n’était que spectacle. Un spectacle trop tape-à-l’œil, trop bruyant, trop énorme.

C’est une fille super, et je l’aime plus que tout, mais elle est accro au jeu, et ça la met régulièrement dans des situations impossibles. Je lui ai longtemps prêté de l’argent jusqu’à ce que je prenne conscience que ça nourrissait sa dépendance, et j’ai arrêté. Mon père aussi. Nous avons décidé tous les deux d’attendre qu’elle touche le fond, et qu’elle se fasse aider. Bien malheureusement, notre vœu vient de se réaliser. Elle est vraiment au fond du gouffre, et elle a plus que jamais besoin d’aide. Elle et son abruti de petit copain.

La nuit était douce et paisible. Elle posa la main sur le bras d’Isaiah, et il sentit un courant électrique entre sa peau et la sienne. C’était si anormal et si indéniable qu’Isaiah était convaincu que Sarita l’avait senti elle aussi. À moins que ? Dans son boulot, il faisait preuve d’un flair exceptionnel pour interpréter le flux d’émotions des différents protagonistes. Mais cette affaire-ci était tout à fait différente.

Du reste, tout cambrioleur avec un tant soit peu de dignité s’en serait débarrassé à peine sorti du lieu de son crime. Pour la retrouver, Isaiah devrait passer au peigne fin tous les collecteurs d’eau pluviale, toutes les bennes à ordures et toutes les ruelles du voisinage. Et puis il y avait Doris Sattiewhite, caissière dans une supérette Shop ’n Save, harcelée par son ex-mari, Mike.

Si tu veux aller loin, genre au sommet de la hiérarchie, il faut que tu prouves que tu vaux mieux qu’un simple soldat. Faut que tu sois maligne. Faut que tu apprennes à prévoir les choses. Faut que tu te serves de ta putain de cervelle. En d’autres mots, réfléchis, sale petite conne, et si tu me traites encore une fois de gentil, je te tue. 

Elle adorait tout chez lui. Ses yeux marron d’une naïveté enfantine et son visage adorable, un peu bébête. Ses cheveux auraient eu besoin d’un bon coup de ciseaux. Un peu trop Jésus-Christ sur les bords, mais il avait le corps qui allait avec, des muscles noueux et nerveux, une sorte d’armure pour maigrichon super membré.

Son visage le surprit, ou plutôt son expression : sérieuse, sur le qui-vive. Une fille lui avait dit un jour qu’il avait l’air de se préparer pour les emmerdes. Il trouvait son nez trop épaté, ses lèvres trop épaisses. Et cela le dérangeait énormément de penser cela de lui-même. Il n’était pas trop mal. Sans plus.

Janine aimait Benny. Elle l’adorait, carrément. Il était marrant et doux, et au pieu, c’était un dieu. Il n’était pas spécialement intelligent, mais il savait l’écouter et l’avait toujours traitée avec respect, deux qualités plutôt rares chez un homme. Mais Benny était le pire des joueurs qui ait jamais existé.

C𠆞st comme pour mon frère, Barry. Il était déjà pas très futé à la base, et voila qu’il se marie avec une femme de 34 ans qui a loupé deux fois son bac. Ils ont un fils qui est con comme un balai, et qui à son tour se marie et fait des gosses qui jouent à cache cache dans les ronces.

La vue de l’arme du crime éveilla en lui un flot de souvenirs douloureux qui le paralysa : le sourire de Marcus, chaleureux et réconfortant, sa voix sincère et sûre d’elle, son regard plein d’amour, toute son attention concentrée sur l’avenir d’Isaiah, un avenir brillant et riche de promesses.