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Critiques de Joseph de Maistre (9)
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Les soirées de Saint Pétersbourg et autres textes

Publiées en 1821, à titre posthume, « Les Soirées de Saint-Pétersbourg  ou entretiens sur le gouvernement temporel de la Providence » sont, sans nul doute, l’œuvre maîtresse de Joseph de Maistre.



Réunis lors d’un été dans une maison de campagne au bord de la Néva, trois personnages (un sénateur russe, un chevalier et un comte français) vont se livrer à une discussion mêlant histoire, philosophie et théologie. A travers eux, Maistre exprime de façon frappante, voire provocatrice, sa vision de l’homme et du monde - vision en opposition frontale avec celle ayant cours en Occident depuis la Révolution française.

Sa bête noire est donc, on ne saurait s’en étonner, le Siècle des Lumières : « Il faut absolument tuer l’esprit du XVIIIe siècle » disait-il.



D’où une attaque en règle, un renversement, une démolition de tout ce qui constitue le credo moderniste:

- le Progrès (idole qui n’existe pas);

- les Libertés (qui ne sont qu’errements);

- les Droits de l’homme (simples fantasmes);

- la Tolérance (maligne faiblesse);

- la Démocratie (pure et dangereuse illusion)…

Et de s’en prendre aux « philosophes » pernicieux de l’époque: Locke, Montesquieu, Rousseau, et, en premier chef, Voltaire dont il fait un portrait au vitriol que résume l’alexandrin: « Paris le couronna, Sodome l’eût banni. »



Pour Maistre, en effet, la raison humaine, dégradée par le péché originel, étant imparfaite et viciée, ne peut réussir à fonder un système politique cohérent et irréfutable (les innovations sont vaines et récusables à l’infini); il vaut donc mieux s’en remettre à la Tradition, monarchique et catholique, qui a fait ses preuves au cours des siècles.

C’est en acceptant l’ordre providentiel, avec le puissant levier de la prière, et donc la souffrance inhérente à ce monde que l’homme, nécessairement injuste et pécheur, pourra se régénérer - expier ses fautes et celles de ses semblables (c’est pourquoi , « la guerre est divine »!)

Le tout dans un style de haut vol, héritier des grands prosateurs du XVIIe siècle assaisonné d’ironie assassine (voltairienne, si j’ose dire!…)



« Ce soldat animé de l’Esprit-Saint » comme l’appelait Baudelaire (qui l’admirait à l’égal d’Edgar Poe) eut une influence certaine tout au long du XIXe siècle: dans le domaine littéraire, outre l’auteur des « Fleurs du Mal », le légitimiste Balzac revendiqua l’héritage maistrien: nombre d’idées contre-révolutionnaires de notre auteur peuvent ainsi se retrouver dans « La Comédie humaine ». Dans le domaine proprement politique, il est avéré que Charles Maurras, le fondateur du mouvement royaliste « L’ Action française », a pris à son compte certaines de ses positions.



Joseph de Maistre? S’il fallait le définir, on pourrait dire de lui qu’il fut l’impie - l’athée de toute pensée progressiste!







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Les soirées de Saint Pétersbourg et autres textes

Commençons tout de suite par les banalités afin d’en être débarrassés.





Joseph de Maistre, tôt franc-maçon, plutôt sympathisant des idées révolutionnaires lorsqu’elles n’étaient encore qu’un concept, vira très vite sa cuti lorsque celle-ci accomplie, il réalisa qu’elle n’avait rien engendré d’autre qu’une humanité avec un entonnoir sur la tête. Au passage, la Savoie était devenue française entre temps. Les biens de Joseph de Maistre et de sa famille furent confisqués et il passa le reste de sa vie à baguenauder, partant de Chambéry et passant par Lausanne, Venise et Saint-Pétersbourg, revenant toujours à Turin comme mirage du lieu de repos.





Des soirées à Saint-Pétersbourg, Joseph de Maistre en a certainement passé un grand nombre. Nous pourrions nous amuser à les compter, si nous avions un boulier à disposition. Le roi de Sardaigne l’envoie se balader en cette polaire contrée pour y exercer ses fonctions de ministre plénipotentiaire en 1802. Il passera 14 longues années à affronter de vigoureux frimas. Esthète avant tout, il n’en retiendra que les plus beaux tableaux dont un, magistral, se présente dès le premier entretien, avant de n’être plus qu’ici et là rappelé par touches.





« Rien n'est plus rare, mais rien, n'est plus enchanteur qu'une belle nuit d'été à Saint-Pétersbourg, soit que la longueur de l'hiver et la rareté de ces nuits leur donnent, en les rendant plus désirables, un charme particulier, soit que réellement, comme je le crois, elles soient plus douces et plus calmes que dans les plus beaux climats.

Le soleil qui, dans les zones tempérées, se précipite à l'occident, et ne laisse après lui qu'un crépuscule fugitif, rase ici lentement une terre dont il semble se détacher à regret. Son disque environné de vapeurs rougeâtres roule comme un char enflammé sur les sombres forêts qui couronnent l'horizon, et ses rayons, réfléchis par le vitrage des palais, donnent au spectateur l'idée d'un vaste incendie. »





Peu importe tout cela. Joseph de Maistre nous est connu en tant que contre-révolutionnaire et pour peu que nous tentions de nous intéresser de près ou de loin à cette période, nous finissons par comprendre que tous les points de vue se valent, c’est-à-dire aucun. Il devient alors urgent d’en rajouter un autre au compteur, d’autant plus que l’opinion de Joseph de Maistre au sujet de la révolution française ne court pas les rues. Ainsi donc, la révolution française serait une punition divine. Dieu aurait provoqué ce juste châtiment – mais à regret – pour redresser l’homme, l’éloigner de ses tendances peccamineuses et lui éviter dans l’au-delà de plus terribles peines et de plus insoutenables souffrances. « Les châtiments sont toujours proportionnés aux crimes, et les crimes toujours proportionnés aux connoissances du coupable ; de manière que le déluge suppose des crimes inouïs, et que ces crimes supposent des connoissances infiniment au-dessus de celles que nous possédons. » Prenez garde que Joseph de Maistre ne parle pas de révolution mais de guerre, et il affirme que la guerre est toujours juste et miséricordieuse et qu’elle ne s’abat sur nous qu’afin de nous éviter de plus terribles conséquences. Telles seraient les intentions de la Providence divine que nous serions bien incapables de comprendre et que nous serions bien mal avisés de juger. D’aucuns se sont avancés pour dire que Joseph de Maistre pensait que la révolution, toute désastreuse qu’elle fût, annonçait par sa débandade même l’avènement de l’âge d’or dont Joachim de Flore avait parlé quelques siècles plus tôt, et auxquels certains croyaient encore sur le mode temporel.





Voilà pour l’anecdote. Fort heureusement, les onze entretiens qui structurent ces Soirées ne se consacrent pas à cette seule question que nous sentons déjà, avouons-le, un peu ennuyeuse. D’ailleurs, pour éviter de décliner ce livre comme un inventaire de rubriques philosophiques, peut-être pourrions-nous dire quelques mots de sa structure narrative. Les Soirées se présentent sous forme de dialogues entre quelques personnages qui, pour notre plus grand bonheur, trouvent parfois à s’affronter sur le plan philosophique avec un art de la diplomatie admirable. Où se cache Joseph de Maistre parmi eux ? Nous le soupçonnons bien de se laisser parler par le Comte mais d’où lui viennent alors les vives objections qu’il s’oppose, et pourquoi trouve-t-il encore à se nuancer dans les petites notes en bas de page d’un éditeur factice qui n’est autre, vous l’aurez compris, que lui-même ? – mais qui sait ?





Nous sentons bien que Joseph de Maistre n’était pas tout à fait lui-même, qu’il ne savait peut-être plus très bien qui il était, et qu’il trouvait ça fameux puisqu’il a voulu le montrer jusque dans ce livre en remettant son désir de philosophe plein d’arguties aux aléas de la narration et du dialogue. La liberté que revendique l’homme, pour Joseph de Maistre, ne vaut pas grand-chose face aux lois de la Providence divine. Avant même que l’individualisme ne soit vraiment à la mode, Joseph de Maistre était déjà réactionnaire. Il s’en prend aux philosophes plus ou moins modernes (Rousseau, Voltaire, Locke) qui avouent ne vouloir révolutionner la pensée elle-même que par ennui. Contre ces raseurs, les Soirées nous enseignent plutôt l’humilité et nous invitent à revenir sur les textes et les idées qui, comme les traditions, parce qu’ils ont tous ensemble traversé les millénaires, sont peut-être plus justes que les opinions ponctuelles.





La réception de ce grand bourdonnement de pensées, la contemplation des joutes philosophiques anciennes, la tendance malgré tout inévitable de l’individu à venir foutre son grain de sel sur cette plaie vive qu’est la civilisation, ne se déroule heureusement pas sans heurts. La parole est vive, secouée, se perd en digressions fantastiques avant de revenir à la proie qu’elle avait perdu de vue et que désormais elle égorge, tout cela se faisant presque comme en riant, presque légèrement, comme s’il s’agissait surtout de passer une bonne soirée, et de se quitter encore une fois dans l’amitié. Tout cela n’avait finalement pas tellement de sens. Il suffit de se rappeler ce qui est de toute éternité pour éviter de se laisser encombrer par de nouvelles idées.

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Soirées de Saint-Pétersbourg

Le théoricien de la contre-révolution dit-on habituellement pour le présenter est un émule de La Bruyère, enfourche les théories de Burke, manie la langue française avec aisance et raffinement.



Mais ce n'est pas qu'un théoricien, sa vie et celle de sa famille le démontrent, il sait joindre les actes à la parole, qui plus est avec courage et témérité, ce qui rend le personnage sympathique. Il prévient la Terreur, la Terreur s'occupera de son cas et n'aura cure que la Savoie est un pays voisin. Il sera prié de rapatrier son pays perdu et subira la double peine en se faisant chanter : il sera dépouillé de tous ses biens familiaux au prix de son honneur..

".. Le miroir de l'intelligence c'est le nombre. De là vient le goût que nous avons pour la symétrie ; car tout être intelligent aime à placer et à reconnaître de tout côté son signe qui est l'ordre. Pourquoi des soldats en uniforme sont-ils plus agréables à la vue que l'habit commun ? Pourquoi aimons-nous mieux les voir marcher en ligne qu'à la débandade ? .."



Merveilleux homme pour l'homme qui ne croyait pas à l'homme en tant qu'individualité, mais rattaché à un groupe qui fonde pouvoir et société. Il cochera les deux cases de l'échiquier et sera un grand ésotériste. De nombreux écrivains s'inspireront de lui, il sera donc un homme d'influence, de grande influence qu'on ne voit pas parce que les préceptes de la révolution française guident toujours nos esprits et sera frappé d'un certain ostracisme. Mais ce genre de grand esprit revient à nous comme le balancier de l'histoire ..
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Considérations sur la France

Un livre intéressant pour son côté historique, la vision d'un "anti" révolutionnaire, qui ne jure que par les fondements de la monarchie chrétienne, et considère la révolution comme une erreur commise par des voyous et des sanguinaires, il dénonce tous les excès de la terreur, ce en quoi on ne peut le blâmer. On y voit toute la place qu'avait à cette époque la place de l'église, vision très intéressante qui prend le contre pied de tous ce qui est généralement écrit et admis sur cette période.
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Oeuvres

Quel joie de retrouver enfin en un seul volume l’essentiel des textes de ce bon vieux Joseph de Maistre, dont la pensée aujourd’hui encore garde une puissance corrosive encore peu égalée. La fougue de son style inimitable en on fait le soldat de l’Esprit-Saint face aux déchaînements de la Révolution régicide, déicide et infanticide. C’est comme cela tout du moins, qu’on l’a souvent présenté, la réalité étant bien sûr beaucoup plus complexe que cela. Mais c’est à croire que De Maistre bouillait d’envie d’en découdre avec les penseurs des Lumières, lui qui les connaissaient si bien dans le texte pour les avoir longuement étudié, afin de n’en retenir que ce qu’il fallait pour mieux les abattre doctrinalement. L’édition et le travail de Pierre Glaudes sont un régal, difficile de faire mieux actuellement sur ce personnage si atypique et essentiel de la pensée contre-révolutionnaire.
Lien : https://thedude524.com/2014/..
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Contre Rousseau : De l'état de nature

Une réponse décousue au discours de Rousseau, mais qui a le mérite, elle, de mettre fin à la pignolade philosophique et d'entrer vraiment dans le sérieux.
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Considérations sur la France

Joseph de Maistre est un philosophe qui ne croit pas du tout à la pérennité ni même à la légalité de la République. Pour lui ce régime n'est pas un état naturel des sociétés humaines. Il en veut pour preuve l'histoire longue des peuples qui vécurent depuis la nuit des temps sous la tutelle des rois et des nobles et à de très courtes périodes sous des républiques. Ce régime prétend donner la parole au peuple. En fait, le peuple doit se contenter de déléguer, c'est à dire à procéder à un transfert de pouvoir au profit d'une minorité (oligarchie ou ploutocratie) par le biais du suffrage et de l'élection. Il signe un chèque en blanc ou donne carte blanche à ses représentants. Pour de Maistre, le peuple se retrouve en réalité encore plus sujet que sous la monarchie.

Joseph de Maistre est un penseur et un politologue ouvertement royaliste. Sa condamnation de la Révolution est sans appel. Il la dit « radicalement mauvaise ». « C'est le plus haut degré de corruption connu ; c'est de la pure impureté. » dit-il. Il y voit même une certaine forme de satanisme et d'anticléricalisme bien décidé à éradiquer à tout jamais le christianisme. Esprit caustique et critique et analyste sévère, il se montre souvent visionnaire, même s'il se laisse aller à quelques erreurs : ainsi n'imagine-t-il pas possible que la ville de Washington, créée de toutes pièces, puisse un jour devenir le siège du pouvoir central aux Etats-Unis... Livre à lire si on s'intéresse à tous les courants de pensée politique. Des analystes fulgurantes dont on n'est pas obligé de partager les conclusions.
Lien : http://www.etpourquoidonc.fr/
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Considérations sur la France

Il y a chez Joseph de Maistre cette folie médiévale de la passion d’autant plus éclatante chez lui qu’aucune de ses prévisions ou presque ne s’est jamais réalisée. Il fut un de ces visionnaires aveugles, un de ces prophètes de l’erreur grâce auxquels l’humanité ressemble si exactement à ce qu’elle est : une horde aveugle et imprévisible.
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Joseph de maistre

Acteur au regard incisif lors d’une époque charnière, il fut contemporain de la Révolution Française et du premier Empire.

Cioran remet au goût du jour ce grand défenseur du conservatisme. Monarchiste, franc-maçon, partisan immodéré de la religion catholique, il fait déjà le procès du progrès à tous crins. Le soi-disant modernisme capable de nous réinventer les valeurs du futur en jetant aux orties celles qui ont bâti la France durant des siècles.

Il fait ainsi l’éloge du bourreau, de l’inquisition, accusant la réforme (Luther) du mal qui ronge la société et qui a fait naître la révolution de 1789 dans l’esprit d’un peuple qui ne doit et ne peut être gouverné que par un souverain doté de droits divins.

Le germe de l’Europe des nations de Brest à l’Oural vient enrichir ses propos alors que ses divagations d’intellectuel insomniaque durant ces interminables Nuits de Saint-Pétersbourg n’en demeurent pas moins très actuelles. Chassé par la Convention de la Savoie annexée en 1792 précédemment partie intégrante du royaume de Sardaigne, Joseph de Maistre sera spolié de ses biens et devra franchir les Alpes pour trouver refuge dans le Piémont. Il deviendra administrateur et ambassadeur de la couronne de Sardaigne. Son exil le conduira successivement de Turin à Cagliari, puis Lausanne et enfin Saint- Pétersbourg où il suivra les tribulations de Napoléon au côté de la noblesse russe.

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